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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3740/2020

ATAS/979/2021 du 23.09.2021 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3740/2020 ATAS/979/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 septembre 2021

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à Anières

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l'intéressée ou la recourante), née en ______1945, a déposé une demande de prestations complémentaires à l’AVS en date du 17 mai 2019, auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé).

b. Sous la rubrique « fortune immobilière » du formulaire, l'assurée a mentionné être propriétaire avec son conjoint et ses enfants d'un bien immobilier sis sur la parcelle numéro 1______ de la commune de B______, occupé depuis 2003. Selon les informations retenues par l’administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC), il était appliqué un taux de base d’abattement du bien occupé de 40% ; la valeur locative brute était fixée pour l’IFD : à CHF 24’939.- avec des charges et frais d’entretien arrêtés à CHF 4’987.- et pour l’ICC : à CHF 14’963.- avec des charges et frais d’entretien arrêtés à CHF 2’993.-. Le montant des dettes hypothécaires dont étaient débiteurs l'intéressée et son conjoint s'élevait, au 31 décembre 2018, en capital à CHF 285'000.-. Le montant des intérêts annuels brut était de CHF 3’467.-.

B.       a. Le SPC a instruit la demande de prestations et a requis des documents supplémentaires, puis a rendu une décision de prestations complémentaires du 29 octobre 2019, reconnaissant le principe du droit à des prestations complémentaires fédérale (ci-après : PCF) et à des prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC) dès le 1er mai 2019. Le calcul des prestations complémentaires PCF et PCC aboutissait, pour la période allant du 1er mai au 31 octobre 2019, à un montant égal à zéro, de même que pour la période débutant le 1er novembre 2019.

b. Le plan de calcul qui accompagnait la décision tenait compte de la propriété du bien immobilier, estimé par l’AFC à CHF 740’000.-, dont il était soustrait le montant de l’hypothèque, par CHF 285’000.-. Au niveau du produit de la fortune, il était retenu une valeur locative estimée par l’AFC de CHF 24’939.-. Les dépenses reconnues s’élevaient, pour les PCF à 49'163.- et pour les PCC à 58’799.-. Le total du revenu déterminant auquel aboutissait le SPC s’élevait, pour les PCF à CHF 95'105.- et pour les PCC à CHF 125'693.-. Après avoir soustrait du total du revenu déterminant le total des dépenses reconnues, il apparaissait un solde positif pour les PCF de CHF 45'942.- et pour les PCC de CHF 66'894.-. Il était encore mentionné que la valeur locative du logement occupé par l’intéressée était estimée selon les critères de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton de domicile. La valeur de l’immeuble prise en compte correspondait à celle fixée par la législation genevoise sur l’impôt cantonal direct avant abattement. Une déduction de CHF 112’500.- était effectuée sur cette valeur. Pour les frais accessoires d’immeubles, il était mentionné que pour les propriétaires d’un immeuble servant d’habitation, un montant forfaitaire était accordé, identique pour les personnes seules ou pour les couples.

c. Par courrier du 20 novembre 2019, l’intéressée a fait opposition à la décision du 29 octobre 2019, expliquant que les revenus mensuels du couple s’élevaient à CHF 3’297.- et couvraient à peine les dépenses. Elle précisait que la villa dans laquelle le couple vivait appartenait en réalité aux enfants, et l’intéressée et son conjoint n’avaient que l’usufruit de la maison, jusqu’à leur décès. Elle concluait à ce que le SPC revienne sur sa décision.

d. Par décision sur opposition du 14 août 2020, l’opposition a été rejetée et la décision précédente confirmée. La motivation en était la prise en compte de la fortune immobilière et du produit de cette dernière dans le calcul des prestations complémentaires. Lorsque l’immeuble était habité par le propriétaire, l’usufruitier ou le bénéficiaire d’un droit d’habitation, la valeur locative de l’immeuble devait être prise en compte dans les revenus. Le SPC considérait que l'intéressée était propriétaire de l’immeuble sis à B______ ; en se fondant sur l’avis de taxation immobilière 2018, l’AFC avait retenu une valeur de CHF 740’000.- pour le bien immobilier et une valeur locative annuelle de CHF 24’940.-. Enfin, les frais d’entretien du bâtiment avaient été déduits à hauteur de CHF 4’987.80, ce qui correspondait à 20% de la valeur locative. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le plan de calcul était exact et la décision du 29 octobre 2019 était confirmée.

e. Par courrier du 29 août 2020, l’intéressée s’est adressée au SPC, en faisant valoir que la décision n’était ni logique, ni cohérente, car elle et son époux vivaient sur leurs économies, qui diminuaient mois après mois. L’intéressée concluait implicitement à une révision de la décision sur opposition.

