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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3681/2020

ATA/421/2022 du 26.04.2022 sur JTAPI/1133/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3681/2020-PE ATA/421/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Ochsner, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 novembre 2021 (JTAPI/1133/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1987, est ressortissant du Kosovo.

2) Il a été condamné, par ordonnance pénale du Ministère public (ci-après : MP) du 10 avril 2018, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, avec sursis pendant trois ans, pour infraction à l’art. 115 let. a à c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20, alors dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr).

3) Une interdiction d’entrée en Suisse, valable du 28 mai 2018 au 27 mai 2021, a ensuite été prononcée à son encontre.

4) Le 27 juillet 2018, appréhendé par les gardes-frontière suisses, alors qu’il était démuni d’un passeport valable et de tout titre de séjour en Suisse, il a notamment déclaré (assisté par un interprète) qu’il était arrivé pour la première fois dans ce pays en juin 2013, qu’il s’y trouvait depuis février 2017, afin d’y travailler pour aider sa famille, qu’il y travaillait « de temps en temps » en qualité de carreleur pour différents employeurs, que sa mère et son frère vivaient au Kosovo et que le seul motif s’opposant à son expulsion de Suisse était  sa situation économique, précisant qu'il ne pourrait plus aider sa famille.

5) Il a derechef été condamné, par ordonnance pénale du MP du 28 juillet 2018, à une peine pécuniaire de cent-vingt jours-amende, avec sursis pendant trois ans, pour infraction à l’art. 115 let. b et c LEI.

Il lui était notamment reproché d’avoir séjourné et travaillé illégalement en Suisse « comme carreleur chez B______ depuis février 2017 ».

6) Le 10 janvier 2019, il a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative, fournissant un formulaire M, sans indication d'un employeur.

7) Le 21 mai 2019, son entreprise individuelle (« A______» : « entreprise générale de rénovation, pose de carrelage et de parquet ») a été inscrite au registre de commerce de Genève.

8) Le 4 juin 2019, donnant suite à une demande de renseignements de l’OCPM du 25 mars 2019, il a notamment produit plusieurs lettres de recommandation, une attestation de non-poursuite, une attestation d’achat d’abonnements auprès des Transports publics genevois (ci-après : TPG) pour la période de juillet 2013 à août 2017, un extrait du registre de commerce relatif à son entreprise, un nouveau formulaire M indiquant qu’il travaillait en tant qu’indépendant et une liste de membres de sa famille, à teneur de laquelle sa mère, deux de ses frères et sa sœur vivaient au Kosovo, un de ses autres frères à Soleure, deux oncles et deux tantes à Genève et un oncle et une tante à Nyon. S’agissant de l’intensité de ses relations avec ces personnes, il a précisé qu'elle était « très forte via téléphone » avec sa mère, ainsi qu'avec ses frères et sœur vivant au Kosovo, « très forte via téléphone et face à face » avec son frère séjournant à Soleure et avec ses oncles et tantes domiciliés en Suisse.

9) Le 19 juillet 2019, il a sollicité de l’OCPM la délivrance d’un visa de retour, d’une durée d’un mois, afin de se rendre au Kosovo pour des raisons familiales.

10) Par courrier du 28 juillet 2020, l'OCPM lui a fait part de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande de régularisation et de prononcer son renvoi de Suisse, motif pris, notamment, du fait qu’il avait fait l’objet de deux condamnations pénales, qu’il n’avait pas démontré une durée de séjour de dix ans à Genève et que sa situation ne répondait pas aux critères légaux relatifs au cas individuel d’extrême gravité. Un délai de trente jours lui était imparti pour exercer par écrit son droit d'être entendu.

