Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/37/2025 du 14.01.2025 sur OTMC/3878/2024 ( TMC ) , REFUS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/28701/2024 ACPR/37/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 14 janvier 2025 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 15 décembre 2024 par Tribunal des mesures de contrainte,
et
LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 18 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 précédent, notifiée le jour-même, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné sa détention provisoire jusqu'au 12 février 2025.
Le recourant conclut, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire pour le recours; principalement à l'annulation de l'ordonnance querellée et à sa mise en liberté immédiate; subsidiairement avec toute mesure de substitution utile [telles que la pose d'un bracelet électronique, un suivi thérapeutique auprès de D______ avec des tests d'abstinence]; plus subsidiairement, à ce que la durée de la détention soit limitée à 10 jours.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. A______, ressortissant italien né en 1980, a été arrêté le 12 décembre 2024.
b. Il est prévenu d'infraction à l'art. 19 al.1 let. c et d, voire al. 2, de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) pour avoir, à Genève, dans son appartement, détenu sans droit et dans le but de les vendre, ou à tout le moins d'en procurer à des tiers, 231.75 grammes de cocaïne, 112 comprimés d'ecstasy (47.8 grammes) et 19.9 grammes de MDMA.
Il lui est également reproché de consommer régulièrement de la cocaïne et de l'ecstasy.
c. Il ressort du rapport d'arrestation du 12 décembre 2024 que la police enquêtait depuis plusieurs mois sur un réseau de trafiquants de stupéfiants et était intervenue à de nombreuses reprises dans l'immeuble de la rue 1______ no. ______, en lien avec des appartements appelés "crack house". Dans ce cadre, elle avait observé les nombreuses allées et venues d'un locataire, identifié comme étant A______, et l'avait suivi alors qu'il quittait son domicile, avant de l'interpeller à la douane de Moillesulaz. Lors de la perquisition de son domicile, la police a découvert des stupéfiants stockés dans des boîtes en plastique et conditionnés sous différentes formes allant de gros cailloux de cocaïne à de petits parachutes, ainsi qu'une balance électronique et de l'argent [CHF 2'750 et EUR 6'250.-].
d. À la police et au Ministère public, A______ a soutenu ne pas se livrer à la vente de drogue, mais en avoir acheté en grande quantité pour bénéficier d'un meilleur tarif, en vue de la consommer.
e. Entendu devant le TMC, il a persisté dans ses déclarations. Les observations de la police s'expliquaient par le fait qu'il regardait des matchs de foot et effectuait diverses activités (la lessive et des courses), à l'extérieur.
f. S'agissant de sa situation personnelle, A______ est célibataire, sans revenu et au bénéfice d'un permis C. Il dit souffrir de problèmes de santé et subvenir à ses besoins grâce à l'aide sociale.
Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné, notamment, le 10 août 2018 par le Tribunal de police à une peine privative de liberté de 24 mois, dont 12 avec sursis et un délai d'épreuve de 4 ans, pour crime contre la LStup, avec mise en danger de la santé de nombreuses personnes (art. 19 al. 2 let. a LStup).
C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu que les charges étaient graves et suffisantes au vu des saisies effectuées. La quantité de drogue et d'argent retrouvée dans l'appartement du prévenu n'était pas compatible avec la consommation de drogue alléguée ni avec des prestations de l'aide sociale. L'instruction ne faisait que commencer. Le Ministère public annonçait devoir faire analyser le taux de pureté des stupéfiants saisis et le téléphone portable du prévenu, avant de le confronter aux résultats et se déterminer sur la suite de la procédure. Le risque de collusion était tangible vis-à-vis des autres participants au trafic et les consommateurs, encore non identifiés à ce stade. Il convenait d'éviter que le prévenu ne tente de les alerter et de les influencer, ou ne fasse disparaitre des preuves. Il y avait un risque de réitération en lien avec la précédente condamnation du prévenu en matière de stupéfiants, laquelle portait sur une longue période pénale [de janvier 2015 au 27 juillet 2017], ainsi que compte tenu de son addiction. Le risque de fuite n'était pas retenu, malgré la nationalité étrangère du prévenu, au vu de son permis d'établissement.
