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Décisions | Chambre civile

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C/26008/2018

ACJC/478/2022 du 05.04.2022 sur JTPI/9826/2021 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.1.al1; CO.394.al1; CO.32
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26008/2018 ACJC/478/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 5 AVRIL 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 juillet 2021, comparant par Me Lucien FENIELLO, avocat, Perréard de Boccard, rue du Mont-Blanc 3, case postale , 1211 Genève 1, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______[GE], intimée, comparant par Me Marc BEGUIN, avocat, Béguin de Gorski Hunziker, rue du Marché 20, case postale 3029, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 


EN FAIT

A. a. B______ SA (ci-après, B______ SA), anciennement dénommée C______ SA, est une société suisse active notamment dans le domaine du conseil en matière de constitution, contrôle et gestion des trust, fondations et sociétés dans différentes juridictions ainsi que la prestation de services et de conseils juridiques, comptables et administratifs y relatifs; la prestation des services connexes tels que conseils patrimoniaux, fiscaux, juridiques, économiques et immobiliers; la détention de tous avoirs et leur optimisation; et, en général, tous services liés à l'activité fiduciaire et de conseil international au sens large.

b. En 1999, A______ a acheté un appartement à D______ (France) à travers la SCI E______, elle-même détenue par une société anglaise, F______ LTD, dont il était l'ayant droit économique.

c. Le 6 novembre 1999, C______ SA a établi un "client information form" qui mentionne "case name : G______ LTD", "client's name : A______" et "contact : Me H______ – D______". Ce document indique que des honoraires ont été convenus à hauteur de FRF 100'000.- par an pour toute la structure, à savoir G______ LTD et F______ LTD. Ce document n'est pas signé.

d. Le 11 décembre 2000, Me H______ a informé C______ SA qu'il ne représentait plus les intérêts de A______ et qu'il avait été remplacé par Me I______.

e. Le 13 juin 2007, Me I______ a envoyé un fax à J______ dont le sujet était "F______ LTD" et qui expliquait que dès l'origine de sa création, la SCI E______ avait ouvert un compte bancaire qui était utilisé pour recevoir les loyers mensuels et régler les charges. Compte tenu de la modicité des charges par rapport aux loyers mensuels, le compte était largement créditeur de sorte que "à la demande de notre client commun", une partie des fonds allaient être transférés sur le compte bancaire de F______ LTD pour remonter ensuite au compte personnel suisse de son "beneficial owner". Il a donc demandé à C______ SA de lui communiquer les coordonnées bancaires de F______ LTD.

En annexe à ce fax était notamment annexé un extrait bancaire de la SCI E______, adressé chez Me I______, faisant état d'un virement permanent en faveur de K______.

f. Le 10 décembre 2009, B______ SA a transmis par e-mail à Me I______ sa facture annelle pour le fonctionnement des sociétés F______ LTD et G______ LTD.

g. Par retour de courriel du 15 décembre 2009, Me I______ a informé B______ SA avoir transmis ladite facture "au client pour règlement" et que celui-ci, qui était désormais résident à Genève, désirait que la facture soit émise en francs suisses, et non plus en euros, et qu'il la réglerait dès réception de la nouvelle facture.

h. B______ SA a répondu à Me I______ que la facture ne pouvait pas être modifiée, pour des raisons informatiques, mais que celle de l'année suivante serait émise en francs suisses. Elle a demandé à I______, puisque "le client" était maintenant résident en Suisse, qu'il passe dans ses bureaux afin de mettre à jour leur dossier LBA.

i. Le 30 novembre 2010, B______ SA a facturé à G______ LTD un montant de 23'000 fr. pour ses honoraires forfaitaires de 2009, la provision pour ses honoraires d’administrateurs et d'actionnaires ("nominee shareholders"), et les frais de domiciliation pour 2010 en relation avec la structure G______ LTD et F______ LTD. La facture portait la mention "INVOICE N° : 1______".

