Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/1646/2018

ACJC/1386/2022 du 19.10.2022 sur OTPI/192/2022 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CPC.276
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1646/2018 ACJC/1386/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 19 OCTOBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'une ordonnance rendue par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 31 mars 2022, comparant par Me Daniel MEYER, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Tania SANCHEZ WALTER, avocate, SWDS Avocats, rue du Conseil-Général 4, Case postale 412,
1211 Genève 4, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/192/2022 du 31 mars 2022, notifiée aux parties le 4 avril 2022, le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal) a condamné A______ à verser à B______, à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, 2'600 fr. dès le 1er novembre 2021 (chiffre 1 du dispositif), réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 14 avril 2022 au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour), A______ a formé appel de cette ordonnance et sollicité l'annulation du ch. 1 de son dispositif. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour le condamne à payer, par mois et d'avance, 1'354 fr. à B______ pour son entretien, ce dès le 1er novembre 2021, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit des pièces nouvelles, notamment des déclarations fiscales pour les années 2018 à 2021 (pièces 69 à 72).

b. B______ a conclu, préalablement, à l'irrecevabilité des pièces 69 à 72 susmentionnées et, principalement, au déboutement de A______, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. A______ n'ayant pas répliqué, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger par avis du 17 juin 2022.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. Les époux A______, né le ______ 1964, et B______, née le ______ 1965,
tous deux de nationalité suisse, ont contracté mariage le ______ 1984 à C______ (Portugal).

b. De cette union sont issus deux enfants, aujourd'hui majeurs, soit

- D______, né le ______ 1992 à Genève (GE) et

- E______, née le ______ 1995 à Genève (GE).

c. Les époux se sont séparés en 2017, A______ ayant quitté le domicile conjugal.

d. Par acte adressé au greffe du Tribunal de première instance le 19 janvier 2018, A______ et B______ ont déposé une requête commune en divorce, avec accord partiel.

Ils ont conclu au prononcé du divorce et indiqué qu'ils allaient s'employer à trouver un accord sur les effets accessoires de celui-ci.

e. La procédure a été suspendue, puis reprise le 14 juillet 2021, les pourparlers n'ayant pas abouti.

f. Par déterminations du 29 octobre 2021, B______ a conclu sur mesures provisionnelles à ce que le Tribunal condamne A______ à lui verser, par mois et d'avance, 3'300 fr. à titre de contribution à son entretien dès le 1er octobre 2021 et 20'000 fr. à titre de provisio ad litem, sous suite de frais.

Elle a estimé les revenus de A______ à 8'647 fr. 45 net par mois, correspondant à son salaire perçu de F______ SA (7'095 fr. 60) et de G______ SA pour des travaux de conciergerie (1'551 fr. 85).

Elle a formulé des conclusions au fond qui ne font pas l'objet de l'appel.

g. Dans son mémoire réponse, A______ a préalablement conclu, sur mesures provisionnelles, au déboutement de B______, avec suite de frais.

Il a formulé des conclusions au fond qui ne sont pas l'objet de l'appel.

h. Lors de l'audience du 22 février 2022 devant le Tribunal, les parties ont plaidé sur mesures provisionnelles et persisté dans leurs conclusions.

Le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles.

i. La situation personnelle et financière des parties est la suivante :

i.a. A______ est employé par F______ SA, inscrite au Registre du commerce de Genève depuis 2010, dont il est aussi administrateur depuis sa création et actionnaire, pour une participation qui ne ressort pas de la procédure. Le Tribunal a retenu qu'il réalisait par cet emploi un revenu mensuel net de l'ordre de 7'000 fr., calculé sur 12 mois, se fondant sur la dernière déclaration fiscale commune du couple pour l'année 2016.

Selon cette déclaration, le revenu brut de A______ était constitué de son salaire chez F______ SA pour quelque 98'000 fr. bruts et d'un salaire perçu de G______ SA en 20'000 fr. bruts environ. Aucune participation dans une personne morale n'est mentionnée.

Il ressort des avis de taxation de A______ qu'il a perçu un salaire brut de l'ordre de 98'000 fr. par an entre 2018 et 2020.

La déclaration fiscale 2021 du seul A______ indique un montant similaire de 98'000 fr. bruts de salaire perçu de F______ SA et, ici encore, aucune indication sur des participations dans des personnes morales.

