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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6605/2016

ACPR/898/2024 du 04.12.2024 sur OCL/589/2024 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;MOTIVATION;ESCROQUERIE;POUVOIR DE REPRÉSENTATION
Normes : CPP.319; CPP.382; CP.146; CP.158

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6605/2016 ACPR/898/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 4 décembre 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Gaétan DROZ, avocat, MBLD ASSOCIÉS, rue Joseph-Girard 20, case postale 1611, 1227 Carouge,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 2 mai 2024 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 13 mai 2024, [l'association] A______ (ci-après: A______) recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la procédure et rejeté ses réquisitions de preuve.

La recourante conclut, sous suite de frais et indemnité, à l'annulation de l'ordonnance entreprise, au renvoi de la cause au Ministère public pour mise en prévention de B______, C______, D______, E______ et F______ des chefs d'escroquerie, de gestion déloyale, d'abus du pouvoir de représentation et/ou de blanchiment d'argent, pour ordonner divers actes d'instruction et, cela fait, pour dresser un acte d'accusation à l'encontre des précités.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 2'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

Contexte et régime TIR

a. Le régime de transit TIR, mis en place par la Convention douanière relative au transport international de marchandises sous le couvert de carnets TIR (ci-après : Convention TIR; RS 0.631.252.512), permet de faire transiter les marchandises depuis un pays d'origine vers un pays de destination dans des conteneurs scellés, sans qu'elles ne soient contrôlées dans les postes de douane des pays de transit.

G______, association de droit suisse ayant son siège à Genève, dont les membres sont essentiellement des associations nationales de transporteurs routiers, assume la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement efficaces dudit régime.

Elle administre, d'une part, l'émission des carnets TIR en faveur des associations routières nationales affiliées, qui les vendent à leur tour à leurs membres (transporteurs), et, d'autre part, un système de garantie internationale permettant le passage sans contrôle des marchandises aux frontières.

Les carnets TIR, en tant que documents douaniers harmonisés, comportent, en faveur des autorités douanières des pays d'origine, de transit et de destination, une garantie de paiement des taxes et droits de douane. Cette garantie est assumée et supportée, en première ligne, par les associations nationales de transporteurs routiers, membres de G______, et, en seconde ligne, par G______ elle-même.

b. En vertu de la Convention TIR, les associations routières nationales affiliées à G______ doivent souscrire des contrats d'assurance ou offrir des garanties financières couvrant la totalité de leurs responsabilités dans les opérations effectuées sous le couvert de carnets TIR qu'elles ont délivrés ou qui l'ont été par des associations étrangères également membres de G______. Ces associations s'engagent auprès de G______ à souscrire une assurance dite des "clauses 31/32" (ci-après: assurance 31/32, parfois également mentionné "Directive 3").

Parallèlement, G______ a contracté, depuis 1995, une assurance globale, couvrant la totalité de ses responsabilités et celle de ses associations membres vis-à-vis des autorités douanières (ci-après: l'assurance globale).

Dénonciation et plainte

c. Par courrier du 7 avril 2016, complété le 21 avril 2016, H______, ______ [fonction] de G______, a dénoncé B______, ______ [fonction], et C______, ______ [fonction], pour gestion déloyale (art. 158 CP).

Il les soupçonnait d'être à l'origine de plusieurs décisions allant à l'encontre des intérêts de G______ et de ses membres. Étaient dénoncés à cet égard quatre situations "illégales": le détournement de CHF 93 millions (cf. (i) infra) et de CHF 57 millions (cf. (ii) infra), la dissimulation de rapports internes démontrant que les réserves de G______ affichaient un surplus de CHF 409 millions et la mise en place d'un système de rémunération opaque en faveur de B______ et C______.

(i) G______ avait négocié – à l'insu des associations membres – un système de "rétro-commission" sur les contrats d'assurance nationaux signés par celles-ci, afin que 40% de la prime dont elles s'acquittaient soit transféré à la société I______ LTD, établie à l'île de Man, appartenant à J______ SA et dépendant de la Fondation de G______ à Genève. L'existence de I______ LTD et des commissions qu'elle percevait ne figurait dans aucun document contractuel signé par les associations membres. Ces arrangements se fondaient sur une "master policy" signée par G______ avec K______ à L______ [Royaume-Uni].

(ii) Depuis 1995, la direction de G______ avait mis en place un addendum secret au contrat global d'assurance, d'abord avec M______, puis, dès 2011, avec N______. Cet addendum ne figurait pas dans les documents contractuels adressés par G______ à ses membres. Selon cet accord, jusqu'à 50% de la prime d'assurance globale devait être restitué, sous la forme d'une "commission secrète", à G______. Or, cette "commission sur les bénéfices" provenait de la prime d'assurance globale, incluse dans le prix des carnets TIR, payé exclusivement par les associations membres. Ces dernières n'avaient connaissance ni de l'existence, ni du montant, ni de l'utilisation que G______ faisait desdites commissions.

d. Le 19 janvier 2017, le Ministère public a ouvert une instruction contre inconnu pour gestion déloyale.

e. Le 4 avril 2017, A______, association de droit privé [du pays] O______ dont le but est de veiller aux intérêts des transporteurs routiers qui lui sont affiliés, membre de G______, a porté plainte contre E______, ______ [fonction] de G______, ainsi que contre B______, C______ et D______, responsables des assurances, des chefs d'escroquerie (art. 146 CP), de gestion déloyale (art. 158 al. 1 CP), d'abus du pouvoir de représentation (art. 158 al. 2 CP), d'abus de confiance (art. 138 CP), de faux dans les titres (art. 251 CP) et/ou de blanchiment d'argent (art. 305bis CP).

En qualité d'association nationale garante des personnes utilisant le régime TIR pour la O______, elle avait signé des "actes d'engagement" la liant à G______ et l'autorisant à délivrer des carnets TIR. Le prix d'émission de ces carnets était fixé par G______. Entre 1995 et 2015, elle avait délivré 2'741'000 carnets TIR. À la suite de la dénonciation contre G______, elle avait effectué ses propres investigations, lesquelles étaient venues confirmer les accusations de H______.

Assurance 31/32

À l'instar des autres associations nationales, elle s'était assurée (ou réassurée) auprès de K______, via les courtiers P______ LTD (ci-après: P______), puis, dès 2012, Q______ LLP (ci-après: Q______), selon les conditions négociées et imposées par G______. Pour cette assurance, les primes étaient acquittées par les associations nationales et calculées sur le nombre de carnets TIR délivrés par G______. Or, elle ignorait que le montant de la prime négociée pour elle – et pour les autres associations – par G______ était partiellement ou totalement restitué à cette dernière, par le truchement de I______ LTD. Ce système de surévaluation et de surfacturation, opéré à l'insu des membres de G______, augmentait ainsi de manière artificielle le montant final des primes d'assurance. G______ tentait en outre de dissimuler ces commissions par de vaines justifications.

Assurance globale

G______ était "tenue conventionnellement de conclure une couverture d'assurance globale dans le cadre du système TIR". Tant celle-ci que les associations nationales bénéficiaient de cette assurance. La prime était calculée par carnet TIR émis et était acquittée, dans un premier temps, par G______, puis reportée sur le prix de vente desdits carnets aux associations membres. Or, G______ avait négocié et conclu des accords gardés secrets avec la M______, puis N______, à teneur desquels les primes payées lui étaient partiellement restituées, sous la forme d'une participation au bénéfice ("profit-sharing"). Il en résultait, là aussi, des primes d'assurance "dolosivement surévaluées", entrainant un coût des carnets TIR "gonflé artificiellement".

