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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1414/2020

ATAS/698/2021 du 29.06.2021 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.09.2021, rendu le 26.04.2022, REJETE, 8C_608/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1414/2020 ATAS/698/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 juin 2021

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à LES AVANCHETS, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Eric MAUGUÉ

 

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, Division juridique, sise Fluhmattstrasse 1, LUZERN

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1962, a travaillé du 1er mars 2002 au 31 décembre 2013 en tant qu’aide de cuisine à plein temps dans un tea-room. Licenciée pour des raisons économiques, elle a perçu des prestations de l’assurance-chômage dès le 25 janvier 2014, un délai-cadre lui ayant été ouvert du 20 janvier 2014 au 19 janvier 2016.

2.        Le 3 décembre 2014, elle a chuté sur un tapis roulant dans une salle de fitness. Cette chute a provoqué un traumatisme à l'épaule droite, une contusion du genou droit, une fracture P3d5 gauche, des lésions partielles du tendon supra-épineux et du tendon infra-épineux, une tendinopathie du tendon du long chef du biceps, et une arthropathie acromio-claviculaire (IRM épaule droite du 8 juin 2015).

Elle a subi une intervention le 8 décembre 2015 pour arthroscopie avec ténodèse du long chef du biceps, réparation de la coiffe des rotateurs supérieure et acromioplastie.

3.        L’accident a été pris en charge par la caisse nationale suisse d'assurances en cas d'accidents (Schweizerische Unfallversicherungsanstalt; ci-après : la SUVA).

4.        Le 20 juin 2015, l’assurée a déposé auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) une demande de mesures professionnelles et de rente.

5.        Dans un rapport reçu le 30 juin 2015 par l’OAI, le docteur E______, généraliste FMH, a diagnostiqué, avec effet sur la capacité de travail, une lésion de la coiffe des rotateurs sans incidence sur la capacité de travail, une hypertension artérielle et une hypothyroïdie. L’assurée avait été victime d’une chute avec trauma en abduction forcée. L’évolution était caractérisée par des douleurs insupportables et une impotence fonctionnelle. L’incapacité de travail était entière depuis décembre 2014.

6.        Par décision du 10 novembre 2017, l'OAI a accordé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er décembre 2015 au 31 août 2016. Il a qualifié l’assurée de personne active et a retenu une incapacité de travail de 100% dans toute activité depuis le 3 décembre 2014, ce qui lui ouvrait le droit à une rente entière à l’issue du délai de carence. Dès juin 2016 en revanche, la capacité de travail de l’assurée était entière dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, de sorte que le degré d’invalidité devait alors être fixé à 8% après comparaison des revenus sans et avec invalidité.

Par arrêt du 5 juin 2018 (ATAS/474/2018), la chambre de céans a admis le recours et annulé la décision du 10 novembre 2017 en tant qu'elle supprimait le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité à partir du 1er septembre 2016. Elle a en effet considéré que l'état de santé de l'assurée, ainsi que sa capacité de travail, ne s'étaient pas améliorés depuis le 1er juin 2016 au sens de l'art. 17 LPGA.

7.        L'assurée a été hospitalisée du 4 au 25 juin 2019 à la Clinique romande de réadaptation (CRR). À l’issue du séjour, le cas a été considéré comme stabilisé sur le plan médical.

Les diagnostics retenus sur la base d’une arthro-IRM réalisée le 11 octobre 2016 sont des scapulalgies droites chroniques, omarthrose droite débutante et une tendinopathie fissuraire du supra-épineux droit.

Les médecins de la CRR ont considéré que

« Le pronostic de réinsertion dans l'ancienne activité est défavorable, en raison des facteurs médicaux retenus après l'accident et des facteurs non médicaux chez une patiente qui était au chômage au moment de son accident.

