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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1916/2020

ATAS/1299/2021 du 15.12.2021 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1916/2020 ATAS/1299/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 décembre 2021

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître PEREZ Andres

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1961 en Irak. Il s’est installé en Suisse en décembre 1989 et dans le canton de Genève à la mi-février 2019, venant du canton de Fribourg. Il est au bénéfice d’une autorisation d’établissement. Il est divorcé. Il a deux enfants.

b. L’assuré a travaillé en qualité de fondeur depuis 1995 jusqu’au 27 avril 2001, date de son licenciement pour justes motifs, à la suite duquel il a fait un premier séjour, du 4 mai au 7 juin 2001, à l’Hôpital psychiatrique de B______ (FR), où l’on a diagnostiqué un épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques, puis un second séjour dans ce même hôpital, du 6 au 21 novembre 2001, après quoi, en date du 30 novembre 2001, il a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après : OAI-FR).

B. a. Par décision du 5 septembre 2002 (pce 39 OAI), l’OAI-FR a reconnu à l’assuré, à partir du 1er mai 2002, le droit à une rente d’invalidité fondée sur un degré d’invalidité de 100 % en raison d’une maladie de longue durée (pce 35 OAI), soit – d’après la synthèse faite du dossier médical par le médecin OAI (pce 33 OAI) – un état dépressif sévère avec symptômes psychotiques.

b. L’assuré a contesté cette décision à propos d’une question de compensation de prestations, mais il a retiré son recours le 25 mars 2003 (pce 42 OAI).

c. Au terme de révisions d’office du dossier de l’assuré, l’OAI-FR a estimé que le degré d’invalidité de ce dernier n’avait pas changé au point d’influencer son droit à la rente et a donc maintenu son droit à une rente d’invalidité fondée sur un degré d’invalidité de 100 %, par communications des 31 octobre 2003 (pce 49 OAI) et 30 juin 2005 (pce 64 OAI), cette dernière fois après qu’ait été évoqué, en plus du diagnostic précité d’épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques, un syndrome cervico-vertébral avec irritation radiculaire sur sténose foraminale, diagnostic confirmé par une IRM cervicale mais restant non déficitaire (pce 62 OAI).

C. a. En 2011, à la suite d’une nouvelle procédure de révision initiée en novembre 2006, l’OAI-FR a décidé de soumettre l’assuré à une expertise psychiatrique, qui a été confiée au docteur C______, psychiatre FMH (pce 118 OAI), qui l’a réalisée en collaboration avec la psychologue D______. Le rapport d’expertise a été rendu le 8 novembre 2011 (pce 123 OAI).

b. Ledit rapport ne retient aucun diagnostic psychiatrique ayant une répercussion sur la capacité de travail, mais, sans répercussion sur cette dernière, un éventuel trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive et une personnalité de type impulsive avec traits antisociaux. L’assuré ne présentait pas de symptomatologie dépressive anxieuse ou psychotique cliniquement significative ; il était impulsif, irritable, colérique, avait de la difficulté à respecter les normes sociales. Sa capacité de travail était entière, au minimum depuis 2004 sinon déjà bien avant, dans toute activité adaptée à sa compétence et à sa motivation, sans diminution de rendement. Des mesures de réadaptation professionnelle n’étaient pas indiquées.

c. Par décision du 14 juin 2012 (pce 143 OAI), l’OAI-FR a supprimé la rente d’invalidité de l’assuré. Son état de santé lui permettait d’exercer à plein temps, sans diminution de rendement, toute activité ne nécessitant pas de formation professionnelle spécifique. Son revenu sans invalidité se montait à CHF 71'412.-, et son revenu avec invalidité à CHF 61'164.60, si bien que son degré d’invalidité était de 14 %, ce qui impliquait l’extinction de son droit à une rente.