Selon les fiches correspondantes, son salaire du mois de janvier 2022 s'est monté à 6'499 fr. net., de même que pour les mois de février et mars 2022.

S'agissant de la situation financière de F______ SA, A______ affirme sans produire aucun document, ni contester ou se prononcer sur sa qualité d'actionnaire, que la société aurait enregistré des pertes pour "plusieurs dizaines de milliers de francs en 2021", d'où la baisse de son salaire.

A______ est en outre associé-gérant pour la moitié du capital social de H______ Sàrl, inscrite au Registre du commerce de Genève depuis 2006, l'autre moitié étant détenue par son frère. Il a mis en gérance la station-service - soit, selon ses explications, la partie du commerce lui revenant, le magasin attenant étant géré par son frère - à un tiers pour un montant mensuel de 3'240 fr. qui lui est payé par le gérant. Selon les états financiers 2019 et 2020 de cette société, elle était bénéficiaire en 2019 à raison de 5'489 fr., des pertes étant subies en 2020 à raison de quelque 25'254 fr. Le chiffre d'affaires était de quelque 550'000 fr. en 2019 et de 400'000 fr. en 2020.

Selon un contrat de fiducie daté du 18 août 2016, A______ était propriétaire de 100 parts sociales à 100 fr. dans la société I______ Sàrl, inscrite au Registre du commerce du Bas-Valais. Selon ce contrat de fiducie, dès lors que A______ ne désirait pas apparaître audit registre, J______ s'est chargé de détenir ses parts à titre fiduciaire et est toujours inscrit en qualité d'associé-gérant. Selon une convention conclue le 7 janvier 2019, la détention par A______ des parts servait de garantie pour un prêt octroyé à J______. Ce prêt ayant été remboursé, toujours selon cette convention, le 6 décembre 2016, A______ n'était plus détenteur d'aucun droit dans la société depuis cette date.

Enfin, K______ SA, dont B______ affirme que A______ en serait détenteur économique, serait, selon le prénommé, détenue et exploitée par son fils et sa nièce, qui ne figurent toutefois pas dans l'extrait du Registre du commerce de cette société inscrite à Genève en 2014.

A______ n'a produit aucun autre document comptable concernant ces sociétés, mis à part les comptes de H______ Sàrl susmentionnés, ni aucune attestation ou document pouvant démontrer la composition de l'actionnariat desdites sociétés.

A______ soutient en outre ne plus percevoir de salaire de G______ SA depuis 2019, puisque B______ avait repris la place de travail qu'il y occupait.

Ses charges mensuelles, telles que fixées par le Tribunal et qui ne sont pas remises en cause en appel, sont constituées du montant de base LP (1'200 fr.), du loyer, charges comprises (759 fr.), de l'assurance-maladie obligatoire et complémentaire (460 fr.), des frais médicaux non couverts (117 fr.), du 3ème pilier (551 fr.) et de la charge fiscale (700 fr.), soit un total de 3'790 fr. arrondis.

Il a allégué être atteint dans sa santé, sans toutefois rendre vraisemblable que son état l'empêcherait de réaliser des revenus ou entraînerait la diminution de ceux-ci.

i.b. B______ travaille en qualité de concierge pour L______; son revenu mensuel est de l'ordre de 4'500 fr. par mois, ce qui n'est pas remis en cause en appel.

En 2016, selon la déclaration fiscale du couple, elle réalisait un revenu annuel de 42'000 fr. brut environ.

Ses charges mensuelles, telles que fixées par le Tribunal et qui ne sont pas remises en cause en appel, sont constituées du montant de base LP (1'200 fr.), du loyer, charges comprises (2'060 fr.), d'une prime de cautionnement pour son logement (26 fr.), de l'assurance responsabilité civile et assurance ménage (29 fr. + 29 fr.), de l'assurance-maladie obligatoire et complémentaire (477 fr. + 19 fr.), des transports publics (70 fr), des frais médicaux non couverts (130 fr.), du 3ème pilier (208 fr.) et de la charge fiscale (700 fr.), soit un total de 4'945 fr. arrondis.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte (cf. art. 92 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision attaquée (art. 142 al. 3, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable de ce point de vue.