Le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles ci-dessus est défavorable en raison des facteurs non médicaux chez une patiente n’ayant aucune formation professionnelle, ne se voyant plus reprendre une quelconque activité professionnelle, maîtrisant mal le français et qui reste centrée sur les douleurs. Dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles [port répété de charges supérieure à 5-10 kg; activités nécessitant le maintien du membre supérieur droit au-dessus du niveau des épaules], on peut s'attendre théoriquement à une pleine capacité de travail » (cf. rapport du 30 juillet 2019).

8.        Un rapport portant sur le séjour aux ateliers du 11 au 18 juin 2019, selon lequel l'assurée sous-utilise son membre supérieur gauche (côté sain), le membre supérieur droit (côté lésé) n'est pas utilisé ou de manière sporadique et avec précaution, a été établi le 5 juin 2019.

9.        Le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique de la Clinique romande de réadaptation a constaté le 14 juin 2019 que l'assurée présentait des séquelles douloureuses dans les suites d'une réparation de la coiffe des rotateurs pour une lésion non transfixiante. À plus de quatre ans de la réparation chirurgicale, elle ne note aucune amélioration au niveau de la symptomatologie douloureuse. Elle reconnaît avoir bénéficié de très nombreuses séances de physiothérapie qui n'améliore pas du tout son état. Le médecin propose un bilan récent de la coiffe des rotateurs sous forme d'IRM pour voir l'évolution de la tendinopathie et juger l'éventuelle apparition de dégénérescence graisseuse. Il précise qu'aucune indication opératoire n'est à retenir dans le futur. Il recommande à l'assurée d'éviter le port de charges supérieur à 5 kg, ainsi que les activités nécessitant l'utilisation régulière de la main à l'horizontal.

10.    Une IRM de l'épaule droite a été réalisée le 18 juin 2019, dont il résulte une déchirure interstitielle verticale oblique de 5 mm, se situant à environ 1 cm de l'insertion du sus-épineux, ainsi qu'une arthrose acromio-claviculaire associée à une bursite sous-acromio-deltoïdienne.

11.    Le Dr C______ a examiné l'assurée, assistée d'un interprète, et a établi un bilan final le 30 septembre 2019. Selon lui, l'assurée ne peut plus travailler en tant qu'aide-cuisinière, mais une capacité de travail dans une activité adaptée, ne comprenant ni le port répété de charges supérieures à 5-10 kg, ni les activités nécessitant le maintien du membre supérieur droit au-dessus du niveau des épaules et privilégiant les activités coude au corps, est exigible sans limitation de temps ni de rendement. Il considère que sur le plan médical, la situation est stabilisée.

12.    Le 1er mars 2019, la SUVA a mis fin à la prise en charge des frais médicaux à l'exception de deux contrôles annuels chez la Dresse D______ pendant une année puis un contrôle annuel et des antalgiques, ainsi qu’au versement des indemnités journalières avec effet au 31 janvier 2020, au motif que l'état de santé de l'assurée était stabilisé.

13.    Par décision du 20 février 2020, la SUVA a alloué à l'assurée une indemnité pour atteinte à l'intégrité de CHF 18'900.- fondée sur un taux de 15%, mais lui a nié le droit à une rente d'invalidité.

14.    L'assurée, représentée par Assista Protection juridique SA, a formé opposition le 3 mars 2020, opposition qu'elle a complétée le 25 mars 2020. Elle s'étonne de la divergence entre la prise de position de la SUVA ne lui reconnaissant par le droit à une rente d'invalidité aux motifs que son atteinte à l'épaule n'aurait pas suffisamment d'effet sur sa capacité de gain et qu'elle serait à même de travailler dans une activité adaptée, et celle de l'OAI lui ayant alloué une rente entière compte tenu d'un degré d'invalidité de 100% à compter du 1er décembre 2015.