11) Par courrier du 28 août 2020, il a notamment exposé qu’il parlait parfaitement le français, qu’il travaillait depuis un an en qualité d’artisan indépendant, réalisant un salaire mensuel d’environ CHF 3'900.-, qu’il n’avait jamais fait appel à l’aide sociale, que les personnes le connaissant confirmaient qu’il était une « personne de confiance, travailleur, sérieux, serviable et montr[ait] un grand amour pour la Suisse, pays dans lequel il a[vait] toutes ses attaches ».

S'il avait fait l'objet de deux condamnations pénales et d'une interdiction d’entrée en Suisse, il n’avait commis aucun crime ou autre délit. Venant d’une région sinistrée et très peu développée du Kosovo, il était arrivé en Suisse pour des raisons économiques et sociales et n’avait jamais envisagé de quitter ce pays, étant donné qu’il s’y était enraciné et y avait créé des liens particuliers avec les membres de sa famille, des amis, collègues, employeurs et connaissances. Compte tenu de son activité professionnelle, de son intégration, de son attachement aux membres de sa famille en Suisse et aux autres personnes avec lesquelles il entretenait des relations étroites, il risquait, en cas de retour au Kosovo, de se retrouver dans une situation financière et personnelle « inextricable dans un pays avec lequel il a[vait] très peu d’attaches ». Concrètement, il ne serait pas en mesure de subvenir à ses besoins, le marché du travail au Kosovo souffrant d’un taux de chômage endémique de près de 50 %. Il y serait déraciné, alors que sa mentalité avait évolué au contact des habitants de Genève et de la Suisse depuis plus de sept ans. Les conditions de logement y étaient en outre difficiles, dans la mesure où le loyer moyen correspondait à 50 % du salaire moyen, de sorte qu’il ne pourrait pas trouver un appartement et en payer le loyer. Compte tenu de ces éléments, les difficultés de sa réintégration étaient particulièrement importantes. Partant, il réalisait les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

12) Par décision du 20 octobre 2020, l’OCPM a refusé de soumettre son dossier au SEM avec un préavis positif en vue de la délivrance d’un titre de séjour, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 20 décembre 2020 pour quitter le territoire.

M. A______ résidait en Suisse depuis 2013 seulement, de sorte que la durée de son séjour était courte et ne pouvait constituer un élément déterminant susceptible de justifier une suite favorable à sa requête. Elle devait, en outre, être relativisée par rapport aux nombreuses années qu'il avait passées dans son pays d'origine. Il était ainsi arrivé en Suisse à l'âge de 26 ans et avait vécu toute sa jeunesse et son adolescence au Kosovo, années essentielles pour la formation de la personnalité et, partant, pour l'intégration sociale et culturelle. Par ailleurs, il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable en Suisse. Il n’avait pas justifié disposer de revenus, de sorte que son autonomie financière devait être relativisée. De plus, ses condamnations pénales et le non-respect d'une interdiction d'entrée en Suisse démontraient qu’il n’avait pas un comportement irréprochable, attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Finalement, il n’avait pas démontré que sa réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

13) Par acte du 13 novembre 2020, M. A______ a recouru contre cette décision auprès Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant implicitement à son annulation et à la régularisation de son séjour en Suisse.

Il était certes arrivé en Suisse (en 2013), lorsqu’il était âgé de 26 ans, mais son séjour ne pouvait en aucun cas être relativisé au vu du nombre d'années qu’il avait passées dans son pays d'origine. Il était question d'un pays ayant acquis son indépendance en 2008, de sorte que si l’on comparaît ses années passées au Kosovo après son indépendance (cinq ans) à celles de son séjour en Suisse (sept ans), on ne pouvait pas considérer ce dernier comme étant de courte durée. Le Kosovo, avant son indépendance, ne pouvait pas être comparé au pays d’aujourd’hui. Son intégration sociale et culturelle durant sa jeunesse et son adolescence au Kosovo, que l’OCPM citait, n’étaient « donc plus que des souvenirs obsolètes ensevelis sous les décombres de la guerre ». En conséquence, son âge et les années passées dans son pays d'origine ne représentaient pas des obstacles à son intégration en Suisse.