d. Le recours que, représenté par un avocat, l’assuré a formé contre cette décision (pce 145 OAI) a été rejeté par le Tribunal cantonal fribourgeois par arrêt du 22 mai 2014 (pce 174 OAI). Les conditions qui existaient au moment de l’octroi d’une rente entière en 2001 n’existaient plus, probablement à partir de l’année 2004 ; l’expertise claire et détaillée du Dr C______ confirmait que l’assuré n’était plus atteint d’aucune maladie psychiatrique invalidante et allait dans le sens des nombreux éléments extra-médicaux figurant au dossier, aux côtés desquels les troubles cervicaux décelés en 2003 et dont l’assuré ne semblait plus se plaindre n’apparaissaient pas comme déterminants. Il y avait sans aucun doute soit un motif de révision du droit à la rente entière accordée en 2001, soit un motif de reconsidération de la seconde décision de confirmation de ce droit en 2005, qui avait été rendue sans véritable examen sérieux de la situation médicale et apparaissait manifestement erronée.

e. Le recours que l’assuré a formé contre cet arrêt a été rejeté par le Tribunal fédéral par arrêt du 9 décembre 2014 (pce 177 OAI). Reconsidération et révision s’excluaient l’une l’autre. Les conditions d’une reconsidération n’étaient pas remplies, puisque la décision initiale d’octroi de la rente du 6 mai 2002 n’apparaissaient pas manifestement erronée, et il n’y avait pas lieu de tenir compte des communications des 31 octobre 2003 et 30 juin 2005, les procédures de révision ne reposant pas sur un examen matériel du droit avec une constatation des faits pertinents et une appréciation des preuves conformes au droit. Les conditions d’une révision étaient en revanche remplies, l’état de santé de l’assuré s’étant amélioré.

D. a. Par une demande reçue le 12 septembre 2016 (pce 179 OAI), l’assuré a requis de l’OAI-FR des prestations de l’AI en raison de problèmes psychiques, en s’appuyant sur des rapports de son psychiatre traitant depuis plus de quinze ans (pces 180 et 196 OAI) et sur une lettre de sortie de l’Hôpital psychiatrique de B______, où il avait fait un nouveau séjour du 8 au 21 janvier 2016, faisant état d’un trouble dépressif récurrent, épisode alors sévère avec symptômes psychotiques (pce 196 OAI).

Selon le service médical régional de l’AI (ci-après : SMR), le psychiatre traitant de l’assuré attestait toujours de diagnostics pourtant écartés par l’expert C______, dont la position avait été validée par le Tribunal cantonal fribourgeois et le Tribunal fédéral (pce 181 OAI) ; le trouble ayant conduit à l’hospitalisation précitée de l’assuré était un épisode réactionnel à des difficultés familiales qui avait été résolu en deux semaines et ne pouvait justifier une incapacité de travail permanente ou de longue durée (pce 198 OAI) ; aucune aggravation de l’état de santé de l’assuré n’était plausible.

L’OAI-FR a refusé d’entrer en matière sur cette demande de prestations AI, par décision du 23 mars 2017 (pce 201 OAI).

b. Le 6 avril 2018, l’assuré a saisi l’OAI-FR d’une nouvelle demande de prestations AI (pce 204 OAI), en invoquant une atteinte à la santé dont il souffrait depuis 15 ans. Après avoir reçu de l’OAI-FR un projet de décision de refus d’entrée en matière (pce 208 OAI), il a produit un rapport médical de sa nouvelle psychiatre traitante depuis août 2017 (la Dre F______) et d’une psychothérapeute (Mme E______) du Centre G______ (pce 210 OAI), aux termes duquel son état psychique présentait une dégradation et une instabilité ; sa maîtrise de soi et son impulsivité étaient périodiquement fragilisées, traits se trouvant accentués dans un contexte psychosocial, socioculturel ou familial de surcharge et pouvant même donner lieu à des idéations suicidaires, voire à des pensées hétéro-agressives ; son vécu « persécutoire » était aussi en augmentation ; ses troubles tendaient à devenir chroniques avec des ressources adaptatives et une tolérance à la frustration toujours plus restreintes ; ses traits pathologiques étaient de plus en plus invalidants.

Selon le SMR (pce 211 OAI), ledit rapport médical ne posait aucun diagnostic psychiatrique, n’établissait aucune chronologie d’une évolution de l’état de santé et n’attestait aucune limitation fonctionnelle ; aucune aggravation de l’état de santé psychique de l’assurée n’était rendue plausible depuis 2012.