1.3 Dans le cadre de mesures provisionnelles rendues pour la durée de la procédure de divorce, le juge établit les faits d'office en vertu de la maxime inquisitoire (art. 272 CPC, applicable par analogie au vu de l'art. 276 al. 1 CPC; arrêt 5A_335/2019 du 4 septembre 2019 consid. 5.2 et les références) et statue en application de la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC). Il se prononce ainsi sur la base de la simple vraisemblance après une administration limitée des preuves (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 131 III 473 consid. 2.3 in limine), ce qui exclut les mesures d'instruction plus étendues. Il suffit donc que les faits soient rendus plausibles. Le point de savoir si le degré de vraisemblance requis par le droit fédéral est atteint dans le cas particulier ressortit à l'appréciation des preuves (ATF 130 III 321 consid. 5; arrêt du Tribunal 5A_683/2021 du 3 mai 2022 consid. 4.2).

Les questions relatives aux contributions d'entretien entre époux sont soumises à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC), ainsi qu'à la maxime des débats atténuée (art. 55 al. 1 et 277 al. 1 CPC).

1.4
1.4.1
Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

1.4.2 En l'espèce, les déclarations fiscales produites par l'appelant et portant sur les années 2018 à 2020 auraient pu être produites en première instance, dès lors qu'il n'est pas allégué que ces déclarations ont été complétées après l'échéance du délai fixé par l'administration fiscale au 31 mars de chaque année. Elles sont donc irrecevables. Il est vraisemblable, en revanche, que, la cause ayant été gardée à juger le 22 février 2022, la déclaration 2021 a été remplie après cette date, de sorte qu'elle doit être considérée comme recevable. Il en va de même des fiches de salaire et des extraits de compte bancaire, pour la période postérieure au 22 février 2022, les pièces antérieures étant par contre irrecevables, de même que les faits qui s'y rapportent.

2. La seule question litigieuse est celle de la contribution d'entretien due par l'appelant à l'intimée : celui-là critique l'établissement de ses revenus mensuels par le premier juge.

2.1
2.1.1
Saisi d'une requête commune ou d'une demande unilatérale tendant au divorce (art. 274 CPC), le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, en appliquant par analogie les dispositions régissant la protection de l'union conjugale (art. 276 al. 1 CPC).

Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux (ATF 138 III 97 consid. 2.2; 137 III 385 consid. 3.1; 130 III 537 consid. 3.2 in SJ 2004 I 529). Tant que dure le mariage, les époux doivent ainsi contribuer, chacun selon leurs facultés, aux frais supplémentaires engendrés par l'existence parallèle de deux ménages. Si la situation financière des époux le permet encore, le standard de vie antérieur, choisi d'un commun accord, doit être maintenu pour les deux parties. Quand il n'est pas possible de conserver ce niveau de vie, les époux ont droit à un train de vie semblable (ATF 119 II 314 consid. 4b/aa; arrêts du Tribunal fédéral 5A_173/2013 du 4 juillet 2013 consid. 4.2 et 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 4.2.3).

2.1.2 La loi ne prescrit pas de méthode de calcul particulière pour arrêter la quotité de la contribution d'entretien. Sa fixation relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4; 128 III 411 consid. 3.2.2).

Dans trois arrêts publiés (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 293 ; 147 III 301), le Tribunal fédéral a toutefois posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille – soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes) – qu'il y a lieu d'appliquer (ATF 142 V 551 consid. 4.1; 135 II consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_931/2017 du 1er novembre 2018 consid. 3.1.3).

Selon cette méthode, il convient, d'une part, de déterminer les moyens financiers à disposition, à savoir les revenus effectifs ou hypothétiques et, d'autre part, de déterminer les besoins de la personne dont l'entretien est examiné (entretien convenable). Enfin, les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille (ATF 147 III 265 précité consid. 7).

2.1.3 Pour calculer la contribution d'entretien, il convient en principe de se fonder sur le revenu effectif des parties (ATF 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_724/2018 du 14 mars 2019 consid. 3.2.4).

