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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3279/2021

ATAS/1237/2021 du 01.12.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3279/2021 ATAS/1237/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er décembre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, sise ______ [GE], représentée par B______ SA

 

recourante

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après l’employeuse ou la recourante) a transmis des formulaires de « Demande et décompte d’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail » (ci-après : décompte) dès le mois d’avril 2020 à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après la caisse ou l’intimée).

b. Par courriel du 19 janvier 2021, la B______ SA (ci-après la fiduciaire) a informé la caisse que sa mandante, l’employeuse, n’avait pas reçu les indemnités pour le mois de juin suite à son envoi du 15 juillet 2020. Elle transmettait en annexe de son courriel le décompte pour le mois de juin signé le 15 juillet 2020 ainsi que ses annexes.

c. Le 19 janvier 2021, la fiduciaire a adressé un courrier recommandé à la caisse l’informant que l’employeuse n’avait toujours pas reçu les indemnités pour le mois de juin suite à l’envoi du 15 juillet 2020, en lui adressant une copie du décompte signé le 15 juillet 2020.

d. Le 8 février 2021, la fiduciaire a transmis par courriel à la caisse une copie de son courrier de transmission du décompte pour le mois de juin 2020 daté du 15 juillet 2020.

e. Le 3 mai 2021, la fiduciaire a encore informé la caisse du fait que l’employeuse n’avait toujours pas reçu les indemnités pour le mois de juin.

B. a. Par décision du 18 mai 2021, la caisse a informé l’employeuse qu’elle ne pouvait indemniser les heures chômées par son personnel durant le mois de juin 2020, dès lors que le décompte concerné lui était parvenu postérieurement à l’échéance du délai de péremption de trois mois prévu par l’art. 38 al. 1 LACI, soit le 20 janvier 2021.

b. Le 7 juin 2021, l’employeuse a formé opposition à la décision précitée faisant valoir qu’elle avait adressé sa demande de décompte à la caisse le 15 juillet 2020.

c. Par décision sur opposition du 2 septembre 2021, la caisse a constaté que l’employeuse n’avait pas été en mesure de prouver qu’elle lui avait adressé le décompte pour la période de décompte du mois de juin 2020 dans les délais. Aucune preuve ne venait étayer l’argument selon lequel celui-ci lui aurait été adressé le 15 juillet 2020. Le courrier de transmission du décompte pour le mois de juin 2020, daté du 15 juillet 2020, figurait parmi les pièces jointes au message électronique que la fiduciaire avait adressé à la caisse le 8 février 2021. Cela ne prouvait toutefois pas que ce document avait été expédié à la caisse le 15 juillet 2020. De même, le fait que ledit décompte, qui avait été reçu par la caisse par courriel du 19 janvier 2021 et par courrier postal du 20 janvier 2021, était daté du 15 juillet 2020 ne constituait pas la preuve de son expédition dans le délai prescrit. Le fardeau de la preuve incombant à la recourante, il y avait lieu de retenir que le décompte avait été adressé à la caisse le 19 janvier 2021 et que l’employeuse n’avait pas respecté le délai de péremption prévu à l’art. 38 al. 1 LACI.

Un délai de péremption pouvait être restitué si l’employeur n’avait commis aucune faute (art. 41 LPGA). En l’espèce, la recourante n’invoquait aucun motif de restitution. Par conséquent, c’était à juste titre que la caisse avait refusé d’entrer en matière quant à l’indemnisation de la période précitée.

C. a. L’employeuse a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 27 septembre 2021, faisant valoir que réduire le fardeau de la preuve au courrier incriminé affaiblissait de manière significative tout autre moyen de preuve, ce qui revenait à lui supprimer l’accès à un droit reconnu. Le dossier démontrait que le processus s’était déroulé sans problème pour les mois de mars à mai 2020. Il ne s’agissait pas d’une première demande, mais de la continuité d’un processus en marche depuis plusieurs mois. Le droit aux indemnités en cas de RHT n’était pas remis en cause par la caisse. La perte d’un courrier postal, qui ne pouvait être démontrée, suffirait donc à effacer tous les faisceaux de preuve et reviendrait à dire que tout envoi devait obligatoirement être effectué sous pli recommandé ou déposé physiquement avec quittance de réception.

Au regard de la situation particulière au cours de l’année 2020, qui avait engendré des volumes de traitement administratif considérable, il n’était pas déraisonnable de penser qu’un courrier avait pu être égaré, soit par la poste, soit par la caisse elle-même.

En conclusion, la recourante concluait à ce que la caisse donne suite à sa demande de RHT pour le mois de juin 2020.

b. Le 21 octobre 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.             Le litige porte sur le point de savoir si c'est à juste titre que l'intimée a refusé d'entrer en matière sur la demande d'indemnité en cas de RHT formée par la recourante pour le mois de juin 2020.

4.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

5.             5.1. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI).

5.2. S’agissant plus particulièrement de la procédure, l’art. 36 al. 1 LACI, dans sa version en vigueur jusqu'au 30 juin 2021, prévoit que lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels.