15.    Par décision du 17 avril 2020, la SUVA a rejeté l'opposition. Elle rappelle que l'assurée ne conteste pas la stabilisation de son état de santé. Se fondant sur ce fait, la SUVA a examiné son droit à une rente d'invalidité et une indemnité pour atteinte à l'intégrité. Elle explique que l'assurée n'ayant pas repris d'activité lucrative, elle s'est référée aux données salariales de l'ISS pour déterminer le revenu d'invalide. Elle a ainsi retenu, compte tenu d'un abattement de 5%, un revenu d'invalide de CHF 52'581.-. Elle a par ailleurs fixé le gain de valide en 2019 à CHF 4'500.- x 12. Elle a ainsi obtenu une perte de capacité de gain de 3% en comparant ces deux revenus, soit un taux inférieur au taux minimal de 10%. Elle relève enfin que les gains arrêtés dans sa décision du 20 février 2020 n'ont pas été critiqués par l'assurée.

S'agissant de la divergence entre sa décision et celle de l'OAI, la SUVA constate qu'à la suite du jugement du 5 juin 2018 (ATAS/474/2018) rendu par la chambre des assurances sociales dans une cause opposant l'assurée à l'OAI, celui-ci a reconnu le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité sur la base de l'avis du Dr E______ du 10 septembre 2018 selon lequel elle présentait des douleurs complexes et un état dépressif. La SUVA considère que ce rapport, sommairement motivé et établi par un généraliste, ne suffit pas pour remettre en question les rapports des médecins de la CRR et du médecin d'arrondissement. Le psychiatre de la CRR n'a du reste pas mentionné de troubles psychiatriques et l'assurée n'a pas allégué qu'elle était suivie sur le plan psychiatrique.

16.    L'assurée, représentée par Me Eric MAUGUÉ, a interjeté recours le 19 mai 2020 contre ladite décision sur opposition. Elle considère qu'une incapacité de travail en lien de causalité avec l'accident du 3 décembre 2014, quelle que soit l'activité envisagée, doit lui être reconnue, de sorte qu'une rente entière d'invalidité, fondée sur un taux d'invalidité de 100%, doit lui être octroyée en complément à la rente AI qu'elle perçoit depuis le 1er février 2020.

Elle conteste le taux d'abattement de 5% retenu par la SUVA, estimant que seul un abattement de 20% sur le salaire statistique tiendrait compte de ses limitations fonctionnelles, de son absence de formation, de son âge, de ses difficultés en français et de sa situation personnelle. Elle a ainsi calculé que son salaire d'invalide, avec un abattement de 20%, devait être fixé à CHF 43'664.90, ce qui comparé au salaire de valide de CHF 54'000.-, adapté au moment du calcul de la rente en 2020 à CHF 54'270.-, donne une perte de capacité de gain de 20%, et, partant, le droit à une rente d'invalidité LAA d'au moins 20% dès le 1er février 2020.

Elle conclut, préalablement, à l'audition de témoins et à sa comparution personnelle et principalement, à l'annulation de la décision sur opposition du 17 avril 2020 et de la décision du 20 février 2020 et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à compter du 31 janvier 2020, avec intérêt à 5% l'an dès cette date.

17.    Dans sa réponse du 21 juillet 2020, la SUVA a conclu au rejet du recours.

Elle relève que dans son recours, l'assurée avait demandé qu'un délai lui soit accordé pour produire des pièces médicales en relation avec le nouveau rapport du
médecin-conseil de la SUVA, pour finalement déclarer qu'elle n'avait aucun élément complémentaire à faire valoir. Elle a ce faisant admis ne pouvait produire aucun document susceptible de remettre en cause les rapports de la CRR et du Dr C______.

S'agissant du taux d'abattement, la SUVA rappelle qu'elle s'est fondée sur un niveau de compétence 1 correspondant à des tâches physiques ou manuelles simples ne nécessitant ni formation, ni expérience professionnelle spécifique. La nationalité ne justifie pas non plus un taux d'abattement supérieur, de même s'agissant de l'âge. Dans le cas de l'assurée, seules ses limitations fonctionnelles justifient un abattement.

