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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3499/2020

ATAS/848/2021 du 17.08.2021 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 13.10.2021, rendu le 18.11.2021, IRRECEVABLE, 9C_509/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3499/2020 ATAS/848/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 août 2021

9ème Chambre

En la cause

A______ SÀRL, sise à GENÈVE

 

recourante

contre

CAISSE DE COMPENSATION DE LA SSE – AGENCE DE GENÈVE – AVS 66.2, sise rue de Malatrex 14, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Pierre VUILLE

et

CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DE L’INDUSTRIE ET DE LA CONSTRUCTION, sise rue de Malatrex 14, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Pierre VUILLE

 

intimées

 


 

EN FAIT

A.      A______ Sàrl (ci-après : la société) est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) depuis le 7 mars 1996 ayant notamment pour but l’exploitation d’un bureau d’ingénieurs civils et d’une entreprise générale de travaux de bâtiment.

Monsieur B______ en est l’associé gérant avec signature individuelle depuis mars 2020. Il l’avait déjà été depuis l’inscription de la société au RC en 1996 jusqu’à octobre 2014.

La société a été affiliée en qualité d’employeuse auprès de la caisse de compensation de la société suisse des entrepreneurs - Agence de Genève AVS – AVS 66.2 pour les cotisations AVS/AI/APG/AC et assurance-maternité et auprès de la caisse d’allocations familiales de l’industrie de la construction pour les cotisations d'allocations familiales (ci-après : les caisses).

B.       a. Le 12 mars 2019, les caisses ont informé la société que, le 15 avril 2019 à 14h00, elles procéderaient à un contrôle d’employeur pour la période de janvier 2014 à décembre 2017.

b. Lors du contrôle, le réviseur a constaté de nombreuses différences et irrégularités au niveau des décomptes des salaires. En parcourant un classeur intitulé « salaires », il a trouvé divers documents de salaire ne figurant pas dans les récapitulatifs de salaire, ni dans les comptes de l’entreprise. Il a informé M.  B______ qu’une partie seulement des documents demandés lui avait été remise et lui a remis une feuille sur laquelle étaient notés les documents que la société devait encore lui transmettre.

c. Par courriel du 22 mai 2019, les caisses ont réitéré leur demande de documents.

d. Par courrier du 26 juillet 2019, les caisses ont invité la société à leur transmettre les documents de l’année 2018. Elles ont expliqué qu’en raison de la sortie de la société des caisses au 31 décembre 2018, un contrôle AVS final devait être effectué. En conséquence, la période révisée avait été prolongée au 31 décembre 2018. Un délai au 30 septembre 2019 a ainsi été imparti à la société pour la production de tous les documents concernant l’année 2018. Les caisses ont ajouté que leur demande de documents du 15 avril 2019, réitérée par courriel du 22 mai 2019, était restée sans suite, de sorte qu’un dernier délai au 12 août 2019 était imparti à la société pour faire parvenir les documents relatifs aux années 2014 à 2017.

e. Le 30 septembre 2019, la société a remis aux caisses les documents suivants : les comptes de l’entreprise (bilans, comptes d’exploitation et « écriture Grand livre comptable » de 2014 à 2018), les listes de masse salariale de 2015 à 2018 et des décomptes individuels de salaire.

Il ressort notamment des listes de masse salariale produites par la société qu’en 2015, elle a versé CHF 17'352.40 à Monsieur C______ ; en 2016, elle a versé CHF 57'200.- à M. C______ ; en 2017, elle a versé CHF 43'800.- à M. C______, CHF 38'000.- à Monsieur D______, CHF 8'880.- à Monsieur D______ et CHF 22'026.- à Monsieur E______ ; en 2018, elle a versé CHF 44'000.- à M. C______, CHF 12'200.- à M. D______, CHF 8'880.- à M. D______ et CHF 2'940.- à M. E______. 

