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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20641/2024

ACPR/16/2025 du 08.01.2025 sur OTMC/3854/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE RÉCIDIVE;DÉTENTION PROVISOIRE;PROCÉDURE PÉNALE DES MINEURS;MINORITÉ(ÂGE)
Normes : CPP.221; PPMin.39

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20641/2024 ACPR/16/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 8 janvier 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 12 décembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE JUGE DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève,

intimés

 


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 23 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 12 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a autorisé la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 14 janvier 2025.

Il conclut, préalablement, à la constatation de violations de l’interdiction de l’arbitraire et du principe de célérité ; principalement, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa libération immédiate ; subsidiairement à sa libération sous mesures de substitution ; et, encore plus subsidiairement, à une prolongation de sa détention pour la durée de dix jours.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.             Ressortissant marocain sans profession ni titre de séjour, A______, né selon lui en février 2010 et selon sa fiche SIS (au dossier) en février 2012, aussi connu sous dix-sept alias (dont l’un comme majeur, en Espagne), est prévenu de deux brigandages (sur des passants), de cambriolages répétés ou tentés (dans des commerces et des voitures en stationnement) et de séjour illégal, commis dans le canton de Genève en septembre-octobre 2024.

b.             Remis en liberté par le Juge des mineurs (ci-après, JMin) le 9 septembre 2024, surlendemain des premières infractions constatées à Genève, A______, alors hébergé, puis reconduit au foyer D______, a été ré-interpellé le 24 suivant pour un nouveau brigandage et placé en détention provisoire jusqu’au 4 octobre 2024. Ce jour-là, le JMin l’a libéré moyennant un nouvel hébergement au foyer D______ et son entrée « dans le programme mineurs » (sans autre précision). Ré-interpellé le 5 octobre 2024 pour un cambriolage du 8 septembre 2024, l’intéressé a contesté avoir donné à la police une date de naissance faisant de lui un majeur et a expliqué son état de conscience par l’absorption de médicaments ; remis en liberté le 6 octobre 2024 par le JMin, qui annonçait vouloir lui chercher « un autre foyer » (sans autre précision), il a été brièvement interpellé le 19 octobre 2024, pour un nouveau cambriolage ; une machette a été découverte dans son caleçon (rapport d’interpellation du 19 octobre 2024, p. 3).

c.              Le 13 novembre 2024, le Tribunal des mineurs du canton de Vaud s’est dessaisi en faveur du canton de Genève de l’instruction de multiples infractions, principalement des cambriolages ou des vols, dont A______ est soupçonné d’avoir été l’auteur, en septembre 2024, et qui lui avaient valu d’être placé en détention provisoire entre le 15 et le 21 de ce mois-là. A______ (après avoir été interpellé en gare de Zurich) a été formellement prévenu de huit de ces infractions, le 8 décembre 2024.

d.             Ce même 8 décembre 2024, il a aussi été accusé de deux cambriolages supplémentaires, dans des commerces du canton de Genève (les 18 et 20 octobre précédents), et placé en détention provisoire.

e.              Le 11 décembre 2024, le Ministère public du canton de Genève s’est également dessaisi en faveur du JMin, pour un brigandage que A______ est soupçonné d’avoir perpétré avec un majeur, le 18 octobre 2024.

f.               Le casier judiciaire suisse de l’intéressé n’est pas connu. Selon les autorités françaises (consultation décadactylaire du 13 septembre 2024), il s’est signalé à vingt-six reprises dans ce pays pour des vols avec violence.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient l'existence de charges suffisantes, aggravées après le dessaisissement du canton de Vaud, du Ministère public de Genève et l’imputation de deux cambriolages supplémentaires. Les risques de fuite et de collusion étaient concrets. Le risque de réitération était tangible, puisque de nouvelles infractions étaient apparues, ayant cas échéant entraîné la détention provisoire, sans que A______ n’ait été dissuadé de récidiver après ses libérations. Toute mesure de substitution serait prématurée, tant qu’elle n’aurait pas été soigneusement aménagée.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ expose en préambule sa situation personnelle, qui l’aurait mené aux actes qui lui sont reprochés. Après avoir narré chacune des étapes de la procédure et le contenu des différentes décisions rendues, il se plaint d’arbitraire, de manquement à la célérité, au motif que, durant son séjour au foyer D______, il n’avait « essentiellement » commis aucune infraction ; ce n’était qu’en raison d’un « problème survenu au sein dudit foyer », l’ayant laissé à la rue et démuni, qu’il avait récidivé. Qu’il s’agisse de récidive ou de collusion, des mesures de substitution eussent pu être ordonnées. Quant au risque de fuite, il souhaitait obtenir un titre de séjour et obtenir de l’instruction en Suisse ; dès lors, une astreinte à résider au foyer D______, avec assignation à un périmètre et port d’un bracelet électronique, voire présentation hebdomadaire à un poste de police, aurait suffi.

