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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1667/2018

ATAS/1310/2021 du 17.12.2021 ( ARBIT )

En fait

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1667/2018 ATAS/1310/2021

TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES

 

Arrêt incident du 17 décembre 2021

En la cause

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA, sise rue des Cèdres 5, Martigny,

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA, sise rue des Cèdres 5, 1920 Martigny,

PHILOS ASSURANCE MALADIE SA, sise rue des Cèdres 5, Martigny,

SUPRA-1846 SA, sise rue des Cèdres 5, Martigny,

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA, sise Rue des Cèdres 5, Martigny,

GROUPE MUTUEL, sise rue des Cèdres 5, Martigny

Toutes représentées par GROUPE MUTUEL, sis rue des Cèdres 5, Martigny

 

demanderesses

contre

Docteur A______, domicilié au 1212 Grand-Lancy

 

défendeur

EN FAIT

Vu la demande de AVENIR ASSURANCE MALADIE SA, EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA, MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA, PHILOS ASSURANCE MALADIE SA, SUPRA-1846 SA, représentées par GROUPE MUTUEL, ASSOCIATION D'ASSUREURS (aujourd'hui : GROUPE MUTUEL SERVICES SA), déposée le 15 mai 2018 contre le Docteur A______, en paiement de CHF 2'539'569.799 avec intérêts à 5% l’an, pour des prestations facturées sans droit par Monsieur B______ en qualité de médecin non autorisé à pratiquer en Suisse, avec le numéro EAN et RCC du défendeur, entre le 1er septembre 2011 et fin février 2018 ;

Vu l'ordonnance du 9 novembre 2018 par laquelle le Tribunal a suspendu l'instruction de la cause jusqu'à droit connu dans la procédure pénale P/865/2017 ;

Vu le courrier du 11 août 2021 par lequel les demanderesses ont requis la reprise de l'instruction de la cause, compte tenu d'un jugement du Tribunal correctionnel de Genève du 5 février 2020 (« entré en force et exécutoire », compte tenu de la renonciation du Docteur A______, par courrier de son mandataire du 26 mai 2020, de faire appel);

Vu ledit jugement (produit dans son intégralité et non pas seulement son dispositif comme indiqué dans ledit courrier) déclarant le Docteur A______ et Monsieur B______ coupables de faux dans les titres, respectivement d’escroquerie et d’escroquerie par métier, au motif, pour le premier qu’il avait su et accepté à tout le moins depuis 2011 que le second utilisât son code RCC et se fît passer pour lui auprès de tiers ;

Vu ledit jugement par lequel le Tribunal correctionnel a également admis les conclusions civiles d’ASSURA-BASIS SA dans leur principe, renvoyé cette dernière à agir par la voie civile, et condamné conjointement et solidairement ces derniers à verser les montants suivants :

- CHF 154'158.65 à AVENIR ASSURANCE MALADIE SA, avec intérêts à 5% dès le 5 février 2020 ;

- CHF 254'431.05 à EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA, avec intérêts à 5% dès le 5 février 2020 ;

- CHF 2'142'598.30 à MUTUEL ASSURANCES MALADIE SA, avec intérêts à 5% dès le 5 février 2020 ;

- CHF 236'952.85 à PHILOS ASSURANCE MALADIE SA, avec intérêts à 5% dès le 5 février 2020 ;

- CHF 109'612.25 à SUPRA-1846 SA, avec intérêts à 5% dès le 5 février 2020 ;

Vu les conclusions des demanderesses tendant à ce que le défendeur soit condamné à leur rembourser lesdits montants, dans la mesure où la procédure pénale avait "établi que la facturation litigieuse, émise avec le numéro de code créancier du défendeur, ne respectait pas les exigences d'une prise en charge par l'assurance obligatoire des soins" ;

Vu l’ordonnance de reprise de la procédure du 27 août 2021 ;

Vu le courrier du 28 septembre 2021 par lequel le Docteur A______, par l’intermédiaire de sa fille, C______, s’est opposé à la reprise de l’instruction de la cause, au motif que le jugement du Tribunal correctionnel du 5 février 2020 n’était pas entré en force et ne lui était dès lors pas opposable, en application des art. 392 CPP et 103 al. 2 let. b LTF, dans la mesure où il avait fait l’objet d’un recours déposé par Monsieur B______ devant le Tribunal fédéral ;

Vu le courrier du 30 septembre 2021 par lequel le Tribunal de céans a requis de la demanderesse une copie de l’accusé de réception dudit recours par le Tribunal fédéral ;