Selon l'art. 38 al. 1 LACI, dans le délai de trois mois à compter de l’expiration de chaque période de décompte, l’employeur fait valoir auprès de la caisse qu’il a désignée l’ensemble des prétentions à indemnité pour les travailleurs de son entreprise. Selon l'al. 3, l'employeur remet à cet effet à la caisse : a. les documents nécessaires à la poursuite de l’examen du droit à l’indemnité et au calcul de celle-ci ; b. un décompte des indemnités versées à ses travailleurs ; c. une attestation certifiant qu’il continue à payer les cotisations des assurances sociales (art. 37 let. c). La caisse peut, au besoin, exiger d'autres documents. L'art. 61 de l'ordonnance du 31 août 1983 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (OACI - RS 837.02) précise que le délai de trois mois pour exercer le droit à l'indemnité commence à courir le premier jour qui suit la fin de la période de décompte.

Aux termes de l'art. 39 al. 3 LACI, les indemnités que l’employeur ne prétend pas, dans le délai prévu à l’art. 38 al. 1, ne lui sont pas remboursées. Il résulte de cette dernière règle que le délai de trois mois pour exercer le droit à l'indemnité constitue un délai de péremption, dont le non-respect a pour conséquence l'extinction du droit (ATF 119 V 370 consid. 4b ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C13/06 du 20 juin 2006 consid. 2.1 ; C 201/06 du 25 juillet 2007 consid. 3.3). Selon la jurisprudence, ce délai commence à courir à l'expiration de la période de décompte en cause, cela indépendamment du point de savoir si l'autorité cantonale a déjà statué sur le droit aux prestations (ATF 124 V 75).

Par période de décompte, il faut entendre le mois civil durant lequel l'horaire de travail a été réduit et non une période définie contractuellement et qui prend fin au moment du paiement du salaire. Il s'agit d'un délai de déchéance, qui ne peut être ni prolongé, ni suspendu. Par contre, il peut être restitué, aux conditions de l'art. 41 LPGA (RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 38 LACI). Lorsque l'autorité cantonale tarde à statuer ou s'oppose à l'indemnisation, elle doit rendre l'employeur attentif à son obligation de faire valoir le droit dans le délai précité de trois mois (art. 27 LPGA). Ce délai commence en effet à courir après l'expiration de chaque période de décompte, que l'autorité cantonale ait rendu sa décision ou non (RUBIN, op. cit., n. 5 ad art. 38 LACI et les références citées).

Aux termes de l'art. 39 al. 1 LPGA, les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'assureur ou, à son adresse, à la Poste suisse ou une représentation diplomatique ou consulaire suisse. À l'instar d'autres dispositions de droit fédéral relatives à l'observation des délais ayant une teneur équivalente, l'art. 39 al. 1 LPGA pose le principe de l'expédition pour les envois d'une partie à l'autorité administrative ou judiciaire. Ainsi, lorsque l'envoi se fait par voie postale, ce qui en pratique est la règle, le critère déterminant pour l'observation du délai n'est pas le fait que l'écrit soit arrivé le dernier jour du délai auprès de l'autorité (principe de réception) mais qu'il ait été remis à la Poste suisse le dernier jour du délai (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_536/2018 du 21 septembre 2018 consid. 3.2). Dans ce dernier cas, c'est le sceau postal qui permettra de prouver le dépôt de l'envoi avant l'échéance du délai. Dans l'hypothèse où l'assuré dépose son envoi dans une boîte aux lettres publique après l'heure de la dernière levée, l'envoi portera le cachet postal du lendemain, ce qui ne lui permettra pas d'apporter la preuve du respect du délai. Dans ce cas, l'assuré est autorisé à apporter la preuve du respect du délai au moyen de témoignages (ATF 124 V 372 consid. 3b p. 375, cf. aussi Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 8 s. ad art. 39 LPGA).

6.             6.1. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.2. La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2 ; ATF 128 III 411 consid. 3.2). Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3). En matière d'indemnités de chômage, l'assuré supporte les conséquences de l'absence de preuve en ce qui concerne la remise des pièces nécessaires pour faire valoir le droit à l'indemnité (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 294/99 du 14 décembre 1999 consid. 2a, in DTA 2000 no 25 p. 122 ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 8C_427/2010 du 25 août 2010 consid. 5.1 ; 8C_591/2012 du 29 juillet 2013).

7.             7.1. Dans le cas présent, la recourante soutient avoir adressé le 15 juillet 2020 à la caisse un décompte pour le mois de juin 2020. L'intimée conteste avoir reçu cette demande avant le 19 janvier 2021 et il ne ressort pas de son dossier que tel aurait été le cas. Force est de constater que la recourante n’a pas été en mesure de prouver l’envoi de son décompte le 15 juillet 2020. Le fait que le décompte ait été rempli le 15 juillet 2020 ne suffit pas à attester de son envoi effectif à cette date, pas plus le fait que les précédents décomptes étaient bien parvenus à l’intimée.

Le fardeau de la preuve incombant à la recourante, il convient de retenir que le décompte pour le mois de juin 2020 a été adressé à l’intimée pour la première fois le 19 janvier 2021 par courrier électronique. Le délai de préemption prévu à l’art. 38 al. 1 LACI arrivait à l’échéance le 30 septembre 2020, soit trois mois après la fin du mois de juin 2020, de sorte que c’est à juste titre que l’intimée a refusé d’entrer en matière sur la demande de la recourante.

7.2. La recourante n’a pas demandé la restitution du délai de péremption ni invoqué un motif de restitution au sens de l’art. 41 LPGA et il n’apparaît pas qu’il puisse y en avoir un.

8.             Infondé, le recours sera rejeté.

Pour le surplus la procédure est gratuite.

 

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :


Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le ______