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Décisions | Chambre civile

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C/25138/2021

ACJC/1501/2022 du 08.11.2022 sur JTPI/6529/2022 ( OO ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 09.01.2023, rendu le 27.02.2024, CONFIRME, 5A_22/2023
Normes : CC.286.al2; CC.134.al2; CC.276; CC.285
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25138/2021 ACJC/1501/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 8 NOVEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 mai 2022, comparant par Me Dominique Julien COLOMBO, avocat, SLRG AVOCATS, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o Madame C______, ______, intimé, comparant par Me Cédric KURTH, avocat, boulevard James-Fazy 3, case postale 187, 1233 Bernex, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/6529/2022 du 25 mai 2022, le Tribunal de première instance a annulé les chiffres 7 et 8 du jugement de divorce JTPI/2079/2018 prononcé le 2 février 2018 dans la cause C/1______/2017 opposant A______ (née [A______]) à B______ (chiffre 1 du dispositif), fixé l'entretien convenable de l'enfant D______ à 940 fr., allocations familiales non déduites, jusqu'à l'âge de 18 ans, voire au-delà en cas de formation ou d'études sérieuses et suivies (ch. 2), dispensé, dès le 19 décembre 2021, B______ de contribuer à l'entretien convenable de l'enfant D______, compte tenu de sa situation financière (ch. 3), donne acté à B______ de ce qu'il retirait sa demande en tant qu'elle était dirigée contre l'ETAT DE GENEVE, DEPARTEMENT DE LA COHESION SOCIALE, SOIT POUR LUI LE SCARPA (ch. 4), dit que le jugement JTPI/2079/2018 restait inchangé pour le surplus (ch. 5), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., mis à la charge des parties par moitié, mais laissés provisoirement à la charge de l'Etat, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B. a. Par acte déposé le 1er juillet 2022 au greffe universel, A______ (anciennement A______) interjette appel contre ce jugement, qu'elle a reçu le 1er juin 2022 et dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut à l'annulation des chiffres 3 et 6 du dispositif du jugement attaqué, à ce que B______ soit débouté de toutes ses conclusions, à ce que les chiffres 7 et 8 du dispositif du jugement JTPI/2079/2018 du 2 février 2018 demeurent inchangés et à ce que l'intégralité des frais judiciaires de première et seconde instances soient mis à la charge du précité.

b. B______ n'ayant pas répondu à l'appel dans le délai légal, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger, par avis du greffe de la Cour du 19 septembre 2022.

c. B______ s'est déterminé spontanément le 28 septembre 2022, concluant au rejet de l'appel et renvoyant à ses allégués de première instance pour le surplus.

C. Les éléments pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, née [A______] le ______ 1986, de nationalité algérienne, et B______, né le ______ 1976, originaire de E______ (BE), se sont mariés le ______ 2005 en Algérie.

Ils ont eu un enfant, D______, né le ______ 2008 à Genève.

b. Par jugement du 2 février 2018 (JTPI/2079/2018), le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux précités.

Le Tribunal a, en outre, notamment maintenu l'autorité parentale conjointe des parents sur l'enfant D______ (ch. 3), attribué la garde de l'enfant à sa mère (ch. 4), réservé en faveur du père un droit de visite, élargi de manière progressive, sur D______ (ch. 5), instauré une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite (ch. 6), condamné B______ à verser en mains de A______, à titre de contribution à l'entretien de D______, par mois et d'avance, dès le 1er avril 2018, allocations familiales non comprises, un montant de 300 fr. jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de 10 ans, de 500 fr. jusqu'à l'âge de 15 ans et de 700 fr. jusqu'à l'âge de 18 ans, voire au-delà mais au maximum jusqu'à 25 ans en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières (ch. 7), avec indexation usuelle (ch. 8).

c. A l'époque du divorce, la situation de la famille se présentait comme suit :

c.a B______ percevait des prestations de l'Hospice général. Il bénéficiait d'une formation et d'une expérience dans le domaine de l'hôtellerie et était en train d'achever une formation de chauffeur professionnel.

Le Tribunal lui a imputé un revenu hypothétique mensuel de 3'845 fr. nets dès le 1er avril 2018 pour une activité dans l'hébergement et la restauration. Comme il n'avait produit que deux refus d'embauche datant de juin 2017, il a été retenu qu'il n'avait pas fourni tous les efforts qu'on pouvait attendre de lui pour remplir ses obligations.