L’OAI-FR a refusé d’entrer en matière sur cette demande de prestations AI, par décision du 15 juin 2018 (pce 212 OAI).

Le recours que l’assuré a formé contre cette décision a été rejeté par le Tribunal cantonal fribourgeois par arrêt du 30 avril 2019 (pce 218 OAI). Le diagnostic posé par l’expert C______ paraissait toujours d’actualité. Les difficultés relationnelles persistantes et le sentiment accru d’injustice de l’assuré n’attestaient pas d’une aggravation de l’état de santé de ce dernier ; ses hospitalisations en milieu psychiatrique apparaissaient comme des réponses aux problèmes de la vie auxquels il ne parvenait plus à faire face, sans constituer la manifestation d’une maladie psychiatrique ; pour compréhensible qu’il fût, son désarroi consécutif à ses difficultés à retrouver un emploi compte tenu de son âge et de son déconditionnement n’attestait pas d’une aggravation objective de son état de santé depuis la suppression de sa rente, qu’il ne parvenait toujours pas à comprendre. Sa nouvelle psychiatre traitante ne faisait que relayer ce désarroi grandissant pour retenir une incapacité totale signalée depuis de nombreuses années par son prédécesseur. Un refus d’entrer en matière se justifiait d’autant plus, faute d’aggravation plausible de son état de santé, que de plus amples instructions médicales risquaient de renforcer encore sa conviction d’être totalement invalide.

E. a. Le 18 novembre 2019, désormais installé dans le canton de Genève, l’assuré a saisi l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) d’une nouvelle demande de prestations AI, en faisant mention d’atteintes à sa santé remontant aux années 1994-1995, à savoir une affection psychiatrique, un problème dorsal important et des problèmes au niveau des reins et du colon, et en indiquant être suivi par le psychiatre H______ et le gastro-entérologue I______ (pce 222 OAI).

b. Par courrier du 26 novembre 2019 (pce 228 OAI), l’OAI a expliqué à l’assuré qu’il lui fallait établir de manière plausible que son invalidité s’était modifiée de manière à influencer ses droits, et, en particulier, produire un rapport médical circonstancié de chacun de ses deux médecins traitants précités démontrant une aggravation probante de son état de santé (comportant un diagnostic, la description de son état de santé par rapport à son état antérieur, la date à laquelle était survenue la modification, sa capacité de travail résiduelle, ses limitations fonctionnelles ou tout autre élément propre à constituer un motif de révision).

c. Le 23 décembre 2019, l’assuré a produit un rapport d’évaluation neuropsychologique du 2 septembre 2019 établi par la psychologue J______, à laquelle l’avait adressé le psychiatre H______, qui a ajouté à la main le diagnostic d’épisode dépressif sévère F32.2 et le traitement médicamenteux suivi par l’assuré (pce 229 OAI). D’après ce rapport, la mémoire autobiographique de l’assuré était atteinte, et sa mémoire à long terme était impactée, de même que son attention et sa vitesse de traitement ; ses fonctions exécutives étaient déficitaires ; ses difficultés cognitives objectivées étaient importantes et entraînaient des limitations fonctionnelles de même ampleur ; aucun évènement traumatique n’avait pu être discuté avec l’assuré, mais les résultats cognitifs allaient dans le sens d’un état de stress post-traumatique (ci-après : ESPT), de même que le niveau élevé d’envahissement de la pensée et les mouvements répétitifs et stéréotypés ; ces manifestations témoignaient en tout état d’atteintes et de difficultés sévères rendant peu probable la reprise d’une activité professionnelle. En résumé « Patient de 58 ans, épisode dépressif sévère, suspicion d’ESPT, limité dans son travail et son quotidien à 100 % ».