C.       a. Par courrier du 17 novembre 2020, le SPC a transmis le courrier de l’intéressée du 29 août 2020 à la chambre de céans, comme objet de sa compétence.

b. Le SPC a répondu au recours par courrier du 10 décembre 2020, constatant que les arguments avancés par la recourante ne lui permettaient pas d’apprécier différemment la décision querellée. Il était rappelé, notamment, que la recourante n’avait produit aucun acte authentique qui attesterait de la constitution d’un droit d’usufruit tel qu’il était allégué dans le cadre de son opposition. Le SPC persistait dans sa décision.

c. En annexe à un courrier du 9 janvier 2021, la recourante a transmis à la chambre de céans une copie d’un extrait de l’acte de vente, non daté et non signé, traitant de la vente du terrain sis à B______, dont l’intéressée et son conjoint acquéraient le droit d’habitation, leur vie durant et dont les quatre enfants C______ (né le ______ 1976), D______ (née le ______ 1977), E______, (née le ______ 1979) et F______ (né le ______ 1983) acquéraient la propriété, en copropriété à raison d’un quart chacun, sous réserve du droit d’habitation en faveur de leurs parents.

d. Par courrier du 4 février 2021, le SPC a considéré que les documents transmis par la recourante ne permettaient pas de déterminer à hauteur de quel montant la recourante et son époux avaient financé l’achat du bien immobilier et, peut-être subséquemment, l’édification de la villa sur ce dernier.

e. Par courrier du 23 février 2021, la recourante a communiqué à la chambre de céans une copie de l’acte de vente notarié dans son intégralité et a précisé que son époux et elle-même avaient pris en charge le remboursement de l’hypothèque et des intérêts qui en découlaient. En l’état, compte tenu de leurs moyens financiers, la recourante et son époux ne s’acquittaient désormais que des charges relatives aux intérêts du crédit hypothécaire, soit environ CHF 300.- par mois. La recourante exposait que le financement de l’achat immobilier s’était élevé à CHF 515’000.- dont CHF 160’000.- de fonds propres et CHF 355’000.- de crédit hypothécaire. Le solde du prêt hypothécaire, par CHF 285’000.-, n’était pas acquitté auprès de la banque.

f. Par observations du 18 mars 2021, le SPC a considéré que, suite aux déclarations de la recourante, il fallait tenir compte d’un montant de CHF 540’000.-, correspondant au contrat d’entreprise en vue de la construction d’une villa et de CHF 260’000.- pour l’acquisition du terrain. C’était donc un montant total de CHF 800’000.- qui avait été investi avec pour seule contrepartie un droit d’habitation. Compte tenu de ces éléments, le SPC estimait que la recourante et son époux s’étaient dessaisis, en faveur de leurs enfants, d’un montant total de CHF 800'000.-, dont il fallait tenir compte dans le calcul des prestations complémentaires.

g. À l’audience de comparution personnelle, appointée le 16 septembre 2021, la recourante a confirmé avoir acquis avec son mari le bien immobilier en 2003, en partie avec leurs fonds propres, soit CHF 160'000.-, et en partie, pour le solde, par un emprunt hypothécaire auprès de Crédit Agricole Financement, devenu Next Bank. Les conjoints et les quatre enfants étaient co-débiteurs du prêt hypothécaire. Les enfants seraient seuls propriétaires sans qu'il n'y ait plus de droit d'habitation, lorsque la recourante et son mari seraient décédés ; cette solution leur avait été proposée par le notaire au moment de l’achat du bien. La recourante et son époux avaient toujours payé l’amortissement du prêt et les intérêts ; l’emprunt initial était de CHF 540’000.- dont il restait encore CHF 285’000.- à rembourser. Au vu de la situation financière du couple à la retraite, l’époux de la recourante avait négocié un arrangement avec Next Bank qui avait accepté de surseoir à l’exigence d’amortissement du prêt tant que les intérêts mensuels étaient payés régulièrement par les époux. Depuis la construction de la maison, en 2004, les époux n’avaient pas fait d’aménagements supplémentaires ; il n'y avait notamment pas de piscine. La recourante confirmait qu’elle avait acquis cette maison avec son époux, qu’ils en payaient les dépenses tant qu’ils étaient en vie et que les enfants en étaient propriétaires.