Les charges de l'intéressé ont été retenues à concurrence de 2'824 fr. environ, comprenant 1'200 fr. de montant de base OP, 571 fr. 35 de prime d'assurance-maladie, 52 fr. 50 de frais de transport et 1'000 fr. de loyer estimé (aucun justificatif n'ayant été produit à cet égard).

c.b A______ était également bénéficiaire de l'aide financière de l'Hospice général. Elle ne disposait d'aucune formation et n'avait jamais travaillé, même avant la naissance de son fils. Elle avait débuté une formation d'aide-soignante en février 2017.

Ses charges mensuelles comprenaient son loyer (804 fr. environ, allocation logement déduite), sa prime d'assurance-maladie (434 fr., subside déduit) et ses frais de transport (70 fr.).

c.c Le Tribunal a retenu que les frais effectifs de D______ s'élevaient à 584 fr. 65, allocations familiales non déduites, montant comprenant 400 fr. d'entretien de base OP, 120 fr. 65 de part de loyer (15 % de 804 fr.), 19 fr. de prime d'assurance-maladie et 45 fr. de frais de transport.

d. B______ ne s'acquittant pas de la contribution d'entretien mise à sa charge par le jugement de divorce, A______ a sollicité l'intervention du Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA).

Le SCARPA a expliqué qu'il était intervenu depuis le 1er mars 2019 en vue du recouvrement des pensions alimentaires dues par B______ en faveur de son fils et qu'il avait avancé à A______ le montant de 500 fr. par mois de mars 2019 à février 2022. Le service précité ne versait plus d'avances depuis le mois de mars 2022.

e. A une date indéterminée, B______ s'est marié avec C______, laquelle a donné naissance à leur fils F______ le ______ 2020.

f.a Le 19 décembre 2021, B______ a formé une requête de modification du jugement de divorce tendant à la suppression (ou du moins à la réduction) de la contribution d'entretien mise à sa charge en faveur de son fils D______, avec effet rétroactif au 1er décembre 2020. Subsidiairement, il a offert de verser un montant de 50 fr. à titre de contribution à l'entretien de D______ jusqu'à la majorité de celui-ci, voire jusqu'à ses 25 ans en cas d'études sérieuses et régulières.

L'action était initialement dirigée contre A______ et le SCARPA, mais la demande a finalement été retirée à l'égard de ce service.

En substance, B______ a fait valoir que sa situation avait changé, car il était devenu père d'un deuxième enfant. Il a par ailleurs expliqué que, bien qu'il ait travaillé pendant quelques mois depuis septembre 2019, il n'était jamais parvenu à obtenir le revenu hypothétique fixé par le juge du divorce.

f.b A______ a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions et à la confirmation de la pension alimentaire fixée dans le jugement de divorce.

Subsidiairement, pour le cas où la contribution d'entretien due en faveur de D______ serait supprimée, A______ a conclu à ce qu'il n'y ait pas d'effet rétroactif.

g. La situation des parties a évolué comme suit :

g.a B______ vit avec son épouse et leur enfant. La famille bénéficie des prestations financières de l'Hospice général (B______ depuis le 1er mars 2020). Celui-ci a allégué, sans produire aucun document à cet égard, qu'il avait auparavant renoncé à l'aide de l'Hospice général en mars 2019 et était parvenu à trouver un emploi le 1er septembre 2019 auprès de G______ SÀRL, à un taux de 80 %, pour un salaire mensuel de 2'307 fr. 30 nets, dans le cadre de l'ouverture d'une sandwicherie, mais que celle-ci avait dû fermer en 2020 en raison de la pandémie. A teneur du bordereau de taxation versé à la procédure, B______ n'a perçu aucun revenu en 2020.

Devant le Tribunal, il a produit une liste de recherches d'emploi effectuées pour l'assurance chômage – comportant huit tampons de restaurants, tous datés du 15 décembre 2021 – ainsi qu'une liste manuscrite mentionnant seize noms de restaurants où il affirme avoir offert ses services, à des dates non précisées. Le dossier ne comporte aucun élément permettant de savoir si B______ a perçu des indemnités du chômage.