d. Au dossier de l’OAI ont également été versés un rapport médical de la psychiatre F______ et de la psychologue E______ du 10 novembre 2017 (pce 235 OAI), relevant un état dépressif (se manifestant par de la tristesse, de la fatigue, une perte d’espoir, un sommeil entrecoupé, des idéation ordaliques voire suicidaires, une sociabilité et un dynamisme diminués, une impulsivité difficile à contrôler, une agitation intérieure), de même qu’une lettre de sortie du 26 septembre 2017 de l’Hôpital psychiatrique de B______ (pce 235 OAI) relative aux séjours que l’assuré avait faits dans cet hôpital du 4 avril au 2 juin 2016 et du 7 juillet au 29 août 2016, faisant mention des diagnostics d’autres troubles schizo-affectifs - léger symptômes dépressifs (F25.8) et de difficultés liées au logement et aux conditions économiques (Z59).

e. D’après le SMR (pce 237), les éléments médicaux produits n’objectivaient pas une modification significative de l’état de santé de l’assuré, faute de status psychiatrique étayé. Le 17 avril 2020, l’OAI a alors adressé à l’assuré, représenté par un avocat, un projet de décision de refus d’entrer en matière sur sa nouvelle demande de prestations AI, projet auquel son avocat s’est opposé par courrier du 22 mai 2020 (pce 244 OAI).

f. L’OAI a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations AI de l’assuré par décision du 26 mai 2020 (pce 243 OAI), reçue le 28 mai 2020. De l’avis du SMR, les éléments médicaux produits n’objectivaient pas une modification significative de l’état de santé de l’assuré ; les indices étaient suffisants que son atteinte à sa santé n’avait pas l’intensité suffisante pour être considérée comme invalidante.

F. a. Par acte du 29 juin 2020, l’assuré a recouru contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), en concluant, sous suite de frais et dépens, à ce qu’elle soit annulée et qu’ordre soit donné à l’OAI d’entrer en matière sur sa demande de prestations AI. Le nouveau psychiatre de l’assuré, soit le Dr H______, avait procédé à des examens médicaux (PCLS, Code et Symboles de la WAIS-IV, Frises de Luria, Moca et Figures du CERAD) n’ayant jamais encore été pratiqués sur la personne de l’assuré, et leurs résultats s’étaient avérés déficitaires, voire pathologiques, et il avait soulevé, pour la première fois, la possibilité d’un ESPT. Le diagnostic différait de celui d’une simple personnalité à traits impulsifs et antisociaux. Il était plausible que l’état de santé de l’assuré s’était modifié de façon à influencer ses droits. Contrairement à la situation ayant prévalu en 2012, un diagnostic psychiatrique était posé, et les résultats des tests neurologiques faisaient craindre sérieusement l’existence d’atteintes n’ayant jusque-là pas été examinées. L’OAI devait entrer en matière, d’autant plus que l’assuré n’avait pas fait l’objet de sa part d’examens concrets, en particulier d’une expertise, depuis plus de huit ans.

b. Par écriture du 13 juillet 2020, l’OAI a conclu au rejet du recours. L’épisode dépressif retenu par la Dre F______ avait déjà été examiné dans le cadre des précédentes demandes de prestations AI présentées par l’assuré, et le rapport d’évaluation neuropsychologique, certes validé par le psychiatre H______, ne comportait pas de status psychiatrique étayé rendant plausible que l’état de fait s’était modifié de manière essentielle depuis la dernière décision, au point d’être susceptible de changer le droit aux prestations de l’assuré.

c. Par réplique du 26 août 2020, l’assuré a persisté dans les termes et conclusions de son recours. Même s’il ne comportait pas de statut psychiatrique étayé, le rapport d’évaluation neuropsychologique rendait plausible (sans avoir à démonter au degré de la vraisemblance prépondérante) une aggravation de l’état de santé de l’assuré, au vu des nombreux tests réalisés et jusque-là jamais encore pratiqués sur la personne de l’assuré et de leurs résultats, ainsi que de la suspicion d’un ESPT.

d. Le 22 septembre 2020, l’OAI a indiqué n’avoir pas de remarques à formuler en complément à celles contenues dans sa réponse au recours. Son refus d’entrer en matière sur la demande de prestations AI de l’assuré était bien fondé.

e. Le 29 mars 2021 – après un nouvel envoi de cette écriture à l’assuré (qui, le 26 mars 2021, avait dit au greffe de la CJCAS ne pas l’avoir reçue) –, la CJCAS a indiqué à l’assuré que la cause serait gardée à juger dès le 19 avril 2021, sans que l’assuré ne présente de nouvelles écritures ou pièces.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, la décision attaquée ayant été rendue en application de ces lois.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA), compte tenu du report au premier jour ouvrable qui suit (en l’espèce le lundi 29 juin 2020) du terme d’un délai échu (ici) un samedi (art. 38 al. 3 LPGA).

