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Décisions | Chambre civile

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C/29866/2017

ACJC/1499/2022 du 08.11.2022 ( OO ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.letb.ch2; CPC.321.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29866/2017 ACJC/1499/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 8 NOVEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre une ordonnance rendue par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 mai 2022, comparant par Me Anik PIZZI, avocate, AVOCATS ASSOCIES, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Marie BERGER, avocate, BRS BERGER RECORDON & DE SAUGY, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. a. B______ et A______ se sont mariés le ______ 1996.

Ils ont eu trois enfants, à savoir C______, né en ______ 2001, D______, né en ______ 2004, et E______, née en ______ 2006.

Les époux se sont officiellement séparés au mois de juillet 2015. Leur vie séparée a été réglée par diverses décisions du Tribunal et de la Cour rendues sur mesures protectrices de l'union conjugale.

b. Le 22 décembre 2017, B______ a saisi le Tribunal de première instance d'une demande unilatérale en divorce, laquelle a été assortie de plusieurs requêtes successives de mesures provisionnelles.

A______ a acquiescé au principe du divorce, seuls les effets accessoires demeurant litigieux.

c. Au cours de la procédure, chacun des époux a, à plusieurs reprises, pris des conclusions préalables visant à établir la situation financière réelle de l'autre.

Bien que de nombreux actes d'instruction aient été ordonnés et que d'innombrables documents aient été versés à la procédure, les éléments du dossier ne permettent toujours pas d'avoir une vision complète de la situation financière des époux. Aussi, par ordonnance du 14 mars 2022, le Tribunal a ordonné directement à divers tiers de fournir des documents complémentaires.

d. Dans l'intervalle, dans son mémoire de duplique du 21 février 2022, A______ a pris de nouvelles conclusions, tendant à ce que le Tribunal rende immédiatement une décision partielle sur le principe du divorce et le partage des avoirs de prévoyance professionnelle. Il a fait valoir que la procédure était loin d'être achevée, au vu des "sempiternelles demandes" de son épouse en vue d'obtenir plus d'informations, alors que lui-même souhaitait pouvoir "aller de l'avant" dans sa vie en se remariant au plus vite.

Ses écritures ne comportent aucun allégué au sujet de sa relation avec sa compagne (dont l'identité n'est au demeurant pas mentionnée), au sujet de ses projets concrets de mariage avec celle-ci, et sur les motifs qui rendraient ce prétendu projet de remariage urgent.

e. Par ordonnance du 2 mars 2022, le Tribunal a fixé une audience au 30 mai 2022 et dit que l'épouse pourrait déposer à cette occasion une détermination sur les allégués de la duplique (admis/contestés).

Conformément à cette ordonnance, B______ s'est déterminée sur les faits présentés par son époux dans sa duplique, par acte du 30 mai 2022.

f. A l'issue d'une audience qui s'est tenue le 30 mai 2022, le Tribunal a imparti un délai au 30 juin 2022 à l'épouse pour qu'elle prenne position spécifiquement sur le divorce ad separatum requis par son époux dans sa duplique du 21 février 2022.

C. a. Par acte déposé à la Cour le 9 juin 2022, A______ a formé recours contre cette ordonnance, dont il sollicite l'annulation. Il conclut, avec suite de frais et dépens, au renvoi de la cause au Tribunal pour qu'il statue sur sa requête du 21 février 2022 tendant au prononcé d'une décision partielle sur le principe du divorce.

En substance, il a fait valoir que l'octroi d'un nouveau délai à B______ pour qu'elle se détermine sur la question d'une décision partielle sur le principe du divorce – alors qu'elle aurait d'ores et déjà eu la possibilité de se prononcer sur ce point à l'occasion de ses écritures du 30 mai 2022 – lui causerait un préjudice difficilement réparable, du fait qu'il se trouvait "enlisé" dans une procédure qui ne trouverait jamais d'issue, alors qu'il souhaitait se remarier depuis de nombreux mois.

b. B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais et dépens, ces derniers étant chiffrés à 1'500 fr.

c. Par avis du greffe de la Cour du 2 août 2022, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. En tant qu'elle fixe un délai à une partie pour se déterminer sur les conclusions de son adversaire, la décision querellée est une ordonnance d'instruction se rapportant à la conduite de la procédure.

1.1 Une telle décision est susceptible de recours immédiat stricto sensu, dans un délai de 10 jours (art. 321 al. 2 CPC), pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC), pour autant que le recourant soit menacé d'un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

En l'espèce, le recours a été déposé dans le délai et les formes requis par la loi
(art. 142, 143, 321 al. 1 et 2 CPC).