f. Par courriers séparés du 22 octobre 2019, les caisses ont informé Messieurs F______, G______ et E______ que les salaires qui leur avaient été versés par la société n’avaient pas été communiqués à la caisse. Les intéressés étaient invités à lui faire parvenir l’ensemble de leurs décomptes de salaire pour la période de 2014 à 2018.

g. Par courriel du 17 décembre 2019, les caisses ont informé la société qu’elles étaient toujours dans l’attente des relevés de comptes (grands livres) requis. Elles lui ont transmis le détail des différences relevées sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2018 (tableau récapitulatif : pièce 1 recourante) et l’ont invitée à leur faire part de ses observations.

h. Par courrier du 29 juillet 2020, les caisses ont transmis à la société le rapport du réviseur daté du 24 janvier 2020, attestant d’arriérés de cotisations à hauteur de CHF 66'777.60.

C.       a. Par décisions du 30 juillet 2020, les caisses ont réclamé à la société le paiement de cotisations sociales complémentaires pour les années 2014 (soit CHF 1'116.40), 2015 (CHF 12'602.55), 2016 (CHF 28'975.25), 2017 (CHF 20'199.05) et 2018 (CHF 3'884.35). Selon ces décomptes, les reprises de salaire se décomposaient comme suit :

-          2014 : salaire brut non déclaré versé à M. E______ de CHF 5'850.- ;

-          2015 : salaire brut non déclaré versé à M. E______ de CHF 4'725.- ;

salaire brut non déclaré versé à M. C______ de CHF 2'153.21 ;

salaire brut non déclaré versé à M. B______ de CHF 61'425.- ;

-          2016 : salaire brut non déclaré versé à M. F______ de CHF 3'640.- ;

salaire brut non déclaré versé à M. E______ de CHF 20'431.85 ;

salaire brut non déclaré versé à M. C______ de CHF 57'809.60 ;

salaire brut non déclaré versé à M. B______ de CHF 81'900.- ;

-          2017 : salaire brut non déclaré versé à M. F______ de CHF 14'255.90 ;

salaire brut non déclaré versé à M. G______ de CHF 6'446.45 ;

salaire brut non déclaré versé à M. E______ de CHF 6'767.95 ;

salaire brut non déclaré versé à M. C______ de CHF 4'733.20 ;

salaire brut non déclaré versé à M. B______ de CHF 81'900.- ;

salaire brut non déclaré versé à M. D______ de CHF 5'190.- ;

-          2018 : salaire brut non déclaré versé à M. E______ de CHF 2'730.30 ;

salaire brut non déclaré versé à M. C______ de CHF 16'876.-;

salaire brut non déclaré versé à M. D______ de CHF 3'653.80 ;

salaire brut non déclaré versé à M. D______ de CHF 740.-.

b. Par décision du 28 septembre 2020, les caisses ont rejeté l’opposition formée par la société.

D.      a. Par acte du 26 octobre 2020, la société a recouru contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), faisant valoir que les décomptes ne correspondaient ni au tableau récapitulatif des caisses (pièce 1 recourante), ni à leur comptabilité et que les décisions n’étaient pas justifiées.

b. Dans leur réponse du 27 novembre 2020, les caisses ont conclu au rejet du recours sous suite de frais et dépens et à ce que la société soit condamnée à leur verser la somme de CHF 66'777.60, « voire plus », à titre de cotisations dues sur les reprises de salaires.