b. Tant le JMin que le premier juge renvoient à l’ordonnance attaquée.

c. A______ a renoncé à répliquer.


 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 3 al. 1 PPMin cum 90 al. 2, 384 let. a, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 39 al. 1 et 3 PPMin cum 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner d’un prévenu mineur qui, partie à la procédure (art. 38 al. 1 let. a PPMin cum art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 38 al. 3 PPMin cum art. 382 al. 1 CPP).

2.             Les conclusions constatatoires n’ont pas leur place dans un recours demandant, dans toutes ses autres conclusions, la libération d’un prévenu détenu, dès lors que ces chefs-là, réformatoires, l’emportent (ATF 135 I 119 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_79/2009 du 24 septembre 2009 consid. 3.5 publié in ZBl 2011 p. 275 ; ACPR/6/2024 du 9 janvier 2024 consid. 2 ; ACPR/238/2020 du 22 avril 2020 consid. 1.2.).

3.             Indépendamment de l’âge réel du recourant, la licéité du placement en détention d’un mineur âgé de quatorze ans a déjà été admise par la Chambre de céans (ACPR/13/2014 ; ACPR/569/2012).

4.             Sauf à s’étendre dans un large préambule sur la précarité de sa situation personnelle, qui l’aurait jeté dans la délinquance, le recourant n’aborde pas la matérialité des charges. Il peut donc être renvoyé sur ce point, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références), laquelle expose les indices graves et concordants pesant sur le recourant.

5.             Le recourant invoque une violation du principe de la célérité.

5.1. À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Lorsque le prévenu est détenu, la procédure est conduite en priorité (art. 5 al. 2 CPP). Le grief de violation du principe de la célérité ne doit être examiné, lors du contrôle judiciaire de la détention, que pour autant que le retard dans la procédure soit propre à mettre en cause la légalité de la détention provisoire et donc à justifier un élargissement. N'importe quel retard n'est cependant pas suffisant. Il doit s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable
(ATF 140 IV 74 consid. 3.2; 137 IV 118 consid. 2.1; 137 IV 92 consid. 3.1 et les arrêts cités). La violation éventuelle du principe de la célérité n'entraîne pas la libération immédiate du détenu lorsque la détention demeure matériellement justifiée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_150/2012 du 30 mars 2012 consid. 3.3; 1B_44/2012 consid. 4 et 5).

5.2. En l'espèce, on peine à discerner où et quand le JMin eût pu et dû faire preuve d’une plus grande diligence. C’est en vain que le recourant met en évidence le laps de temps écoulé entre la décision de dessaisissement par l’autorité compétente du canton de Vaud (13 novembre 2024) et son audition sur les faits ainsi délégués (8 décembre 2024) : le dossier ainsi transmis est volumineux, puisqu’il a conduit à huit notifications de charges. En outre et surtout, le recourant passe sous silence, non seulement que l’autorité vaudoise l’avait relaxé, mais aussi qu’il a été interpellé en gare de Zurich, après que la police de Genève ne fut pas parvenue à le localiser dans le canton, et notamment pas dans le foyer dans lequel il prétendait résider et vouloir continuer à résider, nonobstant un « problème » dont il ne dit mot (on y revient infra).

Le principe de la célérité n'est donc pas violé.

6.             Le recourant conteste l'existence d'un risque de réitération.

6.1.       Trois conditions doivent être réalisées pour admettre le risque (simple) de récidive, au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP. Premièrement, le prévenu doit déjà avoir commis des infractions du même genre, et il doit s'agir de crimes ou de délits graves ; deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement – et, désormais, de manière imminente – compromise ; troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 146 IV 136 consid. 2.2 ; 143 IV 9 consid. 2.5).