Reste à examiner si la décision querellée peut causer au recourant un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

1.2 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Ainsi, elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2; Colombini, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 22 ad art. 319 CPC et références citées).

Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung, Baker&McKenzie 2010, ad art. 319 CPC n. 8; Jeandin, op. cit., n. 22a
ad art. 319 CPC).

L'admissibilité d'un recours contre une ordonnance d'instruction doit ainsi demeurer exceptionnelle, de sorte que le seul fait que le recourant ne puisse se plaindre d'une violation des dispositions en matière de preuve qu'à l'occasion d'un appel sur le fond ne constitue pas en soi un préjudice difficilement réparable (Message du Conseil fédéral relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006
p. 6884; arrêt du Tribunal fédéral 4A_248/2014 du 27 juin 2014 consid. 1.2.3; ACJC/1527/2014 du 12 décembre 2014 consid. 2.1). Autrement dit, en l'absence de circonstances particulières, la prolongation de la procédure due au fait que le recourant ne pourra attaquer l'ordonnance litigieuse qu'avec le jugement rendu sur le fond ne constitue pas, en tant que telle, un dommage difficilement réparable (ACJC/351/2014 du 14 mars 2014 consid. 2.3.1).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2017, n. 7
ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Haldy, Commentaire romand, Code de procédure civile,
2ème éd. 2019, n. 9 ad art. 126 CPC).

1.3 Le principe de l'unité du jugement de divorce (art. 283 CPC) selon lequel le tribunal prononce le divorce et règle également les effets de celui-ci dans sa décision, n'exclut pas une décision partielle limitée au principe du divorce, lorsque les deux époux consentent à une telle décision ou lorsque l'intérêt de l'un des époux (par exemple, parce qu’il veut se remarier et qu’un enfant est né de la nouvelle relation, alors que le litige sur les effets du divorce s’étire fortement en longueur) à obtenir une décision partielle limitée au principe du divorce est supérieur à l'intérêt de l'autre conjoint à obtenir une décision unique réglant tant le principe du divorce que les effets de celui-ci (ATF 144 III 298 consid. 5-8).

Il a été reconnu par la jurisprudence que le refus de rendre une décision partielle sur le principe du divorce pourrait causer un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, dès lors que ce refus peut porter une atteinte irréparable au droit constitutionnel au (re)mariage (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_638/2016 du 2 décembre 2016).

1.4 En l'occurrence, le recourant ne se plaint pas du fait que le Tribunal a refusé de statuer par une décision partielle sur le principe du divorce. Il reproche uniquement au premier juge d'avoir fixé un délai de trente jours à l'intimée pour qu'elle se détermine sur le chef de conclusion tendant au prononcé d'une telle décision partielle, alors qu'elle aurait à son sens d'ores et déjà eu la possibilité de le faire à l'occasion de sa détermination sur la duplique.

Cela étant, le recourant ne parvient pas à démontrer, ni même à rendre vraisemblable, que le fait d'octroyer un délai à son épouse pour se déterminer sur le chef de conclusion susmentionné serait susceptible de lui causer un dommage difficilement réparable, étant rappelé qu'une simple prolongation de la procédure ne remplit pas cette condition. Le risque de préjudice est d'autant moins rendu plausible que le recourant n'a formulé aucun allégué au sujet de la relation qu'il entretiendrait avec la personne censée devenir sa seconde épouse et qu'il n'a pas fourni de preuve (ou ne serait-ce que des indices concrets) d'un projet de remariage, et encore moins de sa volonté de contracter un mariage imminent. Il n'a pas davantage exposé les motifs qui rendraient son prétendu remariage urgent.

Compte tenu de ce qui précède, l'ordonnance querellée n'est pas susceptible de causer au recourant un préjudice difficilement réparable, au sens des dispositions et principes rappelés ci-dessus. Le recours sera en conséquence déclaré irrecevable.

2. Le recourant, qui succombe, sera condamné au paiement des frais judiciaires du recours, fixés à 800 fr. (art. 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 CPC; art. 41 RTFMC), et aux dépens de l'intimée, arrêtés à 1'000 fr., débours et TVA inclus (art. 105
al. 2 CPC; 84, 85, 87 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

Les frais judiciaires seront compensés avec l'avance de frais du même montant effectuée par le recourant, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111
al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 9 juin 2022 par A______ contre l'ordonnance rendue le 30 mai 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/29866/2017.

Met les frais judiciaires du recours, arrêtés à 800 fr., à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 1'000 fr. à B______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.