h. La représentante du SPC a déclaré qu’elle voulait attendre l'audience pour avoir les détails, notamment être sûre des montants qui avaient été articulés et vérifier qu'il n'y avait pas eu de plus-value avec des travaux réalisés dans l'intervalle. Le SPC était tout d'abord parti du principe que les bénéficiaires étaient propriétaires, puis qu'ils étaient usufruitiers avant d'avoir, enfin, la preuve avec la production de l’intégralité de l'acte notarié que la recourante et son époux n’étaient titulaires que d'un droit d'habitation. Le SPC avait déjà procédé à des simulations par rapport à un éventuel dessaisissement, étant précisé qu’au moment où la décision querellée avait été rendue, le dessaisissement et le statut de bénéficiaire d’un droit d’habitation de la recourante n’étaient pas connus. Après avoir capitalisé le droit d'habitation, en fonction de l'âge des bénéficiaires et du moment de l'achat de la maison, le SPC avait fait un certain nombre de projections financières et avait conclu que, même en prenant des hypothèses pessimistes et en se fondant sur les estimations retenues par l'AFC, il n'y avait pas de dessaisissement. Le SPC devait toutefois ré-instruire le dossier au vu des éléments financiers qui étaient apparus dans le cadre de la procédure de recours et notamment le statut de bénéficiaire d’un droit d’habitation qui n’avait pas été pris en compte au départ. Dès lors, le SPC n’était pas opposé à un renvoi du dossier pour compléter l’instruction, étant précisé que la recourante devait collaborer pour fournir toutes les informations et documents demandés, avec diligence, afin que les calculs puissent être faits.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC), dans le respect des exigences de forme et de contenu posées par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B LPA), le recours est recevable.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était pendant devant la chambre de céans au 1er janvier 2021, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.        Ne s’appliquent pas non plus en l’espèce, eu égard à leurs dispositions transitoires respectives, les modifications, également entrées en vigueur le 1er janvier 2021, qui ont été apportées à la LPC par la réforme des prestations complémentaires du 22 mars 2019 (RO 2020 585 ; FF 2016 7249), de même que par le ch. I.5 de la loi fédérale du 20 décembre 2019 sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches (RO 2020 4525 ; FF 2019 3941).

5.        a. Les PCF sont destinées à couvrir la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Tant les dépenses reconnues que les revenus déterminants sont définis par la loi, de manière exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_140/2008 du 25 février 2009 consid. 6.1 et 7 ; ch. 3411.02 des directives de l'office fédéral des assurances sociales [ci-après : OFAS] concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI [ci-après : DPC] ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 1 ad art. 10 et n. 1 ad art. 11).

b. Ont droit aux PCC les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Les dépenses reconnues sont celles énumérées par la LPC et ses dispositions d'exécution, à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3 LPCC (art. 6 LPCC), et le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la LPC et ses dispositions d'exécution, moyennant quelques adaptations, dont l’ajout des PCF (art. 5 LPCC).

6.        En l'espèce, est litigieuse la façon dont l'intimé a pris en compte le bien immobilier, dans le calcul des prestations complémentaires.

7.        Préalablement, il convient de relever que la décision querellée est erronée quant au statut de la recourante et de son époux, qui ne sont ni propriétaires, ni usufruitiers mais titulaires d’un droit d’habitation sur l’immeuble, comme cela a été établi par l’instruction du présent recours et reconnu par la représentante du SPC, lors de l’audience de comparution personnelle.

Le droit d'habitation d’une personne requérant des prestations complémentaires doit être pris en compte, d’une part, lors du calcul des dépenses reconnues et, d’autre part, lors du calcul du revenu déterminant.

