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Décisions | Chambre civile

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C/20274/2021

ACJC/1280/2022 du 29.09.2022 ( ADOPT ) , ADMIS

En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20274/2021 ACJC/1280/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 29 SEPTEMBRE 2022

 

Requête (C/20274/2021) formée le 8 juillet 2022 par A______ et B______, domiciliés ______ [GE], comparant tous deux par Me Pierre OCHSNER, avocat, en l’étude duquel ils élisent domicile, tendant à l'adoption de C______, née le ______ 1974.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier du 30 septembre 2022 à :

- Madame B______
Monsieur A______
c/o Me Pierre OCHSNER, avocat.
Place de Longemalle 1, 1204 Genève.

- Madame C______
c/o Me Pierre OCHSNER, avocat.
Place de Longemalle 1, 1204 Genève.

- Madame D______
______, ______ [GE] (dispositif uniquement).

- DIRECTION CANTONALE DE L'ETAT CIVIL
Route de Chancy 88, 1213 Onex (dispositif uniquement).


A.           a) A______, né le ______ 1953 à E______ (F______/Congo), originaire de Genève, est marié depuis le ______ 1996 avec B______, née B______ [nom de jeune fille] le ______ 1958 à E______ (F______/Congo), originaire de Genève.

De cette union, sont nés G______ le ______ 1993 et H______ le ______ 1996.

A______ est également le père de I______, née le ______ 1980, de J______, née le ______ 1985, et de K______, née le ______ 1989, toutes trois issues de relations précédentes.

B______ a donné naissance le ______ 1982 à L______, dont le père figurant à l’état civile est M______.

b) C______ est née C______ [nom de jeune fille] le ______ 1974 à Genève, originaire de Zurich (Zurich) et de N______ (Berne), de l'union entre D______ [nom de jeune fille] (actuellement D______), née le ______ 1949 à Genève, originaire de Zurich (Zurich) et O______, né le ______ 1945 à P______ (Q______/Italie), de nationalité italienne.

Le divorce des époux D______/O______ a été prononcé le ______ 1977.

Le ______ 1979, D______ a épousé A______. Ils ont divorcé le ______ 1995.

c) Par courriers datés du 8 juillet 2022, A______ et B______ ont demandé à pouvoir adopter C______.

A______ indique que ses liens d’affection envers C______ datent de 1979, et qu’il s’est dès lors toujours occupé d’elle « comme un papa le fait avec sa fille ». Après son divorce avec la mère biologique de C______, cette dernière était restée vivre avec lui jusqu’à ce qu’elle prenne son propre appartement.

B______ a, après avoir connu A______ au début des années 1990, également connu ses filles aînées et C______. Dès son mariage en 1996 avec A______, elle a fait ménage commun avec C______, alors déjà âgée de 22 ans.

C______ a, par courrier du 8 juillet 2022, consenti à être adoptée par A______ et B______ qu’elle considère comme ses père et mère et qu’ils ont toujours fait partie intégrante de sa vie. Elle indique que depuis plus de quarante ans, ils ont été présents à ses côtés, que ce soit à la naissance de sa propre fille ou lors de son mariage et qu’ils l’ont toujours encouragée et soutenue durant son enfance et encore aujourd’hui.

D______ a donné son consentement à l’adoption de sa fille C______. La Cour l’a rendue attentive de la teneur de l'art. 267 al. 2 CC, lequel prévoit qu'en cas d'adoption et sauf exceptions non réalisées en l'espèce, les liens de filiation antérieurs sont rompus y compris à l'égard de la mère biologique, celle-ci n'étant ni mariée avec l'adoptant, ni ne menant avec lui une vie de couple. Cette dernière a confirmé, dans une attestation du 31 mai 2022, être favorable au prononcé de cette adoption.

O______, père biologique de C______, est décédé le ______ 2018.

B.                 a) Les éléments suivants résultent des diverses pièces fournies.

A______ et D______ ont été mariés du ______ 1979 au ______ 1994. Ils ont eu deux filles, I______ et J______. Durant leur relation, ils ont également élevé ensemble C______, fruit du premier mariage de D______.

Après la rupture entre A______ et D______, C______ a continué à vivre avec A______, de sorte qu’elle a grandi à ses côtés dès l’âge de cinq ans et le considère comme son père.

A l’instar d’un père biologique, A______ s’est occupé d’elle, il lui a fourni tous les soins nécessaires et a pourvu à son éducation durant 21 ans, soit jusqu’à ce que C______ prenne son propre appartement en avril 2020.

