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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4080/2020

ATAS/1245/2021 du 02.12.2021 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4080/2020 ATAS/1245/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 décembre 2021

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à PERLY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Thierry STICHER

 

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS – SUVA ; Division juridique, Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A.      a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né en 1974, titulaire d'un certificat fédéral de capacité (CFC) d'employé de commerce, a travaillé à compter de mai 2001 au sein de l'entreprise B______ Sàrl (ci-après : B______), en qualité d'agent technico-commercial et, à ce titre, était assuré contre le risque d'accidents, professionnels ou non, auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l'assurance). B______, qui est une entreprise d'entretien et de nettoyage de surfaces et conduites de ventilations et climatisations, était dirigée par le père de l'assuré.

b. Le 11 décembre 2001, l'assuré a été victime d'un accident de la circulation qui lui a occasionné des fractures multi-fragmentaires de la rotule droite et du poignet droit qui ont entraîné une incapacité de travail. La SUVA a pris en charge le cas.

c. L'assuré a été mis au bénéfice, à partir du 1er mars 2004, d'une rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 28%, calculé selon la méthode ordinaire de comparaison pour une personne active (cf. décision du 4 octobre 2004). L'assurance a comparé le revenu qu’aurait réalisé l’assuré sans invalidité, soit CHF 5'939.- selon les projections de salaires pour 2004 réalisées par le père de l’intéressé (et son employeur), à celui qu’il pourrait obtenir dans un poste adapté à ses limitations fonctionnelles, soit CHF 4'300.- (cf. décision du 4 octobre 2004 ; résumé des documents déterminants pour la fixation de la rente du 22 septembre 2004).

d. Après plusieurs périodes de chômage, l'assuré a travaillé, de 2006 à 2009, comme conducteur de bateau pour la société C______, avant de retourner chez B______ en 2010 (cf. extrait du compte individuel).

e. Le 2 octobre 2014, l'assuré a été victime d’une rechute. B______ a alors déclaré à l'assurance un salaire mensuel de base de CHF 3'000.-, en plus de CHF 15'000.- de commissions sur affaires (cf. déclaration de sinistre du 14 octobre 2014). La SUVA a pris en charge le cas.

L'assuré a séjourné, du 3 avril au 12 mai 2015, à la CLINIQUE ROMANDE DE RÉADAPTATION (CRR). Il a expliqué que son activité auprès de B______ consistait à démarcher les clients pour vendre un système de nettoyage de gaines de ventilation. Il estimait à 40% la part dévolue au travail de représentation et d'administration et à 60% celle consacrée au travail d'analyse. Il recevait un salaire d’environ CHF 4'800.-, susceptible de changer en fonction des commissions qu'il touchait sur les ventes. Une reprise progressive du travail chez B______ était prévue à la fin du séjour (cf. rapport du 16 avril 2015 de la CRR).

f. L'assuré a déclaré à l’assurance avoir retrouvé une capacité de travail entière dès le 13 juillet 2015 (cf. notice téléphonique du 4 août 2015).

g. En février 2020, la SUVA a réexaminé le droit à la rente. Elle a questionné l'assuré sur sa situation et requis un extrait de son compte individuel AVS. Elle a également questionné l’employeur sur le salaire qu'aurait obtenu l'assuré en 2018, 2019 et 2020, s'il n'avait pas été victime de l'accident. B______ a répondu que l'assuré ne travaillait plus pour elle depuis plusieurs années, mais que si cela avait été le cas, ses gains seraient similaires à ceux annoncés en 2014, soit un salaire mensuel de base de CHF 3'000.-, plus une commission d'environ CHF 15'000.-.

Sans nouvelles de l'assuré malgré deux rappels, l'assurance a suspendu le versement de la rente.

Par courriel du 16 juillet 2020, l'assuré a affirmé à la SUVA lui avoir transmis tous les documents utiles ; son état de santé ne s'était pas amélioré, au contraire, il s'était dégradé avec les années.

B.       Par décision du 31 juillet 2020, la SUVA a mis un terme au versement de la rente d'invalidité avec effet au 1er juin 2020.