A______ chiffrait son dommage direct à CHF 5'460'232.-, soit CHF 2'801'002.- "pour les commissions versées à I______ LTD, à savoir 40% des primes payées par elle à K______ de 1995 à 2015", et CHF 2'659'230.- "pour les commissions versées par M______, puis N______, à G______, calculés proportionnellement à l'émission totale de carnets TIR".

Qualité de parties

f. Saisie du recours de A______ contre la décision du Ministère public lui refusant la qualité de partie plaignante, la Chambre de céans a retenu, dans un arrêt du 29 novembre 2017 (ACPR/821/2017), que la recourante n'était pas lésée directement par les faits qu'elle dénonçait.

L'arrêt en question comporte le passage suivant:

"Il ressort de ses explications qu'elle n'utilise pas elle-même les carnets TIR mais les délivre aux transporteurs les sollicitant. Ainsi, si la recourante s'acquitte auprès de G______ du prix desdits carnets et de toutes les assurances liées à ce système, elle refacture manifestement ensuite ces montants aux entreprises de transport à qui elle délivre les carnets. Ce serait donc ces dernières qui subiraient un préjudice en cas de surfacturation du prix des carnets et des assurances. Or, la recourante ne dit mot à ce sujet. Partant, et sous cet angle, elle ne subirait même aucun dommage".

g. Le 19 avril 2018 (arrêt 1B_18/2018), le Tribunal fédéral a rejeté le recours de A______ contre cet arrêt.

En tant que l'instruction n'avait été ouverte que pour gestion déloyale commise par certains responsables de G______, seule cette dernière était lésée directement par les agissements dénoncés. En revanche, la plainte de A______ portait également sur des infractions distinctes, soit notamment l'escroquerie et l'abus du pouvoir de représentation. Pour ces infractions – qui n'étaient pas l'objet de la procédure dans laquelle elle entendait intervenir –, ce n'était pas les détournements au préjudice de G______ qui étaient visés, mais la surfacturation des primes d'assurances payées par A______ notamment. Dans ce contexte, il ne pouvait pas être exclu que cette dernière fût lésée directement.

h. Le 11 juillet 2018, le Ministère public a étendu l'instruction de la procédure aux infractions d'escroquerie et d'abus de pouvoir de représentation.

 

Instruction

i. La procédure a été alimentée par plusieurs documents internes à G______, parmi lesquels figurent ceux listés infra.

·         Un échange de courriels du 8 septembre 2015 entre B______ et C______, avec D______ et H______ en copie

C______ soumettait à son interlocuteur un projet d'explications, sous la forme de questions/réponses, pour le schéma de commissions de l'assurance 31/32, recommandant la transparence. À teneur de ces explications, K______ reconnaissait, depuis 2005, que 25% de la prime d'assurance brute, correspondant aux coûts de la gestion des risques ("Risk Management Costs"), devait être payé à G______ pour son rôle central dans l'implémentation d'outils contre les risques pour renforcer le système TIR et réduire le nombre de litiges. Pour la période antérieure à 2005, K______ et P______ avaient versé CHF 7 millions à G______. Après 2005, les partenaires d'assurances 31/32 avaient payé CHF 61 millions, dont 80% revenait à G______ et 20% à I______ LTD.

G______ avait perçu des commissions d'assureurs, soit: 3% de la prime nette entre 1995 et 1997, 5% entre 1998 et 2004; puis 5% de la prime nette [prime brute moins 25% de coûts de gestion des risques] entre 2004 et 2012 et 14.25% de la prime nette entre 2013 et 2015. À partir de 2005, la commission (8.5%) touchée par R______ SA, à l'insu de G______ (cf. B. l. infra), avait été redirigée en faveur de cette dernière. Le total des commissions s'élevait à CHF 32 millions, répartis selon la même clé (80% à G______ et 20% à I______ LTD).

Trois options étaient ensuite proposées pour l'utilisation des commissions perçues entre 1995 et 2015 (CHF 15 millions): (1) rester dans les réserves de G______, (2) servir pour financer des projets d'innovations et d'expansion, et (3) "rembourser" ("reimburse") les associations membres.

En réponse, B______ avait recommandé de ne pas retourner l'argent aux associations membres, car cela aurait suggéré une "culpabilité" ("Returning money would suggest guilt"). Pour lui, chaque centime restitué jusqu'alors, sur d'autres questions, avait suscité auprès des membres le sentiment de devoir être remboursé davantage plutôt que de voir G______ comme transparente, honnête et ouverte. Il conseillait donc plutôt d'utiliser les commissions pour l'innovation et l'expansion.

·         Les états financiers de G______ de 2015, soumis à l'approbation de l'assemblée générale du 8 avril 2016

Dans le rapport de gestion annexé, un chapitre intitulé "Événements exceptionnels" explique que les comptes faisaient état d'un montant net de CHF 27.7 millions en "produits exceptionnels", résultant en grande partie de la collecte de la participation sur les bénéfices (CHF 26.6 millions), à la suite des négociations et de la restructuration des activités d'assurance de G______. S'ajoutaient CHF 2.9 millions provenant d'un "remboursement" de I______ LTD en raison d'un "excédent de primes".

Au niveau du bilan, G______ avait comptabilisé 75% de participation prévue sur les bénéfices de la part de N______ pour la période 2011 à 2015. Le montant total escompté était de CHF 9.3 millions, qui devait être acquitté à la fin de l'année 2018.

·         Un document intitulé "États financiers de G______ 2015 – Explications fournies en réponse aux questions des membres"

À teneur de ce document, A______ avait sollicité des explications sur ces "Événements exceptionnels". En réponse, G______ avait précisé que la récupération de la participation sur les bénéfices (CHF 26.6 millions) auprès de la M______ et N______ était basée sur la clause du contrat d'assurance prévoyant ce qui suit: "La participation aux excédents, calculée pour une durée de 5 ans est décomptée lorsque G______ confirme que tous les Carnets émis pour la période concernée ne peuvent plus être sujets à une demande d'indemnisation. L'assureur remboursera un pourcentage défini (aujourd'hui 4 volets 30% et autres 50%) de sa prime nette par Carnet utilisé, déduction faite des indemnités payées pour les sinistres. (…)".

Pour la M______, la participation aux bénéfices s'élevait à plus de CHF 33 millions entre 1994 et 2004, à plus de CHF 11 millions entre 2005 et 2009 et à plus de CHF 2 millions depuis 2010.

Il avait été décidé, en 1995, que la participation aux bénéfices resterait auprès de l'assurance et que, pour cette raison, cette participation n'était pas enregistrée comme "acquis" jusqu'à la libération des montants. Avec la révision générale des politiques d'assurance, il avait été décidé d'inscrire dorénavant dans les comptes la participation aux bénéfices. Cette participation était reconnue par les assureurs globaux pour les travaux de gestion des risques de G______. Pour N______, le montant de la participation aux bénéfices ne devait être définitivement fixé qu'en 2019, conformément aux conditions d'assurance en vigueur.

En résumé, la somme de CHF 26.6 millions se composait de CHF 19.6 millions de la M______ et de CHF 7 millions de N______. À cela s'ajoutait encore que I______ LTD, qui avait fait office de courtier, avait cessé ses activités en septembre 2014. Les montants retenus par cette société (CHF 2.9 millions) avaient donc été reversés à G______ en 2015.

