Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/641/2025 du 18.08.2025 sur OTDP/1590/2025 ( TDP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/11106/2023 ACPR/641/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 18 août 2025 |
Entre
A______, domicilié ______, agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 18 juin 2025 par le Tribunal de police,
et
LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 375, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 30 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 précédent, notifiée le surlendemain, par laquelle le Tribunal de police a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à ce qu'une défense d'office soit ordonnée en sa faveur, en la personne de Me B______.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ est prévenu de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP), injure (art. 177 al. 1 CP) et menaces (art. 180 al. 1 CP).
b. Il lui est reproché d'avoir, à Genève :
- le 18 janvier 2023, dans le hall de l'immeuble sis route 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE], tiré les cheveux de D______, son ex-compagne, et lui avoir donné des coups de pied et de poing sur le visage et la tête, lui occasionnant de la sorte les lésions mises en évidence par constat médical du 19 janvier 2023, établi par les Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après, HUG); et
- à des dates indéterminées, avant et après le 18 janvier 2023, porté atteinte à l'honneur de D______ en lui disant notamment "je vais te pisser et te chier dans la bouche", "tu es une pute, une bâtarde" et de l'avoir effrayée en tenant les propos suivants: "fais attention à partir de maintenant. Fais gaffe, je vais aller chercher ta fille à l'école. Pour moi c'est très facile de te retrouver car je connais tous les endroits où tu vas. Compte les minutes qu'il te reste à vivre".
c. Une plainte a été déposée par D______, le 31 mars 2023.
d. A______ a été entendu, sans être assisté d'un avocat ni d'un interprète, les 20 avril 2023 (police), 19 mars 2024 (Ministère public; confrontation avec la plaignante) et 27 mai 2024 (Ministère public; confrontation avec la plaignante et audition d'un témoin).
Il conteste les faits.
e. Par ordonnance pénale du 12 août 2024, le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 30.-/jour, pour lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP), injure (art. 177 al. 1 CP) et menaces (art. 180 al. 1 CP), en lien avec les faits susmentionnés. Le Procureur a renoncé à révoquer le sursis accordé le 4 octobre 2022 par le Tribunal de police [peine restante : 89 jours].
A______ a formé opposition.
f. Par ordonnance du 29 août 2024, le Ministère public a maintenu sa décision du 12 précédent et transmis la procédure au Tribunal de police.
g. Par mandat de comparution du 14 avril 2025, le Tribunal de police a cité A______ à comparaître à l'audience du 30 juin 2025, à la suite de son opposition. Un délai a également été imparti au prénommé pour présenter ses éventuelles réquisitions de preuve.
h. Par pli du 23 mai 2025, le Tribunal de police a rejeté la mesure d'instruction sollicitée [audition d'un témoin], le 16 précédent, par A______.
i. Le 12 juin 2025, A______ a adressé au Tribunal de police une demande de désignation d'un défenseur d'office en sa faveur, en la personne de Me B______, invoquant son indigence, son absence de connaissances juridiques, ainsi que l'égalité des armes avec la partie plaignante qui était représentée par un avocat.
Il a annexé à sa demande diverses pièces attestant de sa situation financière.
C. Dans sa décision querellée, le Tribunal de police a retenu que la cause ne présentait pas de difficultés particulières juridiques ou de fait. A______ était donc à même de se défendre efficacement seul, ce qu'il avait d'ailleurs fait durant la procédure préliminaire, jusqu'à former seul opposition à l'ordonnance pénale dans le respect du délai légal. De surcroît, la cause était de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, dans la mesure où la peine requise était de 90 jours-amende. Par ailleurs, si le prénommé en ressentait le besoin, un interprète en langue afghane pourrait, le cas échéant, être convoqué. Enfin, la partie plaignante n'était pas au bénéfice de l'assistance judiciaire, le Tribunal lui en ayant refusé l'octroi.
D. a. À l'appui de son recours, A______ fait tout d'abord valoir son indigence manifeste, relevant, sur ce point, que son solde mensuel disponible était de CHF 771,20. Il déplore ensuite que le Tribunal de police ait considéré que l'assistance d'un avocat d'office ne se justifiait pas. La cause n'était pas dénuée de toute complexité puisqu'elle présentait certaines subtilités procédurales, notamment l'application des règles du concours de l'art. 49 CP. Il contestait, en outre, l'intégralité des faits reprochés et se trouvait dans une situation psychique fragile, notamment en lien avec sa situation migratoire [cf. certificat médical du 6 juin 2025, produit sous pièce 4 du recours] et le risque de renvoi évoqué lors de sa première audition à la police. Ces éléments rendaient difficile la compréhension et la défense de ses droits, sans assistance. Enfin, le déséquilibre procédural résultant de la représentation de la partie plaignante par un avocat – même privé – imposait la désignation d'un défenseur d'office en sa faveur pour respecter l'égalité des armes.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
E. a. Par jugement du 30 juin 2025, le Tribunal de police a déclaré A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP), injure (art. 177 al. 1 CP) et menaces (art. 180 al. 1 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 115 jours-amende, à CHF 30.-, avec sursis pendant 3 ans. Le juge a renoncé à révoquer le sursis accordé le 4 octobre 2022.
b. Par pli du 1er juillet 2025 adressé au Tribunal de police, A______, agissant par son conseil, a annoncé faire appel dudit jugement.
c. Par lettre du 22 juillet 2025, Me B______ a informé la Chambre de céans qu'elle cessait d'occuper.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2. Les pièces nouvelles produites par le recourant sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant soutient que la sauvegarde de ses intérêts nécessiterait l'assistance d'un avocat.