Depuis le 1er décembre 2016, l'assuré était employé à plein temps auprès des D______ (D______) et le salaire annuel déclaré à l'AVS pour 2019 était de l'ordre de CHF 84'710.-. L’assuré ne subissait donc plus de perte économique, puisque selon les déclarations de B______, s'il n'avait pas eu d’accident et avait continué à travailler pour elle, son revenu n'aurait pas dépassé 60'000.- CHF/an. L'assuré ayant omis de lui annoncer son changement de situation professionnelle en 2017, l'assurance estimait être en droit de réclamer les montants indûment touchés, mais y renonçait.

Cette décision a été confirmée sur opposition le 5 novembre 2020.

C.      a. Par acte du 3 décembre 2020, complété le 4 mars 2021, l'assuré a interjeté recours contre cette décision en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et au maintien de la rente. Il conteste les revenus avant et après invalidité retenus par l'intimée, à laquelle il reproche de n’avoir pas pris en compte tous les éléments nécessaires à leur fixation.

Le recourant demande l'audition de son père, Monsieur E______, associé-gérant de B______, ainsi que celle de son beau-frère, Monsieur F______, actuel directeur de la société et demande que soient requis, en mains de B______ ou de son père, tous les documents attestant du revenu du chef d'entreprise de 2017 à 2019.

b. Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu au rejet du recours. Elle estime qu'aucun indice concret rendant très vraisemblable l'augmentation du revenu sans invalidité du recourant n’a été apporté.

c. Interrogé par la Cour de céans, Monsieur E______, actuellement à la retraite, a expliqué avoir été à l'époque seul responsable de B______. Selon lui, Monsieur F______ (actuel directeur de l'entreprise) ne serait pas apte à répondre aux questions de la Cour. Reprendre une entreprise nécessite une formation sur ses différentes spécificités, ainsi qu'une expérience de plusieurs années. Avant l'accident, son fils était chargé de développer la prospection dans l'ensemble de la Suisse romande. Son accident n'a pas seulement stoppé sa formation, mais également le projet de développement de l'entreprise et la progression du chiffre d’affaires. A la question de savoir si, sans l'accident, son fils aurait repris l'entreprise familiale, M. E______ répond : « Je n'ai aucune raison de penser qu'il ne serait pas arrivé à ses fins ». Le revenu du patron d'une entreprise dépend du chiffre d'affaires. S’agissant de son entreprise, le projet était de doubler ou tripler le nombre de clients. Dans cette hypothèse, un revenu de CHF 15'000.- n'était pas exagéré. Au moment de l'accident la conjoncture était très favorable pour le développement de l'entreprise. Si son fils était resté au même poste que celui qu'il occupait à ce moment-là, son revenu aurait suivi la même courbe de progression. A l’époque, un technico-commercial recevait 10% pour chaque affaire décrochée. Le recourant aurait été le seul représentant pour la région genevoise.

d. Également interrogé, Monsieur F______ a indiqué ne pouvoir répondre, au motif qu’il était simplement employé au moment de l'accident, et a renvoyé la Cour aux déclarations du père du recourant.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était alors déjà pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

4.        Le litige porte sur le droit du recourant au maintien de sa rente invalidité, singulièrement sur son taux d'invalidité.

5.        Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

6.        a. Selon l'art. 18 al. 1 LAA, si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité.

Il sied de préciser que la notion d'invalidité définie à l'art. 8 LPGA, est en principe identique en matière d'assurance-accidents, d'assurance militaire et d'assurance-invalidité (ATF 126 V 288 consid. 2d). L'art. 8 LPGA énonce qu’est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA).

b. Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

7.        Selon l'art. 17 LPGA, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée (al. 1). De même, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement (al. 2).

La rente d’invalidité (art. 18 al. 1 LAA) peut être révisée à la suite d’une modification notable du taux d’invalidité (art. 17 al. 1 LPGA). Cette modification peut concerner aussi bien l’état de santé que les conséquences économiques d’un état de santé demeuré en soi inchangé (ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision de celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment où la dernière décision après examen matériel des conditions du droit à la rente a été rendue et les circonstances au moment de la décision de révision (ATF 133 V 1008 consid. 5.4).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.        a. Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). Pour procéder à cette comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente. Les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

b. Le Conseil fédéral règle l'évaluation du degré de l'invalidité dans des cas spéciaux. Il peut à cette occasion déroger à l'art. 16 LPGA (art. 18 al. 2 LAA). Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a ainsi adopté l'art. 28 al. 1 OLAA. D'après cette disposition réglementaire, si une invalidité consécutive à un accident couvert par l'assurance a empêché l'assuré soit d'entreprendre une formation professionnelle dont il prouve qu'elle était envisagée et conforme à ses aptitudes, soit d'achever une formation en cours, le revenu déterminant pour l'évaluation de l'invalidité est celui que l'assuré aurait pu réaliser dans la profession considérée s'il n'était pas invalide.