·         Le procès-verbal de l'assemblée générale du 8 avril 2016

Il en ressort que plusieurs questions avaient été posées sur les activités et les revenus de la Fondation G______ et J______ SA, ainsi que sur la dénonciation de H______. À ce propos, D______ avait expliqué qu'il existait un contrat conclu avec K______, régulant les polices d'assurance contractées au niveau national, mais que celui-ci n'avait pas été caché aux associations membres. Face aux accusations d'avoir refusé de restituer aux associations nationales les montants issus des commissions, le ______ d'alors, E______, avait affirmé que l'argent n'avait été ni volé, ni détourné. G______ avait agi de manière à constituer des réserves importantes, sur conseil des consultants externes.

L'assemblée générale a approuvé les comptes pour 2015 et décidé de mettre en place un audit indépendant;

·         Le procès-verbal de l'assemblée générale du 4 novembre 2016

Face aux interrogations de A______ notamment, E______ avait déclaré qu'en vertu de la Convention, G______ n'était tenue de fournir aux associations nationales qu'une copie certifiée conforme du contrat général de garantie et des certificats d'assurance annuels. Les autres documents, tels les addendas ou les polices d'assurances 31/32, ne devaient pas être envoyés aux membres, lesquels étaient toutefois invités à consulter au siège toute la documentation utile.

L'assurance 31/32 constituait une protection supplémentaire au premier niveau d'assurance, couvrant plus spécifiquement la responsabilité des titulaires de carnet TIR à l'égard de la chaîne de garantie internationale. Ce second niveau d'assurance avait été établi en 1995 et approuvé par l'assemblée générale d'alors. Le régime de participation aux bénéfices au niveau de l'assurance globale était en vigueur depuis 1995, avec l'accord de l'assureur, pour rétribuer G______ pour son travail en matière de gestion des risques. Pour les "commissions", G______ avait passé, en 1995, un accord avec P______ pour recevoir un pourcentage (3%, puis 5%) des "commissions" versées par K______, à titre de contribution aux frais administratifs supportés par G______. En 2006, après l'annulation du mandat confié à R______ SA et la reprise des tâches par G______, le pourcentage était passé à 8.5%. Depuis le 1er janvier 2016, plus aucune commission n'était versée à G______, ni à aucune entité liée.

·         Un projet d'accord amiable ("Settlement agreement"), adressé par G______ à A______ le 6 mars 2017

Cet accord, proposé à toutes les associations membres, portait sur un montant total de CHF 30 millions, avec un partage calculé par S______. L'acceptation ouvrait également le droit de postuler pour l'affectation d'une contribution, de plus de CHF 1 million, pour encourager l'innovation.

j. Le 24 mai 2016, G______ a mandaté T______ pour, notamment, examiner le bien-fondé des accusations de H______.

Il ressort du rapport du 3 novembre 2016 établi à cette fin les éléments suivants:

(i) allégations de détournement des CHF 93 millions

- entre 1995 et 2015, les commissions perçues par G______ s'élevaient bien à approximativement CHF 93 millions;

- les investigations menées n'avaient pas permis d'établir que les associations nationales étaient au courant du schéma relatif aux commissions pour les assurances 31/32. Selon C______ et B______, ce schéma ne leur avait pas été communiqué;

- nommés à leur poste respectif en 2013, les précités n'étaient pas responsables de la mise en place de ce schéma, effectif depuis 1995, alors que F______ était ______ de G______;

- si des commissions avaient bien été versées à I______ LTD, 80% des montants avaient ensuite été transférés à G______;

- il n'était pas répondu à la question de savoir si les commissions devaient revenir aux associations membres;

(ii) allégations de détournement des CHF 57 millions

- pour l'assurance globale, les primes étaient payées par G______ et financées par la vente des carnets TIR;

- le schéma de partage de l'assurance globale était stipulé dans les polices de 1994 et 1998. Ensuite, il était détaillé dans des addendas datant de 1999, 2003, 2010 et 2014. L'existence de ce schéma avait été mentionnée dans un procès-verbal extraordinaire de la direction du 30 mai 1995, et dans un autre du conseil exécutif de la même date;

- à teneur de la Convention, G______ n'avait pas d'obligation claire d'information ("a clear G______ disclosure obligations");

- G______ et l'assureur global (la M______, puis N______) avaient convenu que la part des bénéfices revenant à la première serait conservée par le second, comme collatéral pour le risque crédit résultant des conditions de réassurances des sociétés captives créées à cette fin, soit U______/1______ LTD et U______ SA;

- la participation aux bénéfices de G______ accumulée de 1995 à 2015 s'élevait à CHF 56.7 millions. Entre 2010 et 2011, la M______ avait versé CHF 27.8 millions, comptabilisés dans la provision pour risques et charge. Le solde de CHF 8.9 millions, moins une provision de CHF 2.3 millions, avait été comptabilisé comme produit extraordinaire dans les comptes 2015.

k. Sur mandat de G______, S______ a également rendu un rapport le 6 décembre 2016, relatif en particulier aux transactions entre G______ et I______ LTD. En substance, il en ressort que cette dernière avait touché, entre 1998 et 2015, des commissions s'élevant à GBP 56.6 millions, rétrocédées à G______ pour un total de GPB 44.2 millions. Les transactions étaient conformes aux contrats ou décisions liant les parties.

l. Le Ministère public a versé au dossier la procédure civile C/2______/2007, opposant G______ et R______ SA.

À teneur de l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_508/2016 du 16 juin 2017, la première avait chargé la seconde, entre 1994 et 1995, de développer et d'organiser un concept d'assurance des carnets TIR et d'en administrer certains aspects. Par cet intermédiaire, G______ avait conclu avec la M______ une assurance couvrant sa responsabilité et celle de ses associations membres vis-à-vis des autorités douanières et avait créé une captive de réassurance, U______ SA, afin de réassurer la M______. G______ avait également négocié, toujours par le truchement de R______ SA, avec P______ une couverture d'assurance supplémentaire: les associations nationales membres pouvaient souscrire, soit auprès de K______, soit auprès de leurs assureurs locaux (à leur tour réassurés auprès de K______) une assurance couvrant la responsabilité des transporteurs titulaires d'un carnet TIR. L'ensemble des primes d'assurance de ce système "de double, voire triple couverture d'assurance" avait intégralement été répercuté sur le prix des carnets TIR, vendus par G______ à ses associations membres et revendus par celles-ci à leurs transporteurs routiers sociétaires. Le litige était né du fait que G______ avait découvert que R______ avait perçu des "commissions occultes" de la M______ et de P______.