Sa réintégration au Kosovo lui serait particulièrement difficile, notamment du fait qu’il n’avait que 10 ans lorsque son pays était entré en guerre, ce dont il en avait encore aujourd’hui de lourds souvenirs, assimilables à des traumatismes de guerre. Actuellement, son pays évoluait encore dans des tensions politiques et économiques avec la Serbie. En outre, il était originaire d'un village isolé et « sinistré », où les conditions de vie étaient précaires, avec ses quelques 2’499 habitants et son économie totalement à l'arrêt. Il n'y avait pas séjourné depuis sept ans et n’y avait plus aucun point de repère, car ses attaches d'avant son départ étaient quasiment éteintes. La situation politique, économique et sanitaire s’étaient dégradées depuis lors et y retourner « serait comparable à sauter dans le vide », alors qu'il l'avait quitté pour un avenir plus stable financièrement. Compte tenu de tous ces éléments, sa réintégration lui semblait impossible et insurmontable et il n'osait même pas en imaginer les conséquences négatives et néfastes sur sa situation.

Ses deux condamnations pénales et l'interdiction d'entrée en Suisse avaient été prononcées en raison de son statut administratif. Il s’était acquitté de l'amende infligée et n'avait commis aucun autre crime ou délit. Il avait su tirer un enseignement de ces condamnations, en entamant les démarches en vue de sa régularisation et en enregistrant officiellement son adresse auprès de l'OCPM. Il avait depuis lors fondé son entreprise individuelle, qui était affiliée auprès de l'office cantonal des assurances sociales (OCAS) et payait toutes ses cotisations sociales, ainsi que ses impôts.

Il vivait de son activité indépendante, sans aucune aide sociale, et ne faisait l'objet d'aucune poursuite. Il se considérait comme un acteur économique actif du marché Suisse, en contribuant au développement de l'économie suisse de manière « totalement transparente, légale et irréprochable ». Il a notamment produit les comptes de son entreprise pour l’exercice 2019, faisant état de recettes de CHF 33'260.- et d’un bénéfice net de CHF 23'789,80, ainsi que ses bordereaux d’impôt 2019, à teneur desquels ses revenus imposables s’élevaient à CHF 23'789.-.

Il avait amélioré considérablement ses connaissances de la langue française, qui lui étaient indispensables dans le cadre de son activité lucrative, et ne cessait de les développer, avait tissé en Suisse des liens avec des commerçants genevois, des clients de son entreprise, ses amis et sa famille, qu'il lui serait particulièrement difficile de rompre.

14) Dans ses observations du 14 janvier 2021, l’OCPM, reprenant en substance les motifs de la décision contestée, a conclu au rejet du recours.

15) Par courrier du 15 février 2021, M. A______ a demandé à l’OCPM de reconsidérer sa décision.

Depuis son enfance, il avait tissé des relations étroites avec la Suisse, où son père avait travaillé toute sa vie. Toute sa famille se trouvait en Suisse, ainsi que sa vie professionnelle, en sorte que l'équilibre de sa vie reposait sur sa résidence en Suisse. Un retour au Kosovo aurait des conséquences « catastrophiques » pour lui sur les plans familial, psychologique, professionnel et social, car il se retrouverait seul, loin de sa famille, y vivrait un isolement social, qu'il ne pourrait pas supporter et qui aurait des conséquences graves sur son équilibre psychique, ce d'autant plus qu’il perdrait ce qu’il avait bâti professionnellement en Suisse. Son entreprise fonctionnait bien et son départ signifiait « la perte de toute une vie de travail », dont bénéficiait également l'économie genevoise.

16) Dans sa réplique du 7 avril 2021, il a, en substance, persisté dans ses conclusions et arguments.

17) Par décision du 12 avril 2021, le TAPI a suspendu la cause jusqu’à droit connu sur la demande de reconsidération du recourant du 15 février 2021.