Le revenu d'un indépendant est constitué par son bénéfice net, à savoir la différence entre les produits et les charges. En cas de revenus fluctuants, pour obtenir un résultat fiable, il convient de tenir compte, en général, du bénéfice net moyen réalisé durant plusieurs années, en principe trois (arrêts du Tribunal fédéral 5A_384/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2; 5A_724/2018 du 14 mars 2019 consid. 5.3.1 et 5A_745/2015 du 15 juin 2016 consid. 12.2.2). Lorsque les allégations sur le montant des revenus ne sont pas vraisemblables et que les pièces produites ne sont pas convaincantes – par exemple lorsque les comptes de résultat manquent –, les prélèvements privés constituent un indice permettant de déterminer le train de vie de l'intéressé, cet élément pouvant alors servir de référence pour fixer la contribution due (arrêts du Tribunal fédéral 5A_455/2017 du 10 août 2017 consid. 3.1; 5A_874/2014 du 8 mai 2015 consid. 5.2.2 et 5A_246/2009 du 22 mars 2010 consid. 3.1).

La détermination du revenu d'un indépendant peut en conséquence se faire en référence soit au bénéfice net, soit aux prélèvements privés, ces deux critères étant toutefois exclusifs l'un de l'autre: l'on ne peut ainsi conclure que le revenu d'un indépendant est constitué de son bénéfice net, additionné à ses prélèvements privés (arrêts du Tribunal fédéral 5A_544/2014 du 17 septembre 2014 consid. 4.1 et 5A_396/2013 du 26 février 2014 consid. 3.2.3).

2.1.4 Si l'une des parties refuse de collaborer sans motif valable, l'art. 164 CPC prévoit que le tribunal en tient compte lors de l'appréciation des preuves. Cette dernière disposition ne donne toutefois aucune instruction s'agissant des conséquences que le tribunal doit tirer du refus de collaborer dans l'appréciation des preuves. Il n'est en particulier pas prescrit que le tribunal doit automatiquement conclure à la véracité de l'état de fait présenté par la partie adverse ; il s'agit bien plus de traiter le refus injustifié de collaborer comme un élément parmi d'autres à prendre en compte dans la libre appréciation des preuves (art. 157 CPC; ATF 140 III 264 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_651/2014 du 27 janvier 2015 consid. 2.1).

Lorsqu'un époux manque à son devoir de collaboration, en renseignant avec peine le juge sur sa situation économique, celui-ci peut sans arbitraire se limiter à une estimation du revenu tiré de l'activité constatée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_81/2011 du 23 septembre 2011 consid. 6.1.3).

2.2 En l'espèce, le premier juge a estimé les revenus de l'appelant à 9'000 fr. par mois net au minimum, précisant que les revenus provenant de K______ SA et I______ Sàrl n'avaient pas été établis.

Dans son appel, l'appelant se prévaut de ses fiches de salaire, d'extraits de compte bancaire et de déclarations fiscales – dont il a été vu qu'une partie de ces documents sont irrecevables (cf. consid. 1.4 supra) – pour conclure que son salaire n'était que de 6'500 fr. net par mois environ. Les travaux de conciergerie avaient été repris par son épouse, qui avait ainsi vu son salaire augmenter de 20'000 fr. net par an.

L'intimée ne conteste pas que l'activité de conciergerie de l'appelant a cessé, mais elle soutient qu'il faudrait en tenir compte à titre de revenu hypothétique. De toute manière, l'appelant percevait, selon toute vraisemblance, des revenus supplémentaires des sociétés dont il était ayant droit économique, portant ainsi ses revenus mensuels à un montant d'au moins 9'000 fr. net par mois.

Il convient de relever que le raisonnement du Tribunal n'est pas explicite sur la question de savoir s'il a tenu compte dans les revenus mensuels de l'appelant de son salaire de concierge d'environ 1'500 fr. par mois et qui n'est plus perçu depuis plusieurs années, ce qui n'est pas contesté.

Il n'est cependant pas essentiel d'éclaircir plus avant ce point au vu de ce qui suit.