Auparavant, le Tribunal de première instance (ci-après: TPI) avait, dans son jugement du 2 décembre 2014 (JTPI/15099/2014), retenu ce qui suit:

"Les coûts de ce système de double ou triple couvertures d’assurance, superposées et ayant au final toutes le même objet, générant donc des primes partiellement redondantes (pour un montant par carnet TIR émis, en 2004, de l’ordre de Frs. 3.- pour M______, Frs. 12.- pour U______ SA et Frs. 10.- pour les assureurs « Directive 3 ») ont été intégralement répercutés sur le prix des carnets TIR vendus par [G______] à ses associations membres puis revendus par celles-ci à leur transporteurs routiers, payeurs finaux de toutes les primes d’assurance et qui ont financé tout le système. Incidemment, dès lors que l’ensemble des sinistres TIR sont in fine intégralement supportés et indemnisés par les assureurs « Directive 3 » – lesquels rétrocèdent depuis 2005 plus de la moitié de leurs primes à [G______] et P______ –, l’utilité et la justification des couvertures d’assurance M______ et de réassurance U______ SA et des primes correspondantes apparaissent soit très peu, soit bien trop manifestes ; sur le total des primes d’assurances répercuté sur le prix d’un carnet TIR, en quelque Frs. 25.- par carnet en 2004, moins de Frs. 5.- servent à des fins d’assurance, notamment à l’indemnisation effective de sinistres TIR. Ce système d’assurances a ainsi permis de générer de substantiels profits pour l’ensemble des intervenants concernés – à l'exclusion des transporteurs routiers".

m. La police et le Ministère public ont procédé à de nombreuses auditions.

Auditions par la police

m.a. H______:

Il existait deux niveaux d'assurance qui se cumulaient: le niveau national (assurance 31/32) et l'assurance globale. Pour le premier, K______ (P______, puis Q______) signaient les polices d'assurance avec les associations membres de G______. À l'insu de ces dernières, 40% des primes versées à K______ étaient transférés à I______ LTD. Ce système remontait aux années nonante mais les montants "détournés" avaient fortement augmenté à partir de 2005. L'assurance globale existait aussi depuis les années nonante. Une annexe au contrat d'assurance prévoyait une participation aux bénéfices de G______ à hauteur de 40% ou 50%, sur la base des résultats de la police, versée après un certain temps. Cette annexe était inconnue des membres de G______; elle avait été mentionnée pour la première fois dans les documents financiers de 2015. Jusqu'à cette année, les sommes dues à G______ par les assurances étaient restées bloquées sur les comptes de ces dernières et, lorsqu'elles étaient "apparues", elles avaient été comptabilisées comme produits extraordinaires. Les associations membres ne s'étaient pas manifestées contre G______, par crainte d'être exclues ou en attendant les résultats de l'audit T______. À ce sujet, il craignait un rapport "un peu manipulé";

m.b. D______:

En 1998, J______ SA avait racheté I______ LTD, coquille vide, dans le but d'en faire une société de courtage pour G______. Le projet ne s'était finalement jamais concrétisé. K______ prélevait un pourcentage de 25% des primes acquittées auprès de lui pour couvrir le risque de management. Pour autant que G______ respectât le taux de sinistres défini contractuellement, elle touchait ces 25%, versés annuellement à I______ LTD, sur son compte bancaire à Genève. Sur ces montants, 80% étaient reversés à G______ et le solde capitalisé dans la perspective de faire de I______ LTD un courtier K______. Avec l'abandon de ce projet et la liquidation de I______ LTD en 2015, les actifs de la société avaient été transférés à J______ SA. En plus de la gestion des risques, I______ LTD avait reçu des commissions de la part du courtier K______, pour couvrir les activités administratives que G______ exécutait pour ce dernier. Au total, pour la période de 2005 à 2015, I______ LTD avait reçu environ CHF 15 millions.

Les associations nationales n'étaient pas au courant des accords avec I______ LTD. Il s'agissait d'une décision de F______. Lorsque B______ était devenu le ______ [fonction], ce dernier avait commencé à donner les informations aux membres. Les 80% reçus par G______ avaient été utilisés pour la mise en œuvre de mesures visant à réduire les litiges et pour des réserves. Les montants en question ne devaient pas revenir aux associations nationales; en tout cas cela n'était pas prévu par les statuts. Celles-ci recevaient déjà des montants, sous la forme de mesures d'incitation et d'une participation aux bénéfices de la part de K______, sur les primes perçues par ce dernier. Les sommes versées à I______ LTD n'étaient pas des rétrocommissions.

Entre 1995 et 1997, la clause de participation aux bénéfices en faveur de G______ avait été stipulée dans le contrat d'assurance. À partir de 1998, cette participation avait été prévue par un avenant. Il en avait été décidé ainsi car il s'agissait de conditions entre l'assureur et l'assuré, qui ne concernaient pas les tiers et ne modifiaient pas la couverture d'assurance. Les associations membres avaient continué à recevoir la police d'assurance, sans l'avenant. Aucune n'avait posé de question sur l'absence de la clause de participation aux bénéfices dans le contrat. Depuis 1995, G______ avait touché CHF 47 millions de la M______ et, pour N______, la période concernant la participation aux bénéfices n'était pas encore clôturée. Jusqu'en 2010, ces participations n'apparaissaient pas dans les comptes de G______ mais étaient conservées par la M______, en garantie pour la compagnie de réassurance "U______". Cette participation aux bénéfices ne devait pas être redistribuée aux associations nationales car elle était en lien avec la gestion du système par G______. Il était surpris par les allégations de H______ car ce dernier connaissait la structure de G______ depuis 2005. La situation semblait découler d'un "conflit de personnes".

m.c. V______, directrice financière chez J______ SA:

I______ LTD recevait des commissions de K______, qu'elle reversait à G______ à concurrence de 100% s'il s'agissait de commissions de profit et 80% pour les autres, comme celles du risque management. À la liquidation de I______ LTD en 2015, ses comptes – situés à Genève – avaient été soldés et transférés à J______ SA, soit environ CHF 11 millions.

En août 2015, elle s'était rendue avec D______ à la M______ pour discuter du recouvrement de la participation aux bénéfices acquise par G______ pour la période entre 2005 et 2010. Selon elle, la partie acquise mais non versée de cette participation devait être comptabilisée dans les comptes de G______, mais tel n'avait pas été le cas avant 2015. En revanche, les montants concernés ne revenaient pas aux associations membres.

Auditions par le Ministère public

m.d. C______:

G______ avait couvert des risques pour près de CHF 200 milliards par année. Lors de la conclusion du contrat d'assurance avec la M______ en 1995, cette dernière avait exigé de limiter le risque couvert par elle à CHF 300 millions, le reste devant être assuré autrement par G______. En 2010, N______ avait repris les assurances globales à des conditions similaires. Outre ce volet, K______ réassurait les assurances nationales, intervenant sur les premières tranches de risque. Il s'agissait d'une sécurité pour le contrat d'assurance global voulu par les partenaires d'assurances.

K______ avait rétrocédé CHF 60 millions à G______ à titre de "risk management" (2005-2015); les "courtiers" de K______ avaient versé CHF 33 millions de commissions pour des activités de gestion administrative (1995 – 2015); la M______ avait rétrocédé CHF 47 millions à titre de participation aux bénéfices (1995 – 2015); et N______ évaluait cette participation à CHF 9.3 millions pour la période entre 2010 – 2015 mais ce montant, comptabilisé, ne devait être versé qu'en 2019. Aucune des rétrocessions n'avait été versée à titre personnel à des membres de la direction de G______. Les associations membres ne connaissaient pas le détail de ces structures complexes, lesquelles avaient été imposées dans leur grande majorité par les assureurs. Le rapport d'audit de T______ avait confirmé que les allégations de H______ étaient infondées. Il ne s'expliquait pas pourquoi ce dernier avait déposé plainte, ni pourquoi A______ en avait fait de même. Pour clore le contentieux, toutes les associations membres avaient reçu une offre de CHF 30 millions, au prorata des paiements effectués par leurs assureurs nationaux pour se réassurer auprès de K______. L'audit T______ comportait de nombreux détails confidentiels, raison pour laquelle G______ ne souhaitait pas une diffusion incontrôlée. Les membres pouvaient le consulter mais dans ses locaux, sans prendre de copie et à diverses conditions, (notamment clauses de confidentialité). Hormis A______, qui n'avait pas accepté les exigences imposées, aucune association membre n'avait requis de consulter ledit rapport.

