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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/171/2021

ATAS/934/2021 du 14.09.2021 ( AJ ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/171/2021 ATAS/934/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 septembre 2021

9ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Roxane SHEYBANI

 

 

recourante

 

contre

CSS ASSURANCE-MALADIE SA, sise Tribschenstrasse 21, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née B______, présente une dysphorie de genre.

Par ordonnance du 11 octobre 2017, le Tribunal de première instance a constaté le changement de statut personnel de l’assurée, en ce sens qu’elle était de sexe féminin.

b. L’assurée est affiliée auprès de la CSS assurance (ci-après : l’assurance ou l’intimée) pour l’assurance obligatoire des soins.

B.       a. Par courrier du 27 mars 2019 adressé au médecin-conseil de l’assurance, le professeur C______, médecin au service de chirurgie maxillo-faciale et de chirurgie buccale des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a indiqué que l’assurée lui avait été adressée dans le cadre d’un changement transgenre pour évaluation d’une possible harmonisation des angles mandibulaires. Celle-ci présentait un tiers inférieur du visage défini par une largeur bi-angulaire relativement importante et des angles marqués, aboutissant à un visage plutôt carré et masculin. Ce médecin a requis la prise en charge d’un fraisage angulo-mandibulaire associé à une résection de l’angle mandibulaire, qui se déroulerait conjointement à la rhinoplastie proposée par son confrère du service de chirurgie plastique des HUG.

b. Par courrier du 10 avril 2019, l’assurance a indiqué au Prof C______ que, conformément à l'avis de son médecin-conseil, la rhinoplastie était prise en charge. En revanche, les conditions pour un remboursement du fraisage angulo-mandibulaire n’étaient pas remplies.

c. Le 25 avril 2019, l'assurée a sollicité auprès du greffe de l'assistance juridique gratuite du pouvoir judiciaire l’octroi de cette prestation dans le cadre de la procédure d’opposition qu’elle introduirait à l'encontre de la décision de l'assurance refusant la prise en charge du fraisage angulo-mandibulaire.

d. Par courrier du 6 mai 2019, cette instance a invité l’assurée à s'adresser à l'assurance, seule compétente pour statuer sur l’assistance juridique dans le cadre de la procédure d’opposition.

C.       a. Le 7 mai 2019, l’assurée, par son conseil, a requis de l’assurance l’assistance juridique gratuite si sa correspondance du 10 avril 2019 devait être considérée comme une décision. Si tel n’était pas le cas, elle sollicitait une décision formelle.

Elle a joint une attestation d’aide financière établie par l’Hospice général, selon laquelle cet organisme lui versait un montant mensuel de CHF 977.-.

b. Le 24 avril 2019, le docteur D______, spécialiste FMH en endocrinologie, a indiqué que l’hormonothérapie féminisante de l’assurée n’avait pas pu modifier certains traits masculins de son visage. L’assurée présentait en effet une calvitie frontale ainsi que des contours de la mâchoire plutôt carrés, donnant à son visage des traits masculins encore assez marqués. Il soutenait la démarche de modification du contour de la mâchoire, qui permettrait de diminuer la dysphorie de genre dont souffrait l’assurée.

c. Par décision du 24 juin 2019, l’assurance a confirmé le refus de prise en charge du fraisage angulo-mandibulaire requis. Elle a exposé que la forme du visage, dont faisait partie le contour de la mâchoire, ne relevait pas d’un caractère sexuel secondaire dont la modification incombait à l’assurance obligatoire des soins dans le cadre d’un changement de sexe consécutif à une dysphorie de genre.

d. L’assurée, par son conseil, s’est opposée à cette décision le 31 juillet 2019. Elle a conclu, préalablement, à l’assistance gratuite d’un conseil juridique et à la désignation de sa mandataire à cette fin, et sur le fond à la prise en charge de l’intervention. Elle a en substance allégué que selon la littérature scientifique, les mandibules étaient une caractéristique sexuelle, et que la chirurgie faciale faisait partie des prestations efficaces, économiques et appropriées liées à une réassignation sexuelle.