Cette facture a été payée le 14 décembre 2010 depuis un compte auprès de L______ à Genève avec la mention que le paiement provenait de "un de nos clients". L'avis de crédit indique comme "details of payment" : "INVOICE 2______" à côté duquel figure la mention manuscrite "G______ Ltd".

j. Par fax du 19 décembre 2010, dont l'objet mentionné était G______ LTD, Me I______ a fait parvenir à B______ SA un ordre provenant du "client" pour qu'une somme libellée en francs suisses pour l'équivalent de 105'000 euros soit virée sur son compte personnel au M______.

Y était annexé un ordre signé de A______ daté du 17 décembre 2010 adressé à B______ SA où celui-ci indique notamment "I hereby confirm that I indemnify you as Trustees, Directors from and against all and any liabilities whatsoever in respect of this transfer" (traduction libre : je vous garantis, en tant que fiduciaires et directeurs, contre toute responsabilité de quelque nature que ce soit liée à ce transfert).

k. Le 27 juillet 2011, A______ a signé un formulaire A sur papier à entête d'B______ SA déclarant être le bénéficiaire économique de la société G______ LTD.

l. Le même jour, A______ a signé les conditions générales de B______ SA. Celles-ci contiennent une description de l'activité de celle-ci, des modalités de facturation de ses frais, honoraires et dépens, ainsi que des modalités de résiliation du mandat. Il est spécifié le "nom de l'entreprise gérée", à savoir G______ LTD.

m. Le 7 novembre 2011, B______ SA a facturé à G______ LTD un montant de 23'000 fr. pour ses honoraires forfaitaires de 2011 en relation avec la structure G______ LTD et F______ LTD. La facture portait la mention "INVOICE N° : 3______".

n. Par courriel du 6 janvier 2012, B______ SA a transmis directement cette facture à A______ "en accord avec Me I______".

o. Cette facture a été payée le 13 janvier 2012 depuis un compte auprès de L______ à Genève avec la mention que le paiement provenait de "un de nos clients". L'avis de crédit indique comme "details of payment" : "INVOICE 4______" et comporte la mention manuscrite "G______ Ltd".

p. De 2012 à 2014, B______ SA a facturé à G______ LTD un montant de 23'000 fr. par année pour ses honoraires forfaitaires en relation avec la structure G______ LTD et F______ LTD. Les factures, qui portaient les numéros 5______, 6______ et 7______, ont été acquittées respectivement les 30 novembre 2012 par débit du compte de N______ SA auprès de M______, 23 décembre 2013 par débit du copte de O______ auprès de la banque P______ et le 16 décembre 2014 par Me Q______.

q. Le 16 mars 2015, A______ a mandaté Me Q______ pour "prendre connaissance du dossier C______ SA auprès de B______ en vue de la restructuration du montage contrôlant la propriété à D______".

r. Le 29 décembre 2015, F______ LTD et R______, alors administratrice de B______ SA, ont cédé à la société N______ SA, dont A______ était alors administrateur, et à A______ la totalité des parts de la SCI E______.

s. Les 26 octobre 2015, 27 octobre 2016, 31 octobre 2017 et 23 octobre 2018, B______ SA a facturé à G______ LTD un montant de 23'000 fr. par an pour ses honoraires forfaitaires annuels en relation avec la structure G______ LTD et F______ LTD.

t. Ces factures n'ayant pas été honorées, B______ SA a relancé à plusieurs reprises, mais sans succès, les conseils de A______, dont Me Q______.

u. Par courrier recommandé du 30 octobre 2018, B______ SA a mis en demeure A______ de lui verser ses honoraires forfaitaires relatifs à 2015, 2016, 2017 et 2018, plus intérêts moratoires.

Aucun paiement n'est intervenu.

