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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3567/2020

ATAS/773/2021 du 21.07.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3567/2020 ATAS/773/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 juillet 2021

4ème Chambre

 

En la cause

A______SARL, sise ______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


 

EN FAIT

1.        A______Sàrl (ci-après : la société ou la recourante), dont l’associé gérant est Monsieur B______(ci-après : l’associé gérant), a été inscrite au registre du commerce le 9 septembre 2016 et a pour but le conseil en management, en immobilier et en marketing.

2.        L’associé gérant a transmis le 21 mars 2020 à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) pour le secteur d’exploitation de secrétaire, précisant que la société avait deux employés avec un contrat de durée indéterminée, dont un était touché par la RHT, pour la période du 16 mars au 30 avril 2020, à 100%. La société avait une activité de conseil en management et juridique. Son chiffre d’affaires mensuel était d’environ CHF 20'000.-. Aucun rendez-vous n’était prévu dans les quatre prochains mois. La demande de RHT avait été introduite en raison du confinement lié à la COVID-19 et du fait qu’il n’était pas possible de faire du télétravail.

3.        Par décision du 26 mars 2020, l’OCE n’a pas fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT et dit que la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) pouvait l’octroyer pour la période du 16 mars au 15 juin 2020.

4.        Par courriel du 24 juin 2020, la société a demandé à l’OCE la prolongation de la RHT jusqu’au 31 août 2020.

5.        Par décision du 25 juin 2020, l’OCE a fait partiellement opposition au préavis de RHT du 24 juin 2020 et dit que la caisse pouvait octroyer l’indemnité pour la période du 24 juin au 31 août 2020.

6.        Le 21 août 2020, la société a transmis à l’OCE un nouveau préavis de RHT, faisant valoir qu’elle avait une activité très importante en faveur d’une clientèle étrangère notamment, qu’il était impossible de traiter les dossiers de celle-ci du fait de la pandémie, que les mandats étaient en suspens et que la perte de travail était très significative, avec une baisse très sensible du chiffre d’affaires. Deux travailleurs étaient concernés par la RHT, qui était prévisible du 1er septembre au 31 décembre 2020. Le pourcentage prévisible de perte de travail par mois était de 75%.

Selon l’organigramme transmis en annexe du préavis, l’associé gérant s’occupait de la direction de la société avec une assistante de direction.

7.        Par décision du 24 août 2020, l’OCE a refusé la demande de RHT au motif qu’une perte de travail n’était pas avérée.

8.        Le 23 septembre 2020, la société a formé opposition à la décision de l’OCE. Elle fournissait assistance et conseils, notamment en matière fiscale, à une clientèle importante résidant dans les pays du Maghreb, aux États-Unis et dans la péninsule Ibérique. Il était notoire que ces pays étaient fortement impactés, voire paralysés, par la pandémie. En raison du secret professionnel, la société ne pouvait produire la liste de ses clients. Elle se trouvait non seulement dans une situation de perte de chiffre d’affaires, mais également de perte de travail. Son assistante de direction était particulièrement affectée au traitement, à la gestion et la mise en place des dossiers de la clientèle susmentionnée. Ces activités étaient actuellement en sommeil en raison des mesures de confinement appliquées dans les états en question. Son assistante de direction ne déployait dès lors qu’une activité de l’ordre de 25% de son temps de travail qu’elle consacrait aux travaux administratifs de la société ainsi qu’à la clientèle locale. Son activité ne pourrait reprendre normalement qu’au gré d’une évolution positive de la situation de pandémie. Le gérant de la société se chargeait, pour sa part, d’assurer partiellement le suivi des dossiers. La société ne disposait plus d’une trésorerie suffisante lui permettant de faire face à ses coûts de fonctionnement de base (salaires, charges sociales, etc.). En conclusion, elle sollicitait l’annulation de la décision du 24 août 2020, en tant que la demande concernait l’assistante de direction, pour un pourcentage prévisible de perte de travail de 75% du 1er septembre au 31 décembre 2020.

9.        Par décision sur opposition du 6 octobre 2020, l’OCE rejeté l’opposition formée par la société à sa décision du 24 août 2020. Il était manifeste que les sociétés agissant dans le domaine financier étaient, depuis la pandémie, à tout le moins tout aussi actives qu’avant la crise y relative, étant donné notamment l’incertitude économique et la volatilité des marchés, qui provoquaient entre autres une augmentation des transactions bancaires et des demandes plus fréquentes de leurs mandants, ce qui nécessitait un travail plus important des employés de la société.

Les contacts avec les clients de la société et la prospection de nouveaux clients pouvaient s’effectuer par divers moyens, notamment par téléphone et visioconférence, et ne nécessitaient pas des rencontres en présentiel. En l’occurrence, la société n’apportait aucun élément concernant ses allégations relatives à la perte de travail de sa collaboratrice, pas plus qu’elle ne fournissait de justificatifs d’annulations de mandats. Une perte de travail, en plus de n’être pas avérée, n’était pas inévitable, la société n’ayant pas pris les mesures possibles pour l’éviter. Par ailleurs, la demande dépassait la durée maximale de trois mois et elle n’aurait pas pu être accordée pour la durée sollicitée. C’était dès lors à juste titre que le service juridique de l’OCE avait fait opposition au préavis de RHT du 21 août 2020.

