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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4866/2025

ACPR/868/2025 du 22.10.2025 sur OTDP/2048/2025 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : OPPOSITION TARDIVE;FICTION DE LA NOTIFICATION
Normes : CPP.354; CPP.85.al4

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4866/2025 ACPR/868/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 22 octobre 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre l’ordonnance rendue le 22 août 2025 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 4 septembre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 août 2025, notifiée le 28 suivant, par laquelle le Tribunal de police a constaté l’irrecevabilité de son opposition formée à l’ordonnance pénale du 28 mai 2025.

Le recourant demande l’octroi d’un délai à fin septembre 2025 pour transmettre le dossier à un avocat et obtenir l’assistance juridique, et forme "totale opposition" à l’ordonnance susmentionnée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a été entendu par la police le 8 avril 2025 en qualité de prévenu de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CP).

b. Par ordonnance pénale du 28 mai 2025, le Ministère public a déclaré A______ coupable de l’infraction prévue à l’art. 169 CP.

La décision a été expédiée par pli recommandé.

À teneur du suivi des envois recommandés de la Poste, le destinataire a, le 31 mai 2025, été "avisé dans la case postale pour retrait au guichet". A______ n’est toutefois pas allé chercher le pli au guichet de la poste, dans le délai de garde, de sorte que l’envoi a été retourné à l’expéditeur le 12 juin 2025 avec la mention "non réclamé".

c. Par lettre du 19 juin 2025, A______ a requis du Ministère public qu’il lui fasse parvenir le courrier qui n’avait pu lui être remis "pour cause de mauvaise distribution du papillon dans [s]a CP".

d. Le 24 juin 2025, une copie de l’ordonnance pénale a été envoyée à A______, avec la précision que cet envoi ne valait pas nouvelle notification.

e. Le 4 juillet 2025, A______ a formé opposition à l’ordonnance pénale et demandé à ce qu’un "délai de réponse" lui soit octroyé afin qu’il puisse mandater un avocat et requérir l’assistance juridique.

f. Par ordonnance sur opposition tardive, le Ministère public a transmis la cause au Tribunal de police et conclu à l’irrecevabilité de l’opposition.

g. Invité par le Tribunal de police à s’exprimer sur l’apparente irrecevabilité de son opposition, A______ a expliqué avoir reçu "bien plus tard" l’avis de la poste pour retirer le recommandé, car dit avis avait été déposé par erreur dans une autre case postale. La personne qui l’avait récupéré l’avait "collé sur [s]a case". Il ne pouvait donc pas répondre dans les délais, n’ayant pas pu recevoir le courrier dans les temps.

Il pouvait requérir de la poste de B______ [GE] une attestation selon laquelle c’était une situation qui se produisait "plus que régulièrement".

C. Dans sa décision querellée, le Tribunal de police a retenu que dès lors que A______ avait été entendu comme prévenu par la police moins de deux mois avant la reddition de l'ordonnance pénale, il devait s'attendre à une communication des autorités à cet égard, et par conséquent devait prendre les mesures nécessaires pour réceptionner son courrier. L'ordonnance pénale avait ainsi été valablement notifiée le "10" [recte : 7] juin 2025, à l'issue du délai de garde postale, et le délai pour former opposition à l'ordonnance pénale était arrivé à échéance le "20" [recte : 17] juin 2025. Remise à la Poste suisse le 4 juillet 2025, l'opposition avait été faite après l'expiration du délai de 10 jours. Le courrier du 19 juin 2025 de A______ demandant la remise du courrier non distribué ne valait pas opposition. Quant à l'argument selon lequel l'avis de retrait avait été déposé dans une autre boîte aux lettres et ne lui était parvenu que tardivement, il relevait de la question d'une éventuelle restitution de délai, dont la compétence appartenait au Ministère public.

L'opposition n'était dès lors pas valable, de sorte que l'ordonnance pénale devait être assimilée à un jugement entré en force.