18.    Dans sa réplique du 7 septembre 2020, l'assurée a répété qu'un abattement de 20% se justifiait dans son cas. Elle rappelle à cet égard que non seulement elle est limitée dans le port de charges supérieures à 5 kg et ne peut effectuer d'activités nécessitant le maintien du membre supérieur droit au-dessus des épaules, mais elle doit également éviter des activités nécessitant l'utilisation régulière de la main à l'horizontal et ne présente en réalité une mobilité fonctionnelle que jusqu'à l'horizontal.

19.    Dans sa duplique du 22 septembre 2020, la SUVA a persisté dans ses conclusions. Elle relève que l'assurée vit en Suisse depuis une trentaine d'années, comprend bien le français et est parfaitement intégrée, et souligne que les désavantages compétitifs liés à l'âge, au niveau de formation et à la langue sont limités dans le domaine des emplois non qualifiés qui sont en règle général disponibles indépendamment de l'âge de l'intéressé sur le marché équilibré du travail.

20.    Ces écritures ont été transmises à l'assurée et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

4.        Le litige porte sur le droit de l'assurée à une rente d'invalidité, soit plus particulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail et sur la fixation du taux d'abattement.

5.        a. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

b. Conformément à l'art. 18 al. 1 LAA, si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité. Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

c. Il découle de l'art. 19 al. 1 LAA que le droit à la rente prend naissance dès qu'il
n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Cette disposition délimite temporellement le droit au traitement médical et le droit à la rente d'invalidité, le moment déterminant étant celui auquel l'état de santé peut être considéré comme relativement stabilisé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 391/00 du 9 mai 2001 consid. 2a).

6.        a. Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s'effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.1.1). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

b/aa. Le revenu d'invalide doit en principe être évalué en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. Le salaire effectivement réalisé ne peut cependant être pris en compte pour fixer le revenu d'invalide que si trois conditions cumulatives sont remplies: l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé doit reposer sur des rapports de travail particulièrement stables; cette activité doit en outre permettre la pleine mise en valeur de la capacité résiduelle de travail exigible; le gain obtenu doit enfin correspondre au travail effectivement fourni et ne pas contenir d'éléments de salaire social (cf. ATF 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2; 129 V 472 consid. 4.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_667/2017 du 19 juin 2018 consid. 3.2).

b/bb. Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l'ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b/aa et bb). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb). La valeur statistique (médiane) s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3).

Toutefois, lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l'assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières. Tel est notamment le cas lorsqu'avant l'atteinte à la santé, l'assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu'une activité dans un autre domaine n'entre pas en ligne de compte. En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s'écarter de la table TA1 (secteur privé) pour se référer à la table TA7 (secteur privé et secteur public [Confédération] ensemble), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d'invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (ATF 133 V 545, et les références citées).

c. Il est notoire que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d'une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3). Cette évaluation ressortit en premier lieu à l'administration, qui dispose pour cela d'un large pouvoir d'appréciation. Le juge doit faire preuve de retenue lorsqu'il est amené à vérifier le bien-fondé d'une telle appréciation. L'examen porte alors sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans le cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Pour autant, le juge ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6; ATF 123 V 150 consid. 2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2009 du 18 février 2010 consid. 7.5).

7.        a. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

b. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

b/aa. Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

b/bb. Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

b/cc. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.        a. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

b. Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

9.        En l'espèce, le fait que le cas soit stabilisé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA n'est pas contesté. C’est dès lors à juste titre que la SUVA a examiné le droit de l’assurée à une rente et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

La SUVA a considéré, sur la base des rapports de la CRR et du Dr C______, que l’assurée était capable de travailler à 100% dans une activité adaptée. Aussi a-t-il nié son droit à une rente.

La chambre de céans constate que les auteurs de ces rapports se sont fondés sur l'étude du dossier médical de l'assurée, lequel comprend tous les documents pertinents, dont le dossier d'imagerie et les constats effectués lors du séjour de l'assurée à la CRR en juin 2019, ainsi que sur des examens personnels. Leurs conclusions sont claires, cohérentes, motivées et sont concordantes.