10.    Le 6 novembre 2020, la société a formé recours contre la décision sur opposition précitée. Son gérant était titulaire du brevet d’avocat depuis 1984 et la société était principalement active dans le domaine du conseil juridique. La société subissait une réelle perte de travail. Elle était très active dans le domaine du conseil juridique, notamment en matière fiscale. Elle déployait une très grande partie de son activité d’assistance et de conseil à l’étranger, dans les pays du Maghreb, de la péninsule Ibérique, en France et aux États-Unis. Elle était en outre consultée par une clientèle française désireuse de s’implanter sur le territoire helvétique par la création d’entreprises dans les domaines de l’importation des produits alimentaires, du catering et de la construction. Depuis l’été 2020, cette clientèle avait suspendu ses projets, qui avaient été reportés au plus tôt au mois de décembre 2020, voire au début de l’année 2021. Il s’agissait notamment d’une famille marocaine déployant une activité extrêmement importante au Maroc dans le domaine hôtelier qui avait consulté la recourante en vue de son installation en Suisse (activité de Family office) et de clients d’origine portugaise désireux de renouveler leur autorisation de séjour en Suisse. La recourante assurait, conjointement avec un conseil américain, la gestion d’un important procès en Floride, pour le compte de clients français. Là encore, pour des motifs liés à la pandémie, cette procédure était actuellement suspendue. Il en résultait une perte de travail pour la collaboratrice en charge de la gestion de ces dossiers de l’ordre de 75% de son activité.

Contrairement à ce qu’avait retenu l’intimé dans sa décision, la recourante ne déployait aucune activité dans le domaine financier. L’intimé avait motivé sa position en affirmant que les contacts avec les clients existants pouvaient s’effectuer par divers moyens. Cela n’était pas contesté, mais était totalement irrelevant, dans la mesure où une clientèle qui, du fait de la pandémie, souhaitait remettre ses projets à plus tard ou se voyait contrainte de faire face à la suspension d’une procédure judiciaire en cours, n’avait pas besoin d’être contactée par téléphone ou visioconférence. La recourante était soumise à une obligation de discrétion à l’égard de sa clientèle, voire au secret professionnel, et, partant, elle se trouvait dans l’impossibilité de fournir toute documentation en relation avec ses clients.

La recourante concluait à ce qu’il soit dit qu’elle avait droit aux indemnités en cas RHT pour la perte de travail de son assistante de direction.

11.    Lors d’une audience du 14 avril 2021 :

a. L’associé gérant de la société a repris en substance la teneur de son recours et déclaré qu’il ne pouvait pas produire de pièces attestant ses dires. Il ne voulait pas contacter ses clients, ni caviarder les pièces, ce qui n’aurait pas de sens, car elles ne seraient plus compréhensibles. En revanche, son assistante de direction pourrait éventuellement être entendue. Il avait essayé de trouver d’autres activités pour l’occuper et cela commençait à porter ses fruits. Il ne pouvait en dire plus, s’agissant de clients étrangers extrêmement frileux. Il pourrait toutefois produire le bilan et le chiffre d’affaires de la société pour 2019 et 2020.

b. La représentante de l’intimé a fait valoir que l’audition de l’assistante de direction ne serait pas déterminante, car elle était la collaboratrice de la société et précisé que l’intimé avait continué à refuser les RHT à la société pour les mêmes motifs.

c. Un délai au 5 mai 2021 a été octroyé à la recourante pour produite toute pièce utile pour établir les faits dont elle se prévalait.

12.    Aucune pièce n’est parvenue à la chambre de céans dans le délai imparti.

13.    La chambre de céans a demandé à la société de produire les comptes de la société pour 2019 et 2020 au 11 juin 2021.

14.    La chambre de céans a encore convoqué l’assistante de direction de la recourante à une audience, à laquelle ni cette dernière ni l’associé gérant de la recourante ne se sont présentés sans excuses.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        Le litige porte sur le droit de la recourante à une indemnité en cas de RHT pour la période courant du 1er septembre au 31 décembre 2020 pour une perte de travail de 75% de son assistante de direction.

4.        a. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 32 LACI).

Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a).

L’art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a); contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b); restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c); interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d); dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

5.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b; 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.        Le principe inquisitoire, qui régit la procédure dans le domaine de l'assurance sociale (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), exclut que la charge de l'apport de la preuve ("Beweisführungslast") incombe aux parties, puisqu'il revient à l'administration, respectivement au juge, de réunir les preuves pour établir les faits pertinents. Dans le procès en matière d'assurances sociales, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où la partie qui voulait déduire des droits de faits qui n'ont pas pu être prouvés en supporte l'échec. Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que s'il n'est pas possible, dans les limites du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 128 V 218 consid. 6; ATF 117 V 261 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 6.2.1). En cas de manque de collaboration, l’assuré supporte l’absence de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 8C_211/2020 du 23 septembre 2020 consid. 4.3).

Dans la décision entreprise, l’intimé a retenu que la société n’avait apporté aucune pièce concernant ses allégations relatives à la baisse d’activité de la société pour ses clients et la perte de travail de sa collaboratrice. L’associé gérant a persisté à refuser de produire à la procédure tout document en lien avec ses clients. Il n’a pas non plus produit les comptes 2019 et 2020 de la société et ne s’est pas présenté à l’audience d’enquête lors de laquelle son assistante devait être entendue, sans présenter d’excuse. Son employée ne s’est pas non plus présentée à l’audience. Dans ces circonstances, la chambre de céans ne peut que constater que la recourante n’a pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, la perte de travail de sa collaboratrice alléguée dans son préavis du 21 août 2020. C’est dès lors à juste titre que l’intimé a refusé sa demande de RHT le 24 août 2020 pour ce motif.

7.        Infondé, le recours doit être rejeté.

8.        La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2020).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le