Selon la jurisprudence, le revenu que pourrait réaliser l'assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel ou d'avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu'elles se seraient réalisées. Cela pourra être le cas lorsque l'employeur a laissé entrevoir une telle perspective d'avancement ou a donné des assurances dans ce sens. En revanche, de simples déclarations d'intention de l'assuré ne suffisent pas ; l'intention de progresser sur le plan professionnel doit s'être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d'un cours, le début d'études ou la passation d'examens (arrêts du Tribunal fédéral 8C_839/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.2.2.2 ; 8C_938/2009 du 23 septembre 2010 consid. 6.2 ; 8C_530+533/2009 du 1er décembre 2009 consid. 7.2). Ces principes s'appliquent aussi dans le cas de jeunes assurés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_550+677/2009 du 12 novembre 2009, in SVR 2010 UV n° 13 p. 52 consid. 4.2). Le point de savoir si le salaire réel aurait augmenté grâce à un développement des capacités professionnelles individuelles, notamment un changement de profession, doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 87/05 du 13 septembre 2005, in RAMA 2006 no U 568 p. 67 consid. 2 ; U 110/92 du 2 avril 1993, in RAMA 1993 n° U 168 p. 101 consid. 3b).

c. Dans la procédure de révision, à la différence de la procédure initiale à l'issue de laquelle le droit à la rente est déterminé pour la première fois, le parcours professionnel effectivement suivi entre-temps par la personne assurée est connu. Celui-ci permet éventuellement - à la différence toujours de l'octroi initial de la rente - de faire des déductions (supplémentaires) quant à l'évolution professionnelle et salariale hypothétique sans atteinte à la santé. Pour examiner alors ce que la personne assurée aurait atteint sur le plan professionnel et salarial sans atteinte à la santé ou de quelle manière son salaire se serait développé, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances survenues jusqu'au moment de la révision (ATF 139 V 28 consid. 3.3.3.2 i. f. p. 31; arrêt 8C_564/2013 du 17 octobre 2013 consid. 6.1 et les références).

Selon la jurisprudence, il est aussi possible de tirer du parcours professionnel de la personne invalide des conséquences quant à l'évolution hypothétique qui serait survenue sans l'atteinte à la santé lorsque la personne assurée a continué à exercer la même activité après l'événement invalidant. On ne saurait toutefois, sans autres raisons, déduire du succès d'une carrière professionnelle poursuivie après l'invalidité, singulièrement d'une amélioration effective des revenus, que l'assuré aurait aussi occupé une position semblable sans invalidité dans le domaine professionnel habituel. Une telle évolution positive peut en effet résulter de circonstances favorables indépendantes des compétences professionnelles de l'assuré. Ce qui est déterminant, c'est l'ensemble des circonstances jusqu'au moment de la révision. Si depuis la décision initiale de rente la personne assurée a démontré des qualifications professionnelles particulières, que ce soit en raison d'une formation continue ou d'un engagement important et que cela a eu des répercussions sur le salaire d'invalide, il s'agit d'un indice important que l'assuré qui a continué à exercer la même activité après l'atteinte à la santé aurait connu une évolution équivalente s'il était resté en bonne santé (RAMA 2005 n° U 533 p. 40 [U 339/03]; arrêts I 47/04 du 6 décembre 2004 consid. 1.2.2 et 9C_607/2012 du 17 avril 2013 consid. 3; voir aussi arrêt 8C_255/2010 du 16 novembre 2010 consid. 2).

En principe, pour le revenu sans invalidité, dès lors qu'ils tiennent mieux compte des différentes catégories d'activités que les statistiques salariales, les salaires fixés par convention collective de travail sont mieux à même de respecter le principe selon lequel le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible (arrêts du Tribunal fédéral 8C_778/2017 du 25 avril 208 consid. 4.4 [LAA] ; 8C_779/2018 consid. 4.3 [LAI]).

Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) éditées par l'Office fédéral de la statistique. Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

c. Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). En ce sens, la référence aux données de l'ESS constitue une ultima ratio (ATF 142 V 178 consid. 2.5.7).

Ainsi, lorsque l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu'elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d'éléments de salaire social, c'est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte comme revenu après invalidité (ATF 142 V 178 consid. 2.5.7).

Exceptionnellement, le salaire effectivement réalisé peut être converti afin qu'il corresponde au taux d'occupation, pour autant que l'assuré ne réalise pas entièrement le taux d'occupation effectivement exigible de sa part et qu'une augmentation du taux d'occupation soit possible (voir les arrêts du Tribunal fédéral 8C_7/2014 du 10 juillet 2014 ; 9C_720/2012 du 11 février 2013, 8C_579/2009 du 6 janvier 2010 et 8C_25/2010 du 21 mai 2010 par exemple).

Tant pour les personnes salariées que pour celles de condition indépendante, on peut se référer aux revenus figurant dans l'extrait du compte individuel de l'assurance-vieillesse et survivants (ci-après: AVS) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_9/2009 du 10 novembre 2009, in SVR 2010 IV n° 26 p. 79 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_771/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.6). En effet, l'art. 25 al. 1 RAI établit un parallèle entre le revenu soumis à cotisation à l'AVS et le revenu à prendre en considération pour l'évaluation de l'invalidité ; le parallèle n'a toutefois pas valeur absolue (arrêt 8C_748/2008 du 10 juin 2009 consid. 5.2.1). Cette réglementation est applicable par analogie dans le domaine de l'assurance-accidents, dès lors que la notion d'invalidité y est la même que dans l'assurance-invalidité (cf. ATF 133 V 549 consid. 6.1 p. 553).

10.    a. En l'espèce, dans le cadre de la révision du dossier du recourant, l'intimée a découvert qu'il travaillait aux D______ depuis décembre 2016. Elle estime que le salaire qui est désormais le sien dans cette entreprise est supérieur à celui qu'il aurait pu réaliser s'il n'avait pas eu d’accident et qu’il ne subit plus aucune perte de gain.

b. Le recourant conteste cette position, faisant valoir que l'intimée n'aurait pas pris en compte tous les éléments nécessaires à la détermination de ses revenus avant et après invalidité.

S'agissant du revenu d'invalide, il reproche à l’intimée de prendre pour seule référence l'année 2019, alors que son revenu au sein des D______ varie en fonction des heures supplémentaires effectuées ou des heures de travail majorées. Selon lui, il conviendrait de retenir une moyenne des trois dernières années complètes (2017 à 2019), ce qui conduit à un revenu annuel de CHF 78'483.-.

Quant au revenu avant invalidité, il soutient qu’il aurait évolué depuis 2014. Il explique qu'avant son accident, il était prévu qu'il reprenne la direction de l'entreprise qui appartenait à son père, ce qui n'a pas été possible en raison de son état de santé ; c'est aujourd'hui son beau-frère qui a repris ce poste. Dans le cadre de cette activité de chef d'entreprise, il aurait perçu un revenu nettement supérieur à celui qu’il reçoit aux D______. Il préconise de se baser sur le revenu statistique pour une activité de directeur d'entreprise selon l’ESS (2016, TA1 secteur privé, niveau de qualification 4, secteur de la construction), soit un montant annuel de CHF 105'372.-, ce qui conduirait à un taux d'invalidité de 25,51%.

A titre subsidiaire, si la Cour de céans ne devait pas retenir le salaire de chef d'entreprise, il argue qu’il conviendrait de se baser sur le revenu réalisé en tant que salarié dans l'entreprise familiale. Celui-ci aurait été composé d'une base fixe de CHF 60'000.- et d'une part variable, sous forme de commissions, estimées par B______ à CHF 40'000.- en moyenne, soit un total de 100'000.- CHF/an. En résulterait un taux d'invalidité de 21,52%.

11.    a. Dans la mesure où il s'agit d’une révision de la rente, il convient de comparer la situation prévalant au moment où la dernière décision après examen matériel des conditions du droit à la rente a été rendue, en 2004, à celle de 2020, date de la décision litigieuse, afin de vérifier si une modification notable du taux d'invalidité est intervenue.

b. À titre liminaire, la Cour de céans constate que l'état de santé du recourant n'est pas litigieux. Seule la question de sa perte de gain est discutée par les parties.