Ces rapports remplissent donc les critères jurisprudentiels pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. Il convient encore de vérifier s'il existe des indices concrets mettant en cause leur bien-fondé.

10.    En l’occurrence, l’assurée considère qu’une rente fondée sur un taux d’invalidité de 100% devrait lui être allouée.

a. Elle a demandé qu'un délai lui soit accordé pour produire des pièces médicales afin de contester les conclusions du médecin-conseil de la SUVA, mais y a finalement renoncé, expliquant qu’elle n’avait pas pu se rendre chez ses médecins pour obtenir un rapport actualisé en raison de la pandémie. Force est quoi qu’il en soit de constater qu’elle n’a amené aucun élément médical qui permettrait de remettre en cause les rapports de la CRR et ceux du Dr C______.

b. L’assurée s'étonne que la prise de position de la SUVA - qui ne lui reconnait aucun droit à une rente d'invalidité - et celle de l'OAI - qui lui a alloué une rente entière compte tenu d'un degré d'invalidité de 100% à compter du 1er décembre 2015 -, puissent être aussi diamétralement opposées.

À la suite du jugement du 5 juin 2018 (ATAS/474/2018) rendu par la chambre des assurances sociales dans une cause opposant l'assurée à l'OAI, celui-ci a en effet reconnu le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité sur la base de l'avis du Dr E______ du 10 septembre 2018, selon lequel elle présentait des douleurs complexes et un état dépressif.

L’évaluation de l’invalidité par l’assurance-accidents n’a toutefois pas d’effets contraignants pour l’assurance-invalidité (ATF 133 V 549 ; ATF 131 V 362 ; Pratique VSI 2004 p. 186), et réciproquement (Circulaire sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité (CIIAI), n° 9019).

Aussi la reconnaissance par l’OAI d’un degré d’invalidité justifiant l’octroi d’une rente entière en faveur de l’assurée n’a-t-elle pas d’incidence sur la présente cause, étant au surplus rappelé que la responsabilité de l'assureur-accidents se limite aux seules atteintes qui se trouvent en lien de causalité naturelle et adéquate avec l'accident assuré (ATF 119 V 337 consid. 1 et les références).

On rappellera que la chute sur un tapis roulant de fitness, dont a été victime l’assurée, a entraîné une lésion de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite. Aucun trouble psychiatrique, thymique, anxieux ou psychotique n’a été retenu par les médecins de la CRR. L'assurée n'a du reste pas allégué qu'elle était suivie sur ce plan.

Or, la SUVA ne répond que des troubles dont souffre l’assurée qui sont en relation de causalité avec cette chute, contrairement à l’OAI, lequel a pris en considération d’autres atteintes à la santé (douleurs complexes et état dépressif), sur la base de l’avis du Dr E______ du 10 septembre 2018.

Il y a en conséquence lieu de retenir que l’assurée présentait une capacité de travail entière dans une activité adaptée en raison des atteintes somatiques en lien de causalité avec l’accident du 3 décembre 2014.

11.    Reste à déterminer le degré d’invalidité.

a. Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA). En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 ATF 130 V 343 consid. 3.4). Dans ce contexte, on évaluera le revenu que l'assuré pourrait encore réaliser dans une activité adaptée avant tout en fonction de la situation concrète dans laquelle il se trouve. Lorsqu'il a repris l'exercice d'une activité lucrative après la survenance de l'atteinte à la santé, il faut d'abord examiner si cette activité est stable, met pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle et lui procure un gain correspondant au travail effectivement fourni, sans contenir d'élément de salaire social. Si ces conditions sont réunies, on prendra en compte le revenu effectivement réalisé pour fixer le revenu d'invalide (ATF 129 V 472 consid. 4.2.1 5; ATF 126 V 75 consid. 3b/aa).