Elle a produit une attestation établie le 17 mai 2019 par la doctoresse E______, médecin au département de psychiatrie des HUG, et Monsieur F______, psychologue, décrivant en substance une persistance de la dysphorie de genre liée aux caractères sexuels primaires et secondaires de l’assurée, notamment la taille de sa mâchoire, incongruente avec son genre et qui posait l'indication à une intervention maxillo-faciale.

e. Par décision du 10 mars 2020, l’assurance a rejeté l’opposition sans allouer de dépens. Elle a retenu que les traits du visage pris individuellement n’avaient pas été qualifiés de caractères sexuels secondaires par la jurisprudence. De plus, considérée isolément, la mâchoire de l’assurée ne pouvait objectivement être catégorisée selon son genre. L’examen des photographies de l'assurée ne laissait aucun doute sur le genre féminin de son visage, et la rhinoplastie visant à affiner son nez, dont l'assurance avait accepté la prise en charge, renforcerait ce résultat.

f. L'assurée a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) par écriture du 8 mai 2020, enregistrée sous le numéro de cause A/1331/2020.

g. Par arrêt du 29 juin 2021 (ATAS/734/2021 dans la cause A/1331/2020), la chambre de céans a rejeté le recours interjeté dans la procédure sur le fond. Après avoir complété l'instruction en interpellant le médecin-conseil de l'assurance, le Dr D______, M. F______ et le Prof C______, elle a retenu que la mâchoire ne saurait être qualifiée de caractère sexuel secondaire, ni y être assimilée. Partant, le fraisage angulo-mandibulaire n'était pas à la charge de l’assurance obligatoire des soins.

h. Le 23 novembre 2020, l’assurée, par sa mandataire, a invité l'assurance à faire droit à sa requête d'assistance juridique gratuite.

i. Par décision du 30 novembre 2020, l'assurance a rejeté la requête d'assistance juridique gratuite de l'assurée. Elle a soutenu que les conclusions tendant à faire admettre que la mâchoire constituait un caractère sexuel secondaire n'avaient aucun fondement dans la jurisprudence et avaient ainsi peu de chances d'être admises. Il était certes loisible à l'assurée d'espérer créer un précédent, mais il était douteux qu'une personne raisonnable disposant des moyens nécessaires s'engage dans un procès aussi aléatoire. En outre, l'état de fait était simple et la question juridique à résoudre était clairement circonscrite. L'avis divergent des parties quant à la notion de caractère sexuel secondaire ne suffisait pas à rendre nécessaire l'intervention d'un avocat. La procédure était de plus soumise à la maxime inquisitoire, ce qui facilitait les démarches des assurés. Si l'assurée n'était pas en mesure de s'orienter seule dans la procédure, ce n’était pas en raison de connaissances juridiques insuffisantes, mais bien plutôt de son niveau de français. Or, elle pourrait pallier à cette difficulté en faisant appel à une association LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenre). Ainsi, l'assistance d'un avocat n'était pas nécessaire. La question des ressources financières pouvait rester ouverte, les deux autres conditions de l'assistance gratuite d'un conseil juridique n'étant pas remplies. À titre superfétatoire, même si l'assistance juridique avait été accordée, elle n'aurait déployé ses effets qu'à partir de la présentation de la requête. Or, l'assurée avait uniquement demandé la notification d'une décision formelle dans l'hypothèse où la lettre de refus du 10 avril 2019 ne valait pas décision. Si elle entendait requérir l'assistance juridique, il lui appartenait d'en faire la demande en temps voulu. La procédure administrative ayant pris fin, la demande d'assistance gratuite d'un conseil juridique du 23 novembre 2020 n'avait plus lieu d'être.