Il respecte les exigences de forme et de contenu posées par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 LPA).

Touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA ; art. 60 al. 1 let. a et b et 89A LPA).

Le recours est donc recevable.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Le recours reste cependant soumis à l'ancien droit, dès lors qu'il était pendant devant la chambre de céans au 1er janvier 2021 (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass.féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

3.             3.1. Selon l'art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. La modification pro futuro d'une décision limitant dans le temps le droit à une rente d'invalidité est soumise à la même condition d'une modification notable du taux d'invalidité. Il en va de même en cas de nouvelle demande d'une rente d'invalidité après l'échéance de la rente d'invalidité précédemment allouée de façon limitée dans le temps ou après – comme en l’espèce – la suppression d’une rente précédemment allouée.

L'art. 87 RAI le précise en stipulant, à son al. 2, que lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins ou du besoin d'aide découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits, et, à son al. 3, que lorsque la rente, l'allocation pour impotent ou la contribution d'assistance a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, parce qu'il n'y avait pas d'impotence ou parce que le besoin d'aide ne donnait pas droit à une contribution d'assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l'al. 2 sont remplies.

3.2. Comme la chambre de céans l'a rappelé encore récemment (ATAS/1067/2021 du 20 octobre 2021 consid. 4), cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision entrée en force d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans rendre plausible une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 ; ATF 130 V 64 consid. 5.2.3 ; ATF 117 V 198 consid. 4b et les références citées). À cet égard, une appréciation différente de la même situation médicale ne permet pas encore de conclure à l’existence d’une aggravation (ATF 112 V 371 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_748/2013 du 10 février 2014 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 716/2003 du 9 août 2004 consid. 4.1). Les conditions d'entrée en matière prévues par l'art. 87 al. 2 et 3 RAI ont pour but de restreindre la possibilité de présenter de manière répétée des demandes de rente identiques (ATF 133 V 108 consid. 5.3.1).

Ainsi, lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en matière. À cet égard, l'administration doit se montrer d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation, que le juge doit en principe respecter. Le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif (ATF 109 V 108 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2010 du 22 février 2011 consid. 3 ; Ulrich MEYER/ Marco REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung (IVG), in STAUFFER / CARDINAUX [éd.], Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, 3ème éd., 2014, n. 139 ad art. 30-31 LAI). Tel est le cas en l’espèce.

3.3. L’exigence relative au caractère plausible ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l'autorité administrative n'a pas besoin d'être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu'une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d'une telle modification suffisent lors même que la possibilité subsiste qu'une instruction plus poussée ne permettra pas de l'établir (Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS, 2003, p. 396 ch. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 724/99 du 5 octobre 2001 consid. 1c/aa).

4.             4.1. Par le passé, le recourant a été atteint d’une atteinte psychiatrique invalidante, à savoir d’un état dépressif sévère avec symptômes fondant un degré d’invalidité de 100 %, ainsi que l’OAI-FR l’avait admis par sa décision du 5 septembre 2002, dont le Tribunal fédéral a dit, dans son arrêt du 9 décembre 2014, qu’elle n’était pas manifestement erronée. C’est cependant un fait constant, sur lequel il n’y a pas lieu de revenir, que l’état de santé du recourant s’était par la suite amélioré, au point que – à teneur du rapport d’expertise psychiatrique du 8 novembre 2011, ayant force probante – le recourant ne présentait plus de symptomatologie dépressive anxieuse ou psychotique cliniquement significative (mais tout au plus, sans répercussion sur sa capacité de travail, un trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive et une personnalité de type impulsive avec traits antisociaux), et que, n’étant invalide plus qu’à un degré de 14 %, il n’avait plus droit à la rente d’invalidité lui ayant été allouée, ainsi qu’en a décidé l’OAI-FR le 14 juin 2012, à bon droit selon ce qu’ont jugé successivement le Tribunal cantonal fribourgeois et le Tribunal fédéral.