Vu le courrier du 19 octobre 2021 par lequel les demanderesses ont conclu à la poursuite de l’instruction de la cause en indiquant que le « dispositif du jugement d’appel » (sans précision) admettait partiellement l’appel formé par Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal correctionnel rendu le 5 février 2020 et annulait ce jugement uniquement en ce qui concernait ce dernier ;

Vu ce même courrier par lequel les demanderesses ont indiqué ne pas avoir reçu, pour l’heure, copie dudit recours et n’avoir pas dû se déterminer quant à son contenu ;

Vu l’avis de réception du Tribunal fédéral du 31 mai 2021, joint audit courrier, d’où il ressort que Monsieur B______ a recouru le 26 mai 2021 contre un arrêt de la Chambre pénale d’appel et de révision, du 19 avril 2021 (P/857/2017 AARP/108/2021), recours enregistré sous le numéro de cause 6B_625/2021 ;

Vu le courrier du 25 octobre 2021 par lequel les demanderesses ont communiqué un courrier du Tribunal correctionnel du 22 octobre 2021 indiquant que le jugement du Tribunal correctionnel du 5 février 2020 avait fait l’objet d’un appel des deux prévenus et que Monsieur A______ avait retiré son appel auprès de la Chambre pénale et de révision le 26 mai 2020, si bien que ledit jugement était entré en force concernant ce dernier, uniquement ;

Vu le nouvel exemplaire dudit jugement portant, cette fois, la mention « exécutoire » (cf. p. 79), annexé audit courrier ;

Vu le courrier du 16 novembre 2021 par lequel le Docteur A______ a déclaré s’en rapporter à justice s’agissant de la « suite donnée aux derniers courriers de Groupe Mutuel ainsi que dans la présente affaire » ;

Vu l’arrêt de la Chambre pénale d’appel et de révision, du 19 avril 2021 (communiqué le 3 décembre 2021 par les demanderesses suite aux demandes du Tribunal des 15 octobre et 22 novembre 2021), déclarant Monsieur B______ coupable en particulier d’escroquerie par métier et faux dans les titres pour avoir, entre 2009 et 2018, créé et utilisé des factures et des ordonnances faisant référence aux codes RCC des docteurs A______, D______ et E______, afin de faire croire aux assurances-maladie que les prestations effectuées par lui étaient fournies par des tiers autorisés à exercer la médecine en Suisse (point sur lequel le premier jugement a été confirmé) ;

Vu l’argumentation de Monsieur B______ contestant avoir commis aucune escroquerie, motif pris qu’il n’avait jamais caché son identité et que la réalité de ses prestations n’avait jamais été remise en doute ;

Vu l’admission, sur le principe, des conclusions civiles des parties plaignantes, celles-ci étant pour le surplus renvoyées à agir par la voie civile ;

ET CONSIDERANT EN DROIT

Que conformément à l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal, RS 832.10), les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par un Tribunal arbitral ; 

Que la compétence du Tribunal de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie ;

Qu'aux termes de l'art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ; RS E 5 10), la procédure peut être suspendue lorsque son sort dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative pendante devant une autre autorité, jusqu'à droit connu sur ces questions ;

Que selon l'art. 392 al. 1 CPP, lorsque, dans une même procédure, un recours a été interjeté par certains des prévenus ou des condamnés seulement et qu'il a été admis, la décision attaquée est annulée ou modifiée également en faveur de ceux qui n'ont pas interjeté recours si l'autorité de recours juge différemment les faits (let. a) et si les considérants valent aussi pour les autres personnes impliquées (let. b) ;

Que la juridiction d'appel étendra ainsi son jugement aux autres prévenus si elle juge les éléments constitutifs objectifs, éventuellement les conditions de la poursuite pénale et les empêchements de procéder, différemment de l'autorité précédente. C'est le cas, par exemple, si elle constate que les drogues présumées étaient en réalité de la poudre à lessive ordinaire, que la plainte pénale n'était pas valable ou que l'infraction était prescrite (SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 3e éd. 2018, n° 4 ad art. 392 CPP). Si, en revanche, elle apprécie différemment les éléments de nature subjective tels que la dangerosité particulière, la circonstance aggravante du métier, ainsi que la culpabilité lors de la fixation de la peine (art. 47 CP), toute extension aux autres prévenus sera exclue, puisque ces éléments ne valent pas pour les autres personnes impliquées (art. 392 al. 1 let. b CPP) ;

Que la portée de la première condition, prévue à l'art. 392 al. 1 let. a CPP ("si l'autorité de recours juge différemment les faits"), a donné lieu à des interprétations différentes en doctrine ;