Si l'on ne peut déterminer ou évaluer sûrement le revenu hypothétique sans invalidité et le revenu d'invalide, il faut, en s'inspirant de la méthode spécifique pour non-actifs (art. 8 al. 3 LPGA), procéder à une comparaison des activités et évaluer le degré d'invalidité d'après l'incidence de la capacité de rendement amoindrie sur la situation économique concrète (procédure extraordinaire d'évaluation). La différence fondamentale entre cette procédure et la méthode spécifique réside dans le fait que l'invalidité n'est pas évaluée directement sur la base d'une comparaison des activités; on commence par déterminer, au moyen de cette comparaison, quel est l'empêchement provoqué par la maladie ou l'infirmité, après quoi l'on apprécie séparément les effets de cet empêchement sur la capacité de gain. Une certaine diminution de la capacité de rendement fonctionnelle peut certes, dans le cas d'une personne active, entraîner une perte de gain de la même importance, mais n'a pas nécessairement cette conséquence. Si l'on voulait, dans le cas des personnes actives, se fonder exclusivement sur le résultat de la comparaison des activités, on violerait le principe légal selon lequel l'invalidité, pour cette catégorie d'assurés, doit être déterminée d'après l'incapacité de gain (ATF 128 V 29 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 8C_748/2008 du 10 juin 2009 consid. 2.1).

Selon le principe prévalant dans le domaine de l'assurance-invalidité et applicable également dans l’assurance-accidents, un assuré doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu'on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité; c'est pourquoi un assuré n'a pas droit à une rente lorsqu'il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d'obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. La réadaptation par soi-même est un aspect de l'obligation de diminuer le dommage et prime aussi bien le droit à une rente que celui à des mesures de réadaptation. Le point de savoir si une mesure peut être exigée d'un assuré doit être examiné au regard de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret. Par circonstances subjectives, il faut entendre en premier lieu l'importance de la capacité résiduelle de travail ainsi que les facteurs personnels tels que l'âge, la situation professionnelle concrète ou encore l'attachement au lieu de domicile. Parmi les circonstances objectives doivent notamment être prises en compte l'existence d'un marché du travail équilibré et la durée prévisible des rapports de travail (ATF 138 I 205 consid. 3.2 et les références; cf. aussi arrêt 9C_644/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.3.1). 

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. C'est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des salaires (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1 et la référence).

Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. Il correspond au revenu effectivement réalisé par l'intéressé pour autant que les rapports de travail apparaissent particulièrement stables, qu'en exerçant l'activité en question celui-ci mette pleinement en valeur sa capacité résiduelle de travail raisonnablement exigible et encore que le gain ainsi obtenu corresponde à son rendement effectif, sans comporter d'éléments de salaire social. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'ESS ou sur les données salariales résultant des DPT établies par la CNA (ATF 135 V 297 consid. 5.2; ATF 129 V 472 consid. 4.2.1).

Il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb). La valeur statistique – médiane – s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

b. En l’espèce, l'assurée n'ayant pas repris d'activité lucrative, la SUVA s'est référée aux données salariales de l'ISS pour fixer le revenu d'invalide à CHF 52'581.-, compte tenu d’un taux d’abattement de 5% et a retenu un gain de valide en 2019 à CHF 54'000.-. En comparant ces deux revenus, elle a obtenu une perte de capacité de gain de 3%, soit un taux inférieur au taux minimal de 10% (art. 18 al. 1 LAA).

Il convient de constater que les revenus sur lesquels la SUVA s’est fondée ont été correctement établis. Du reste, l’assurée ne les a pas remis en cause.

12.    a. Elle a en revanche contesté l’abattement de 5%, faisant valoir qu’il devrait être de 20%, au vu de ses limitations fonctionnelles, mais aussi de son absence de formation, de son âge, de ses difficultés en français et de sa situation personnelle.

b. La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc), étant toutefois précisé que le Tribunal fédéral a laissée ouverte la question de savoir si, dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire, le critère de l’âge constitue un critère d'abattement ou si l'influence de l'âge sur la capacité de gain doit être prise en compte uniquement dans le cadre de la réglementation particulière de l'art. 28 al. 4 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202; cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_661/2018 du 28 octobre 2019 consid. 3.3.4.2 et 8C_122/2019 du 10 septembre 2019 consid. 4.3.2 et les références citées).