Ce 14 juin 2012 vaut comme dernière date à laquelle était intervenu un examen matériel du droit du recourant à une rente d’invalidité reposant sur une constatation des faits pertinents et une appréciation des preuves conformes au droit. Cet examen avait abouti à la négation d’un droit du recourant à une rente d’invalidité, donc en l’occurrence à la suppression pro futuro de celle qui lui avait été allouée une dizaine d’années plus tôt.

4.2. Il ne s’ensuit pas que le recourant ne saurait plus obtenir que soit à nouveau examiné si, depuis lors, son état de santé s’est péjoré, au point qu’il aurait droit à nouveau à une rente d’invalidité. Il ne suffisait cependant pas qu’il allègue que tel était le cas pour que l’intimé doive entrer en matière sur une nouvelle demande de prestations AI, autrement dit doive ouvrir et mener une instruction conforme à la maxime inquisitoire, en application de l’art. 43 al. 1 LPGA, maxime qui ne s’applique pas à la procédure prévue par l’art. 87 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5). Il n’était pas nécessaire pour autant qu’il démontre de façon pleinement convaincante ou même au degré de la vraisemblance prépondérante que son état de santé s’était dans l’intervalle péjoré de manière significative. Il fallait toutefois qu’il le rende plausible.

Comme l’intimé l’avait indiqué au recourant par courrier du 26 novembre 2019, cela supposait que ce dernier produise un rapport médical circonstancié renseignant sur les pathologies dont il se plaignait, soit en l’occurrence – comme l’intimé le lui avait logiquement précisé dans ce courrier – de la part des deux médecins qui le suivaient, à savoir du psychiatre H______ et du gastro-entérologue I______, pour les atteintes à la santé restreignant ou supprimant prétendument sa capacité de travail. Les rapports médicaux circonstanciés requis ne devaient certes pas, et de loin, avoir le niveau et la profondeur, ni même la pleine objectivité de rapports d’expertise ou de rapports de médecins non traitants. Il leur fallait cependant comporter des diagnostics, étayés par des constatations cliniques, avec des précisions sur l’évolution dans le temps des atteintes à la santé en question (dates de leur apparition et le cas échéant de leur aggravation) et une appréciation de l’impact desdites atteintes sur la capacité de travail.

4.3.1. Le recourant n’a produit aucun rapport de son gastro-entérologue. L’intimé ne pouvait qu’en déduire, du moins à ce stade initial d’une entrée en matière ou non sur la demande de prestations AI présentée par le recourant, que ce dernier ne prétendait en réalité pas souffrir de problèmes somatiques invalidants.

4.3.2. Le recourant a produit un rapport d’évaluation neuropsychologique. Ce dernier émanait d’une psychologue, et non personnellement d’un psychiatre. Il avait cependant été établi à la demande du psychiatre traitant, qui avait adressé le recourant à ladite psychologue, et lui-même l’avait sommairement complété de sa main par la mention d’un diagnostic et du traitement prescrit. Il est pour le moins regrettable que ledit psychiatre n’a pas donné de précisions sur des constats cliniques qu’il aurait faits lui-même lors de consultations personnelles avec le recourant. Il paraît néanmoins soutenable de retenir que, par la mention manuscrite qu’il a apportée sur ce rapport, le psychiatre traitant a cautionné la pertinence des tests réalisés et l’évaluation de leurs résultats et a attesté que les déficits des fonctions exécutives et les difficultés du recourant relevées dans ce rapport d’évaluation justifiaient de poser le diagnostic qu’à l’instar de ladite psychologue il retenait lui aussi, à savoir celui d’épisode dépressif sévère. La mention, faite par la psychologue, que le recourant était « limité dans son travail et son quotidien à 100 % » se comprend comme une attestation de totale incapacité de travail.