D. a. Dans son recours, A______ expose ne pas avoir pu contester l’ordonnance pénale dans les temps car il ne l’avait reçue "par hasard que très tardivement". On ne pouvait pas lui demander de rester devant sa boîte aux lettres sous prétexte qu’une procédure était en cours. Connaissant l’importance des délais, il aurait tout de suite formé opposition s’il avait reçu le courrier dans les temps. Ce n’était en aucun cas de sa faute ou par négligence qu’il n’avait pas formé l’opposition dans les délais. Il ne pouvait pas non plus former une opposition dans les formes, n’ayant pas les compétences juridiques, raison pour laquelle il avait demandé une restitution de délai.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant demande l’octroi d’un délai pour transmettre le dossier à un avocat et obtenir l’assistance juridique.

2.1. Il est toutefois communément admis en procédure que la motivation d'un recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même, qui ne saurait dès lors être complété ou corrigé ultérieurement (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2010 consid. 5; ACPR/291/2013 du 24 juin 2013; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 385).

Par conséquent, la demande d’octroi d’un délai sera rejetée.

2.2. Dans la mesure où la cause est dépourvue de complexité et que le recourant peut se défendre efficacement seul, il ne remplit pas les conditions d’une défense d’office (art. 132 al. 1 let. b CPP), sans qu’il ne soit nécessaire de déterminer s’il est indigent.

3.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

4.             Le recourant fait grief au Tribunal de police de ne pas avoir tenu compte du fait que l’avis de retrait n’avait, selon lui, pas été mis dans sa boîte postale le 31 mai 2025.

4.1. Selon l'art. 356 al. 2 CPP, le tribunal de première instance statue sur la validité de l'opposition formée à une ordonnance pénale. L'examen de la validité de l'opposition a lieu d'office (arrêts du Tribunal fédéral 6B_910/2017 du 29 décembre 2017 consid. 2.4; 6B_848/2013 du 3 avril 2014 consid. 1.3.2).

4.2. À teneur de l'art. 353 al. 3 CPP, l'ordonnance pénale est immédiatement notifiée par écrit aux personnes et aux autorités qui ont qualité pour former opposition.

Le prévenu peut faire opposition à l'ordonnance pénale, par écrit, dans les dix jours (art. 354 al. 1 let. a CPP). L’opposition émanant du prévenu n’a pas à être motivée (al. 2).

Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (art. 354 al. 3 CPP).

4.3. Les communications écrites des autorités pénales sont en général notifiées par pli recommandé (art. 85 al. 2 CPP). Le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_876/2013 du 6 mars 2014 consid. 2.3.2; 6B_652/2013 du 26 novembre 2013 consid. 1.4.2).

Il existe une présomption de fait – réfragable – selon laquelle, pour les envois recommandés, la date de remise d'un pli, telle qu'elle figure sur la liste des notifications, est exacte. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire. Si ce dernier ne parvient pas à établir l'absence de dépôt dans sa boîte ou sa case postale au jour attesté par le facteur, la remise est censée avoir eu lieu en ces lieu et date. Du fait notamment que l'absence de remise constitue un fait négatif, le destinataire ne doit cependant pas en apporter la preuve stricte. Il suffit d'établir qu'il existe une vraisemblance prépondérante que des erreurs se soient produites lors de la notification (arrêts du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 1.4.1; 6B_281/2012 du 9 octobre 2012 consid. 2.1).

4.4. Le prononcé est réputé notifié si son destinataire ne l'a pas retiré dans les sept jours à compter d'une tentative de remise infructueuse, à condition qu'il ait dû s'attendre à une telle remise (art. 85 al. 4 let. a CPP).

Lorsque les conditions de la notification fictive sont réalisées, la notification a lieu le septième jour, même s’il ne s’agit pas d’un jour ouvrable. Pour le calcul du délai de recours, peu importe qu'il commence un jour ouvrable ou un samedi ou un jour férié reconnu. La date de la fiction de notification est toujours identifiable, car les sept jours commencent à courir à partir de la tentative de notification infructueuse, dont la date figure sur l'invitation à retirer le courrier (ATF 127 I 31 consid. 2b).

Celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir une notification d'actes de l’autorité, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. À ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que l’autorité lui adresse (ATF
141 II 429 consid. 3.1; 139 IV 228 consid. 1.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 6B_723/2020 du 2 septembre 2020).

La personne concernée ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Ainsi, un prévenu informé par la police d'une procédure préliminaire le concernant, de sa qualité de prévenu et des infractions reprochées, doit se rendre compte qu'il est partie à une procédure pénale et donc s'attendre à recevoir, dans ce cadre-là, des communications de la part des autorités, y compris un prononcé (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_448/2024 du 19 septembre 2024 consid. 3.2.2 et les références citées).

Il faut cependant réserver le cas où la direction de la procédure est demeurée passive pendant une longue période, laissant à penser que l'affaire aurait été classée. À ce propos, le Tribunal fédéral a considéré que la notification d'une ordonnance de non-entrée en matière trois mois et demi après le dépôt de la plainte ne présentait pas une longue période (arrêt du Tribunal fédéral 1B_675/2011 du 14 décembre 2011). La Chambre de céans a eu la même appréciation s'agissant de l'écoulement d'un délai de quatre mois entre l'audition à la police du prévenu et la notification de l'ordonnance pénale (ACPR/470/2013 du 10 octobre 2013; ACPR/202/2016 du 12 avril 2016).

4.5. Une application stricte des règles de procédure, notamment en matière de délais, s'impose pour des raisons d'égalité de droit et ne relève pas d'un formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1240/2021 du 23 mai 2022 consid. 4.2 ; 6B_950/2021 du 28 avril 2022 consid. 4.1 ; 6B_256/2022 du 21 mars 2022 consid. 2.1 et la référence citée).

4.6. En l’espèce, le Ministère public, à qui incombait le fardeau de la preuve de la notification de l’ordonnance pénale, a établi, par la production du suivi des envois recommandés, que le pli contenant celle-ci avait été expédié conformément aux réquisits de l’art. 85 al. 2 CPP et que l’avis de retrait avait été placé dans la case postale du recourant le 31 mai 2025.

Le recourant conteste avoir reçu l’avis de retrait dans sa case postale le 31 mai 2025. Il explique l’avoir trouvé, à une date non précisée mais "bien plus tard", "collé sur [s]a boîte". Il expose que l’avis avait été mis par erreur dans une autre boîte et que le locataire de celle-ci le lui avait transmis comme sus-décrit. Ce faisant, il met en doute l’existence d’une notification régulière du pli litigieux mais ne produit aucun document propre à rendre vraisemblable cette allégation. Devant le Tribunal, il a offert de demander à l’office postal de confirmer que la situation évoquée se produisait régulièrement, mais n’a jamais produit de telle attestation. Le recourant échoue donc à rendre vraisemblable que l’avis de retrait n’aurait pas été placé dans sa boîte postale le 31 mai 2025.

Au surplus, les conditions de la notification fictive de l’art. 85 al. 4 CPP sont remplies puisque le recourant avait été entendu par la police en qualité de prévenu, le 8 avril 2025, de sorte qu’il devait s’attendre à recevoir une communication des autorités pénales, ce d’autant que l’ordonnance pénale, du 28 mai 2025, a été expédiée moins de deux mois après cette audition.

Il s’ensuit que les explications du recourant ne renversent pas la présomption du suivi des envois recommandés de la Poste. Partant, le recourant ayant été avisé pour retrait le 31 mai 2025, la notification est réputée être intervenue sept jours plus tard, à l’issue du délai de garde, soit le 7 juin 2025. Le délai pour former opposition a commencé à courir le lendemain, 8 juin 2025 (art. 90 al. 1 CPP), et est venu à échéance dix jours plus tard, le 17 juin 2025. Formée le 4 juillet 2025, l’opposition est donc tardive.

Cette conclusion s’imposerait même si l’on devait interpréter la lettre du 19 juin 2025 comme une opposition.

5.             Le recours sera dès lors rejeté. Il appartiendra au Ministère public d’examiner la demande de restitution de délai (art. 94 CPP) que le recourant affirme avoir formée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.-, y compris un émolument pour la présente décision (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4866/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00