Un abattement sur le revenu d’invalide n’est en principe pas appliqué pour des personnes assurées dont la dernière activité impliquait des travaux physiquement contraignants et qui, après la survenance d’une atteinte à la santé, ne peuvent exercer plus qu’un travail légèrement ou moyennement contraignant, mais sans limitation de l’horaire de travail ni baisse de rendement, parce que le salaire statistique retenu dans leur cas est tiré d’un tableau de l’ESS correspondant à un faible niveau d’exigence englobant un grand nombre de tâches légères ou moyennement lourdes et que la personne assurée n’a pas à subir de ce seul fait une diminution de son revenu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2017 du 7 août 2017 consid. 4.2.2 et références citées).

Dans un arrêt 9C_677/2015 du 25 janvier 2016, le Tribunal fédéral a jugé qu'un abattement de 15% se justifiait, vu la nature des limitations fonctionnelles présentées par l'intéressé (pas de mouvement en porte-à-faux, pas de charges de plus de 10 kilos, pas de mouvements répétitifs du rachis, alternance des positions debout et assis), lequel était, en outre, âgé de 54 ans et avait été absent de façon prolongée du marché du travail. Seules des concessions salariales sensibles pourraient compenser cet état de fait et permettre à l'intéressé d'être compétitif sur le marché du travail.

Dans un arrêt 8C_311/2015 du 22 janvier 2016, le Tribunal a estimé qu'un taux de 10% tenait suffisamment compte de l'âge de l'assuré (près de 55 ans au moment de la comparaison des revenus) et de ses limitations fonctionnelles. Il a relevé qu'un abattement plus élevé n'était pas indiqué, dès lors qu'il n'y avait pas lieu de retenir des problèmes particuliers d'adaptation. L'assuré avait été en mesure de changer d'entreprise et de se plier à de nouvelles contraintes émanant d'employeurs différents. Par ailleurs, on ne pouvait prendre en compte des difficultés linguistiques dans le cas d'un assuré arrivé en Suisse en 1981 et y ayant vécu de nombreuses années. Quant à l'absence de formation professionnelle certifiée et à la scolarité limitée, les premiers juges ont rappelé que ce défaut n'avait pas entravé l'assuré dans ses recherches d'emploi avant d'être atteint dans sa santé.

c. En l’occurrence, l’assurée était âgée de 59 ans en 2020.

d. Il ne suffit toutefois pas de constater qu'un assuré a dépassé la cinquantaine au moment déterminant de la naissance du droit à la rente pour que cette circonstance justifie de procéder à un abattement. Encore récemment (arrêt 8C_227/2017 du 17 mai 2018 consid. 5), le Tribunal fédéral a insisté sur ce point et affirmé que l'effet de l'âge combiné avec un handicap doit faire l'objet d'un examen dans le cas concret, les possibles effets pénalisants au niveau salarial induits par cette constellation aux yeux d'un potentiel employeur pouvant être compensés par d'autres éléments personnels ou professionnels. Dans un arrêt du 28 octobre 2019 (8C_661/2018, consid. 3.3.3.2), il a rappelé que compte tenu du fait que les activités simples envisagées (du niveau de compétence 1) ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique, les effets pénalisants au niveau salarial induits par l'âge ne peuvent pas être considérés comme suffisamment établis.

e. L’assurée souligne ses difficultés en français, lesquelles constitueraient pour elle un désavantage supplémentaire pour trouver un emploi.

