Décisions | Sommaires
ACJC/1511/2025 du 27.10.2025 sur JTPI/9715/2025 ( SFC ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
| république et | canton de genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE C/14142/2025 ACJC/1511/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 27 OCTOBRE 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 août 2025,
et
ETAT DE GENEVE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, sis chemin de la Gravière 5, 1227 Les Acacias, intimé.
A. Par jugement JTPI/9715/2025 du 14 août 2025, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré A______ en était de faillite dès le 14 août 2025 à 8:30 heures (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 120 fr., compensés avec l’avance fournie par l’ETAT DE GENEVE, SERVICE DES CONTRAVENTIONS (ch. 2), a mis ces frais à la charge de A______, condamné à les verser au précité (ch. 3).
La poursuite n° 1______ ayant conduit au prononcé de la faillite portait sur un montant de 80 fr., dus aux termes d’une ordonnance pénale du 6 juin 2024.
a. Par acte déposé à la Cour de justice le 26 août 2025, A______ forme recours contre ce jugement, reçu le 28 août 2025, dont il sollicite l’annulation et, cela fait, conclut à la rétractation de la faillite.
Il fait valoir que la dette en poursuite aurait été réglée, intérêts et frais compris, qu’il serait solvable, qu’il aurait des employés et que des commandes seraient en cours.
b. Par arrêt présidentiel du 29 août 2025, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris ainsi que la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.
c. Le 8 septembre 2025, le recourant a fait parvenir à la Cour un extrait du compte bancaire de son entreprise, laissant apparaître un solde positif à cette date de 18'586 fr., ainsi que les bilans et comptes de pertes et profits pour 2023 et 2024, faisant état d’un bénéfice de respectivement 74'788 fr. (2023) et 49'852 fr. (2024). Il a produit également plusieurs devis signés pour acceptation, ainsi que des bons de régie, pour plusieurs dizaines de milliers de francs.
d. Dans le délai imparti par la Cour, il s’est déterminé sur l’extrait des poursuites, faisant valoir que la plupart avait été réglées, et que d’autres faisaient l’objet d’un arrangement de paiement, documenté. Une poursuite de 6'782 fr. 85 restait à payer prochainement.
e. L'intimé ne s'est pas déterminé dans le délai imparti à cette fin par la Cour.
f. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 14 octobre 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de faillite, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 7 et 319 let. a CPC; art. 174 al. 1, art. 194 al. 1 LP).
1.2 Interjeté dans le délai de dix jours prévu par la loi (art. 142 al. 1 et 3, art. 145 al. 2 let. b, art. 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite (art. 321 al. 1 CPC), le recours est recevable.
1.3 La procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC) et le juge établit les faits d'office (maxime inquisitoire, art. 255 let. a CPC).
2. 2.1 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Les dispositions spéciales de la loi sont réservées (al. 2).
En vertu de l'art. 174 al. 1 2ème phrase LP - applicable par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP -, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance. La loi vise ici les faits nouveaux improprement dits (faux nova ou pseudo-nova), à savoir qui existaient déjà au moment de l'ouverture de la faillite et dont le premier juge n'a pas eu connaissance pour quelque raison que ce soit; ces faits peuvent être invoqués sans restriction devant la juridiction de recours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_899/2014 du 5 janvier 2015 consid. 3.1; 5A_571/2010 du 2 février 2011 consid. 2, publié in: SJ 2011 I p. 149; Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs-und Konkursrechts, 9ème éd., 2013, p. 339), pour autant qu'ils le soient dans le délai de recours (ATF 139 III 491 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_427/2013 du 14 août 2013 consid. 5.2.1.2).
Conformément à l'art. 174 al. 2 LP, la prise en considération de vrais nova - à savoir des faits qui sont intervenus après l'ouverture de la faillite en première instance - est soumise à une double condition très stricte : seuls certains faits peuvent être retenus et le débiteur doit à nouveau être solvable (Stoffel/ Chabloz, Voies d'exécution, Poursuite pour dettes, exécution de jugements et faillite en droit suisse, 2ème éd., 2010, p. 274). S'agissant des faits qui peuvent être pris en considération, le débiteur doit établir par titre soit que la dette est éteinte en capital, intérêts et frais (art. 174 al. 2 ch. 1 LP), soit que le montant de la dette a été déposé à l'intention du créancier entre les mains de l'autorité de recours (art. 174 al. 2 ch. 2 LP), soit encore que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (art. 174 al. 2 ch. 3 LP). Les vrais nova doivent également être produits avant l'expiration du délai de recours (ATF 139 III 491 consid. 4; 136 III 294 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_606/2014 du 19 novembre 2014 consid. 4.2 et les références).
2.2 En l'espèce, le recourant a produit des pièces relatives à l'établissement de sa situation financière dans le délai de recours, de sorte que celles-ci sont recevables. Il en va de même des déterminations du recourant relatives aux poursuites ressortant de l’extrait soumis, adressées à la Cour dans le délai imparti par celle-ci.
3. Le recourant, faisant valoir qu’il est solvable, sollicite l'annulation du jugement, le capital, les intérêts et les frais de la poursuite en cause ayant été réglés, ainsi que l'intégralité des frais judiciaires de seconde instance.
3.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).
Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée. Il incombe au débiteur d'offrir les moyens de preuve propres à rendre vraisemblable sa solvabilité, c'est-à-dire qu'il dispose de liquidités suffisantes pour acquitter ses dettes exigibles (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I 25; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).
En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1, 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1, 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I 25). Pour rendre vraisemblable sa solvabilité, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).
3.2 En l'occurrence, le recourante a payé la dette d’une quotité de peu d’importance pour laquelle il était poursuivi par l'intimé, intérêts et frais compris. La première condition pour annuler le jugement de faillite est ainsi remplie.
Il ressort des bilans produits que l’entreprise du recourant a réalisé un bénéfice durant les deux années précédentes.
De plus, les pièces produites rendent vraisemblable que le recourant s'est vu confier divers chantiers durant l’année 2025, pour des sommes importantes, ce qui devrait lui permettre d’assainir sa situation, en particulier en réglant la poursuite de 6'782 fr. 85 toujours en cours.
Au vu de ce qui précède, et dans la mesure où, selon la jurisprudence, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée, il sera admis que la solvabilité du recourant a été rendue suffisamment vraisemblable.
Le recours sera dès lors admis et le jugement attaqué annulé en tant qu'il a déclaré le recourant en état de faillite.
4. Le recourant n'ayant rendu vraisemblable sa solvabilité que durant la procédure de recours, il sera condamné aux frais judiciaires de la procédure de première instance, dont les montants n'ont pas été contestés, le recours étant rejeté sur ce point, et aux frais judiciaires de recours, fixés à 220 fr. (art. 52 et 61 OELP) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Il ne sera pas alloué de dépens de recours à l'intimé qui ne s'est pas déterminé.
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 26 août 2025 par A______ contre le jugement JTPI/9715/2025 rendu le 14 août 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14142/2025–19 SFC.
Au fond :
Annule le chiffre 1 du dispositif de ce jugement.
Rejette le recours pour le surplus.
Sur les frais :
Condamne A______ aux frais du recours, arrêtés à 220 fr. et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.