D.      a. Par écriture du 18 janvier 2021, l'assurée a interjeté recours contre la décision de l'assurance. Elle a conclu, sous suite de dépens, à son annulation et à l'octroi de l'assistance gratuite d'un conseil juridique du 25 avril 2019 au 11 mars 2020, subsidiairement du 31 juillet 2019 au 11 mars 2020, dans le cadre de l'opposition ayant donné lieu à la procédure A/1331/2020 alors pendante devant la chambre de céans.

La recourante a notamment allégué qu'elle était suivie par une assistance sociale de l'Hospice général, et qu'elle avait été soutenue par l'association Asile-LGBT pendant près de deux ans. Elle était également soutenue par l'association 360. Elle avait fait appel à sa mandataire actuelle seulement après avoir constaté que le réseau d'associations de défense de personnes LGBT à Genève n'avait pu la soutenir efficacement dans ses démarches. Le Tribunal fédéral avait récemment examiné la prise en charge d'une intervention relative à un caractère sexuel secondaire par l'assurance obligatoire des soins dans le cadre du traitement d'une dysphorie de genre, et son raisonnement juridique s'étendait sur dix pages. Cela démontrait la difficulté et la complexité de la question de droit, imposant l’assistance d'une avocate. Les chances de succès de ses conclusions ne pouvaient être corrélées à l'absence de précédent dans la jurisprudence. La recourante a en outre soutenu que la jurisprudence avait confirmé le caractère sexuel secondaire des mandibules, question au centre du présent litige. Elle s'est référée sur ce point à un arrêt de la chambre de céans du 22 mai 2018 (ATAS/423/2018). S'agissant de la condition liée à l'absence de ressources, elle était réalisée et l'Hospice général l'attestait. En ce qui concernait la date de la demande, il fallait retenir celle de la requête du 25 avril 2019 auprès de l'assistance juridique du pouvoir judiciaire, même si elle avait été déposée devant la mauvaise autorité. Cette requête avait d'ailleurs été reformulée le 31 juillet 2020 dans le cadre de son opposition.

La recourante a notamment produit les pièces suivantes :

1.      une attestation de son assistante sociale du 4 décembre 2020, rappelant la mission de l'Hospice général, dont ne faisait pas partie l'accompagnement dans les démarches juridiques ;

2.      une attestation de Monsieur G______ du 14 janvier 2021, ami de la recourante et travailleur social, affirmant qu'aucune institution ne disposait des connaissances et de l'expérience nécessaires dans son dossier et dans les démarches administratives, et que son avocate avait « accompli un travail titanesque » et donné grande satisfaction à la recourante, qui avait besoin de son aide.

b. Par réponse du 10 février 2021, l'intimée a conclu au rejet du recours, et subsidiairement à l'octroi de l'assistance gratuite d'un conseil juridique à hauteur de CHF 900.- au plus. Elle a affirmé que l'état de fait était simple et clairement établi, et qu'il n'y avait aucune difficulté particulière d'appréciation des preuves. Il s'agissait simplement de déterminer si la mâchoire constituait un caractère sexuel secondaire, dont la correction était à la charge de l'assurance obligatoire des soins en cas de dysphorie de genre. La recourante était soutenue par l'association 360 à Genève, qui disposait de connaissances approfondies en matière de prise en charge des traitements liés à la dysphorie de genre, comme le révélait l'extrait de son site internet portant sur les interventions chirurgicales du visage, lequel rapportait qu’un arrêt de la chambre de céans avait statué sur la prise en charge d'une telle intervention par l'assurance obligatoire des soins. Cette association était ainsi en mesure de communiquer à la recourante l'argumentation topique à l'appui de son opposition ou, à tout le moins, de la renvoyer à son site. L’assurance a répété que si la recourante n'était pas en mesure d'adresser une opposition à l'intimée, c'était uniquement en raison de son niveau de français. Or, les difficultés linguistiques n'étaient pas un motif entrant en ligne de compte. La recourante pouvait également être représentée par l'avocate de l'association Asile LGBT. La relation de confiance que la recourante avait tissée avec sa mandataire n'était pas un critère pertinent pour juger de la nécessité de l'assistance gratuite d'un conseil. L'intervention de cette mandataire n'apportait en l'espèce pas une plus-value prépondérante, et son opposition se composait essentiellement de références à des documents en possession de l'intimée, si bien que la recourante aurait pu faire valoir son point de vue tout aussi efficacement sans être représentée. Les circonstances n'exigeaient pas de connaissances juridiques spécifiques rendant indispensable l'intervention d'un avocat. Reconnaître le droit à l'assistance dans la présente cause reviendrait à l'accorder dans quasiment toutes les procédures. Par ailleurs, l'opposition était une démarche particulièrement aisée.