B. a. Par acte expédié au greffe du Tribunal de première instance le 12 novembre 2018, B______ SA a conclu à la condamnation de A______ à lui payer les montants de 23'000 fr. avec intérêts à 3% dès le 25 décembre 2015, de 23'000 fr. avec intérêts à 3% dès le 26 décembre 2016, de 23'000 fr. avec intérêts à 3% dès le 30 décembre 2017, et de 23'000 fr. avec intérêts à 3% dès le 9 novembre 2018.

Elle a allégué que les parties étaient liées par un contrat de mandat aux termes duquel elle-même s'était engagée à mettre en place et à administrer une structure détenant un bien immobilier à D______, dont A______ était l'ayant droit économique, contre le paiement d'honoraires forfaitaires annuels de 23'000 fr. Elle a assuré que son cocontractant est A______ et non pas la structure en question, à savoir G______ LTD, puisque le mandat avait été confié par celui-ci. Elle a souligné que la facturation s'effectuait au nom de cette société uniquement pour des raisons de confidentialité mais que cela ne modifiait en rien le rapport juridique existant entre les parties.

b. Dans sa réponse du 15 octobre 2019, A______ a conclu au déboutement de B______ SA de toutes ses conclusions.

Il a invoqué son absence de légitimation passive au motif qu'il n'avait pas conclu de contrat avec cette société, de sorte qu'il n'était débiteur d'aucune obligation contractuelle envers elle. Il a allégué qu'à teneur des pièces produites, aucun élément ne démontrait l'existence d'un contrat de mandat entre les parties, et que si les factures étaient dues, ce qu'il contestait, elles le seraient par les sociétés G______ LTD et/ou F______ LTD.

c. Par ordonnance ORTPI/1018/2019 du 17 octobre 2019, le Tribunal a limité la procédure à la question de la légitimation passive de A______.

d. Lors de l'audience du 9 février 2021 du Tribunal, R______ a expliqué avoir racheté la société C______ SA en 2009 et que A______ était déjà client de cette société depuis 1999. En 2011, elle lui avait conseillé de restructurer la détention de son bien immobilier à D______, notamment en vue de simplifier cette structure qui était très opaque afin que le véritable détenteur de ce bien ne soit pas connu des autorités françaises. Elle avait signé un contrat avec A______ pour la gestion de G______ LTD par B______ SA et depuis lors, B______ SA avait géré cette société et été payée 23'000 fr. par an pour cela. Elle a ajouté avoir été contactée quelques années plus tard par les conseils suisses de A______, qui souhaitait régulariser sa situation.

A______ a indiqué que Me I______ s'occupait de tout. Il a reconnu avoir acheté un appartement à D______ par le biais d'une SCI, elle-même détenue par une société anglaise (F______ LTD), dont il était l'ayant droit économique. Il a affirmé qu'il payait Me I______ chaque année pour le maintien de cette structure et que, pour lui, l'affaire avait été réglée en 2015 ou 2016 après le rachat par la société N______ SA des parts de la SCI E______.

Lors de l'audience du 10 mai 2021, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions avant que le Tribunal ne garde la cause à juger.