Les caisses ont expliqué que le décompte du 17 décembre 2019 n’incluait pas les revenus de M. B______, lesquels leur avait été transmis par l’administration fiscale dans le cadre de l’entraide administrative. Il ressortait également des documents reçus de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : CNA) que l’intéressé avait perçu des indemnités journalières en 2016 et 2017 sur la base de salaires mensuels déclarés de CHF 6'630.- en 2016 et CHF 6'650.- en 2017. Les grands livres et les pièces comptables de la société n’avaient toujours pas été fournis au réviseur, de sorte que le contrôle des frais généraux et des sous-traitants n’avait pas pu être effectué, étant précisé que des sous-traitants non indépendants avaient déjà fait l’objet de reprises lors du précédent contrôle. Les caisses reprochaient ainsi à la société de n’avoir pas ou partiellement déclaré les salaires qu’elle avait versés, d’avoir pratiqué du travail au noir, d’avoir détourné des cotisations sociales retenues sur les salaires de ses employés en ne les reversant pas à la caisse, de n’avoir pas tenu les listes de salaires par employé, d’avoir éludé son obligation de payer des cotisations en fournissant des indications fausses et incomplètes, d’avoir violé son obligation de renseigner en ne communiquant pas au réviseur tous les éléments nécessaires au contrôle, de n’avoir déclaré aucun salaire pour M. B______ alors que ce dernier avait bel et bien perçu des revenus de la société, d’être coutumière de cette façon de procéder et de n’avoir pas tenu sa comptabilité conformément au principe de régularité. À défaut de documents fournis par la société, le contrôle des sous-traitants n’avait pas pu être effectué dans le cadre de ce contrôle. Il apparaissait ainsi que les salaires réellement versés pouvaient être encore plus élevés que ceux relevés et repris dans le cadre du contrôle. Le réviseur aurait pu, par mesure de simplification, procéder à une taxation d’office ou, plus simplement, se fonder sur les salaires de la société enregistrés par la CNA. L’organe de révision n’avait, au demeurant, pas pu procéder au contrôle des comptes de l’entreprise et s’était départi de son mandat.

c. Par réplique du 4 janvier 2021, la société a maintenu les termes de son recours. Le contrôle portait sur les années 2014 à 2017 et non sur l’année 2018. Contrairement à ce que soutenaient les caisses, la société avait mis à disposition du réviseur tous les documents demandés pour le contrôle de cette période, ainsi qu’un bureau pour qu’il puisse l’effectuer. Le réviseur s’était servi d’autres bureaux de la société et avait étudié des classeurs qui ne concernaient pas le contrôle en question et qui n’étaient pas mis à sa disposition. Une partie des cotisations réclamées par les caisses avait d’ores et déjà été réglée selon les décisions des années 2015 à 2017. Les taxations en lien avec la CNA (en particulier pour l’année 2017) n’étaient pas des taxations faisant référence à des déclarations de masse salariale, mais des taxations d’office.

À l’appui de sa réplique, elle a notamment produit les décisions de cotisations de la caisse de 2015 à 2018.

d. Par duplique du 20 janvier 2021, les caisses ont persisté dans les termes de leur réponse. Par courrier du 26 juillet 2019, les caisses avaient informé la société que le contrôle porterait également sur l’année 2018. L’entreprise n’avait manifestement pas mis à disposition du réviseur tous les éléments nécessaires au contrôle. Ce dernier ne s’était pas servi d’autres bureaux. Il avait consulté le classeur intitulé « salaires » qui était sur l’étagère, estimant de bonne foi qu’il serait utile au contrôle. Les pièces jointes à la réplique de la société n’étaient pas nominatives, de sorte qu’il n’était pas possible de comprendre si ces factures concernaient, même partiellement, les montants repris dans le cadre du contrôle.

e. Le 8 juin 2021, la chambre de céans a tenu une audience de comparution personnelle, lors de laquelle les caisses ont renoncé à percevoir les cotisations complémentaires afférentes à l’année 2014, compte tenu de la prescription de cinq ans. Le représentant de la société a contesté la manière de procéder du réviseur consistant à se servir de pièces qui ne lui étaient pas présentées. En revanche, il ne contestait pas le contenu des pièces, en particulier les documents officiels, tels que les fiches de salaire et les contrats de travail.