12.    Avant de rendre sa décision initiale de rente, l’intimée a questionné B______ quant au revenu que l'intéressé aurait pu obtenir en 2004, s'il n'avait pas eu d’accident. Le père du recourant, directeur de la société, a répondu que son fils, qui gagnait 3'720.- CHF/mois en 2001, aurait obtenu un revenu de 4'217.- CHF/mois en 2002, de 4'777.- CHF/mois en 2003 et de 5'939.-CHF/mois en 2004 (cf. rapport d'enquête de la SUVA du 30 avril 2004).

C'est ce dernier montant qui a été retenu par l'intimée à titre de revenu sans invalidité. La comparaison au revenu d'invalide de CHF 4'300.- (salaire qu’aurait pu obtenir la même année l’intéressé dans un poste adapté à ses limitations) conduisit à un taux d'invalidité de 28% (cf. décision du 4 octobre 2004).

Il sied de relever que ce taux n'a jamais fait l'objet d'aucune contestation de la part du recourant.

13.    En 2020, l'intimée a recalculé le taux d'invalidité du recourant.

Pour déterminer le revenu sans invalidité, elle s'est directement renseignée auprès de B______, qui lui a indiqué que si le recourant avait continué à travailler pour elle, ses gains auraient consisté en un salaire de base de 3'000.- CHF/mois, plus une commission de CHF 15'000.-. Sur la base de cette déclaration, l'intimée a retenu un revenu sans invalidité maximum de 60'000.- CHF/an.

Or, en procédant de la sorte, l'intimée s'est en réalité fondée sur le salaire réalisé par le recourant en 2014, postérieurement à l'accident et influencé par l'atteinte à la santé en résultant.

14.    Le recourant, quant à lui, estime qu'il conviendrait de prendre en compte un revenu de chef d'entreprise, puisqu’il était prévu qu'il reprenne la direction de la société. En d’autres termes, il demande à ce que l’on prenne en considération l’avancement professionnel qui aurait été le sien pour fixer le revenu qu'il aurait pu réaliser s'il n’avait pas été atteint dans sa santé. Il convient donc, conformément à la jurisprudence citée supra, d'examiner s'il existe des indices concrets rendant très vraisemblable que, sans l'accident, le recourant aurait effectivement repris la direction de l'entreprise et obtenu un revenu supérieur.

D'emblée, il convient de rappeler qu'en droit des assurances sociales s'applique la règle de preuve selon laquelle les déclarations dites de la « première heure » sont en général plus objectives et plus fiables que des explications données par la suite, qui peuvent être influencées consciemment ou non par des réflexions subséquentes, inspirées par le droit des assurances ou d'une autre manière (ATF 121 V 45 consid.  2a et 115 V 133 consid. 8c ; RAMA 2004 p. 418 consid. 1.2).

Or, l'on constate que le recourant n’a évoqué le fait qu'il était prévu qu'il reprenne la direction de l'entreprise familiale que dans le complément à son recours. Jamais auparavant il n’y avait fait allusion, ni lors de la fixation initiale de sa rente, en 2004, ni lors des révisions subséquentes de son droit en 2007, 2011 et 2014, ni dans son opposition du 31 juillet 2020, ni même dans ses premières écritures de recours. Ce n'est qu’une fois représenté par un avocat qu’il a avancé pour la première fois cet argument.

Par ailleurs, il ressort du dossier qu'au moment de l’accident, en décembre 2001, le recourant ne travaillait pour B______ que depuis quelques mois (mai 2001). Auparavant, il avait été employé par les SERVICE INDUSTRIELS GENEVOIS, puis LA BALOISE ASSURANCE (cf. extrait du compte individuel). Il semble ainsi peu probable qu’il ait d’ores et déjà été décidé, quelques mois seulement après que le recourant ait commencé à travailler pour l'entreprise, que celui-ci reprendrait effectivement sa direction, quand bien même il était le fils du patron. Ce d'autant plus que les entreprises pour lesquelles il avait travaillé auparavant relevaient d’un domaine d’activité totalement différent.

Quant aux déclarations du père du recourant, elles ne convainquent pas la Cour de céans. En effet, celui-ci décrit, rétrospectivement, une hypothétique ascension professionnelle de son fils. Ses réponses sont restées très générales – malgré les questions précises qui lui ont été posées – et ses affirmations ne sont étayées par aucun indice concret.