c. La recourante s'est déterminée le 4 mars 2021, persistant dans ses conclusions. Elle a derechef soutenu que la cause était complexe. Elle a contesté les allégations de l'intimée sur son niveau de français, qui n'avait pas été instruit, de sorte qu'il s'agissait d'une spéculation. Même à considérer que ses aptitudes linguistiques fussent pertinentes, cela n'excluait pas l'assistance d'un avocat. L'intervention de son conseil avait en l'espèce non seulement amené une plus-value, mais était nécessaire à la préservation de ses droits. Elle a souligné que le tarif horaire pour la rémunération des avocats dans l'assistance juridique était de CHF 200.-.

La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l'intimée le 8 mars 2021.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Les décisions qui accordent ou refusent l'assistance gratuite d'un conseil juridique (art. 37 al. 4 LPGA) sont des décisions d'ordonnancement de la procédure au sens de l'art. 52 al. 1 LPGA (ATF 131 V 153 consid. 1), de sorte qu'elles sont directement attaquables par la voie du recours devant les tribunaux des assurances institués par les cantons (art. 56 al. 1 et 57 LPGA).

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et art. 38 LPGA).

3.        Le litige porte sur le droit de la recourante à l'assistance juridique gratuite dans le cadre de la procédure d'opposition à la décision de l'intimée refusant la prise en charge de la correction des contours de sa mâchoire.

4.        Aux termes de l'art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale (Cst. - RS 101), toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

Les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite sont en principe remplies si les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec, si le requérant est dans le besoin et si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée (ATF 125 V 371 consid. 5b).

Un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une partie disposant des moyens nécessaires renoncerait, après mûre réflexion, à s'y engager en raison des frais auxquels elle s'exposerait. Le procès ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou que les perspectives de succès ne sont que légèrement inférieures (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1). Dans tous les cas, les chances de succès ne peuvent pas être déniées lorsque la démarche pose des questions complexes et que son issue apparaît incertaine (arrêt du Tribunal fédéral 1B_233/2021 du 1er juin 2021 consid. 3). Les chances de succès se déterminent sur la base d'un examen préalable et sommaire, qui doit tenir compte des circonstances lors du dépôt de la requête au vu du dossier. Il n'est pas admissible de reporter la décision d'octroi de l'assistance juridique gratuite, puis de refuser cette prestation en raison de l'absence de chances de succès révélée à l'issue de l'administration des preuves (Franziska Martha BETSCHART in Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n. 44 ad art. 37 ATSG). Il est en effet caractéristique d’un procès que les chances de succès se clarifient une fois les preuves administrées. L’assistance juridique gratuite serait vidée de sa substance si l’on attendait le jugement pour se déterminer sur son octroi, et une telle règlementation serait anticonstitutionnelle (ATF 101 Ia 34 consid. 2).

Le point de savoir si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée doit être tranché d'après les circonstances concrètes objectives et subjectives. Pratiquement, il faut se demander pour chaque cas particulier si, dans des circonstances semblables et dans l'hypothèse où le requérant ne serait pas dans le besoin, l'assistance d'un avocat serait judicieuse, compte tenu du fait que l'intéressé n'a pas lui-même des connaissances juridiques suffisantes et que l'intérêt au prononcé d'un jugement justifierait la charge des frais qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 319/05 du 14 août 2006 consid. 3.2).