Les caisses ont produit un nouveau chargé de pièces contenant l’intégralité des documents sur lesquels s’était fondé le réviseur pour le calcul des cotisations arriérées. À l’issue de l’audience, la société a été invitée à se déterminer sur les nouvelles pièces produites par les caisses, pièces et preuves à l’appui.

f. Le 5 juillet 2021, la société a contesté la prise en compte des pièces 40 à 46 apportées par les caisses, dans la mesure où celles-ci ne figuraient parmi les documents présentés au réviseur. Elle a produit un nouveau décompte pour les années 2015 à 2017, qui se basait sur le premier tableau remis par les caisses en date du 17 décembre 2019.

g. Le 13 juillet 2021, les caisses ont persisté dans leurs conclusions et sollicité l’audition du réviseur, Monsieur H______. Le nouveau décompte produit par la société ne se fondait sur aucune pièce, de sorte qu’il n’était pas probant.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le litige porte sur le bien-fondé des décisions de cotisations émises par les intimées concernant la recourante pour les années 2015 à 2018. Entendues en audience, les intimées ont en effet renoncé à percevoir des cotisations complémentaires afférentes à l’année 2014, le délai de prescription de cinq ans à compter de la fin de l’année civile concernée n’ayant pas été sauvegardé par une décision fixant le montant des cotisations.

3.        a. Les assurés sont tenus de payer des cotisations à l’assurance-vieillesse et survivants tant qu'ils exercent une activité lucrative (art. 3 al. 1 LAVS). Les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l’exercice de l’activité dépendante et indépendante (art. 4 al. 1 LAVS). Une cotisation de 4.35 % est perçue sur le revenu provenant d’une activité dépendante, appelé ci-après salaire déterminant (art. 5 al. 1 LAVS). Celui-ci comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s'ils représentent un élément important de la rémunération du travail (art. 5 al. 2 LAVS).

Les employeurs sont également tenus de payer une cotisation de 4.35 % du total des salaires déterminants versés à des personnes tenues de payer des cotisations (art. 13 LAVS). Les cotisations perçues sur le revenu provenant de l’exercice d’une activité dépendante sont retenues lors de chaque paie. Elles doivent être versées périodiquement par l’employeur en même temps que la cotisation d’employeur (art. 14 al. 1 LAVS). Les cotisations dues par les employeurs sont en général encaissées selon la procédure simplifiée prévue à l’art. 51 LPGA ; ce principe trouve aussi application, en dérogation à l’art. 49 al. 1 LPGA, lorsque les cotisations sont importantes (art. 14 al. 3 LAVS).

Selon l’art. 68 al. 2 1ère phrase LAVS, l’application des dispositions légales par les employeurs affiliés à une caisse de compensation doit être contrôlée périodiquement. Le Conseil fédéral édicte des dispositions sur le paiement a posteriori de cotisations non versées (art. 14 al. 4 let. c LAVS). En vertu de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté l’art. 39 al. 1 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS – RS 831.101), selon lequel si une caisse de compensation a connaissance du fait qu'une personne soumise à l'obligation de payer des cotisations n'a pas payé de cotisations ou n'en a payé que pour un montant inférieur à celui qui était dû, elle doit réclamer, au besoin par décision, le paiement des cotisations dues. La prescription selon l'art. 16 al. 1 LAVS, est réservée. Les cotisations doivent être payées dans les trente jours à compter de la facturation (art. 39 al. 2 RAVS).

Selon l’art. 162 al. 1 RAVS, le contrôle périodique des employeurs prévu à l’art. 68 al. 2 1re phrase LAVS, s’effectue en principe sur place. Le bureau de révision peut renoncer au contrôle sur place s’il a accès par voie électronique aux données et aux documents nécessaires au contrôle (al. 1). Lorsqu’un employeur change de caisse de compensation, la caisse compétente jusqu’alors veille qu’il soit contrôlé pour la période précédant le transfert (al. 2). Le gérant de la caisse a la responsabilité d’ordonner les contrôles et de fixer des périodes de contrôle. Dans ce but, il se fonde en particulier sur le résultat du dernier contrôle et sur une évaluation permanente du risque encouru par chaque employeur. Le contrôle doit être annoncé suffisamment tôt à l’employeur (al. 3). L’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) donne des instructions aux caisses de compensation sur les modalités des contrôles (al. 4).