Force est de constater qu'il subsiste trop d'incertitudes quant au parcours professionnel qui aurait été celui du recourant sans son accident. En dehors du fait que l’entreprise ait appartenu à son père, il n'existe aucun indice concret permettant de considérer comme très vraisemblable l’hypothèse qu'il en aurait effectivement repris la direction, ni dans quels délais, ni à quelles conditions.

Il n’y a donc pas lieu de retenir à titre de revenu avant invalidité celui qu’aurait pu réaliser l’assuré en tant que chef d’entreprise.

15.    Dans un grief subsidiaire, le recourant soutient qu'en continuant à travailler comme salarié pour B______, il aurait à tout le moins pu obtenir un revenu de CHF 100'000.-. Il fait valoir que son salaire aurait augmenté grâce au développement de ses capacités professionnelles individuelles. Or, comme pour le grief précédent, cette allégation doit être établie au degré de la vraisemblance prépondérante au moyen d'indices concrets.

Le recourant se fonde sur un courrier du 12 novembre 2020 de B______, qui explique à l'intimée que son estimation de CHF 60'000.- correspond à ce qu’aurait dû être le salaire fixe annuel du recourant. La société allègue avoir omis d'y ajouter la part de « commissions » obtenues en fonction des affaires décrochées par l'employé. Elle précise qu'il est difficile d’évaluer quel aurait été le succès commercial du recourant en dix ans, mais estime que ce salaire aurait quoi qu’il en soit été beaucoup plus conséquent que les CHF 60'000.- annoncés : la commission annuelle aurait pu atteindre CHF 35'000.-/CHF 40'000.-, voire plus.

Ces nouvelles explications de l’ancien employeur se révèlent elles aussi peu convaincantes, dans la mesure où elles restent très approximatives et hypothétiques et n’ont été fournies que postérieurement à la décision litigieuse, d’autant que le revenu de CHF 60'000.-, annoncé dans un premier temps par l'entreprise était déjà composé d'un salaire fixe et de commissions.

En outre, il semble surprenant pour un employeur d'omettre une part aussi importante de la rémunération d’un employé (elle contribuerait pratiquement à doubler le revenu annuel de l’intéressé).

On ajoutera que, dans le procès-verbal d'opposition du 31 juillet 2020, le recourant a admis que son ancien employeur n’avait aucun moyen de savoir avec précision quel aurait été son revenu sans l'accident, raison pour laquelle il a proposé de se baser sur une moyenne.

Par ailleurs, on ne peut tirer aucun indice du parcours professionnel effectif du recourant quant à l'évolution hypothétique qui aurait été la sienne sans atteinte à sa santé. En effet, bien qu'il soit retourné travailler pour B______ de 2010 à 2015 et que son activité soit restée sensiblement la même que celle déployée avant son accident (cf. rapport du 16 avril 2015 de la CRR), il n'a pas eu de succès particulier, ni d'amélioration effective de ses revenus.

Force est donc de constater que les éléments avancés par le recourant, en plus d'être contradictoires, apparaissent bien trop incertains. Le recourant allègue que, sans accident, l’expérience et la création d'un réseau plus important lui auraient permis d'augmenter ses revenus (cf. procès-verbal d'opposition du 31 juillet 2020). Cependant ces simples déclarations d'intention ne suffisent pas à retenir qu'il aurait effectivement réalisé des revenus de CHF 100'000.-. Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour constate l’absence d’indice concret permettant de retenir, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, que, sans atteinte à la santé, il aurait bel et bien obtenu un tel revenu.

Il convient donc de déterminer le revenu avant invalidité sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel ou d'avancement.

16.    Lors de la fixation de la rente initiale, en 2004, l'intimée avait retenu un montant de CHF 5'939.- à titre de revenu sans invalidité, correspondant à un revenu annuel de CHF 71'268.-.

Ce montant correspond, après indexation, à un revenu de CHF 82'923.- en 2020.

En admettant même, comme suggéré par le recourant, que le revenu après invalidité soit fixé sur la base de la moyenne de ceux réalisés entre 2017 et 2019 aux D______ (soit CHF 78'483.-), la comparaison conduit à une perte de gain insuffisante pour lui ouvrir droit à une rente.

En conséquence, le recours est rejeté.

Pour le surplus la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA)

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le