Pour les dépenses prises en compte, en sus notamment des montants destinés à la couverture des besoins vitaux (respectivement, pour les PCC, du revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable), il est tenu compte du loyer d'un appartement et des frais accessoires y relatifs, plafonnés ensemble à hauteur d'un montant maximal, ou le cas échéant, en lieu et place du loyer, la valeur locative de l'immeuble sur lequel la requérante a un droit de propriété, un usufruit ou un droit d'habitation et dans lequel elle habite, à hauteur du montant maximal prévu pour un appartement loué (art. 10 al. 1 let. b ch. 1 LPC ; art. 16a de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 - OPC-AVS/AI - RS 831.301 ; ch. 3236.01, 3236.02 et 3236.03 DPC). Conformément à l'art. 12 OPC-AVS/AI, la valeur locative du logement occupé par le propriétaire ou l’usufruitier est estimée selon les critères de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton de domicile, à défaut selon ceux de l'impôt fédéral direct.

D'autres frais doivent en outre être pris en compte pour le calcul du droit aux PC, au titre des dépenses reconnues. En particulier, selon l'art. 10 al. 3 let. b LPC, un montant, arrêté par les cantons, doit l'être pour les frais d'entretien des bâtiments et les intérêts hypothécaires, jusqu'à concurrence du rendement brut de l'immeuble, lesdits frais d'entretien et intérêts hypothécaires étant à considérer ensemble (ATF 138 V 17 consid. 4.2.1 p. 20 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 52 ad art. 10). L'art. 16 OPC-AVS/AI précise que la déduction forfaitaire pour l’impôt cantonal direct dans le canton de domicile (à défaut, celle de l'impôt fédéral direct) s’applique aux frais d’entretien des bâtiments. Dans le canton de Genève, l'art. 20 al. 2 du règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques 13 janvier 2010 (RIPP - D 3 08.1) dispose que cette déduction forfaitaire, calculée sur la valeur locative selon l'art. 24 al. 2 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), s'élève à 10% si l'âge du bâtiment au début de la période fiscale est inférieur à dix ans, et à 20% si celui-ci est supérieur à dix ans, ce qui est le cas en l’espèce, la construction de la villa ayant été achevée en 2004.

En ce qui concerne le revenu déterminant pour le calcul du droit aux prestations complémentaires, celui-ci comprend, notamment, le produit de la fortune immobilière (art. 11 al. 1 let. b LPC). Le logement occupé par la propriétaire, la bénéficiaire d'un usufruit ou d'un droit d'habitation représente une valeur économique, à prendre en compte à ce titre. Est alors déterminante la valeur locative du logement, estimée selon les critères de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton de domicile ou, à défaut, ceux de l'impôt fédéral direct, une éventuelle déduction pour usage propre devant être ignorée (Ralph JÖHR / Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Bd XIV : Soziale Sicherheit – Sécurité sociale, éd. par Ulrich MEYER, 3ème éd., 2016, p. 1681 ss, n. 152 ; Michel VALTERIO, op. cit. n. 38 et 40 ad art. 11).

L'art. 12 OPC-AVS/AI le précise explicitement pour un logement occupé par la propriétaire ou l’usufruitière, mais cette disposition s'applique également à la titulaire d'un droit d'habitation (Michel VALTERIO, op. cit., note de bas de page 422, p. 140 ; Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI, RSAS 2002 p. 417 ss, 427). C'est aussi ce que retient le ch. 3433.02 DPC.

Dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021, l'art. 11 al. 1 let. b LPC a été complété par la mention explicite de la valeur annuelle d’un usufruit ou d’un droit d’habitation ou de la valeur locative annuelle d’un immeuble dont le bénéficiaire de prestations complémentaires ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire et qui sert d’habitation à l’une de ces personnes au moins. Là également, c'est pour des motifs de transparence que cet ajout a été apporté à ladite disposition légale, sans que cela n'entraîne de conséquences matérielles, car – ainsi que le Conseil fédéral l'a indiqué dans son message précité – la valeur locative d'un bien immobilier était déjà prise en considération pour le calcul du droit aux prestations complémentaires dans les situations considérées d'un logement occupé par la propriétaire, l'usufruitière ou la titulaire d'un droit d'habitation (FF 2016 7320 s.).