m.e. B______:

Les associations membres avaient reçu un résumé de l'audit de T______, dont les conclusions avaient été présentées à l'assemblée générale. S______ avait plus particulièrement examiné les flux financiers et les résultats avaient été discutés à l'assemblée générale. Ces audits confirmaient que l'intégralité des fonds reçus par G______ était comptabilisée et identifiée, sans aucun détournement. Pour lui, les accusations de H______ découlaient d'un mécontentement en raison d'une restructuration de la direction décidée en 2016 et d'une "jalousie irrationnelle" à l'égard de C______. De par ses postes et responsabilités, H______ avait accès, depuis plus de dix ans, à l'intégralité des informations dénoncées mais n'avait jamais réagi avant sa plainte. Pour A______, les récriminations étaient vraisemblablement motivées par une perte importante du volume d'affaires.

I______ LTD n'avait pas d'employés propres, car elle n'agissait pas comme un courtier interne, même si tel était le projet.

m.f. A______, représentée par W______ et X______:

Préalablement au dépôt de sa plainte, elle avait sollicité de G______ des explications, sans jamais obtenir de réponse satisfaisante. Elle avait même fait l'objet de menaces, lesquelles s'étaient réalisées avec son exclusion de G______. En 2004, F______ avait projeté un schéma "illisible" illustrant les différentes sociétés liées à G______ mais avait refusé de répondre aux questions sur les dividendes. C'était la première fois qu'elle avait eu connaissance des structures de G______. En 2013, tous les membres avaient reçu des courriels anonymes, faisant état des commissions et des entités liées à G______.

m.g. F______:

Il avait participé à la création de la Fondation G______ et de J______ SA, à la demande des membres, à la suite de la décision de libéraliser le transport en Europe. Il avait également créé et géré U______ SA et U______/1______ LTD, à la demande des assureurs et des auditeurs après la crise TIR, à savoir l'explosion des litiges au début des années 1990 et afin d'avoir des garanties financières.

Pour fixer le prix du carnet TIR, il fallait ventiler sa composition, soit: CHF 5.- pour les frais de gestion, CHF 20.- pour le "risk management (matériel et assistance fournis aux associations, aux douanes et à G______)", CHF 30.- à titre de provision pour risques et charges et CHF 10.- de primes avec une participation aux bénéfices. Avec la M______, cette participation était prévue à hauteur de 40%, versée après cinq ans sur le compte provision de G______. Avec N______, dès 2005, cette participation était de 50%. Comme la Convention l'exigeait, G______ était garante vis-à-vis des douanes et il avait "cumulé 1.5 milliard" pour satisfaire la demande des auditeurs, réparti entre plusieurs entités, à la demande des assureurs, pour partager les risques.

Il avait également créé I______ LTD, dont l'actionnaire était J______ SA. Cette société était censée gérer et contrôler les flux, primes et litiges entre la société d'assurances, les sociétés de réassurance et les associations et assureurs nationaux. Les associations membres devaient connaître I______ LTD par l'intermédiaire des polices émises par K______, même si l'existence de cette société n'avait jamais été évoquée lors des assemblées générales. Il n'y avait pas de raison de le faire puisque cela relevait du "back-office". Au même titre, les membres n'avaient jamais été informés de l'existence du "courtier" R______ SA.

G______ étant une association à but non lucratif et bénéficiant d'une exonération fiscale, les flux financiers étaient canalisés par le biais de I______ LTD.

m.h. E______:

La mission proprement dite des deux auditeurs mandatés (T______ et S______) était dictée par les accusations formulées contre G______ et ses dirigeants. Les deux audits n'avaient constaté aucune irrégularité, ni disparition d'élément de fortune. La consultation des rapports était soumise à conditions car ils contenaient une quantité d'informations commerciales non destinées au grand public. Toutes les associations membres, sauf A______, avaient accepté le "Settlement agreement".

m.i. Y______, co-auteur du rapport d'audit T______:

Durant le mandat, H______ lui avait demandé de modifier ses déclarations, en lui donnant des ultimatums assortis de sanctions, auxquels il n'avait pas donné suite. Plus généralement, il avait reçu plusieurs demandes visant à modifier certaines formulations, dont celles de membres de G______, ce qui était courant pour ce genre de mandat. Il n'y avait en tous cas pas eu de "pression particulière". Sa première impression avait été de se demander quel était ce besoin de réassurance et si un tel niveau était nécessaire. De prime abord "cela semblait surfait". B______ ou C______ lui avait alors expliqué quels étaient les montants engrangés par jour et la somme à assurer en cas de réalisation du risque.

m.j. Z______, responsable de l'audit interne de G______ :

À la suite de son licenciement de G______ le 29 septembre 2017, il était tenu par une clause de confidentialité. Informé qu'un tel accord n'était pas opposable à la justice pénale, il a expliqué avoir été chargé de conduire un projet en lien avec les allégations de H______. Après un appel d'offres, S______ et T______ avaient été sélectionnés et validés par la présidence de G______. Selon lui, les allégations de H______ étaient "potentiellement vraies". Il avait ainsi proposé le rapatriement de l'intégralité des fonds de I______ LTD. Comme il avait raporté des éléments sur B______ et C______, il avait été licencié.

m.k. H______:

Il avait découvert l'existence de I______ LTD dans le cadre du procès de G______ contre R______ SA, aux alentours de 2007 ou 2008. Ses doutes sur l'activité réelle de cette société avaient commencé entre 2012 ou 2013. Lorsqu'il avait reçu le jugement du TPI du 2 décembre 2014, lequel concluait à la restitution, en faveur de G______, des commissions occultes, il avait suggéré que celles-ci soient redistribuées aux associations membres. B______ avait immédiatement validé cette idée. Il avait proposé d'en faire autant avec les commissions encaissées par les autres entités liées à G______, ce qui avait été évoqué lors de nombreuses discussions avec le précité, C______ et D______, mais rien n'avait été fait. G______ n'encourrait aucune responsabilité financière vis-à-vis de la chaîne de garanties du système TIR; le risque final était supporté par l'assureur national de la clause 31/32. G______ n'avait donc pas besoin de constituer des réserves pour couvrir des éventuels litiges; elle aurait également eu du mal à justifier les revenus colossaux engendrés par les couches d'assurances successives, lesquels s'ajoutaient aux "sommes énormes" obtenues de la vente des carnets TIR. Pour lui, C______ était "le marionnettiste" de B______ et D______, avec comme objectif de s'approprier la fortune de l'organisation.

m.l. AA_____, membre de la présidence de G______ de 2007 à 2015:

Il avait été exclu de son poste en raison d'un courriel adressé aux membres de G______, à la suite de la dénonciation de H______, dans lequel il avait affirmé notamment n'avoir jamais été informé d'un remboursement aux associations nationales et que, bien que signataire du contrat d'assurance avec N______, celui-ci ne faisait nullement mention d'une participation à l'excédent. Il a ensuite admis que sa signature figurait sur l'avenant audit contrat, prévoyant une telle participation.

n. Après un premier avis de prochaine clôture du 30 juin 2021 – auquel s'est opposée G______ –, le Ministère public a informé cette dernière, le 11 décembre 2022, de son intention de poursuivre l'instruction des faits qui portaient sur la surfacturation des primes d'assurance payées.

o. Par courrier du 30 mai 2023, H______ a informé le Ministère public du retrait de sa dénonciation.