3.1. En dehors des cas de défense obligatoire, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP).
Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).
3.2. La défense d’office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l’affaire n’est pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d’une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d’une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).
3.3. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2e éd., 2016, n. 30 ad art. 132).
S'agissant de la difficulté objective de la cause, la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 140 V 521 consid. 9.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I p. 273). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier; elle est également retenue, quand il faut apprécier des faits justificatifs ou exclusifs de responsabilité (arrêts 6B_243/2017 du 21 septembre 2017 consid. 2.2; 1B_66/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.1).
Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).
3.4. Il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 6B_243/2017 du 21 septembre 2017 consid. 2.2; 1B_374/2018 du 4 septembre 2018 consid. 2.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 1B_360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.1).
3.5. En l'occurrence, si l'indigence du recourant – qui est bénéficiaire de prestations de l'Hospice général – n'est pas discutée, il appert que les deux autres conditions cumulatives pour l'octroi de la défense d'office ne sont pas réalisées.
La peine concrètement encourue par le recourant, que le Tribunal de police a retenue, dans son jugement du 30 juin 2025, s'élève à une peine pécuniaire de 115 jours-amende, avec sursis pendant 3 ans. Même si l'on tient compte d'un éventuel risque d'aggravation de la peine par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice – dans la mesure où le recourant a annoncé faire appel du jugement précité et que l'on ignore, à ce stade, si le Ministère public entend en faire de même – le recourant resterait concrètement passible d'une peine moins élevée que celle au-delà de laquelle on peut considérer que l'affaire n'est pas de peu de gravité, selon l'art. 132 al. 3 CPP.
Il s'ensuit que la cause est de peu de gravité, ce que le recourant ne conteste du reste pas.
L'examen des circonstances du cas d'espèce permet, en outre, de retenir que la cause ne présente pas de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées. Les faits en cause, ainsi que les dispositions applicables (art. 123 ch. 1 al. 1, 177 al. 1 et 180 al. 1 CP), sont clairement circonscrits et ne présentent aucune difficulté de compréhension ou d'application pour le recourant, qui maîtrise suffisamment la langue française. Il a parfaitement compris ce qui lui est reproché – ayant contesté les faits – et su donner, seul, des explications précises, puisqu'il s'est exprimé devant la police, puis, par deux fois, devant le Ministère public, de manière circonstanciée sur les évènements dénoncés. Même en l'absence de connaissances juridiques, le recourant a ainsi été parfaitement à même de défendre ses intérêts, sans l'aide d'un conseil, durant l'ensemble de la procédure préliminaire.
À cela s'ajoute que le recourant a été en mesure de former – valablement – opposition à l'ordonnance pénale et de solliciter des réquisitions de preuve devant le Tribunal de police, sans l'aide d'un avocat.
Cela étant, le recourant invoque, dans son recours, la difficulté subjective de la cause, en lien avec des troubles psychologiques dont il souffre. Ces troubles rendraient selon lui difficile la compréhension et la défense de ses droits, sans l'aide d'un avocat. Or, hormis ses allégations à cet égard, qui ne sont pas confirmées par le document médical produit sous pièce 4 de son recours, aucun indice ne laisse entrevoir, chez le recourant, d'absence ou fr limitation de la capacité de procéder seul. Au contraire, il comprend les enjeux de la procédure et a parfaitement su s'exprimer lors de ses auditions à la police et par-devant le Ministère public, ainsi que par écrit, tel qu'évoqué ci-avant. Une difficulté subjective de la cause ne peut donc pas être retenue, en sa faveur.
Par ailleurs, la jurisprudence invoquée par le recourant, selon laquelle l'application des règles sur le concours (art. 49 CP) permet de retenir une complexité juridique, ne lui est d'aucune aide, puisque la nécessité de l'assistance d'un avocat doit être examinée au cas par cas et qu'en l'espèce, seuls les faits [relatifs à des violences conjugales] sont ici décisifs, sur lesquels le recourant peut se prononcer seul.
Enfin, que la partie adverse soit assistée d'un conseil – de choix – ne viole pas le principe de l'égalité des armes, puisque, comme retenu ci-dessus, la cause ne présente pas de complexité juridique.
En définitive, la cause ne présente pas de difficultés particulières nécessitant l'intervention d'un avocat rémunéré par l'État. Les conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP ne sont dès lors pas réunies et la défense d'office du recourant pouvait être refusée par le Ministère public.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. Il ne sera pas perçu de frais pour la procédure de recours (art. 20 RAJ).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Tribunal de police
Le communique, pour information, au Ministère public et à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La Présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).