Il y a toutefois lieu de rappeler que, selon un entretien du 6 novembre 2015 réunissant l’assurée, son époux, leur fille et un collaborateur de la SUVA, le couple vit en Suisse depuis une trentaine d'années, l’assurée parle certes peu le français, mais le comprend assez bien (8C_311/2015 op. cit.). Quoi qu’il en soit, le Tribunal fédéral a répété dans plusieurs arrêts que les activités professionnelles non qualifiées, telles que celles comprises dans le niveau de compétence 1, ne nécessitent pas une bonne connaissance de la langue (arrêts 9C_695/2018 consid. 5.3 et 8C_112/2020 consid. 7.3) et le manque d'expérience dans une nouvelle profession.

f. Il est vrai que l’assurée ne bénéficie d’aucune formation, la SUVA s'est toutefois fondée sur un niveau de compétence 1 correspondant à des tâches physiques ou manuelles simples ne nécessitant ni formation ni expérience professionnelle spécifique pour fixer le revenu d’invalidité. En pratique le tableau salaire du niveau de compétence 1 du TA1 comprend déjà un grand nombre d’activités légères (cf. arrêts 8C_841/2017 du 14 mai 2018 consid. 5.2.2.2. ; 8C_61/2018 du 23 mars consid. 6.5.2 ; 9C_200/2017 du 14 novembre 2017 consid. 4.5)).

g. Force est de constater que les facteurs invoqués par l’assurée sont étrangers à la notion d’invalidité et partant, dénués de pertinence. S'il est vrai que l'âge, le manque de formation ou les difficultés linguistiques jouent un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas donné les activités que l'on peut encore raisonnablement exiger d'un assuré, ils ne constituent pas des circonstances supplémentaires qui, à part le caractère raisonnablement exigible d'une activité, sont susceptibles d'influencer l'étendue de l'invalidité, même s'ils rendent parfois difficile, voire impossible, la recherche d'une place et, partant, l'utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_132/2017 du 5 septembre 2017 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 377/98 du 28 juillet 1999 consid. 1 et les références).

h. L’assurée allègue devoir éviter le port de charges supérieures à 5 kg et les activités nécessitant l'utilisation régulière de la main à l'horizontal, étant précisé qu’elle présente une mobilité fonctionnelle du membre supérieur droit qui ne dépasse pas l'horizontal.

Il y a lieu d’observer que la SUVA a précisément tenu compte des limitations fonctionnelles pour retenir un taux d’abattement de 5%. Il s’agit de déterminer si celles-ci justifieraient d’admettre un taux supérieur.

Le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des limitations fonctionnelles dépend de la nature de celles-ci; une réduction à ce titre n'entre en considération que si, dans un marché du travail équilibré, il n'y a plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré (arrêts 8C_549/2019 du 26 novembre 2019 consid. 7.7; 8C_661/2018 du 28 octobre 2019 consid. 3.3.4.3).

En l'occurrence, l'assurée peut exercer une activité à plein temps, sans limitation de rendement, dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, à savoir une activité en position assise ou debout, avec un port de charges ponctuel limité à 3 kg du côté droit, sans mouvement de rotation répété de l'épaule, pas de travail s'effectuant au-dessus du plan de l'épaule, ni monter sur une échelle. Il sied de rappeler que compte tenu du large éventail d'activités simples et répétitives (qui correspondent à un emploi léger) que recouvre le marché du travail, un certain nombre d'entre elles, ne nécessitant aucune formation spécifique, sont raisonnablement exigibles de l’assurée.

On ne voit ainsi pas que les limitations fonctionnelles restreindraient de manière significative les activités légères, en tout cas pas dans une mesure qui justifierait un abattement supérieur à 5%.

Partant, la chambre de céans ne voit pas de motif pertinent pour substituer son appréciation à celle de la SUVA, de sorte que l’abattement de 5% ne peut être que confirmé.

13.    Il s'ensuit qu'après comparaison des gains, l’assurée ne subit pas de perte de gain. Elle n'a en conséquence pas droit à une rente d'invalidité.

14.    Aussi le recours est-il rejeté.

15.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le