La mise en danger sérieuse de la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves peut en principe concerner tout type de biens juridiquement protégés, même si les délits contre l'intégrité corporelle et sexuelle sont visés en premier lieu
(ATF 146 IV 326 consid. 3.1).

L'art. 221 al. 1bis CPP prévoit un risque de récidive qualifié par rapport à l'art. 221 al. 1 let. c CPP, introduit dans le but de compenser la renonciation à l'exigence d'infractions préalables à celle(s) qui fonde(nt) la mise en détention provisoire ; cela étant, ce motif exceptionnel de détention ne peut être envisagé qu'aux conditions strictes, cumulatives, énumérées aux let. a et b de l'art. 221 al. 1bis CPP.

La notion de crime grave au sens de l'art. 221 al. 1bis let. b CPP se rapporte aux biens juridiques protégés cités à l'art 221 al. 1bis let. a CPP, à savoir l'intégrité physique, psychique et sexuelle d'autrui ; la notion de crime est définie à l'art. 10 al. 2 CP : il s'agit donc des infractions passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. ATF 150 IV 360 consid. 3.2.3).

6.2. En l'espèce, le recourant est prévenu de deux brigandages, dont on a vu qu’il ne les conteste pas. Ces infractions sont des crimes. La multitude de cambriolages, achevés ou tentés, qu’il admet en bloc, et sa situation personnelle laissent craindre un ancrage sérieux dans la délinquance, qui lui procure ses moyens d’existence. On constate d’ailleurs que, entre chacune de ses libérations successives, le recourant ne tarde pas à reprendre la commission d’infractions. Il présente par conséquent un risque très concret de récidive.

6.3. C’est en vain que le recourant soutient qu’une astreinte à résider au foyer D______ amenuiserait ce risque, au sens de l’art. 237 al. 2 let. c CPP. En effet, il fait une allusion, elliptique, à un « problème » qui y serait survenu, de sorte qu’on ne voit pas comment, sans plus amples et plus étayées explications, cet hébergement pourrait être pris en considération, s’il n’y a plus été accueilli. De toute façon, ce foyer n’offre qu’un lieu temporaire où passer la nuit (https://E______.ch/offre/D______-hebergement-durgence/#offres) – autrement dit, laisserait le recourant libre de ses faits et gestes pendant la journée – ; cette solution n’est donc pas réaliste. Y ajouter, le cas échéant, une interdiction de s’éloigner d’un certain périmètre alentour ne garantirait nullement – puisque le recourant est oisif et ne justifie en rien des démarches à caractère scolaire ou pré-professionnel auxquelles il dit aspirer – qu’il ne s’en prendrait pas, à nouveau, à l’intérieur d’une telle zone, à des passants, des commerces, des autos en stationnement. Quant au strict confinement dans une chambre ailleurs (que le recourant ne semble pas envisager), il ne se différencierait plus guère de la détention provisoire dont se plaint le recourant, a fortiori s’il était couplé avec le port d’un bracelet électronique.

7.             Au vu de ce qui précède, soit un risque indiscutable de récidive, point n'est besoin d'examiner si des risques de fuite ou de collusion s'y ajoutent (arrêts du Tribunal fédéral 7B_830/2024 du 4 septembre 2024 consid. 3 et 7B_188/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3.1).

8.             Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité.

8.1.       Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention.

De plus, à teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

8.2.       En l'espèce, ni le principe ni la détention provisoire actuelle du recourant ne sont disproportionnés, au vu de la peine concrètement encourue – s'il devait être reconnu coupable des faits reprochés – par le cumul des infractions retenues en l'état (art. 27 PPMin et 34 DPMin).

Dans ce contexte, la prolongation de la détention, ordonnée jusqu'au 14 janvier 2025, ne viole pas le principe de la proportionnalité.

9.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

10.         Il n'y a pas de raison de s'écarter de la règle selon laquelle les frais de procédure sont supportés par le canton (art. 44 al. 1 PPMin).

11.         Devant le Ministère public, le recourant est au bénéfice d'une défense d'office, dont il n’a pas demandé l’extension à la présente instance.

11.1.   Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

11.2.   En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus. L'indemnité due au défenseur d’office sera fixée à la fin de la procédure (art. 23 al. 2 PPMin et 135 al. 2 CPP). Il n'y a cependant pas lieu d'indemniser celui-ci à ce stade (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Juge des mineurs et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.