C. Par jugement JTPI/9826/2021 du 28 juillet 2021, statuant sur légitimation passive, le Tribunal a dit que A______ avait la légitimation passive dans le cadre de la procédure (ch. 1 du dispositif), réservé sa décision finale quant au sort des frais judiciaires et des dépens (ch. 2), réservé la suite de la procédure (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a retenu que dans la mesure où un contrat de mandat pouvait être oral, l'absence de contrat écrit signé entre les parties ne suffisait pas à exclure toute relation contractuelle entre elles. En tenant compte des informations contenues dans le formulaire "client information form" du 6 octobre 1999, du fait que Me H______ était mentionné comme personne de contact à D______, que Me I______ avait succédé à Me H______, que A______ avait admis en audience que Me I______ s'occupait de tout et qu'il le payait chaque année pour le maintien de la structure de sociétés dont il était l'ayant droit économique, le Tribunal a retenu qu'il était hautement vraisemblable que A______ ait été dûment représenté son avocat de l'époque Me H______, puis par son successeur Me I______, qui s'occupait de tout, lesquels avaient, pour son compte, mandaté B______ SA pour mettre en place et gérer une structure de sociétés dans le but de détenir un bien immobilier à D______ pour son compte. En conséquence, les droits et obligations dérivant du contrat de mandat conclu par le conseil parisien de A______ étaient passés à ce dernier. Les honoraires annuels avaient été régulièrement envoyés à Me I______ et payés jusqu'en 2015, ce qui correspondait à ce qu'avait allégué A______. La facture annuelle 2011 avait même été envoyée directement à A______ en accord avec son avocat parisien, puis payée quelques jours plus tard. En 2014, cette facture avait été payée par le conseil genevois de A______. Il était ainsi hautement vraisemblable que ces factures étaient réglées par A______, même indirectement. Si les factures étaient adressées à G______ LTD, il était notoire que la pratique dans ce domaine était d'émettre les factures au nom des véhicules offshores et non pas au nom des clients par soucis de discrétion, étant donné que le but de ces structures était de ne pas exposer les clients. Il n'en demeurait pas moins que le véritable partenaire contractuel des entités en charge de la gestion et de l'administration de ces véhicules offshores étaient les clients physiques. Les factures avaient cessé d'être acquittées lorsque les parts de la SCI avaient été rachetées par N______ SA, A______ estimant certainement qu'il n'avait plus à s'acquitter des frais de gestion de la structure puisqu'elle ne détenait plus son bien immobilier. Finalement, il avait signé en 2011 deux documents avec B______ SA, en lien avec G______ LTD mais en son propre nom, étant relevé qu'il n'avait pas de pouvoir de signature pour la société. Or, si le partenaire contractuel de B______ SA avait été G______ LTD, cette dernière aurait signé ce document. Compte tenu de tous ces éléments, le Tribunal a retenu que la réelle et commune intention des parties était de se lier par un contrat de mandat portant sur la gestion de la structure de sociétés détenant un bien immobilier à D______ pour le compte de A______ et que ce dernier disposait ainsi de la légitimation passive dans le cadre de la présente procédure.

D. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 14 septembre 2021, A______ appelle de ce jugement qu'il a reçu le 29 juillet 2021. Il conclut à son annulation et au déboutement de B______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. B______ SA conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 13 janvier 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 let. a CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance; dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins.

Selon l'art. 237 al. 1 CPC, le Tribunal peut rendre une décision incidente lorsque l'instance de recours pourrait prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable.

En l'espèce, la décision sur la légitimation passive est une décision incidente immédiatement attaquable au sens de l'art. 237 CPC, puisque le prononcé par la Cour de céans d’une décision contraire aurait pour conséquence de mettre fin au procès, contre laquelle la voie de l'appel est ouverte au vu de la valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr.

1.2 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3, 145 al. 1 let b et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen, dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent litige (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 310 CPC).

2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'il était lié à l'intimée par un contrat de mandat et d'avoir ainsi admis sa légitimation passive dans la présente procédure tendant au paiement d'honoraires.

2.1.1 La légitimation active ou passive est l'aspect subjectif du rapport juridique invoqué en justice. Elle concerne le fondement matériel de la demande et son absence se traduit par un déboutement au fond. La légitimation active appartient en principe au titulaire du droit litigieux, respectivement, s'agissant de la légitimation passive, à celui contre qui le droit est dirigé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_1/2014 du 26 mars 2014 consid. 2.3; ATF 116 II 253 consid. 3).

2.1.2 Le mandat est un contrat par lequel le mandataire s’oblige, dans les termes de la convention, à gérer l’affaire dont il s’est chargé ou à rendre les services qu’il a promis (art. 394 al. 1 CO).

