Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/836/2024 du 11.11.2024 ( PSPECI ) , IRRECEVABLE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PS/81/2024 ACPR/836/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 11 novembre 2024 |
Entre
A______, domicilié ______, agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de refus de restitution de délai rendue le 19 septembre 2024 par le Service des contraventions,
et
LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, domiciliée chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,
LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 2 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 septembre 2024, notifiée le surlendemain - à teneur du suivi des envois recommandés de la poste -, par laquelle le Service des contraventions (ci-après, SdC) a refusé de restituer le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 1er mars 2024.
Le recourant recourt contre ladite ordonnance et demande à être "relevé de toute mesure pénale".
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Par ordonnance pénale du 1er mars 2024, le SdC a condamné A______ à une amende pour infraction à l'art. 90 LCR, en lien avec un accident de la circulation survenu le lundi 28 août 2023.
b. Selon le suivi des envois recommandés de la poste, le pli contenant l'ordonnance pénale a été expédié le 1er mars 2024 à A______, qui a été avisé pour retrait le 4 mars 2024. Le pli, non réclamé, a été retourné à l'expéditeur le 12 mars 2024.
c. Le 20 mars 2024, A______ a sollicité du SDC une copie de l'ordonnance pénale du 1er mars 2024, produisant, à l'appui de sa demande, une copie d'un certificat d'arrêt attestant d'une incapacité totale de travail entre le 11 et le 22 mars 2024.
d. Une copie de l'ordonnance pénale a été communiquée le 5 avril 2024 par courriel à A______ avec la mention "ce courriel ne vaut pas notification, cette dernière étant survenue lors de notre premier envoi".
e. Par lettre jointe à un courriel du 16 avril 2024, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale, contestant sa culpabilité, tout en sollicitant une restitution du délai pour former opposition. Il avait été empêché d'agir plus tôt dans la mesure où il s'était trouvé en arrêt maladie en raison d'un problème somatique aigu et des réactions psychiques liées au décès de sa fille, survenu le ______ octobre 2023. Le décès de son fils, intervenu dans des situations analogues le ______ ou le ______ mars 2024, ne l'avait pas aidé à se "ressaisir".
f. Par ordonnance du 3 mai 2024, le SdC a transmis la procédure au Tribunal de police et conclu à l'irrecevabilité de l'opposition.
g. Le 13 juin 2024, le Tribunal de police a invité A______ à se déterminer sur l'apparente irrecevabilité de son opposition.
h. Par lettre datée du 25 juin 2024, reçue le lendemain au Tribunal de police, A______ a expliqué ne pas avoir pu agir dans le délai légal de dix jours en raison de problèmes somatiques chroniques dont il souffrait suite à un traumatisme crânien survenu le 8 juin 2018, suivi d'un double déficit vestibulaire en date des 11 et 13 mars 2019. Il avait également subi une attaque de monoarthrite cristalline extrêmement douloureuse à l'épaule droite début janvier 2024. Il évoquait également les décès de ses deux enfants, survenus les ______ octobre 2023 et ______ mars 2024, situation d'autant plus pénible à vivre que les HUG refusaient de lui remettre des certificats de décès à leurs noms.
À l'appui, il a produit divers certificats médicaux attestant d'une incapacité totale de travail pour cause de maladie pour la date du 5 février 2024, puis du 19 au 25 février 2024, du 11 au 22 mars 2024, du 28 avril 2024 au 3 mai 2024, et du 21 au 25 juin 2024. Il a également joint une ordonnance du 11 mars 2024 à teneur de laquelle des analgésiques/anti-inflammatoires (tizanidine, paracétamol, flectoparin tissugel) lui étaient prescrits.
i. Par ordonnance du 28 juin 2024, le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité de l'opposition à l'ordonnance pénale, cette dernière étant assimilée à un jugement entré en force, sous réserve d'une restitution de délai. A______ n'a pas formé recours contre cette décision.
C. Dans l'ordonnance querellée, le SdC a considéré que l'arrêt maladie invoqué par A______ n'était pas un motif justifiant le non-respect du délai d'opposition, ce dernier n'ayant pas été empêché de retirer le courrier recommandé, de former opposition ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai. Le SdC ne disposait d'aucun élément attestant du décès de sa fille, celle-ci n'apparaissant pas comme décédée dans les registres de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM). Le prétendu empêchement de procéder avait de toute façon cessé le 23 mars 2024. L'opposition, adressée par courriel le 16 avril 2024, ne respectait pas la forme prescrite. Quant au courrier d'opposition que A______ alléguait avoir transmis le 25 avril 2024, il n'était jamais parvenu au SdC, étant précisé que, même s'il l'avait été ce jour-là, l'opposition serait de toute façon intervenue au-delà du délai de 30 jours.
D. Dans son recours, A______ déclare recourir "contre l'ordonnance de refus de restitution de délai du 19 septembre 2024 dans le cadre de la procédure pénale n° 1______".