Le loyer mensuel de l'appartement familial s'élève à 1'418 fr. 35 (allocation au logement déduite) et la prime d'assurance-maladie de B______ se monte à 197 fr. (subside déduit).

La prime d'assurance-maladie de F______ se monte à 19 fr. 10 (subside déduit).

g.b A______ est toujours bénéficiaire de l'aide sociale. Elle a terminé sa formation d'aide aux personnes âgées en 2018 et a dû reporter une formation prévue comme garde d'enfants en raison de problèmes de santé, attestés par divers certificats médicaux versés au dossier.

Le montant de son loyer s'élève à 1'068 fr., celui de sa prime d'assurance-maladie à 156 fr. 90, subside déduit, et ses frais de transport à 70 fr.

g.c D______ bénéficie de 300 fr. d'allocations familiales par mois.

Ses charges comprennent sa prime d'assurance-maladie (41 fr., subside déduit), ses frais de transport (45 fr.), son entretien de base OP (600 fr.), ainsi qu'une participation aux frais de logement de sa mère.

La mère a par ailleurs notamment allégué concernant D______ des frais mensuels liés au football (33 fr. environ) et à la téléphonie (40 fr.). Elle a en outre fait valoir des frais de repas estimés entre 8 et 10 fr. par jour lorsqu'il va à l'école, sans fournir de justificatifs sur ce point.

h. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 6 mai 2022.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et
311 CPC) et dans le délai utile de 30 jours (art. 142, 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), qui statue sur action en modification de la contribution à l'entretien de l'enfant, soit sur une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu de la suppression réclamée, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 et 308 al. 2 CPC).

La recevabilité de la détermination spontanée envoyée par l'intimé après que la cause a été gardée à juger en seconde instance peut demeurer indécise, puisque la Cour n'est de toute manière pas liée par les conclusions des parties lorsque le sort d'un enfant mineur est en jeu (cf. consid. 1.3 ci-dessous).

1.2 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.3 La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne la contribution d'entretien due à un enfant mineur en vertu du droit de la famille (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 al. 1 et 3 CPC; ATF 147 III 301 consid. 2.2). La Cour n'est donc pas liée par les conclusions des parties, ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_841/2018, 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

La maxime inquisitoire ne dispense toutefois pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leurs propres thèses. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 128 III 411 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_874/2016 du 26 avril 2017 consid. 4.1).

2. L'appelante fait grief au premier juge d'avoir modifié le jugement de divorce en ce sens que l'intimé était désormais dispensé de contribuer à l'entretien de leur fils D______.

2.1.1 En matière de contribution due pour l'entretien d'un enfant, l'art. 286 al. 2 CC, applicable par renvoi de l'art. 134 al. 2 CC, prévoit que si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution d'entretien à la demande du père, de la mère ou de l'enfant. Cette modification ou suppression suppose que des faits nouveaux importants et durables surviennent, qui commandent une réglementation différente.

Le moment déterminant pour apprécier si des circonstances nouvelles se sont produites est la date du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce. C'est donc à ce moment-là qu'il y a lieu de se placer pour déterminer le revenu et son évolution prévisible (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_154/2019 du 1er octobre 2019 consid. 4.1).

La survenance d'un fait nouveau - important et durable - n'entraîne toutefois pas automatiquement une modification de la contribution d'entretien. Ce n'est que si la charge d'entretien devient déséquilibrée entre les deux parents, au vu des circonstances prises en compte dans le jugement précédent, en particulier si cette charge devient excessivement lourde pour le parent débirentier qui aurait une condition modeste, qu'une modification de la contribution peut entrer en considération. Le juge ne peut donc pas se limiter à constater une modification dans la situation d'un des parents pour admettre la demande; il doit procéder à une pesée des intérêts respectifs de l'enfant et de chacun des parents pour juger de la nécessité de modifier la contribution d'entretien dans le cas concret
(ATF 137 III 604 consid. 4.1.1).

2.1.2 Selon l'art. 276 CC, l'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (al. 1). Les parents contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (al. 2).

L'art. 285 CC prévoit par ailleurs que la contribution d'entretien en argent doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources de ses père et mère; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant (al. 1).