L’étendue du contrôle est réglementée à l’art. 163 RAVS. D’après cette disposition, le bureau de révision doit vérifier si l’employeur s’acquitte correctement de ses tâches. Le contrôle s’étendra à tous les documents requis par cette vérification (al. 1). Le contrôle portera sur la période de contribution non prescrite. Il sera effectué dans une mesure qui garantisse une vérification sérieuse et permette de constater les lacunes éventuelles (al. 2). Les organes de contrôle doivent se limiter au contrôle. Ils ne peuvent ni prendre des décisions ni donner des ordres. Ils peuvent jouer un rôle consultatif (al. 3).

b. Selon l’art. 16 al. 1 LAVS, les cotisations dont le montant n’a pas été fixé par voie de décision dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l’année civile pour laquelle elles sont dues ne peuvent plus être exigées ni versées. S’il s’agit de cotisations visées aux art. 6 al. 1, 8 al. 1 et 10 al. 1 le délai n’échoit toutefois, en dérogation à l’art. 24 al. 1 LPGA, qu’un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Si le droit de réclamer des cotisations non versées naît d’un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est déterminant.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, rappelée par la juridiction cantonale, l’art. 16 al. 1 LAVS prévoit un délai de péremption, qui ne peut être ni suspendu ni interrompu. Ainsi, soit le délai est sauvegardé par une décision fixant le montant des cotisations dues notifiée dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l'année civile concernée, soit il n'est pas sauvegardé, avec pour conséquence que les cotisations ne peuvent plus être ni exigées ni versées (ATF 121 V 5 consid. 4c ; ATF 117 V 208). Dans cette seconde hypothèse, il ne subsiste aucune obligation naturelle susceptible d'être exécutée volontairement ou par compensation (arrêts du Tribunal fédéral 9C_383/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.2 ; 9C_741/2009 du 12 mars 2010 consid. 1.2 et les références).

La péremption doit toujours être examinée d’office par le juge (ATF 111 V 136).

c. Selon l'art. 26 al. 1 LPGA, les créances de cotisations échues sont soumises à la perception d'intérêts moratoires.

L'art. 41bis al. 1 let. b RAVS confirme l'obligation, pour les personnes tenues de payer des cotisations, de payer des intérêts moratoires sur les cotisations arriérées réclamées pour des années antérieures, dès le 1er janvier qui suit la fin de l’année civile pour laquelle les cotisations sont dues.

Il est précisé que les intérêts ne cessent de courir que lorsque les cotisations sont intégralement payées. En cas de réclamation de cotisations arriérées, les intérêts moratoires cessent de courir à la date de la facturation, pour autant qu'elles soient payées dans le délai (art. 41bis al. 2 RAVS).

Quant au taux d'intérêt, l'art. 7 de l'ordonnance du 11 septembre 2002 sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA) précise qu'il s'élève à 5 % par an.

4.        Dans le domaine des assurances sociales, aucune disposition ne règle le sort des preuves obtenues illégalement (ATF 143 I 377 consid. 5.1.1). Pour la doctrine, la problématique doit être traitée en relation avec le principe du procès équitable inscrit à l’art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Selon certains auteurs, les preuves obtenues par des moyens illégaux ne peuvent être utilisées que si elles auraient pu être recueillies d’une façon légale ou si un intérêt public important le justifie (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 239 ; Pierre MOOR / Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 297 ; ATF 139 II 95 consid 3.1). D’autres précisent que les moyens de preuve obtenus sans respecter des prescriptions d’ordre doivent faire l’objet d’une pesée d’intérêts pour être exploités : il s’agit de mettre en balance, d’une part, l’intérêt public à la manifestation de la vérité et, d’autre part, l’intérêt de la personne concernée à ce que le moyen de preuve ne soit pas exploité (Christoph AUER, Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2008, ad art. 12 PA). D’autres, enfin, plaident pour une application analogique des règles très détaillées contenues à l’art. 141 CPP, lesquelles seraient l’expression du procès équitable selon l’art. 29 al. 1 Cst. (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.1).