Invité à fournir des explications, il a transmis copie d'un courrier adressé à G______, dans lequel il déclare, en substance, avoir pris connaissance des rapports d'audits et constaté, à leur lumière, que ses soupçons ne s'étaient pas confirmés.

p. Le 13 juillet 2024, le Ministère public a rendu un nouvel avis de prochaine clôture, avisant les parties qu'il envisageait de classer la procédure.

q. A______ a sollicité l'audition de B______, C______, Z______, D______, E______, F______ et AB_____, la perquisition informatique de documents de 2013 et 2017, l'obtention de différents rapports ainsi que la production de l'accord passé par H______ avec G______.

Elle a également versé au dossier le procès-verbal d'audition de H______ dans le cadre de la procédure prud'homale l'opposant à G______. À teneur de ses déclarations, il avait conclu un accord avec cette dernière, mettant un terme à toutes les procédures. Il était lié par une clause de non-dénigrement et par une obligation de retirer sa dénonciation.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public ordonne le classement de la procédure au motif qu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'était établi (art. 319 al. 1 let. a CPP) et rejette les réquisitions de preuve de la plaignante.

S'agissant des faits reprochés par A______ à G______, le Ministère public retient que les éléments au dossier ne permettaient pas de retenir l'existence de soupçon suffisant de la commission d'abus du pouvoir de représentation ou d'escroquerie. En effet, la documentation au dossier, les versions contradictoires quant à la connaissance des informations transmises ou connues, le contexte litigieux dans lequel avaient été dénoncés les faits objets de la cause ne permettaient pas de conclure à la commission d'une infraction pénale. Il apparaissait ainsi notamment que A______ était déjà membre de G______ au moment de la mise en place du système TIR tel que décrié, que son représentant avait admis avoir eu connaissance des différentes structures de G______ alors qu'il en assurait la présidence en 2004, que les représentants de G______ avaient eu accès à l'ensemble de la documentation utile, respectivement approuvé les comptes lors des différentes assemblées générales et que la plaignante avait elle-même perçu, entre 1995 et 2015, une participation aux excédents, découlant de la clause 31/32, de plus de CHF 1 million plus CHF 17 millions à titre de mesures incitatives. Par ailleurs, l'ensemble des associations membres, à l'exclusion de A______, avaient reçu un montant global de CHF 30 millions au prorata des paiements que leurs assureurs nationaux avaient effectués pour se réassurer auprès de K______.

Si l'on pouvait s'étonner de la stratégie choisie, soit de la mise en place par les assureurs d'un système de couvertures d'assurance qui pouvait apparaître redondant et permettait d'engranger des montants astronomiques au fil du temps pour pallier un risque qui ne s'était jamais réalisé et ce, à la satisfaction de tous pendant des décennies, il n'en demeurait pas moins qu'il n'existait aucun soupçon de l'existence d'une infraction pénale et que le litige revêtait, "pour le moins pour partie", un caractère exclusivement civil. Dans cette mesure, la question de la qualité de gérants des différentes personnes visées était laissée ouverte.

Les réquisitions de preuve formulées par la plaignante devaient pour le surplus être rejetées, les faits dénoncés ne revêtant pas de caractère pénal. En tout état, les personnes dont l'audition était sollicitée avaient déjà été entendues, certaines à deux reprises, les perquisitions informatiques n'apparaissaient pas pertinentes à ce stade de la procédure, ni la production de documentation, réclamée pour partie sans succès, ou la production de l'accord signé par H______, dès lors qu'il s'était déjà exprimé à ce sujet et que la plaignante avait eu l'occasion de l'interroger dans le cadre de la procédure civile.

D. a. Dans son acte de recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir classé la procédure et rejeté ses réquisitions de preuve.

À titre liminaire, elle relève que dans la mesure où le Ministère public avait émis des doutes dans le cadre de la procédure, il lui appartenait de poursuivre l'instruction et saisir le juge du fond conformément au principe "in dubio pro duriore". En outre, l'ordonnance entreprise ne procédait à aucune analyse juridique des infractions dénoncées, mais reposait, en partie, sur le principe de subsidiarité du droit pénal et/ou sur des motifs d'opportunité – ce qui était inadmissible, principalement en raison de la gravité des faits dénoncés et de leur nature criminelle. De surcroît, la motivation de l'autorité intimée manquait de clarté s'agissant notamment de savoir quelle partie du litige revêtirait un caractère exclusivement civil, ce qui portait atteinte à son droit d'être entendue.

Quoi qu'il en soit, en sus des points énoncés supra, la décision entreprise devait être annulée pour les motifs qui suivent.

G______ et les assureurs [de] L______ – via des courtiers – avaient à dessein surévalué le montant des primes d'assurance 31/32 à payer par les associations nationales TIR et convenu, à leur insu, de rétrocessions très importantes. Les dirigeants de G______ avaient agi comme représentants desdites associations en sélectionnant, négociant et imposant les polices d'assurance que celles-ci devaient contracter. En surfacturant des primes d'assurance aux associations membres et en leur dissimulant la restitution d'une partie, les représentants de G______ s'étaient rendus coupable d'abus du pouvoir de représentation, ainsi que d'escroquerie. Elle avait été trompée non seulement sur le montant que les assureurs exigeaient pour assurer le risque, mais également sur le fait qu'ils consentaient une rétrocession à G______. Elle avait au demeurant accepté le paiement de primes surfaites dans un contexte particulier – le régime TIR présentant les caractéristiques d'un monopole –, et s'était trouvée appauvrie du montant des rétrocessions litigieuses.

Un autre système de commissionnement mis en place par G______ avait lesté la police d'assurance globale. Cette dernière avait pour but, tout comme l'assurance 31/32, d'assurer les associations membres et non G______ qui n'assumait aucune responsabilité vis-à-vis de la chaîne de garantie TIR. La prime d'assurance globale était incluse dans le prix des carnets TIR, vendus par G______ aux associations membres, lequel était approuvé par l'assemblée générale. Les associations membres n'avaient toutefois pas eu connaissance de l'existence d'un avenant, lequel prévoyait le remboursement d'une partie de la prime à G______. Elle avait ainsi accepté de s'acquitter du prix des carnets TIR tout en ignorant le coût réel de la couverture d'assurance et avait subi un dommage qui consistait en la surfacturation du prix des carnets TIR. G______ agissait, là encore, toujours par ses organes, comme un représentant et/ou un gérant des associations membres, dans la négociation du prix des primes relatives à la couverture du risque dont ces associations étaient seules responsables.