En cas de garde exclusive attribuée à l'un des parents, la charge financière de l'enfant est en principe assumée entièrement par l'autre parent, la prise en charge en nature équivalant à la prise en charge financière (ATF 147 III 265 consid. 5.5; 135 III 66 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_870/2020 du 7 mai 2021 consid. 4.3; 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

2.1.3 Dans trois arrêts publiés (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316), le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille – soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes) – qu'il y a lieu d'appliquer de manière immédiate à toutes les affaires pendantes (ATF 142 V 551 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_931/2017 consid. 3.1.3).

Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il faut inclure les prestations reçues en faveur de l'enfant (notamment les allocations familiales ou d'études). Ensuite, il s'agit de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable, qui n'est pas une valeur fixe, mais dépend des besoins concrets et des moyens à disposition). Enfin, les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille. L'éventuel excédent est ensuite réparti en fonction de la situation concrète, en tenant compte de toutes les circonstances entourant la prise en charge des enfants mineurs (ATF 147 III 265 consid. 7.1 in SJ 2021 I 316).

2.1.4 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations. Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé; il s'agit d'une question de droit. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail; il s'agit là d'une question de fait (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1026/2021 du 27 janvier 2022 consid. 4.1; 5A_1046/2018 du 3 mai 2019 consid. 4.3).

Pour arrêter le montant du salaire, le juge peut se baser sur l'enquête suisse sur la structure des salaires, réalisée par l'Office fédéral de la statistique, ou sur d'autres sources, notamment le calculateur de salaire du SECO (ATF 137 III 118 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_514/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1.2; 5A_435/2019 du 19 décembre 2019 consid. 4.1.2).

2.1.5 Dans le calcul des besoins, le point de départ est le minimum vital du droit des poursuites, comprenant l'entretien de base selon les normes d'insaisissabilité (NI 2022, RS/GE E 3 60.04), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles. Dans la mesure où les moyens financiers le permettent, la contribution d'entretien doit être étendue au minimum vital du droit de la famille. Pour les adultes, les postes suivants entrent généralement dans cette catégorie : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), les frais d'exercice du droit de visite, un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance maladie complémentaires, ainsi que les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants (ATF 147 III 265 consid. 4.1.5 et 7.2).

Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquittent réellement doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_405/2019 du 24 février 2020 consid. 5.2).

2.1.6 Les obligations d'entretien du droit de la famille trouvent leur limite dans la capacité contributive du débirentier en ce sens que le minimum vital de celui-ci doit être préservé (ATF 135 III 66 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3; 5A_329/2019 du 25 octobre 2019 consid. 3.3.1.1).

2.1.7 Il convient de traiter sur un pied d'égalité tous les enfants crédirentiers d'un père ou d'une mère, y compris ceux issus de différentes unions, tant sur le plan de leurs besoins objectifs que sur le plan financier. Ainsi, des contributions d'entretien inégales ne sont pas exclues d'emblée, mais nécessitent une justification particulière. Le solde du débirentier, s'il existe, doit être partagé entre les enfants dans le respect du principe de l'égalité de traitement, en tenant compte de leurs besoins et de la capacité de gain de l'autre parent (ATF 140 III 337 consid. 4.3; 137 III 59 consid. 4.2.1 in SJ 2011 I 221).

2.2 A juste titre, l'appelante ne remet pas en cause, en appel, l'existence d'au moins un changement de circonstances – soit la naissance d'un second enfant – susceptible d'affecter la situation de l'intimé de manière importante et durable et justifiant qu'il soit entré en matière sur la demande de l'intéressé visant à la suppression ou la réduction de la contribution d'entretien en faveur de son fils D______.

L'appelante reproche en revanche au premier juge d'avoir dispensé son ex-époux de contribuer à l'entretien de D______, au motif qu'il n'aurait pas la possibilité effective de trouver du travail en raison des mesures sanitaires en vigueur dans le domaine de la restauration et du fait que ses recherches d'emploi avaient été infructueuses.

2.2.1 Il y a dès lors lieu d'examiner si le revenu hypothétique qui a été imputé lors du divorce aurait dû être maintenu, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal.

En l'occurrence, pour prouver ses démarches en vue de réintégrer le marché du travail, l'intimé a fourni un document destiné à l'assurance chômage et attestant d'offres de service effectuées à l'occasion de visites personnelles dans huit restaurants le 15 décembre 2021, trois jours avant le dépôt de la demande de modification. Il a par ailleurs versé à la procédure un document manuscrit comportant seize restaurants dans lesquels il a affirmé, sans preuve concrète à l'appui, avoir postulé, à des dates non précisées.