Une personne ne dispose pas des ressources suffisantes ou est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille. Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité de ses revenus (gains accessoires compris), sa fortune, ses éventuelles créances contre des tiers et, d'autre part, les charges d'entretien et les engagements financiers auxquels il ne peut échapper. Concernant ces derniers, seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital. La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la couverture des besoins personnels doit être comparée, dans chaque cas, aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est demandée ; le soutien de la collectivité publique n'est en principe pas dû, au regard de l'art. 29 al. 3 Cst., lorsque cette part disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (arrêt du Tribunal fédéral 5A_591/2020 du 17 novembre 2020 consid. 3.1 et les références).

5.        Dans la procédure administrative en matière d'assurances sociales, l'assistance gratuite d'un conseil juridique est accordée au demandeur lorsque les circonstances l'exigent (art. 37 al. 4 LPGA).

Cette première condition est circonscrite de manière plus restrictive que dans la garantie constitutionnelle, reprise par la loi fédérale sur la procédure administrative, qui reconnaissent toutes deux à l’administré le droit à l’assistance gratuite d’un défenseursi la sauvegarde de ses droits le requiert. En matière d’assurances sociales, l’assistance d’un conseil professionnel est également réglée plus généreusement au stade de la procédure judiciaire. Il suffit alors que «les circonstances le justifient », formulation interprétée dans le même sens que la norme constitutionnelle, de sorte que le fait que la procédure judiciaire ne paraisse pas manifestement vouée à l’échec est suffisant. Cette restriction trouve son origine dans la jurisprudence rendue par les tribunaux avant l’entrée en vigueur de la LPGA, volontairement reprise dans la loi (Anne-Sylvie DUPONT in Commentaire romand LPGA, 2018 n. 31 ad art. 37 LPGA).

Le Tribunal fédéral a concrétisé l'art. 37 al. 4 LPGA de telle sorte que l’octroi de l’assistance gratuite d’un conseil juridique n’est envisagé que lorsque l’assistance d’un mandataire professionnel est objectivement nécessaire. L’existence d’une telle nécessité doit à son tour être jugée restrictivement : une représentation professionnelle n’est nécessaire que dans des cas exceptionnels, soulevant des questions de fait et de droit difficiles, pour lesquels une représentation par une association, un curateur ou un autre spécialiste n’entre pas en ligne de compte (ATF 132 V 200 consid. 4.1). Il faut ainsi déterminer, au regard de la difficulté du cas du point de vue objectif, si une assistance fournie par un assistant social, un autre professionnel ou une personne de confiance se serait révélée suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_13/2020 du 29 octobre 2020 consid. 5.2). La nécessité d'une représentation par un avocat durant la procédure d'opposition ne constitue pas la règle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_991/2008 du 18 mai 2009 consid. 4.4.1).

Ainsi, la nécessité de l'assistance gratuite ne peut être admise d'emblée, mais n'existe que lorsqu'à la relative difficulté du cas s'ajoute la complexité de l'état de fait ou des questions de droit, à laquelle l'intéressé n'est pas apte à faire face seul. Par ailleurs, l'assistance par un avocat s'impose uniquement dans les cas exceptionnels où des questions de droit ou de fait difficiles la rendent apparemment nécessaire. À cet égard, il y a lieu de tenir compte des circonstances du cas d'espèce, de la particularité des règles de procédure applicables, ainsi que des spécificités de la procédure administrative. En particulier, il faut mentionner, en plus de la complexité des questions de droit et de l'état de fait, les circonstances qui tiennent à la personne concernée, comme sa capacité à s'orienter dans une procédure (arrêt du Tribunal fédéral 9C_786/2017 du 21 février 2018 consid. 4.2).