Hormis quelques exceptions (p. ex : cautionnement, ordre de crédit, désignation d'un exécuteur testamentaire), le mandat est un contrat consensuel dont la validité de dépend pas du respect d'une forme particulière (Werro, CR-CO I, 2021, n. 12 et 13 ad art. 395 CO).c

2.1.3 Selon l'art. 1 al. 1 CO, le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté. 

Le contrat se définit comme l’échange d’au moins deux manifestations de volonté réciproques et concordantes, destinées à produire un effet juridique. Les auteurs de ces manifestations de volonté forment en principe les parties au contrat (cf. toutefois CO 32), respectivement les cocontractants, sous réserve de l'art. 32 CO, régissant la représentation (arrêt du Tribunal fédéral 553/2020 du 16 février 2021 consid. 4.1 ; Morin, CR-CO I, 2021, n. 2 ad art. 1 CO).

En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b).  

Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes), qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait. Si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n'est pas conclu (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1). Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b; Gauch/Schluep/Schmid, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol. I, 11e éd. 2020, n. 308 ss).

2.1.4 En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.1).  

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.2).  

2.1.5 Les droits et les obligations dérivant d’un contrat fait au nom d’une autre personne par un représentant autorisé passent au représenté (art. 32 al. 1 CO).

La représentation directe au sens de l'art. 32 CO suppose que le représentant agisse au nom du représenté. Il doit manifester - expressément ou tacitement (ATF 126 III 59 consid. 1b) - qu'il n'agit pas en son nom, mais en celui du représenté. L'existence d'un rapport de représentation est normalement établie lorsque telle était l'intention réelle du représenté (qui a voulu que le représentant agisse en son nom), du représentant (qui a voulu agir au nom du représenté) et du tiers (qui a voulu/accepté que le représentant passe l'acte juridique au nom du représenté). Si cette volonté (réelle et commune) ne peut être établie en fait (interprétation subjective), l'existence du rapport de représentation doit être retenue si le tiers pouvait l'inférer du comportement du représentant, interprété selon le principe de la confiance (interprétation objective) (art. 32 al. 2 CO; ATF 146 III 121 consid. 3.2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral. 4A_310/2020 du 30 juin 2021 consid. 3.2).

2.2.1 En l'espèce, l'appelant se prévaut du fait qu'aucun contrat écrit n'ait été signé entre lui-même et l'intimée pour nier l'existence d'un contrat de mandat. Cet argument n'emporte toutefois pas la conviction dès lors que l'absence d'un contrat écrit peut être expliquée de diverses manières, notamment par un souhait des parties – en particulier de l'appelant et de son conseil de l'époque – de préserver la confidentialité de leur accord, dont l'objet consistait dans la mise en place d'une structure ayant pour but d'empêcher tout lien entre l'appelant et la société à créer. C'est ainsi que Me I______ ne mentionnait l'appelant dans ses échanges de courrier avec l'intimée que comme "notre client commun" afin que son nom n'apparaisse pas. Par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que l'absence de contrat signé n'excluait pas que les parties soient liées par un contrat de mandat.