Que, pour certains auteurs, l'art. 392 CPP s'applique uniquement si la juridiction d'appel établit les faits de manière différente que l'autorité précédente, mais non si elle qualifie ceux-ci différemment (SCHMID/JOSITSCH, op. cit., n° 6 ad art. 392 CPP; SARA SCHÖDLER, Dritte im Beschlagnahme- und Einziehungsverfahren, 2012, p. 186; VIKTOR LIEBER, in Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 3e éd., 2020, n° 3 ad art. 392 CPP). Ainsi, pour ces auteurs, la prescription ne s'étendra aux prévenus qui n'ont pas recouru que si elle est liée à un état de fait différent de la première décision (SCHMID/JOSITSCH, op. cit., n° 6 ad art. 392 CPP) ;

Que, selon d'autres auteurs, cette disposition doit en revanche être appliquée lorsque la juridiction d'appel apprécie l'état de fait différemment au niveau du droit et/ou des faits (ZIEGLER/KELLER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd., 2014, n° 2 ad art. 392 CPP; FRANZ RIKLIN, StPO Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung mit JStPO, StBOG und weiteren Erlassen, 2e éd., 2014, n° 1 ad art. 392 CPP; MICHAEL DAPHINOFF, Das Strafbefehlsverfahren in der Schweizerischen Strafprozessordnung, 2012, p. 728). Ces auteurs relèvent que l'énoncé légal de l'art. 392 al. 1 CPP (" l'autorité de recours juge différemment les faits ") ne vise pas seulement l'établissement des faits, mais aussi l'appréciation juridique de ceux-ci (ZIEGLER/KELLER, op. cit., n° 2 ad art. 392 CPP, note en bas de page 13). En outre, à leurs yeux, toute solution contraire conduirait à des problèmes de délimitation délicats (ZIEGLER/KELLER, loc.cit.; RIKLIN, loc. cit.) ;

Que, dans un récent arrêt de principe du 6B_1476/2020/6B_48/2021 du 28 octobre 2021 (publication ATF prévue), le Tribunal fédéral a jugé qu’il fallait admettre que l'art. 392 CPP ne visait qu'à corriger les faits sur lesquels un jugement est fondé. Il ne sera pas applicable si l'autorité de recours se fonde sur les mêmes faits, mais qu'elle qualifie ceux-ci de manière différente. La requalification juridique ne conduisait donc pas à l'extension de la décision attaquée aux autres prévenus (consid. 7.3.4) ;

Qu’il s’ensuit que l’art. 392 CPP ne sera applicable que pour autant que le Tribunal fédéral statue sur la base d’un état de fait différent de l’arrêt de la Chambre pénale d’appel et de révision du 19 avril 2021, respectivement du jugement du Tribunal correctionnel de Genève du 5 février 2020 ;

Qu’en l’espèce, Monsieur B______ a contesté, devant la Chambre pénale d’appel et de révision, avoir commis une escroquerie, motif pris qu’il n’avait jamais caché son identité et que la réalité de ses prestations n’avait jamais été remise en doute ;

Qu’on ne peut ainsi d’emblée exclure que le Tribunal fédéral statue sur un état de fait différent que celui de l’instance pénale précédente (et cela quand bien même le Tribunal fédéral ne peut examiner que de manière limitée l’état de fait tenu pour prouvé par cette dernière) ;

Que Monsieur B______ ayant saisi le 26 mai 2021 le Tribunal fédéral, ce dernier devrait statuer prochainement ;

Qu’on observera, au demeurant, que les demanderesses n’ont pas fait valoir, à juste titre, qu’une nouvelle suspension de la cause emporterait violation du principe de célérité en l’espèce ;

Qu’en particulier, celles-ci ont requis la reprise de la procédure le 11 août 2021 seulement, alors que le Docteur A______ avait retiré depuis le 26 mai 2020 son appel contre le jugement du Tribunal correctionnel du 5 février 2020 ;

Qu'il y a dès lors lieu de suspendre, en opportunité du moins, la présente procédure jusqu'à droit définitivement jugé au fond dans la procédure pénale 6B_625/2021 ;

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DES ASSURANCES :

Statuant préparatoirement sur incident

 

1.      Suspend l'instruction de la cause A/1667/2018 jusqu'à droit définitivement jugé au fond dans la procédure pénale n° 6B_625/2021 pendante devant le Tribunal fédéral ;

2.       Invite les parties à informer le tribunal de céans de l'issue de ladite procédure sitôt connue ;

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

Le président suppléant

 

 

 

 

Jean-Louis BERARDI

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le