Le diagnostic avancé par ce rapport d’évaluation était cependant similaire à celui qui, en 2002, avait justifié de reconnaître une invalidité de 100 % au recourant mais qui, dix ans plus tard, ne pouvait plus être posé, compte tenu d’une amélioration de l’état de santé du recourant. Sans doute cela n’excluait-il pas que, sept à huit ans plus tard, le recourant pût présenter à nouveau un état dépressif sévère invalidant. Il était toutefois d’autant plus impératif, dans ce contexte, que le psychiatre retrace l’évolution que l’état de santé du recourant avait connue et atteste dûment, de manière plausible, que cet état s’était aggravé significativement. Or, en l’espèce, il ne l’a pas fait. Il apparaît au contraire que le recourant, à nouveau, faisait valoir son ancienne atteinte à sa santé en prétendant ne jamais s’en être remis, comme cela résulte de sa nouvelle demande de prestations AI, dans laquelle il invoque des atteintes à sa santé remontant aux années 1994-1995. Force est de retenir que si le psychiatre traitant n’a pas contredit ce point de vue en relatant explicitement une sensible aggravation de l’état de santé du recourant depuis que ce dernier s’était vu supprimer sa rente d’invalidité, c’est qu’il doit avoir estimé ne pas disposer d’éléments médicaux le lui permettant.

Il appert par ailleurs qu’une simple suspicion de diagnostic, en l’occurrence celle d’un ESPT, ne suffisait pas à contraindre l’intimé à entrer en matière sur une nouvelle demande de prestations AI.

4.3.3. Le rapport médical du 10 novembre 2017 de la Dre F______ ne rendait pas non plus plausible une aggravation significative de l’état de santé du recourant, pour les motifs que l’OAI-FR avait retenus à l’appui de son refus d’entrer en matière du 15 juin 2018, décision que le Tribunal cantonal fribourgeois avait confirmée.

Quant à la lettre de sortie du 26 septembre 2017 de l’Hôpital psychiatrique de B______ relative aux séjours que le recourant avait faits dans cet hôpital du 4 avril au 2 juin 2016 et du 7 juillet au 29 août 2016, elle n’étaye pas le diagnostic précité d’état dépressif sévère, mais fait mention d’autres troubles schizo-affectifs - léger symptômes dépressifs et de difficultés liées au logement et aux conditions économiques. En plus qu’elle concerne des faits remontant à l’année 2016, elle relève qu’au cours des deux hospitalisations considérées, le recourant avait vite retrouvé une stabilité et que sa problématique était essentiellement sociale, plutôt que psychiatrique. Elle ne suffit pas à établir de manière plausible une péjoration significative de l’état de santé du recourant.

4.4. En conclusion, même s’il faut se montrer moins exigeant à cet égard du fait des années s’étant écoulées depuis le précédent examen pertinent du droit du recourant à des prestations AI, force est de retenir que la nouvelle demande dont le recourant a saisi l’intimé le 18 novembre 2019 n’a pas été étayée par des éléments médicaux rendant suffisamment plausible une péjoration de son état de santé susceptible d’avoir modifié son droit à des prestations AI. Aussi l’intimé était-il fondé à refuser d’entrer en matière sur cette demande.

5.             5.1. Le recours doit dès lors être rejeté.

5.2. La procédure n'est pas gratuite en matière de contestation portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'AI devant le tribunal cantonal des assurances (art. 69 al. 1bis LAI), en dérogation à l'art. 61 let. a LPGA (dans sa version ici applicable). Aussi un émolument de CHF 200.- sera-t-il mis à la charge du recourant.

5.3. Compte tenu de l’issue donnée au recours, il n'y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure au recourant (art. 61 al. 1 let. g LPGA), ni d'ailleurs à l'intimé, dès lors qu'il s'agit d'une administration publique dotée d'un service juridique (Jean METRAL, in CR-LPGA, n. 98 et 100 ad art. 61 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1041).

 

* * * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de Monsieur A______.

4.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure aux parties.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

Le président suppléant

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le