Contrairement à ce qu'a retenu l'autorité de première instance, ces quelques éléments sont impropres à démontrer que l'intimé n'aurait pas la possibilité effective de trouver un travail. En particulier, si l'épidémie de Covid-19 constitue un fait notoire, son impact concret doit être allégué et prouvé par la partie qui s'en prévaut (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_467/2020 du 7 septembre 2020 consid. 5.3). Or, s'il est indéniable que le domaine de la restauration a été particulièrement touché par les mesures sanitaires en 2020 et 2021, aucun élément concret ne permet de retenir que l'intimé n'aurait pas pu obtenir un emploi dans ce domaine en fournissant sérieusement et assidument les efforts qui pouvaient être attendus de lui, étant au demeurant relevé que la majorité des mesures nationales de lutte contre la pandémie de coronavirus ont été levées en février 2022, soit moins de deux mois après le dépôt de la demande de l'intimé.

Par ailleurs, si le versement régulier d'indemnités de chômage sans suspension pourrait constituer un indice permettant de retenir que l'assuré a entrepris tout ce qu'on pouvait raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage et, partant, qu'il a fait des recherches pour retrouver un emploi – un assuré n'ayant droit aux indemnités que s'il a satisfait, entre autres conditions, aux exigences du contrôle par l'office compétent (art. 8 al. 1 let. g de la loi fédérale sur l'assurance-chômage; cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_724/2009 du 26 avril 2010 consid. 5.3) – les dispositions de la Loi genevoise sur l'aide sociale individuelle (RSGE J 4 04) ne prévoient pas de règles comparables à celles de la loi sur l'assurance chômage. En particulier, le bénéficiaire des prestations n'est pas astreint à un contrôle systématique de ses recherches d'emploi.

Il en résulte que les allégations formulées par l'intimé en première instance sur la situation du marché du travail et sur la prétendue absence d'exigences de l'Hospice général en matière de recherches d'emploi ne sont d'aucun secours pour examiner si un revenu hypothétique peut toujours être imputé à l'intéressé et, si oui, à quelle hauteur. L'intimé, désormais âgé de 46 ans, n'a au demeurant invoqué aucune circonstance nouvelle, comme des problèmes de santé, qui l'empêcherait d'exercer une activité professionnelle.

Il apparaît dès lors que le revenu hypothétique de 3'845 fr. nets pris en considération lors du prononcé du divorce – sur la base des statistiques de l'observatoire genevois du marché du travail – pour une activité à temps complet dans le domaine de l'hôtellerie/restauration, dans lequel l'intéressé dispose d'une formation et de plusieurs expériences (tel que cela résulte notamment du jugement de divorce, qui n'a pas été contesté à l'époque), est toujours d'actualité. A noter qu'il pouvait également être attendu de l'intimé qu'il étende ses recherches à d'autres secteurs ne nécessitant pas de formation particulière, tels que le nettoyage. Selon le calculateur statistique de salaires de l’Office fédéral de la statistique, le salaire brut médian à Genève pour une personne de 46 ans, sans formation ni fonction de cadre ni année de service dans le secteur des activités de services administratifs et de soutien aux entreprises, à savoir pour la fonction de nettoyeur/aide de ménage, est de 4'359 fr. par mois pour une activité à 100% (40h/semaine), ce qui revient à environ 3'790 fr. nets par mois après déduction de 13% de charges sociales.

Les charges de l'intimé seront arrêtées à 1'808 fr. environ, comprenant 850 fr. d'entretien de base OP (moitié du montant de base pour couple), 709 fr. de loyer (moitié de 1'418 fr.), 197 fr. de prime d'assurance-maladie et 52 fr. 50 de frais de transport (montant résultant du jugement de divorce). Si l'imputation d'un revenu hypothétique implique en général l'estimation de la charge fiscale correspondante, il peut y être renoncé dans le cas présent, puisque les impôts ne font pas partie du minimum vital au sens du droit des poursuites.

En se fondant sur le revenu hypothétique le plus bas retenu ci-dessus, l'intimé est réputé bénéficier d'un disponible d'environ 1'980 fr. par mois.