18) Par décision du 15 juin 2021, l'OCPM a refusé d’entrer en matière sur ladite demande, de sorte que, par courrier du 21 juin 2021 du TAPI, il a sollicité la reprise de la procédure.

19) Par jugement du 10 novembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

L'intéressé était arrivé en Suisse en juin 2013 et y avait résidé sans autorisation depuis lors, ce qui l'avait amené à être condamné pénalement à deux reprises pour ce motif. Il n'avait pas tenu compte par la suite de l'interdiction d'entrée prononcée à son encontre. Il ne pouvait non plus pas tirer parti de ses années de son séjour, qu'elles se soient déroulées sous le sceau de la clandestinité ou de la tolérance, pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission. Bien que s'étant créé un nouvel environnement de vie et disant maitriser la langue française, il n'établissait pas avoir tissé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu'il ne pourrait plus envisager un retour dans son pays d'origine. Son intégration socio-professionnelle n'avait rien d'exceptionnel et il ne démontrait pas qu'il ne pourrait pas mettre en pratique ses connaissances et qualifications spécifiques dans sa patrie. L'âge de son arrivée en Suisse et la présence de sa mère, deux de ses frères et sa sœur au Kosovo établissaient qu'il avait conservé de fortes attaches avec ce pays, où il devait avoir conservé un réseau amical et de connaissances. Il ne démontrait pas non plus qu'il se heurterait à des difficultés de réadaptation au Kosovo plus grandes que pour n'importe lequel de ses concitoyens, alors même que sa famille y vivant pourrait le soutenir, qu'il pourrait faire valoir ses atouts acquis en Suisse sur le marché de l'emploi et qu'il ne pouvait tirer parti de la situation illégale qu'il avait décidé de créer et de maintenir pendant huit ans.

Son renvoi était, en outre, exigible, licite et possible.

20) Par acte du 13 décembre 2021, M. A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Préalablement, il a demandé un bref délai pour compléter son recours ainsi que la fixation d'une audience de comparution personnelle. Principalement, il a demandé l'annulation et l'octroi d'une autorisation de séjour et, subsidiairement, le renvoi à l'OCPM pour nouvelle décision.

Il avait démontré une intégration particulièrement réussie en Suisse, dès lors qu'il avait su subvenir à ses besoins, nonobstant l'épidémie de Covid-19. Lui refuser une autorisation de séjour alors qu'il en remplissait les conditions légales à quelques semaines près et en se conformant à l'ordre juridique suisse (hormis des infractions commises par des étrangers en voie de régularisation) serait contraire au principe de proportionnalité, en le « précipitant au fond du gouffre ».

21) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

22) Le recourant a persisté dans son recours le 22 février 2022, soulignant qu'il était parfaitement bilingue, avait entamé son activité avec un franc succès, tout en connaissant des problèmes financiers en lien avec le Covid-19. Ses visites à sa famille restée au pays n'entravaient pas son intégration en Suisse.

23) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a sollicité son audition.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le recourant a eu l'occasion d'exposer ses arguments par écrit et de produire des pièces, tant devant l'OCPM que le TAPI et la chambre de céans. Il n'apparaît pas que son audition soit de nature à apporter d'autres éléments pertinents que ceux qu'il a déjà exposés par écrit ; il ne le soutient d'ailleurs pas.

Il ne sera donc pas donné suite à l'acte d’instruction demandé.

3) Est litigieuse la question de savoir si l’OCPM a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier du recourant avec un préavis favorable au SEM et prononcé son renvoi de Suisse.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr - RS 142.20) et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA- RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. En l’espèce, le recourant énonce qu'il est arrivé en Suisse en 2013. Même à retenir qu'il y aurait séjourné depuis lors de manière continue, la durée de ce séjour devrait être relativisée, conformément à la jurisprudence susmentionnée, par le caractère illégal de son séjour jusqu'au mois de janvier 2019, soit pendant environ sept ans, puis sous le régime d'une tolérance, le temps que soit instruite sa demande d'autorisation de séjour déposée le 10 janvier 2019.