5.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.        À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention des caisses est périmée, étant rappelé que les intimées ont renoncé à leur prétention s’agissant des cotisations complémentaires afférentes à l’année 2014.

En l’occurrence, les décisions de cotisations pour les années 2015 à 2018 ont été adressées à la société recourante le 30 juillet 2020, soit avant l’échéance du délai de péremption de cinq ans à compter de la fin de chaque année civile concernée. Le délai de péremption du droit de fixer les cotisations a ainsi été sauvegardé.

7.        Il convient donc d’examiner le bien-fondé des décisions de cotisations des années 2015 à 2018.

En l’occurrence, en date du 15 avril 2019, un contrôle d’employeur a été effectué au sein l’entreprise recourante. À cette occasion, le réviseur a trouvé de nombreux documents salariaux – dont notamment des décomptes de salaire, des relevés d’heures, des fiches de calculs de déclaration des heures travaillées, des quittances de paiement de salaire, des contrats de travail, des fiches d’engagement et une lettre de licenciement – ne figurant pas dans les récapitulatifs de salaire transmis aux intimées par la société. À la suite de ce contrôle, les intimées ont invité les employés figurant sur ces pièces à lui transmettre leurs décomptes de salaire, a sollicité des pièces complémentaires de la société et a requis des documents de l’administration fiscale dans le cadre de l’entraide administrative. Sur la base de l’ensemble des pièces versées au dossier, les intimées ont recalculé les cotisations dues par la société pour les années 2015 à 2018.

Devant la chambre de céans, la recourante ne conteste pas spécifiquement les montants retenus dans la décision entreprise. Elle se limite à soutenir qu’une partie des pièces sur lesquelles se sont fondées les intimées ne pouvait pas être prise en compte, au motif qu’elles ne figuraient pas parmi les documents mis à disposition du réviseur. Cet argument ne convainc pas. Outre que les intimées contestent cette version des faits, exposant que le réviseur n’avait fait que consulter un classeur intitulé « salaires » se trouvant dans le bureau mis à sa disposition, il n’en reste pas moins qu’en examinant les documents litigieux, le réviseur s’est conformé à son mandat consistant à vérifier si l’employeur s’acquittait correctement de ses tâches (cf. art. 163 al. 1 RAVS), étant précisé que le contrôle s’étend à tous les documents requis par cette vérification (art. 163 al. 1 in fine RAVS). En cela, la chambre de céans peine à comprendre en quoi les preuves n’auraient pas été obtenues de manière légale. Quoi qu’il en soit, même à considérer que les éléments recueillis dans le classeur constituent des moyens de preuve illicites, force serait alors de constater que ces preuves auraient pu être recueillies d’une façon légale si la recourante avait satisfait à son devoir de mettre à disposition du réviseur toutes les pièces utiles à son contrôle. À cela s’ajoute que l’intérêt public à la manifestation de la vérité l’emporte à l’évidence sur l’intérêt de la recourante à ce que le moyen de preuve ne soit pas exploité. Ce moyen de preuve, même illicite, pourrait de toute manière être exploité dans la présente procédure. C’est partant à juste titre que les intimées se sont fondées sur ces pièces pour calculer le montant des cotisations arriérées dues par la société, étant précisé qu’entendu en audience, le représentant de la société a déclaré que le contenu de ces pièces, en tant qu’il s’agissait de documents officiels tels que des fiches de salaire et contrats de travail, n’était pas contesté.

Ensuite, en tant que la recourante reproche aux intimées d’avoir étendu le contrôle à l’année 2018 alors que l’avis de contrôle du 5 février 2019 portait sur la période de janvier 2014 à décembre 2017, son grief doit également être rejeté. Les intimées ont dûment expliqué à la recourante, par courrier du 26 juillet 2019, que la période révisée avait été prolongée jusqu’au 31 décembre 2018 en raison de la sortie de la recourante des caisses à cette date. Cette manière de procéder est conforme à l’art. 162 al. 2 RAVS qui impose à la caisse compétente de veiller à ce que l’entreprise soit contrôlée pour la période précédant le transfert lorsqu’un employeur change de caisse de compensation.