L'appelant s'est ensuite attelé à démontrer que chaque document pris individuellement ne démontrait pas l'existence d'un contrat de mandat liant les parties. Si effectivement le "client information form" constitue un document interne établi par l'intimée et le formulaire A signé par l'appelant n'a juridiquement qu'une portée fiscale, en revanche, d'autres documents, même s'il ne s'agit pas de contrats écrits, permettent de retenir que les parties étaient liées par un contrat. Ainsi, l'appelant a signé les conditions générales de l'intimée, ce qui ne s'explique que par le fait qu'un contrat ait lié les parties, et l'appelant a, à plusieurs reprises, donné des ordres à l'intimée, ce qu'il n'aurait pas pu faire s'il n'en avait été le client. En outre, tous les documents produits pris ensembles, auquel s'ajoutent les déclarations de l'appelant devant le Tribunal, démontrent qu'un tel contrat liait les parties. En effet, le courrier de Me H______ du 11 décembre 2000 prouve que ce conseil était celui de l'appelant et qu'il le représentait auprès de l'intimée jusqu'à ce que Me I______ lui succède, de sorte que le contenu du "client information form" – selon lequel Me H______ a représenté l'appelant en demandant à l'intimée de créer une société au nom de G______ LTD et de faire fonctionner la structure composée de G______ LTD et de F______ LTD – peut être tenu pour conforme à la volonté des parties. L'appelant ne fait pas valoir que ses conseils auraient agi en l'absence de pouvoir ; il a expressément admis devant le Tribunal que Me I______ était bien son conseil et qu'il avait pour tâche de veiller au maintien de la structure en place. Il a d'ailleurs déclaré avoir rémunéré son conseil pour le maintien de ladite structure. Le formulaire A signé par l'appelant prouve qu'il était l'ayant droit économique de G______ LTD et les conditions générales signées par l'appelant le désignent comme le client, G______ LTD n'étant que la société gérée. Tous ces éléments permettaient au premier juge de retenir que la commune et réelle intention des parties étaient de conclure un contrat de mandat dont le contenu était que l'intimée, à la demande de l'appelant, mette en place une structure impliquant notamment la création de la société G______ LTD et le fonctionnement de celle-ci.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelant, il ne peut être retenu que la société G______ LTD serait la partie cocontractante de l'intimée puisque la création de cette société était l'objet du contrat de mandat. Cette société étant alors inexistante, elle ne pouvait mandater Me H______ pour qu'il la représente dans le cadre de la conclusion du contrat avec l'intimée. L'ensemble des documents produits fait d'ailleurs référence à "un client", qui plus est une personne physique qui avait déménagé de France en Suisse, et non à la société G______ LTD. Les factures n'ont d'ailleurs pas été acquittées par le débit d'un compte bancaire qui appartiendrait à la société. En outre, bien après la création des sociétés, l'appelant a donné, à plusieurs reprises, des ordres à l'intimée, notamment s'agissant de transfert d'argent, ce qu'il n'aurait pas pu faire s'il n'était pas lié à l'intimée par un contrat de mandat.

Ajouté au fait que, dès l'origine, les prestations concernées devaient être apportées dans l'intérêt exclusif de l'appelant, ces nombreux indices conduisent à admettre – comme l'a fait le premier juge – l'existence d'une relation contractuelle entre l'intimée et l'appelant.

Dès lors, l'appel n'est pas fondé et le jugement attaqué doit être confirmé en tant qu'il statue que l'appelant possède la légitimation passive s'agissant de la prétention de l'intimée en paiement de ses honoraires pour les frais de fonctionnement de la structure. Tout autre est la question de savoir cette rémunération est due, ce qui devra être déterminé par le Tribunal dans le cadre de son jugement au fond.

3. L'appelant, qui succombe entièrement, sera condamné aux frais d'appel, arrêtés à 2'000 fr. (art. 36 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10). Ils seront compensés avec l'avance de frais de 1'000 fr. fournie par l'appelant, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il sera en outre condamné à verser à l'intimée la somme de 2'000 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens d'appel (art. 84, 85 et 87 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 [RTFMC - E 1 05.10],
art. 23, 25 et 26 de la loi d'application du code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile du 28 novembre 2010 [LaCC - E 1 05]). Il n'y a pas lieu pour le surplus, contrairement à ce qu'aurait souhaité l'intimée en se prévalant de l'art. 108 CPC, de préciser que ces dépens resteront à la charge de l'appelant quelle que soit l'issue finale de la procédure, dès lors que, bien qu'infondé, l'appel ne peut être qualifié d'inutile au sens de cette disposition.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 14 septembre 2021 par A______ contre le jugement JTPI/9826/2021 rendu le 28 juillet 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/26008/2018.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'000 fr., dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance fournie, qui demeure acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 1'000 fr. à titre de frais judiciaires d'appel.

Condamne A______ à verser à B______ SA la somme de 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.