En effet, s'agissant du salaire perçu par l'appelant de F______ SA, il s'est élevé pendant de nombreuses années à 98'000 fr. bruts par an, soit 8'100 fr. brut par mois ou environ 7'200 fr. net après déduction des charges sociales. Ce salaire a soudainement baissé à 6'500 fr. net par mois dès le 1er janvier 2022, sans aucune explication crédible de l'appelant à ce sujet. Or, une baisse de salaire aussi substantielle aurait dû être justifiée par l'appelant, soit par des résultats économiques en baisse ou par une réorganisation de son temps de travail ou de son rôle dans l'entreprise. L'appelant n'en fait toutefois rien et n'a produit aucune pièce concernant la situation financière de F______ SA, se contentant d'affirmer que les résultats économiques de la société étaient en baisse. Il sera en outre relevé que l'appelant est administrateur et actionnaire de cette société, de sorte que, comme le soutient l'intimée, il peut vraisemblablement modifier librement son salaire. La simple affirmation d'une partie ne suffisant pas encore à retenir que le fait considéré est vraisemblable, il peut être retenu que le salaire de l'appelant perçu de F______ SA est vraisemblablement de 7'200 fr., comme il l'a été pendant de nombreuses années ou, à tout le moins, qu'un tel montant devrait être retenu à titre de revenu hypothétique.

De surcroît, il faut relever que l'appelant a précédemment omis d'annoncer aux autorités fiscales ses participations dans les sociétés qu'il détient et qu'il dirige. Ainsi, la déclaration fiscale 2016 du couple est muette sur lesdites participations, alors que l'appelant était actionnaire ou associé d'au moins trois personnes morales. Les références qu'il fait à ses déclarations fiscales ou à ses avis de taxation paraissent ainsi dénués de pertinence, dès lors que ces documents ne reflètent pas sa situation financière réelle en l'absence d'éléments essentiels de son patrimoine, qui sont susceptibles de générer des revenus réguliers. Il en va de même de la production de sa documentation bancaire sur une seule courte période et en appel uniquement, ce qui est insuffisant pour obtenir une image complète de ses revenus.

Il est en revanche démontré que le montant issu de la gérance de la station-service de H______ Sàrl est de 3'240 fr. par mois en faveur de l'appelant. L'affirmation de celui-ci dans sa réponse de première instance selon laquelle ce montant serait entièrement absorbé par le loyer des locaux occupés par l'entreprise n'est rendu vraisemblable par aucun élément. En outre, l'appelant a expressément exposé se partager l'exploitation de cette société avec son frère, ce qui tend à rendre vraisemblable que celui-ci devrait aussi, le cas échéant, à tout le moins, participer aux charges de loyer et donc laisser un montant disponible pour l'appelant sur les paiements du gérant.

De plus, le contrat de fiducie conclu en lien avec I______ Sàrl révèle un arrière-plan économique particulièrement obscur, puisqu'il aurait été, selon les documents et les explications postérieures, conclu pour garantir un prêt dont il n'est pas fait mention dans le contrat de fiducie. Celui-ci mentionne au contraire une volonté de l'appelant de ne pas apparaître au Registre du commerce et dénote plutôt une volonté de dissimuler sa prise de participation, ce qui est congruent avec l'absence de mention des participations de l'appelant dans les déclarations fiscales.

Enfin, les allégués des parties sont contradictoires concernant K______ SA, puisque l'intimée affirme que l'appelant en serait le détenteur économique et que celui-ci allègue que son fils et sa nièce en seraient actionnaires, sans toutefois apporter le moindre élément à ce sujet et sans que cela ressorte des registres publics.

En résumé, A______ n'obtient certes vraisemblablement plus de revenu de son activité de concierge. Percevant 7'200 fr. net par mois de son activité salariée, il est toutefois vraisemblable qu'il touche de ses diverses participations dans des sociétés un revenu supplémentaire qui permet de confirmer l'ordonnance. Il était légitime pour le premier juge de procéder à une estimation de ces revenus en fonction des pièces produites, estimation qui échappe à la critique quant à son résultat.

Par conséquent, l'estimation à laquelle a procédé le premier juge, soit un revenu minimum de 9'000 fr. par mois, apparaît adéquate au vu des documents disponibles, pris sous l'angle de la vraisemblance.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée.

3. Les frais judiciaires de la procédure d'appel, arrêtés à 800 fr., seront mis à la charge de l'appelant qui succombe et compensés avec l'avance qu'il a versée et qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 311 al. 1 CPC).

Vu la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 14 avril 2022 contre l'ordonnance OTPI/192/2022 rendue le 31 mars 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1646/2018.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 800 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de même montant qu'il a versée et qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD, Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.