D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir l'absence de risque de collusion concret. L'existence d'autres participants au trafic n'était "aucunement" documentée. Il avait "parfaitement" collaboré en indiquant d'emblée à la police qu'il consommait des stupéfiants et en détenait à son domicile. Il avait, en outre, autorisé la perquisition de son appartement et communiqué les codes de son téléphone. Le risque de réitération n'existait pas dès lors que son unique antécédent spécifique portait sur des faits de 2017 et qu'il n'avait pas récidivé durant le délai d'épreuve. Les actes d'instruction énoncés ne nécessitaient pas son maintien en détention durant deux mois, un délai de 10 jours étant "amplement" suffisant pour analyser le contenu de son téléphone portable, voire procéder à des vérifications "sur le siège".
b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais, et renonce à formuler des observations.
c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre remarque.
d. Le recourant renonce à répliquer.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Les charges ne sont pas discutées. Il n'y a donc pas à y revenir mais à renvoyer, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art. 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).
3. Le recourant conteste un risque de collusion.
3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).
3.2. En l'espèce, l'instruction ne fait que commencer. Le recourant, qui nie toute implication dans les faits reprochés malgré les éléments au dossier, devra être confronté aux résultats des actes d'enquête, lesquels devraient permettre d'établir le taux de pureté de la drogue saisie, de déterminer son rôle dans le trafic en cause et d'identifier d'éventuels complices et consommateurs. En l'état, les soupçons que le recourant se livrait à un trafic de stupéfiants sont suffisants, de sorte que ses dénégations ne sauraient annihiler le risque de collusion.
À ce stade de l'instruction, ce risque est ainsi très élevé et ne saurait être pallié par une éventuelle interdiction de contact, les autres personnes impliquées n'étant, en l'état, pas identifiées. Aucune autre mesure de substitution n'est envisageable – étant relevé que les mesures de substitution proposées [bracelet électronique et suivi thérapeutique] se rapportent aux risques de fuite (non retenu par le TMC) et de réitération.
Partant, la détention provisoire demeure nécessaire pour pallier le risque de collusion retenu.
4. L'admission du risque, clair, de collusion dispense d'examiner s'il s'y ajouterait un risque de réitération (arrêts du Tribunal fédéral 1B_34/2023 du 13 février 2023 consid. 3.3.; 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1.; 1B_322/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.3).
5. Le recourant se plaint de la durée de la détention prononcée.
5.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).
5.2. En l'espèce, la durée de la détention provisoire ordonnée jusqu'au 12 février 2025 s'avère nécessaire pour permettre au Ministère public de procéder aux actes d'instruction annoncés.
Elle n'apparait pas excessive eu égard à l'infraction reprochée pouvant constituer, à ce stade, un cas grave compte tenu de la quantité de la drogue stockée dans l'appartement du recourant. Une fois le taux de pureté de la drogue connu, il appartiendra au Ministère public, indépendamment de tout autre acte qu'il pourrait décider d'ordonner dans l'intervalle, de confronter le recourant aux résultats des actes d'enquête et de se déterminer sur la suite de l'instruction.
Le grief est ainsi rejeté.
6. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).
8. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.
8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).
8.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.
L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Admet l'assistance judiciaire pour le recours.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
P/28701/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
| ACPR/ |
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
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- frais postaux | CHF | 30.00 |
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Émoluments généraux (art. 4) | | |
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- délivrance de copies (let. a) | CHF |
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- délivrance de copies (let. b) | CHF |
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- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
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Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
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- décision sur recours (let. c) | CHF | 900.00 |
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- | CHF |
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| Total | CHF | 1'005.00 | |||