Le Ministère public n'avait examiné ni les systèmes de commissionnements occultes dénoncés ni l'existence d'une infraction (gestion déloyale, abus de pouvoir de représentation, escroquerie et/ou blanchiment d'argent). En outre, elle ignorait à quelle documentation le Ministère public faisait référence dans la décision entreprise, de sorte qu'elle ne pouvait pas se déterminer sur ce point. Ensuite, et même s'il fallait admettre l'existence de versions contradictoires s'agissant des informations connues des associations, devait s'ensuivre un renvoi en jugement et non un classement. Si la plainte s'inscrivait dans un contexte litigieux – à savoir la découverte des faits dénoncés –, tel était le propre de toute plainte pénale. Ce n'était pas le système TIR qui était remis en cause, mais le fait que les deux couches d'assurances se soient vues lestées de rétrocommissions/commissions occultes, cachées à ses membres. Dans la mesure où la compétence de mettre en place un tel système n'incombait pas à l'assemblée générale de G______, il était sans pertinence qu'elle-même en ait été membre. Le fait que son représentant ait eu connaissance des structures de G______ n'était pas non plus relevant, précisément parce que les commissions litigieuses avaient été dissimulées et que, même en siégeant à la présidence de G______, il n'avait eu aucun moyen de connaître les créances de G______ à l'égard des assureurs concernés. En outre, la compétence d'approuver les comptes lors des assemblées générales n'incombait pas à la présidence. Le fait qu'elle avait pu, elle-même, percevoir un montant au titre de participation aux excédents était sans pertinence, l'existence de clauses de participation aux excédents entièrement transparentes et connues de tous n'ôtant pas le caractère potentiellement criminel de celles voulues occultes. Il appartenait précisément au Ministère public d'examiner si les clauses dénoncées étaient contraires au droit. Enfin, l'enveloppe de CHF 30 millions proposée par G______ aux associations membres se situait, en tout état, bien en-deçà du montant total des commissions perçues indûment par G______ à l'insu de ces dernières.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

c. A______ a adressé, le 16 septembre 2024, un courrier à la Chambre de céans pour se déterminer "spontanément" sur une correspondance de G______ au Ministère public du 28 mars précédent.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP). Il concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. Reste à examiner si la recourante dispose de la qualité pour agir.

1.2.1. Seule la personne qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée dispose de la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP).

1.2.2. Le recourant est tenu d'établir (cf. art. 385 CPP) l'existence d'un tel intérêt, en particulier lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2020 du 3 décembre 2020 consid. 2.1).

1.2.3.  L'art. 104 al. 1 let. b CPP précise que la qualité de partie est reconnue à la partie plaignante. On entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 141 IV 454 consid. 2.3.1; 141 IV 1 consid. 3.1). Lorsque la norme protège un bien juridique individuel, la qualité de lésé appartient au titulaire de ce bien (ATF 141 IV 1 consid. 3.1; 138 IV 258 consid. 2.3; 129 IV 95 consid. 3.1).

1.2.4. Pour être directement touché, le lésé doit subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les dommages par ricochet (arrêts du Tribunal fédéral 7B_11/2023 du 27 septembre 2023 consid. 3.2.1; 6B_191/2021 du 11 août 2021 consid. 3.1). Ainsi, une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2020 du 3 décembre 2020 consid. 2.1).

1.3. En l'espèce, la recourante allègue avoir été lésée dans son patrimoine, par la réalisation des infractions d'escroquerie et d'abus du pouvoir de représentation. En substance, elle estime que les schémas d'assurance appliqués – et prétendument dissimulés – par les prévenus auraient eu pour conséquence de l'obliger à s'acquitter, depuis 1995 de primes d'assurance (pour l'assurance 31/32) surfaites et d'un prix (pour l'acquisition des carnets TIR) grossi en raison de la répercussion sur celui-ci des primes d'assurance globale surévaluées.

Dans son arrêt du 29 novembre 2017, la Chambre de céans a retenu que la recourante n'était pas lésée directement par les faits qu'elle dénonçait sous l'angle de l'infraction de gestion déloyale. Le prix des carnets TIR et les assurances liées au système était, a priori, refacturés aux transporteurs nationaux. Ces derniers, comme l'a d'ailleurs également souligné le TPI, étaient payeurs finaux de ce schéma de double – voire de triple – assurance et subissaient donc, seuls, un préjudice en cas de surfacturation du prix des carnets et des primes d'assurances.

L'arrêt du Tribunal fédéral ultérieur n'a pas remis en cause ce raisonnement, laissant uniquement ouverte la possibilité d'un dommage subi par la recourante sous l'angle des infractions d'escroquerie et d'abus du pouvoir de représentation.

Or, si la recourante s'emploie à nouveau à critiquer le système d'assurances appliqué par G______, elle n'a toujours pas démontré, malgré l'instruction et la prise de conclusions civiles, en quoi elle serait directement lésée par les primes et prix prétendument surévalués, compte tenu de leur refacturation vraisemblable (en tous cas, elle ne l'a jamais contesté) aux entreprises nationales de transports. Pire, selon le jugement du TPI du 8 décembre 2014, elle aurait même tiré avantage de ce système redondant de primes d'assurances, lequel aurait généré de substantiels profits pour l'ensemble des intervenants concernés, à l'exclusion des transporteurs routiers.

Par ailleurs, elle n'établit pas que les associations membres dont elle faisait partie pouvaient prétendre au versement d'une part sur la participation aux bénéfices résultant de l'assurance globale contractée par G______.

En définitive, il convient de confirmer derechef que la recourante n'est pas lésée directement par les faits visés par sa plainte.

Partant, le recours est irrecevable.

1.4. Il l'est également s'agissant de l'écriture "spontanée" du 16 septembre 2024.

Adressé à la Chambre de céans hors de tout échange d'écritures ordonnée, et, de surcroît, pour répondre à un courrier du Ministère public antérieur à l'ordonnance querellée, cet acte s'apparente à un complément du recours, ce qui ne se peut (art. 385 al. 2 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1447/2022 du 13 mars 2023 consid. 1.1; 6B_191/2021 du 11 août 2021 consid. 2).

2.             Fût-il néanmoins recevable que le recours devrait être rejeté.

3.             La recourante semble faire grief au Ministère public d'avoir insuffisamment motivé son ordonnance, en particulier sur l'aspect civil du litige.

3.1. L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.; cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.4; 146 II 335 consid. 5.1), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1127/2023 du 10 juin 2024 consid. 1.1). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).

3.2. En l'occurrence, le Ministère public traite, dans son ordonnance, de l'ensemble des faits reprochés à G______ – soit pour elle ses dirigeants –, y compris les autres volets initialement dénoncés par H______ et pour lesquels la recourante ne saurait se voir reconnaître la qualité de lésée (cf. B. g. supra).

Plusieurs paragraphes sont ensuite consacrés spécifiquement aux faits reprochés par la recourante à la gouvernance de G______. Si le Ministère public conclut ses développements à ce propos en estimant que lesdits faits revêtent, en partie, un caractère exclusivement civil, lesdits développements tendent aussi à démontrer l'absence de soupçon quant à la réalisation des infractions d'abus du pouvoir de représentation et d'escroquerie. C'est d'ailleurs dans ce cadre que l'autorité intimée retient, par exemple, que les représentants de la recourante auraient été informés des structures supposément occultes et qu'ils avaient approuvé les comptes annuels.

Cette motivation a permis à la recourante de contester l'ordonnance entreprise, ce qui démontre qu'elle en a parfaitement compris les tenants et les aboutissants.

Le grief sera donc rejeté.

4.             La recourante conteste le classement de sa plainte, des chefs d'infractions d'escroquerie (art. 146 CP) et d'abus du pouvoir de représentation (art. 158 ch. 2 CP).

4.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "in dubio pro duriore", qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Ce principe vaut également pour l'autorité judiciaire chargée de l'examen d'une décision de classement. Il signifie qu'en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_116/2019 du 11 mars 2019 consid. 2.1).

