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Décisions | Chambre civile

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C/7189/2019

ACJC/594/2022 du 04.05.2022 sur ORTPI/116/2022 ( OO ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7189/2019 ACJC/594/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 4 MAI 2022

 

Entre

A______ SA, p.a. B______, ______, recourante d'une ordonnance rendue par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 février 2022, comparant par Me Olivier BLOCH, avocat, rue de Neuchâtel 1, case postale 211, 1401 Yverdon-les-Bains, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

1) Monsieur C______, domicilié ______[VD], intimé, comparant par Me Vincent JÄGGI, avocat, Kellerhals Carrard, place Saint-François 1, case postale 7191, 1002 Lausanne, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

2) Monsieur D______, domicilié ______[GE], autre intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance de preuves ORTPI/116/2022 du 2 février 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a rejeté la requête de A______ SA tendant à la limitation de la procédure à la problématique de la responsabilité de D______ et C______ (chiffre 1 du dispositif), autorisé les parties à apporter les preuves des faits qu'elles allèguent qui sont contestés et réservé à chacune des parties la possibilité d'apporter la contre-preuve (ch. 2 et 3), admis pour A______ SA divers moyens de preuve soit notamment l'interrogatoire/déposition des parties sur divers allégués et l'audition de divers témoins (ch. 4), admis pour C______ divers moyens de preuve, soit l'audition des parties sur certains allégués (ch. 5), imparti à A______ SA un délai au 9 mars 22 pour produire tout document attestant d'un versement qu'elle a effectué en faveur de E______, correspondant au prix des actions de F______ SA (ch. 6), dit qu'il sera ordonné à G______. de produire les documents ( ) prouvant que la plateforme H______ a été aliénée en faveur de I______. et indiquant les conditions de cette transaction (ch. 7), requis une avance de frais d'administration de preuves de A______ SA (ch. 8 et 9) et réservé la question de l'expertise judiciaire (ch. 10).

L'ordonnance a été communiquée aux parties le 4 février 2022 pour notification.

B.            a. Par acte expédié le 17 février 2022 à l'adresse du greffe de la Cour, A______ SA a formé recours contre ladite ordonnance concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision. Préalablement, elle a conclu au prononcé de l'effet suspensif à son recours, requête admise par arrêt du 7 mars 2022 de la Présidente de la Chambre civile de la Cour.

En substance, elle fait en premier lieu grief au Tribunal d'avoir rejeté sa conclusion visant l'apport d'une pièce no 164 (états financiers de I______. au 31 décembre 2018, 2019 et 2020) requise permettant de prouver l'existence d'un dommage de la recourante. En second lieu, elle fait grief au Tribunal d'avoir admis la production requise par sa partie adverse C______ d'une pièce no 250 (i.e. tout document attestant un versement de A______ SA en faveur de E______ correspondant au prix des actions de F______ SA).

Elle considère que le rejet de sa requisition viole son droit à la preuve alors que l'admission de la requête adverse viole son droit à un procès équitable, puisqu'elle même s'est vu refuser l'apport de la pièce requise susmentionnée. Par ailleurs, la pièce admise n'était pas pertinente.

b. Le 25 février 2022, C______ a conclu au rejet de la demande d'octroi de l'effet suspensif au recours et à l'irrecevabilité du recours en l'absence de tout dommage difficilement réparable. Aucune autre réponse n'a été déposée dans le délai imparti postérieurement.

c. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 15 mars 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent pour le surplus du dossier soumis à la Cour :

a. Le 12 septembre 2019 A______ SA a déposé une demande en paiement à l'encontre de C______ et D______ concluant à ce que ceux-ci soient condamnés à lui payer solidairement "une somme supérieure" à 75'000 USD, subsidiairement "une somme supérieure à 60'767 Euros", plus subsidiairement "une somme supérieure à 72'234 fr."

En résumé et en substance, elle reproche à C______ d'avoir agi comme organe de fait des société F______ SA et G______. en violant son devoir de fidélité et en privilégiant ses propres intérêts en aliénant une plateforme "H______" (réseau social regroupant des négociants de valeurs mobilières) à une société étrangère qu'il maîtrise, faisant de G______ qui détenait ladite plateforme une coquille vide et privant F______ SA d'une participation d'une quelconque valeur (dans G______). Elle reproche en outre à l'administrateur de F______, D______, une totale inaction et une négligence coupable dans la surveillance des agissements de C______ et dès lors une violation de ses devoirs d'administrateur.

b. Les parties ont procédé à des échanges d'écritures jusqu'au 17 juin 2021, les intimés s'opposant à la prétention.

c. Le Tribunal a tenu deux audiences de débats d'instruction, les 8 octobre et 3 novembre 2021.