La communauté domestique entre C______ et B______ a commencé dès le mariage de cette dernière avec A______, soit le ______ 1996 alors que la première était déjà majeure, et ce jusqu’en avril 2000. C______ dit considérer B______ comme sa propre mère et B______ dit considérer C______ comme sa propre fille.

Dans un courrier du 8 juillet 2022, C______ indique que A______ lui a toujours été d’un grand soutien durant son enfance et qu’aujourd’hui encore il fait partie intégrante de sa vie.

Quant à B______, elle était également présente à ses côtés durant les moments importants de sa vie. Elle a contribué à son éducation « avec un lien mère/fille rempli d’amour ».

b) R______ et S______, respectivement époux et fille de l’adoptée, se sont tous deux déclarés favorables à l’adoption en date du 8 juillet 2022.

G______ et H______, enfants communs de A______ et B______, ont tous deux déclaré considérer C______ comme leur grande sœur et se sont déclarés favorables à son adoption par leurs parents. J______, fille de A______, et L______, fille de B______, ont fait de même en précisant toutes les deux que C______ était le pilier de leur famille.

A______ n’ayant plus de contacts avec ses filles I______ et K______, ces dernières ne se sont pas prononcées sur la requête. Il a indiqué avoir effectué des recherches pour les retrouver, en vain.

EN DROIT

1.             La Cour de justice est compétente ratione materiae et ratione loci pour se prononcer sur les requêtes d'adoption (art. 268 al.1 CC et 120 al. 1 let. c LOJ), les requérants étant domiciliés à Genève.

2. 2.1.1 Une personne majeure peut être adoptée si elle a besoin de l'assistance permanente d'autrui en raison d'un infirmité physique, mentale ou psychique et que le ou les adoptants lui ont fourni des soins pendant au moins un an ; lorsque, durant sa minorité, le ou les adoptants lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an ; ou pour d'autres justes motifs, lorsqu'elle a fait ménage commun pendant au moins un an avec le ou les adoptants (art. 266 al. 1 ch. 1 à 3 CC. Selon l’al. 2 de cette disposition, les dispositions sur l’adoption de mineurs s’appliquent par analogie pour le surplus, à l’exception de celle sur le consentement des parents.

Si l'année de vie commune doit obligatoirement avoir été accomplie durant la minorité dans le cas prévu par l'art. 266 al. 1 ch. 2 CC, la question du moment du déroulement de la communauté domestique est sans importance pour les hypothèses figurant à l'art. 266 al. 1 ch. 1 et 3 CC (Meier/Stettler, Droit de la filiation, 6ème édition, 2019, n. 385).

La communauté domestique ne suffit pas. Il faut encore que de justes motifs, au sens objectif, existent. Ceux-ci découlent directement du texte légal dans les cas visés par l'art. 266 al. 1 ch. 1 CC (besoin d'assistance permanente d'autrui en raison d'une infirmité physique, mentale ou psychique) et par l'art. 266 al. 1 ch. 2 CC (soins et éducation fournis pendant la minorité), alors que les autres motifs visés par l'art. 266 al. 1 ch. 3 CC sont moins évidents et laissent une assez large place à l'interprétation.

La jurisprudence relève cependant que les ch. 1 à 3 de l'art. 266 al. 1 CC présupposent tous les trois une relation particulièrement solide et étroite liant le ou les adoptant(s) à l'adopté, ainsi que l'existence d'une aide et d'une attention en principe quotidiennes relevant de la solidarité familiale. Les "autres justes motifs" sont dès lors, dans leur nature, comparables aux circonstances justifiant l'adoption d'un majeur au sens des ch. 1 et 2. Les liens affectifs unissant le ou les adoptant(s) à l'adopté doivent être suffisamment étroits pour que leur relation puisse être assimilée à une filiation naturelle; la relation liant les protagonistes doit par ailleurs être perçue et vécue par eux comme une relation de nature filiale. Le fait que les parents adoptifs ont assuré directement et personnellement une assistance importante et des soins à l'adopté ou inversement parle en faveur de l'existence d'un tel lien (Meier/Stettler, op. cit. n. 386 et 387).

2.1.2 Selon l’art. 264a al. 1 CC, des époux peuvent adopter un enfant conjointement s’ils font ménage commun depuis au moins trois et sont tous deux âgés de 18 ans révolus. Une personne qui n'est ni mariée ni liée à une autre par un partenariat enregistré peut adopter un enfant si elle a 28 ans révolus (art. 264b et 266 al. 2 CC).