Il avait été perturbé par la perte de ses deux enfants à quelques mois d'intervalle et se trouvait en situation de profond désarroi au moment où l'ordonnance pénale lui avait été adressée. Il n'entendait pas commenter les mérites des arguments juridiques techniques présentés dans l'ordonnance de refus de restitution de délai, dans la mesure où il vivait une situation tout à fait extraordinaire que ladite ordonnance visait à banaliser. Il ne s'estimait pas responsable de l'accident du 28 août 2023.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2. Reste à examiner s'il l'a été dans le délai de dix jours prescrit par l'art. 396 al. 1 CPP.
1.2.1. Selon l'art. 90 al. 1 CPP, les délais fixés en jour commencent à courir le jour qui suit leur notification ou l'évènement qui les déclenche.
1.2.2. Conformément à l'art. 91 al. 2 CPP, les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse ou à une représentation consulaire ou diplomatique suisse.
1.2.3. En l'espèce, l'ordonnance querellée a été notifiée au plaignant, par pli recommandé, le 21 septembre 2024. Conformément aux principes sus-rappelés, le délai pour former recours a donc commencé à courir le lendemain pour arriver à échéance le mardi 1er octobre 2024 (art. 91 al. 2 et 396 al. 1 CPP). Expédié le 2 octobre 2024, le recours est tardif.
Pour ces raisons, le recours est irrecevable, ce que la Chambre de céans pouvait constater d'office, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
2. Le recours eût-il été recevable, qu'il aurait été rejeté pour les motifs qui suivent.
2.1. Selon l'art. 94 al. 1 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part.
La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3; 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1 et l'arrêt cité). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute (arrêt 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).
Par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP).
Il faut distinguer deux éventualités : si la partie tombe malade ou est victime d’un accident au début du délai, on doit exiger d'elle qu'elle désigne un représentant pour agir à sa place, à tout le moins si elle est en état de le faire. Si l’empêchement prend fin avant l’expiration du délai, la demande s’appréciera en fonction du laps de temps encore disponible. Ainsi, une hospitalisation prenant fin une semaine environ avant l'échéance du délai laisse suffisamment de temps à la partie pour confier à un mandataire la tâche de rédiger un mémoire, ou de déposer personnellement un acte de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_334/2007 du 8 octobre 2007 consid. 3). Si la maladie ou l’accident survient peu avant l'échéance du délai, la partie ne sera généralement pas en mesure d'agir personnellement ou de désigner un mandataire ; la restitution pourra être accordée (ATF 112 V 255 consid. 2a ; F. AUBRY GIRARDIN / J.-M. FRÉSARD / Pierre FERRARI / A. WURZBURGER / B. CORBOZ, op. cit., n. 8 ad art. 50 ; ACPR/255/2018 du 8 mai 2018).
La demande de restitution du délai doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la fin de l'empêchement allégué (art. 94 al. 2 CPP).
2.2. En l'espèce, l'ordonnance pénale, expédiée le 1er mars 2024, est réputée avoir été notifiée le 11 suivant, à l’échéance du délai de garde postal de sept jours. Le délai pour la contester arrivait donc à échéance le 21 mars 2024.
Le recourant soutient avoir été empêché de former opposition dans les délais, en raison de divers problèmes de santé dont il aurait souffert et du décès de ses deux enfants, à quelques mois d'intervalle, les ______ octobre 2023 et ______ mars 2024.
Selon les certificats médicaux produits, si le recourant s'est trouvé en incapacité totale de travail pour cause de maladie durant la période allant du 11 au 22 mars 2024, aucun document ne démontre qu'il l'aurait été durant celle l'ayant immédiatement précédée. Il n'est ainsi pas établi qu'il se soit trouvé dans l'impossibilité d'aller chercher le pli à l'office postal, entre le 4 et le 10 mars 2024.
Cette maladie n'ayant, à teneur des pièces produites, nécessité que la prise d'analgésiques et anti-inflammatoires, et la détresse alléguée par le recourant n'ayant nullement été démontrée – le décès de sa fille n'apparaissant pas dans les registres de l'OCPM –, le recourant ne rend pas vraisemblable s'être ensuite trouvé dans l'impossibilité de former opposition à l'ordonnance pénale fictivement notifiée le 11 mars 2024, malgré son incapacité de travailler durant cette période. L'opposition d'un prévenu n'a en effet pas à être motivée et peut consister en une simple lettre très succincte.
Le recourant ne rend pas non plus vraisemblable qu'il n'aurait pas pu, s'il lui était trop difficile d'écrire et envoyer une telle lettre, charger une personne d'agir à sa place entre les 11 et 21 mars 2024.
Ainsi, faute d'avoir été empêché, en raison d'un évènement l'ayant objectivement ou subjectivement mis dans l'impossibilité d'agir par lui-même ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, de former opposition à l'ordonnance pénale dans le délai légal, il ne saurait y avoir place pour une quelconque restitution.
Partant, ce grief est rejeté.
3. Au vu de ces considérations, il n'est point besoin d'examiner l'autre grief en lien avec un éventuel établissement incorrect des faits dans le cadre de l'ordonnance pénale, un tel grief étant de toute façon exorbitant au présent litige, peu importe l'issue réservée par la Chambre de céans à son recours sur la question de la restitution du délai.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare le recours irrecevable.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Service des contraventions.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.
Le greffier : Xavier VALDES TOP |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
PS/81/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 20.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 505.00 |
Total | CHF | 600.00 |