Dans leurs écritures et lors desdites audiences, les parties ont sollicité de multiples offres de preuve.

d. Le 2 février 2022, le Tribunal a rendu l'ordonnance litigieuse.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d’instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu’elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision pour les ordonnances d’instruction (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.2 En l’espèce, en tant qu’elle admet notamment une preuve requise par un intimé et refuse, notamment, d'administrer une preuve sollicitée par la recourante, l’ordonnance querellée constitue une ordonnance d’instruction.

Interjeté dans le délai imparti et suivant la forme prévue par la loi (art. 130 et 321 al. 2 CPC), le recours est recevable sous cet angle.

1.3 Dans la procédure de recours, la cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits.

2. Reste à déterminer si l’ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable à la recourante au sens de l’art. 319 let. b ch. 2 CPC et à examiner la question de la motivation du recours à ce propos.

2.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est à mettre en relation avec les termes identiques utilisés à l'art. 261 al. 1 let. b CPC et ne saurait se recouper avec celle, plus restrictive, de préjudice irréparable utilisée à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, qui exclut la prise en compte d'un préjudice factuel ou économique. Ainsi, l'art. 319 let. b ch. 2 CPC ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra toutefois se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès. En résumé, la notion de préjudice difficilement réparable doit être interprétée restrictivement puisque la personne touchée disposera le moment venu de la faculté de remettre en cause la décision ou ordonnance en même temps que la décision au fond: il incombe au recourant d'établir que sa situation procédurale serait rendue notablement plus difficile et péjorée si la décision querellée était mise en œuvre, étant souligné qu'une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne suffisent pas. On retiendra l'existence d'un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (JEANDIN, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, ad art. 319 n. 22 et 22a). De même, le rejet d’une réquisition de preuve par le juge de première instance n’est en principe pas susceptible de générer un préjudice difficilement réparable, sauf dans des cas exceptionnels à l’instar du refus d’entendre un témoin mourant ou du risque que les pièces dont la production est requise soient finalement détruites (JEANDIN, op. cit., ad art. 319 n. 22b).

2.2 En l'espèce, la recourante a exposé tout d'abord succinctement dans son recours les motifs pour lesquels elle considère qu'une pièce requise par elle doit être apportée de manière à lui permettre de sauvegarder son droit à la preuve. Ce faisant elle n'est pas parvenue à établir que le refus d'ordonner l'apport de ladite pièce était susceptible de lui causer un dommage difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC. En effet, si le jugement du Tribunal devait lui être défavorable, elle aurait la possibilité d'appeler auprès de la Cour de justice et de faire valoir l'ensemble de ses griefs, y compris le fait que son droit à la preuve aurait été violé. La Cour pourrait alors, si elle devait lui donner raison, retourner la cause au premier juge pour suite d'instruction et nouvelle décision. La procédure en serait certes prolongée, mais ce seul inconvénient ne constitue pas un dommage difficilement réparable. Il en va de même des éventuels frais supplémentaires que pourrait engendrer un renvoi de la procédure devant le Tribunal.

Pour le surplus et par ailleurs, la recourante n'a pas valablement motivé le fait que l'apport ordonné d'une pièce démontrant un versement de sa part, valant quittance de paiement en faveur d'un tiers, serait susceptible de lui causer un dommage difficilement réparable. Elle se contente de le soutenir sans en exposer les raisons. Cette manière de procéder est contraire aux réquisits légaux.

Il résulte de ce qui précède que la condition de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC n'étant pas remplie quant aux deux griefs soulevés, le recours est globalement irrecevable.

On rappellera enfin que le Tribunal n'est pas lié par ses ordonnances de preuves, lesquelles peuvent être modifiées et complétées en tout temps (art. 154 CPC).

3. Les frais judiciaires de recours seront mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront arrêtés à 1’200 fr. (art. 41 RTFMC), comprenant les frais de la décision sur effet suspensif, et entièrement compensés avec l’avance fournie, qui reste acquise à l’Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC).

La recourante sera en outre condamnée à payer à l’intimé C______, seul ayant participé à la procédure de recours, la somme de 600 fr., à titre de dépens (art. 23 al. 1, 25 et 26 LaCC; 85, 87 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable le recours interjeté par A______ SA contre l’ordonnance ORTPI/116/2022 rendue le 2 février 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7189/2019.

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'200 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l’avance de frais versée du même montant, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser à C______, la somme de 600 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.