La différence d'âge entre l'adopté et le ou les adoptants ne peut pas être inférieure à 16 ans ni supérieure à 45 ans (art. 264d al. 1 et 266 al. 2 CC). Si l'adopté est capable de discernement, son consentement à l'adoption est requis (art. 265 a. 1 et 266 al. 2 CC). L'opinion des parents biologiques de la personne majeure qui fait l'objet de la demande d'adoption doit être prise en considération de même que celle de son conjoint et de ses descendants et celle des descendants de l’adoptant; la décision d'adoption doit leur être autant que possible communiquée (art. 268a quater CC).

2.1.3 Les liens de filiation antérieurs sont rompus (art. 267 al. 2 CC).

2.2 En l'espèce, à teneur de dossier, les liens entre l’adoptant et l'adoptée s'étaient tissés durant la petite enfance de cette dernière et ont perduré dans le temps, en dépit du fait que A______ n'entretenait plus de relation sentimentale avec D______. Il ressort des explications données que le lien qui unit le requérant à l’adoptée peut être qualifié de filial, puisque A______ a non seulement prodigué des soins et contribué à l'éducation de l'adoptée depuis qu'elle est enfant, mais il a également participé à sa prise en charge financière et l'a intégrée à sa propre famille suite à son mariage en 1996 avec B______. C______, née en ______ 1974 était déjà majeure à cette période. La communauté domestique avec B______ a toutefois duré près de 4 ans jusqu'au départ du domicile de C______.

La condition de la durée de la communauté domestique entre l'adoptant, resp. l'adoptante et l'adoptée est réalisée, cette durée ne devant pas nécessairement avoir eu lieu durant la minorité s'agissant du cas de l'art. 266 al.1 ch.3 CC.

S'agissant des justes motifs prévus par ladite disposition, les liens affectifs tissés tels que décrits au dossier entre les uns et l'autre permettent de considérer qu'ils ont la nature filiale et l'intensité nécessaire pour remplir cette condition. Toutes les déclarations au dossier vont dans ce sens.

Les avis nécessaires ont été recueillis de ceux de qui ils devaient l'être (art. 268a al.1 et 2 CC). Ils sont tous favorables à l'adoption. La mère biologique de l'adoptée, rendue attentive aux conséquences de l'adoption, a confirmé son avis favorable initial.

Pour le reste, les conditions d'âge sont réalisées de sorte que l'adoption peut être prononcée.

Conformément à la disposition de l'art. 267 al. 2 CC citée plus haut, les liens de filiation entre le père et la mère biologiques de l'adoptée et celle-ci seront rompus.

3.             3.1 L'autorité compétente peut autoriser une personne majeure qui fait l'objet d'une demande d'adoption à conserver son nom de famille s'il existe des motifs légitimes (art. 267a al. 3 CC).

3.2 Il découle a contrario de cette disposition qu'à défaut la personne adoptée acquiert le nom de l'adoptant.

En l'espèce, C______ est actuellement mariée et a pris le nom de son époux. Elle désire que son nom demeure [celui de] R______, mais souhaite que son nom de jeune fille soit à l'avenir celui des adoptants, soit A______/B______.

L'application de la règle rappelée plus haut conduit à ce que l'adoptée prendra le nom, avant mariage, de A______/B______, son nom de mariage ne changeant pas.

L'adoptée conservera son droit de cité actuel, l'art. 267b CC ne s'appliquant qu'aux mineurs, l'adoption n'ayant aucune incidence sur le droit de cité des majeurs.

4.             Les frais de la procédure, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des requérants. Ils seront compensés avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Prononce l'adoption de C______, née [C______] le ______ 1974 à Genève, originaire de Zurich (Zurich) et de N______ (Berne) par A______, né le ______ 1953 à E______ (F______/Congo), originaire de Genève, et B______, née [B______] le ______ 1958 à E______ (F______/Congo), originaire de Genève.

Prescrit que C______ conserve son nom de femme mariée, et que son nom de jeune fille sera désormais A______/B______.

Prescrit qu'elle demeurera originaire de Zurich (Zurich) et de N______ (Berne).

Dit que les liens de filiation de C______ avec D______, née [D______] le ______ 1949 à Genève, originaire de Zurich (Zurich), et avec O______, né le ______ 1945 à P______ (Q______/Italie), de nationalité italienne, sont rompus.

Arrête les frais de la procédure à 1'000 fr.

Les met à la charge de A______ et B______, conjointement et solidairement, et les compense avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 308 ss du code de procédure civile (CPC), la présente décision peut faire l'objet d'un appel par-devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans les 10 jours qui suivent sa notification.

 

L'appel doit être adressé à la Cour de justice, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

 

Annexes pour le Service de l'état civil :

Pièces déposées par les requérants.