Le recourant ne fait l’objet d’aucune poursuite, n’a pas recouru à l’aide sociale et se dit financièrement indépendant, étant relevé qu'il n'a pas de logement propre, vivant chez son frère et la famille que ce dernier a fondée.

Il n'a pas illustré les diverses activités qu'il aurait exercées avant la création de son entreprise qui propose des services de rénovation, carrelages et parquets. Si cette fondation dénote un certain dynamisme, elle n’est toutefois pas constitutive d'une ascension professionnelle remarquable — étant relevé que son résultat d'exploitation pour 2019 a été de CHF 23'789.80 — et ne l'a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine.

Il ne peut se targuer d’un comportement irréprochable, dès lors qu'il est revenu ou resté en Suisse nonobstant les condamnations qui avaient été prononcées à son encontre en lien avec son séjour illégal, dont une interdiction d'entrée, valable du 28 mai 2018 au 27 mai 2021, dont il a fait fi, ce qui démontre une absence de respect de la législation et de l'ordre juridique suisse et ne réalise pas le comportement irréprochable attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Le recourant a mis en avant des attaches personnelles qu’il estime particulières avec la Suisse, notamment avec une partie de sa famille qui y réside, ainsi qu'avec un réseau amical et professionnel. Il ne démontre toutefois pas une intégration sociale particulièrement poussée, étant rappelé que les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il aurait pu nouer pendant son séjour ne constitueraient en tout état normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception aux mesures de limitation, et qu'il a également gardé une partie de sa famille (mère et fratrie) au Kosovo.

Sa maîtrise du français n'a pas été démontrée, aucun document illustrant le résultat à l'examen auquel il se serait inscrit le 3 décembre 2020 n'ayant été produit.

Le recourant a passé au Kosovo toute son enfance, son adolescence et les premières années de sa vie d’adulte, soit les périodes déterminantes pour le développement de la personnalité. Il connaît les us et coutumes de son pays et en maîtrise la langue. Il a formé des demandes de visa de retour au Kosovo depuis le dépôt de sa requête, pour des raisons familiales. Il a, par ailleurs, une partie de sa famille, notamment sa mère, deux frères et une sœur qui y vivent et avec lesquels il a indiqué entretenir une forte relation, par téléphone. Le recourant a donc manifestement conservé des attaches affectives importantes au Kosovo, qui faciliteront sa réintégration sociale.

Finalement, de retour dans son pays d'origine, le recourant, encore jeune et en bonne santé, pourra faire valoir l'expérience professionnelle acquise en Suisse, ce d'autant qu'il indique que l'un de ses frères serait carreleur de profession et l'autre ingénieur, ce qui paraît propre à le soutenir dans sa réinsertion professionnelle.

Dans ces circonstances, il ne ressort pas du dossier que les difficultés auxquelles le recourant devrait faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants du Kosovo retournant dans leur pays.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. S'il est vrai qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés, sa situation n'est pas remise en cause de manière accrue — ce d'autant qu'il y retrouvera une partie de sa famille — et il ne se trouve pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger son retour au Kosovo.

Il ne se justifie dès lors pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, de sorte que l'autorité intimée était fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus. Le grief sera par conséquent écarté.

4)  Reste encore à examiner si les conditions permettant l’exécution du renvoi du recourant sont remplies.

a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).

b. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

c. En l'espèce, il n'apparaît pas que le renvoi du recourant contreviendrait à l'art. 83 LEI, ce qu'il ne soutient d'ailleurs pas.

C'est par conséquent à bon droit que l'autorité intimée a prononcé le renvoi du recourant et ordonné l’exécution de celui-ci.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

5)  Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 décembre 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 novembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.