À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a considéré qu'identifier les points faibles d'une expertise ne relève pas d'une question complexe nécessitant l'assistance d'un avocat, faute de quoi ce droit devrait être admis dans pratiquement toutes les procédures administratives comportant des pièces médicales, ce qui contreviendrait au caractère exceptionnel de l'assistance juridique prévu par l'art. 37 al. 4 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_835/2016 du 3 février 2017 consid. 6.3 ; cf. également 9C_746/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.5).

6.        En l’espèce, s’agissant des chances de succès de la procédure d’opposition, il convient en premier lieu de souligner que conformément aux principes rappelés ci-dessus, le rejet du recours au fond par la chambre de céans par la suite ne permet pas de tirer de conclusions sur la réalisation de cette condition du droit à l’assistance juridique gratuite, qui s’apprécie en fonction des circonstances connues lorsque l’opposition a été formée. Or, la question juridique concrète, soit la qualification des mandibules en tant que caractères sexuels secondaires, n’avait auparavant pas été tranchée de manière claire par la jurisprudence, à tout le moins au plan fédéral. On ne peut dès lors affirmer qu'à l’aune de l’ordre juridique à l’époque, la demande de prise en charge de l’intervention rectificatrice était d’emblée vouée à l’échec, ce d'autant plus que la chambre de céans avait admis la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins d'une intervention de chirurgie faciale de correction par rabotage des arcades sourcilières dans le cadre d'une dysphorie de genre (ATAS/423/2018). Il convient donc d’admettre que cette condition est remplie.

Pour ce qui a trait à la condition du besoin, elle paraît également a priori établie, au vu du fait que la recourante semble uniquement bénéficier de prestations de l’Hospice général. Ce point ne doit cependant pas être examiné plus avant, dès lors que la troisième condition, soit la nécessité de recourir à un avocat – plutôt qu’à l’assistance d’autres intervenants, tels que les collectifs de défense qui ont jusque-là soutenu la recourante – ne peut être admise dans le cas d’espèce. En effet, la problématique au fond du litige est très clairement circonscrite à une question précise, laquelle n'est pas particulièrement complexe et ne soulève pas de problèmes juridiques épineux. Il convient de souligner que les arguments soulevés par le conseil de la recourante ne sont pas si techniques que seul un avocat aurait été en mesure de les soulever, et la cause n'exigeait d'ailleurs pas nécessairement que de tels moyens fussent développés. En outre, comme le relève à juste titre l’intimée, la jurisprudence genevoise invoquée dans le recours au fond pour obtenir la prise en charge de l’intervention litigieuse est connue de l’association 360, qui lui a consacré une publication sur son site (https://association360.ch/trans/la-chirurgie-faciale-dans-le-cadre-dune-reassignation-est-a-la-charge-de-lassurance-obligatoire-de-soins). Cet arrêt a du reste même fait l’objet d’un sujet dans le téléjournal de la Télévision suisse romande du 18 juillet 2018 (https://www.rts.ch/play/tv/-/video/-?urn=urn:rts:video:9723502p). On ne saurait donc considérer que seul un avocat était à même de connaître les développements jurisprudentiels en matière de droits des patients transgenres et de faire valoir ce précédent – qui n’a du reste même pas été soulevé au stade de l’opposition dans le cas d'espèce. Dans ces circonstances, l’association 360, qui a soutenu la recourante dans son parcours, était parfaitement à même de l’épauler également dans le cadre de la procédure d’opposition. On soulignera enfin qu’au procédural, l’opposition n’est pas soumise à des exigences de forme pointues rendant indispensable l’assistance d’un spécialiste. Elle peut d’ailleurs même être formulée par oral (art. 10 al. 3 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales [OPGA – RS 830.11]).

Au vu des considérants qui précèdent, on ne saurait admettre que la procédure d’opposition nécessitait en l'espèce de recourir aux services d’un avocat.

La décision de l’intimée sera dès lors confirmée.

7.        Le recours est rejeté.

La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le