4.2. Le ministère public classe également la cause lorsque des empêchements de procéder sont apparus (art. 319 al. 1 let. d CPP), tels que la prescription de l’action pénale (ATF 146 IV 68 consid. 2.1).

4.3. Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

4.3.1. La tromperie peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur. Pour qu'il y ait tromperie par affirmations fallacieuses, il faut que l'auteur ait affirmé un fait dont il connaissait la fausseté (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.2).

Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2).

4.3.2. L'escroquerie, jusqu'au 1er octobre 2002, se prescrivait par dix ans (art. 70 al. 3 cum art. 146 aCP), puis par quinze ans (art. 70 al. 3 CP [jusqu'au 1er janvier 2007] et art. 97 al. 1 let. b cum art. 146 CP).

La prescription court dès le jour où l’auteur a exercé son activité coupable (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 131 ad art. 146).

4.4. L'art. 158 ch. 2 CP réprime le comportement de quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, abuse du pouvoir de représentation que lui confère la loi, un mandat officiel ou un acte juridique et porte ainsi atteinte aux intérêts pécuniaires du représenté.  

4.4.1. Cette infraction suppose la réunion de quatre éléments, à savoir un pouvoir de représentation, l'abus du pouvoir, un dommage et l'intention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_843/2022 du 2 août 2023 consid. 4.1). Le comportement délictueux consiste à abuser du pouvoir de représentation, c'est-à-dire à l'employer sur le plan externe, dans un rapport avec autrui, mais en violation des règles internes fixant les limites et les buts du pouvoir conféré (arrêt du Tribunal fédéral 6B_164/2010 du 1 er juin 2010 consid. 2.1.2 et les références citées).  

4.4.2. Le délai de prescription de l'action pénale pour cette infraction est le même que pour l'escroquerie, soit dix ans jusqu'au 1er octobre 2002, puis quinze ans (art. 70 al. 3 cum art. 158 aCP; art. 97 al. 1 let. b CP cum art. 158 CP). Le départ du délai de prescription dépend des circonstances de l’espèce; il est déterminé par la notion jurisprudentielle d’unité juridique ou naturelle d’action, laquelle doit être appliquée de manière restrictive (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 115 ad art. 158).

4.5. En l'espèce, à titre liminaire, le Ministère public pouvait sans autre prononcer un classement, même s'il avait auparavant annoncé son intention de poursuivre l'instruction. La recourante ne saurait ainsi tirer argument du fait que l'instance précédente a, une première fois, décidé de revenir sur un avis de prochaine clôture, celui-ci n'ayant qu'une valeur déclarative (ACPR/236/2024 du 9 avril 2024 consid. 3.3).

Ni le Ministère public ni la recourante ne consacrent de lignes à la question de la prescription de l'action pénale. Pourtant, sous l'angle des deux infractions dénoncées, tous les faits antérieurs à 2009, à supposer qu'ils soient pénalement répréhensibles, sont prescrits, ou pourraient l'être au regard de l'abus du pouvoir de représentation compte tenu du dies a quo. Cet empêchement de procéder définitif commanderait ainsi leur classement.

De toute manière, et quelle que soit la période pénale concernée – qui s'étend de 1995 à 2015 – et indépendamment du dies a quo du délai de prescription, le dossier ne permet pas de retenir que les éléments constitutifs des infractions d'escroquerie et d'abus du pouvoir de représentation seraient réunis.

En effet, il n'est pas contesté que G______ a mis en place et appliqué, depuis 1995 et jusqu'en 2015, les structures d'assurances telles que dénoncées par H______ et par la recourante ensuite. L'organisme percevait des commissions par le biais des assurances 31/32, souscrites par les associations nationales membres, et obtenait des assureurs globaux successifs une participation aux bénéfices. Les montants concernés avoisinent une centaine de millions de francs, dont une partie substantielle a transité par des entités parfois domiciliées à l'étranger, mais liées à G______. À teneur des documents versés au dossier et des déclarations recueillies, cette structure de double – voire de triple – assurance matérialisait un souhait des assureurs notamment, tandis que les commissions perçues rétribuaient la part de gestion du système TIR, notamment les risques, effectuée par G______.

Il ne peut être exclu que cette dernière ait, en partie, dissimulé aux associations membres le détail de cette structure et les flux financiers en découlant. B______ et C______ ont tous les deux affirmé, selon le rapport d'audit du 3 novembre 2016, que le schéma relatif aux assurances 31/32 n'avait pas été communiqué aux associations membres. Il sied néanmoins de souligner que, à teneur de ce même rapport – dont rien ne permet de douter de la probité –, les clauses de participation aux bénéfices pour l'assurance globale étaient initialement incluses dans les polices d'assurances conclues en 1994 et 1998, avant d'être stipulées dans des addendas. Les représentants de la recourante ont également admis qu'en 2004, G______ avait tenu une présentation – certes décrites comme insuffisante – sur les structures de l'organisation. De surcroît, lorsque les premières interrogations ont émergé au sein de G______, presque vingt ans après la mise en place du système, des réponses y ont été apportées lors des assemblées générales et des auditeurs ont été mandatés pour faire la lumière sur les allégations de malversations, bien que la Convention à l'origine du régime TIR ne semble pas imposer à G______ une obligation univoque d'information.

Par ailleurs, les flux financiers résultant de ces commissions et participation aux bénéfices ont tous pu être identifiés, et même audités, par S______, qui a confirmé leur conformité avec les contrats en vigueur. Si la recourante reproche à G______ le caractère occulte des schémas litigieux, elle ne démontre pas – ni même, in fine, n'allègue – que les sommes rétrocédées à G______ auraient profité à ses dirigeants à titre personnel ou à un quelconque tiers externe. Comme mentionné, tel ne ressort pas du rapport d'audit du 6 décembre 2016, malgré que les montants en question aient pu transité par différentes entités.

En particulier, il n'apparait pas que les dirigeants de G______ mis en cause par la recourante, qui n'ont même pas participé à l'élaboration du système décrié, auraient usé d'astuce pour tromper les associations membres nationales. Si le schéma d'assurances mis en place semble effectivement avoir été, en partie, inconnu des associations membres avant 2015, rien ne permet d'établir qu'il aurait délibérément été dissimulé avant cette date. De même, il n'est pas établi que les concernés auraient agi dans un dessein d'enrichissement illégitime. Les flux financiers sont manifestement restés dans la sphère d'influence de G______ et il n'est pas établi, comme précédemment relevé, que cette dernière avait une obligation de restituer des commissions ou participations aux bénéfices aux associations membres.

D'ailleurs, dans l'échange de courriels du 8 septembre 2015 entre les dirigeants de G______, il a été spécifié que le montant des commissions versées ne serait pas restitué aux associations membres mais affecté à l'innovation et à l'expansion de G______.

Tout au plus, la question de savoir si G______ devait à ses membres une transparence sur les structures d'assurances en place et les flux financiers, ainsi qu'un éventuel remboursement d'une part, ou de l'intégralité, des montants perçus au travers de ces schémas, relève du droit civil.

Il en résulte que les réquisitions de preuve de la recourante pouvaient être rejetées par le Ministère public. Aucune n'apparaît en mesure de renverser ce qui précède, surtout pour les demandes d'audition de personnes déjà entendues, certaines à deux reprises.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée, le cas échéant, par substitution de motifs. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être d'emblée traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 2'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6605/2016

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

2'415.00

Total

CHF

2'500.00