2.2.2 Aussi, même en tenant compte des nouvelles responsabilités familiales de l'intimé, celui-ci demeure en mesure d'assumer la contribution d'entretien litigieuse (500 fr. jusqu'à ce que D______ atteigne l'âge de 15 ans, puis 700 fr. par la suite), tout en conservant plus de 1'000 fr. pour couvrir les charges de son second enfant. Par conséquent, c'est à tort que le Tribunal a dispensé l'intimé de contribuer à l'entretien de son fils D______.

Pour sa part, l'appelante – qui est âgée de 36 ans, ne dispose d'aucune formation et n'a jamais exercé d'activité rémunérée – est toujours bénéficiaire de l'aide sociale. Il n'y a cependant pas lieu d'examiner la possibilité de lui imputer un revenu hypothétique, puisque dans les situations où, comme en l'espèce, l'essentiel des soins et de l'encadrement de l'enfant est assuré par l'un des parents, la charge financière que représente cet enfant doit en principe être assumée entièrement par celui qui n'en a pas la garde. Dès lors que la prise en charge en nature équivaut à la prise en charge financière, le fait de maintenir la condamnation de l'intimé à couvrir seul les frais effectifs de D______ ne crée pas de déséquilibre entre ses parents.

Au regard de ce qui précède, il ne peut être retenu que les changements intervenus dans la situation de l'intimé depuis le prononcé du divorce ou d'autres motifs justifieraient une adaptation de la contribution fixée dans cette décision.

Pour le surplus, l'appelante ayant sollicité la confirmation du jugement de divorce et n'ayant pas fait valoir que la quotité de la pension alimentaire arrêtée dans ce cadre ne serait plus adéquate pour couvrir les besoins actuels de D______, rien ne justifie de revoir celle-ci à la hausse.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel sera admis. Il convient dès lors d'annuler intégralement le jugement entrepris – sous réserve du chiffre 4 concernant le SCARPA, qui sera maintenu, et de la question des frais qui sera examinée ci-dessous –, ce qui implique que les chiffres 7 et 8 du dispositif du jugement de divorce rendu le 2 février 2018 par le Tribunal sont toujours en vigueur.

3. 3.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) - sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Le juge peut toutefois s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC). Rien ne l'empêche cependant d'en rester à une répartition selon l'art. 106 al. 1 ou 2, notamment en cas de litige entre époux portant essentiellement sur les conséquences pécuniaires d'un divorce (arrêts du Tribunal fédéral 5A_66/2021 du 28 septembre 2021 consid. 3.5.2 et 5A_70/2013 du 11 juin 2013 consid. 6 résumés in CPC Online, ad art. 107 CPC; Tappy, in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd. 2019, n. 19 ad art. 107 CPC).

En l'espèce, le montant des frais judiciaires, fixé par le premier juge à 1'000 fr., l'ayant été en conformité avec les dispositions légales applicables en la matière (art. 31 RTFMC) et n'étant de surcroît pas critiqué par les parties, il peut être confirmé.

Il se justifie en revanche de revoir la répartition des frais judiciaires, puisque l'appelante obtient entièrement gain de cause à l'issue de la procédure, dont l'enjeu était essentiellement pécuniaire.

Les frais judiciaires de première instance seront en conséquence mis intégralement à la charge de l'intimé, qui a succombé.

Chaque partie supportera en revanche ses propres dépens de première instance (cf. art. 107 al. 1 let. c CPC), comme retenu par le premier juge, sans que cela ne soit contesté en appel.

3.2 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 500 fr. (art. 96, 104 al. 1 et 105 CPC; art. 30 et 35 RTFMC). Ils seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Celui-ci plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ils seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 CPC.

Pour des motifs d'équité liés à la nature du litige, les parties conserveront à leur charge leurs propres dépens d'appel (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 104 al. 1, 105 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er juillet 2022 par A______ contre le jugement JTPI/6529/2022 rendu le 25 mai 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25138/2021.

Au fond :

Annule les chiffres 1 à 3, 5, 6 et 8 du dispositif du jugement entrepris et cela fait :

Dit que le jugement JTPI/2079/2018 rendu par le Tribunal de première instance le 2 février 2018 dans la cause C/1______/2017 reste inchangé.

Déboute B______ de toutes ses conclusions.

Met les frais judiciaires de première instance, arrêtés à 1'000 fr., à la charge de B______, et dit qu'ils sont provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 500 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.