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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11104/2025

ACPR/734/2025 du 17.09.2025 sur OMP/20017/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE JUDICIAIRE
Normes : CPP.132.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11104/2025 ACPR/734/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 17 septembre 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 21 août 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé au greffe du Ministère public le 29 août 2025, transmis le 4 septembre 2025 à la Chambre de céans comme objet de sa compétence, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 août précédent, notifiée le 23 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de nommer un avocat d'office pour sa défense.

La recourante indique avoir "absolument" besoin d'un avocat.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Un conflit de voisinage oppose A______, née le ______ 1973, à B______.

b. Le 9 janvier 2025, B______ s'est présentée au poste de police [de] C______, à Genève, pour déposer plainte pénale à l'encontre de A______.

Elle a expliqué que depuis le mois de mars 2024, sa voisine endommageait son tapis et sa porte d'entrée en "sprayant" des produits chimiques toxiques. Quand elle demandait à l'intéressée pourquoi elle agissait ainsi, cette dernière l'insultait en la traitant de "noiraude, négresse, sale arabe". Dans la nuit du 8 au 9 janvier 2025, elle avait dû faire appel au 144 car, après avoir ouvert sa porte, son nez la piquait, elle étouffait et n'arrivait plus à respirer. Les interlocuteurs du 144 lui avaient dit de se rendre aux urgences. Elle était rentrée chez elle à 8h45 le 9 janvier 2025. Elle avait des photographies démontrant le comportement de sa voisine qu'elle avait vue plusieurs fois un spray dans les mains. Elle se sentait épuisée.

c. Entendue par la police le 6 juin 2025, sans avocat ni traducteur, à la suite de l'exécution d'un mandat d'amener du Ministère public, A______ a contesté les faits. Elle n'avait jamais "touché" à la porte palière ni au paillasson de sa voisine. Celle-ci l'avait agressée environ 10 ans plus tôt. Elle pensait qu'il y avait des micros et des caméras dans son appartement mais elle ne les avait pas installés. Elle avait vu des photos de son appartement sur "Youtube". Elle pensait que c'était le fait d'un groupe de personnes, qui avait fracturé la porte palière de son appartement. Au mois de janvier 2025, B______ avait frappé sa porte avec son pied. Elle-même n'avait jamais mis de produit toxique à proximité de B______. Lorsque celle-ci l'avait surprise le 31 octobre 2024 avec un produit dans les mains, elle nettoyait l'intérieur de son appartement. Pendant ce temps, sa voisine frappait sa porte de son pied. Le 27 décembre 2024, sa voisine l'avait croisée alors qu'elle tenait de l'eau provenant de la fontaine de la cour, étant précisé que l'eau de son appartement était empoisonnée et que du produit avait été déversé sur son plancher. Elle n'avait pas insulté B______, dont elle avait peur.

d. Dans une lettre à B______ du 22 juillet 2025, le Ministère public a indiqué instruire la procédure pour tentative de lésions corporelles simples, dommages à la propriété et injure, à la suite de sa plainte du 9 janvier 2025.

e. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 22 juillet 2025, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement partiel en ce qui concernait les éventuels faits commis avant le 9 octobre 2024 et, pour le reste, une ordonnance pénale.

f. Le 12 août 2025, A______ a demandé au Ministère public de lui envoyer l'intégralité du dossier, afin qu'elle sache de quoi elle était accusée et puisse préparer des preuves. Elle avait compris à la police que la seule accusation "délirante" était qu'elle aurait nettoyé la porte et l'escalier avec des produits, durant la nuit, ce qu'elle n'avait jamais fait. Elle revenait sur l'empoisonnement de l'eau de son appartement, lequel était sur écoute. Le fait qu'elle bavardât seule dans son appartement ne regardait personne. Elle pensait que B______ avait donné le code d'entrée de l'immeuble à des personnes bizarres, lesquelles avaient fracturé et empoisonné l'eau de son appartement et lui avaient envoyé des photos faites à l'intérieur de son logement.

Elle avait besoin d'une assistance juridique pour présenter tous les documents et les preuves nécessaires.

g. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 21 août 2025, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement.

h. S'agissant de sa situation personnelle, A______ est titulaire d'un permis d'établissement. Elle vit en Suisse depuis 2003, où elle avait rejoint son ex-mari. Elle ne souhaite pas retourner dans son pays d'origine, la Russie. Elle vit de l'aide sociale (Hospice général).