Le Tribunal fédéral a jugé que la contre-valeur d'un droit d'habitation ne doit pas être considérée comme un revenu lorsque l'ayant droit ne peut plus l'exercer pour des raisons de santé, dès lors que le droit d'habitation est incessible quant à sa substance et son exercice (art. 776 al. 2 CC ; ATF 99 V 110 consid. 3). Cette hypothèse n’est pas réalisée dans le cas d’espèce.

8.        En l'occurrence, la valeur locative du droit d'habitation de la recourante, telle que l’AFC l'a établie, est de CHF 24’940.-, sans que la recourante ne le conteste et sans que n'apparaisse contestable la prise en compte de cette valeur par l’AFC en application des critères légaux applicables.

Au regard des règles exposées supra, c'est également conformément au droit que, dans les dépenses reconnues, l'intimé a ajouté des « frais entretien immeuble » de CHF 4’987.80 (soit 20% de la valeur locative).

Se pose également la question de savoir si d'autres dépenses reconnues devaient être retenues par l'intimé, en particulier des intérêts hypothécaires.

À teneur de l'art. 778 al. 1 CC, le bénéficiaire d'un droit d'habitation est chargé des réparations ordinaires d'entretien. Ainsi, habituellement, le titulaire d’un droit d’habitation ne doit pas le service des intérêts hypothécaires, des impôts et taxes en relation avec l'immeuble et des primes d'assurances de celui-ci (ATF 52 II 124 = JdT 1926 I 485 ; Amadéo WERMELINGER, Commentaire romand du Code civil II, 2016, n. 7 ad art. 778 CC ; Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, tome III, 4ème éd, 2012, p. 108, n. 2507 ; Paul PIOTET, Les droits réels limités en général, les servitudes et les charges foncières, tome V,3 du Traité de droit privé suisse, 1969, p. 121).

Le droit d'habitation dont bénéficie la recourante et son époux a cependant été constitué contre l'engagement que les titulaires du droit d’habitation acquittent les frais d’entretien, les charges courantes, les contributions publiques, ainsi que les primes d’assurance, comme l'acte notarié le prévoit explicitement, page 10, sous « Obligations des bénéficiaires ». 

Il n'est pas contraire au droit de prévoir que le bénéficiaire d'un droit d'habitation doit, en contrepartie, assumer d'autres charges que les réparations ordinaires d'entretien. Comme le relève Paul PIOTET (op. cit., p. 121), l'art. 778 CC règle exhaustivement la question des charges liées au droit d'habitation, « sauf clause contraire ». Le droit d'habitation n'est pas concédé obligatoirement à titre gratuit, non seulement au moment de sa constitution, mais aussi durant toute la durée de son exercice. Des clauses dérogeant à la réglementation du CC sur le droit d'habitation sont admissibles, du moins au titre d'engagements personnels entre les parties et non (forcément) avec effets réels (Amadéo WERMELINGER, op. cit., n. 8, 9 et 32 ad art. 776 ; Paul-Henri STEINAUER, op. cit., p. 107 s, n. 2506a et 2506b).

Comme la chambre de céans l'a établi pendant l’instruction et notamment à l’issue de l’audience de comparution personnelle des parties, la recourante et son époux ont pris en charge l’intégralité des dépenses relatives au bien immobilier, soit notamment les frais d’entretien, le paiement des intérêts hypothécaires, le remboursement du prêt par le biais d’amortissements, (dont les paiements sont suspendus, aux dires de la recourante, depuis 2019), les impôts immobiliers et les primes d’assurances liées à l’immeuble.

9.        Compte tenu de ce qui précède, le SPC doit effectuer un nouveau plan de calcul tenant compte de la spécificité du droit d’habitation de la recourante et de ses obligations financières au regard du bien immobilier ; le recours doit donc être partiellement admis au sens des considérants. La décision attaquée sera annulée et la cause renvoyée à l'intimé pour nouvelle décision après instruction complémentaire.

10.    La recourante plaidant en personne et n'ayant pas fait état de frais particuliers et importants engagés pour la défense de ses intérêts, il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité de procédure, en dépit du fait qu'elle obtient partiellement gain de cause (art. 61 al. 1 let. g LPGA).

11.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 al. 1 let. a aLPGA).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 14 août 2020 et renvoie la cause au SPC, pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le