Enfin, la recourante ne saurait être suivie en tant qu’elle fait valoir que le montant total des salaires non déclarés retenu dans la décision entreprise ne correspond pas au tableau récapitulatif, intitulé « détail des différences constatées », transmis par les intimées en date du 17 décembre 2019. Elle perd en effet de vue que le tableau daté du 17 décembre 2019 a été transmis à la recourante avant que les caisses n’obtiennent les certificats de salaire de M. B______, reçus de l’administration fiscale dans le cadre de l’entraide administrative (pièce 46 intimées), d’où il ressort que les revenus de l’intéressé s’élevaient à CHF 61'425.- en 2015, CHF 81'900.- en 2016 et à CHF 81'900.- en 2017. Déduction faite du salaire de CHF 5'918.- versé en 2017 et figurant déjà dans le tableau du 17 décembre 2019, ces montants ont ainsi été intégrés dans le tableau du 24 janvier 2020. Devant la chambre de céans, la recourante ne conteste pas avoir versé des salaires à cet employé. Elle ne fait pas non plus valoir que les montants de ceux-ci, tels qu’ils ressortent des certificats de salaire versés au dossier seraient inexacts. C’est partant à juste titre que les intimées en ont tenu compte. Pour le reste, la recourante ne conteste pas spécifiquement les montants retenus dans le tableau du 24 janvier 2020 récapitulant le détail des différences constatées, qui a servi de base à la décision entreprise. Le décompte transmis à l’appui de ses observations du 5 juillet 2021, nullement justifié par les pièces au dossier, n’est d’aucune pertinence. Les intimées ont, pour leur part, dûment justifié leur décision en apportant toutes les pièces comptables ayant servi de fondement à leur décision. Compte tenu du devoir de collaboration de la recourante, qui ne produit aucune pièce démontrant que les montants retenus par les intimées à titre d’arriérés de cotisations seraient erronés, la chambre de céans ne peut que confirmer la décision sur opposition querellée, qui ne prête pas le flanc à la critique. Partant, à défaut d’éléments prouvant le contraire et sous l’angle de la vraisemblance prépondérante, il convient de confirmer les montants réclamés par les intimées.

Quant aux intérêts moratoires, c’est également à juste titre que les intimées ont requis leur versement en application de l’art. 41bis al. 1 let. b RAVS.

Il suit des considérants qui précèdent que la décision attaquée n’est pas critiquable s’agissant des arriérés de cotisations pour les années 2015 à 2018. Ainsi, par appréciation anticipée des preuves et dans la mesure où le dossier contient tous les éléments nécessaires pour trancher le litige, la chambre de céans ne donnera pas suite à la requête des intimées tendant à l’audition du réviseur.

8.        Le recours sera donc très partiellement admis, compte tenu de la renonciation des intimées à requérir les arriérés de cotisations pour l’année 2014. La décision entreprise sera dès lors annulée en tant qu’elle condamne la recourante au paiement des arriérés de cotisations relatifs à l’année 2014 (soit CHF 1'116.40). Elle sera toutefois confirmée pour le surplus, de sorte que la recourante reste tenue au paiement des arriérés de cotisations pour les années 2015 à 2018, tels que confirmés dans la décision sur opposition (soit au total CHF 65'661.20).

Bien qu'obtenant très partiellement gain de cause, la recourante, qui n'est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens. Il en va de même des intimées, compte tenu de leur qualité d’assurances sociales (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version – applicable en l’occurrence – jusqu’au 31 décembre 2020).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet très partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 28 septembre 2020 en tant qu’elle condamne la recourante au paiement des arriérés de cotisations relatifs à l’année 2014.

4.        La confirme pour le surplus.

5.        Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le