Elle est, à teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse du 19 mai 2025, sans antécédents judiciaires.

C. Dans l'ordonnance litigieuse, le Ministère public a retenu que la question de l'indigence de la prévenue pouvait rester ouverte. En effet, la cause ne présentait pas de difficultés particulières juridiques ou de fait, au sens de l'art. 132 al. 2 CPP, de sorte que A______ était à même de se défendre efficacement seule. La cause était au surplus de peu de gravité, dès lors que la prévenue n'était, in concreto, pas passible d'une peine privative de liberté supérieure à 4 mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende. Il était encore relevé qu'une ordonnance de classement serait prochainement rendue.

D. a. Dans son recours, A______ revient longuement sur la surveillance effectuée dans son appartement et ses soupçons sur la personne de B______, qui appartenait à un groupe nommé D______, dont des membres la suivaient dans la rue. Elle était la victime. Son visage avait été brûlé à cause des produits toxiques "distribués" dans son appartement. Elle n'avait pas assez de temps et ne connaissait pas la "technique si bien pour enregistrer des preuves". Elle avait besoin d'un avocat car elle avait des preuves d'un empoisonnement et de lésions corporelles. Elle devait avoir un avocat pour préparer les preuves de son innocence et démonter l'absurdité des accusations portées à son encontre.

Elle s'excusait pour son français, était diplômée en philologie, spécialiste de l'Europe de l'Est. Elle n'était pas juriste.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante argue que la sauvegarde de ses intérêts nécessiterait l'assistance d'un avocat.

3.1.       En dehors des cas de défense obligatoire, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1
let. b CPP). Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).

3.2.       La défense d’office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l’affaire n’est pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d’une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d’une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

3.3.       Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 20 décembre 2023 consid. 2.1.2).

S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours, la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 140 V 521 consid. 9.1; 139 III 396 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.3).

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 25 juillet 2023 consid. 2.1.2).

3.4.       En l'espèce, la question d'une éventuelle indigence de la recourante peut souffrir de demeurer indécise, dès lors qu'aucune des deux autres conditions cumulatives pour l'octroi de la défense d'office n'est réalisée, ainsi qu'il sera vu ci-après.

Ainsi, la condition de gravité de l'affaire au regard du seuil prévu à l'art. 132 al. 3 CPP n'apparait pas réalisée, dans la mesure où la prévenue n'est, compte tenu des infractions pour lesquelles le Ministère public avait indiqué, dans son avis de prochaine clôture de l'instruction du 22 juillet 2025, rendre une ordonnance pénale, in concreto, pas passible d'une peine privative de liberté supérieure à 4 mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende. Ceci est d'autant plus vrai que dans son second avis de prochaine clôture de l'instruction, du 21 août 2025, le Ministère public indique désormais entendre classer la procédure. Les faits reprochés demeurent simples et circonscrits, ayant trait en particulier à un incident dénoncé par sa voisine dans la nuit du 8 au 9 janvier 2025.

La recourante a pu s'exprimer sur lesdits faits lors de son audition par la police, hors la présence d'un avocat, dont l'assistance n'était en effet nullement nécessaire, s'agissant uniquement de répondre à des questions portant sur le fait d'avoir aspergé un produit corrosif contre la porte et sur le paillasson de sa voisine. Elle a indiqué ne pas avoir besoin d'un interprète et a été en mesure d'écrire, en français, plusieurs courriers au Ministère public ainsi que le recours.

Les normes pénales qui lui sont opposées, soit tentative de lésions corporelles simples, dommages à la propriété et injure, ne présentent pas de réelle difficulté de compréhension ou d'application, même pour une personne sans formation juridique. Il ressort d'ailleurs des réponses de la recourante qu'elle a parfaitement compris les enjeux des comportements incriminés, quand bien même elle les conteste et considère être la victime des agissements de sa voisine, voire d'un groupe dont celle-ci ferait partie et qui empoisonnerait l'eau de son appartement ou y aurait caché des dispositifs électroniques de surveillance et de prises de vue.

En définitive, la cause ne présente pas de difficultés particulières nécessitant l'intervention d'un avocat rémunéré par l'État. Les conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP ne sont dès lors pas réunies et la défense d'office du recourant pouvait être refusée, par le Ministère public.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.

5.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente ; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).