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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/19/2024

ACPR/282/2024 du 23.04.2024 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;RISQUE DE FUITE;RISQUE DE RÉCIDIVE;ALLÉGEMENT;RÉGIME DE LA DÉTENTION;SORTIE
Normes : CP.84; RASPCA.3; RASPCA.4

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/19/2024 ACPR/282/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 23 avril 2024

 

Entre

A______, actuellement détenue à B______, représentée par Me C______, avocat,

recourante,

 

contre la décision rendue le 2 février 2024 par le Service de l'application des peines et mesures,

 

et

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route des Acacias 78-82, 1227 Les Acacias - case postale 1629, 1211 Genève 26,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 14 février 2024, A______ recourt contre la décision du 2 février 2024, notifiée le 5 suivant, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, le SAPEM) a refusé de lui octroyer la conduite qu'elle avait sollicitée.

La recourante conclut, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire et à la nomination de son conseil pour la défense de ses intérêts dans le cadre de la présente procédure. Principalement, elle conclut à l'annulation de la décision querellée, cela fait, à l'octroi de la conduite sollicitée, sous suite de frais judiciaires et dépens, ces derniers étant chiffrés à CHF 1'513.40 TTC. Subsidiairement, elle conclut à l'octroi de la conduite sous les conditions suivantes : stabilité de quelques semaines ; absence de sanction dans le mois précédant la conduite ; comportement adapté dans le mois précédant la conduite.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, née le ______ 1987, de nationalité suisse et française, a été déclarée coupable, par jugement du Tribunal de police du 20 avril 2020, de lésions corporelles, voies de fait, tentative d'incendie, violence ou menace répétée contre les autorités ou les fonctionnaires, violation de domicile, vol mineur et injures. Le Tribunal a ordonné que la peine privative de liberté de dix mois, prononcée, soit suspendue et la condamnée soumise, déjà à titre anticipé, à un traitement institutionnel (art. 59 al. 1 CP).

En substance, il lui était reproché d'avoir agressé une dame âgée ; bouté le feu à l'autel d'une église ; agressé une agente de train, ainsi qu'une policière ; et pénétré dans un magasin en dépit d'une interdiction d'entrée, y dérobant des marchandises d'une valeur de quelque CHF 50.-.

b. Selon un rapport d'expertise psychiatrique du 16 décembre 2019, A______ souffre d'un trouble de la personnalité schizo-typique et émotionnellement labile, ainsi qu'un trouble schizo-affectif.

À teneur des faits retenus dans ce rapport, A______ n'avait aucune formation, jamais travaillé et vivait d'une rente invalidité. Elle avait connu de nombreuses hospitalisations successives pour des raisons psychiatriques, ce depuis l'âge de 18 ans. N'ayant pratiquement pas de cercle social et très peu de contacts avec sa famille, elle alternait entre des périodes d'errance dans différents pays d'Europe (Suisse, France, Pologne, Islande) avant de se faire arrêter – souvent dénudée et adoptant des comportements singuliers –, puis hospitaliser et recommencer. Son attitude était aussi marquée par le refus de tout traitement et de nombreuses fugues. Dès 2019, elle avait été incarcérée, puis à nouveau hospitalisée et mise en prison.

A______ était anosognosique et se plaçait en victime de la société de consommation et des autres humains, qu'elle percevait comme une menace et comme un facteur la privant de sa liberté.

Elle présentait un risque de récidive sévère tant contre les biens que contre les personnes.

Elle devait bénéficier d'un traitement pharmacologique, sous la forme d'un traitement anti-psychotique au long cours, d'une prise en charge psychothérapeutique et d'une réinsertion socio-professionnelle, et résider dans un lieu permettant la prise en charge médico-sociale et favorisant la réhabilitation et la réinsertion dans la société. Il était préconisé un traitement en milieu ouvert.

c. Par décision du 31 août 2020, confirmée sur recours (ACPR/655/2020), le SAPEM a ordonné le placement de A______ en milieu fermé, compte tenu du risque de fuite et de récidive.

Le Service des mesures institutionnelles des HUG (ci-après, SMI) avait relevé, après une hospitalisation de l'intéressée au sein de l'Unité D______, une agitation importante, une absence d'adhésion aux soins et une anosognosie. Un placement à B______ s'imposait dans un premier temps.

L'évaluation criminologique du Service de probation et d'insertion, telle qu'elle ressortait d'un rapport du 25 juin 2020, confirmait que les risques de récidive et de fuite seraient élevés si la mesure ordonnée s'exécutait en milieu ouvert.

Malgré son opposition, A______ a donc été placée à B______ le 2 juin 2020.

d. Selon le plan d'exécution de la mesure élaboré en novembre 2020 (ci-après, le PEM), A______ ne suivait aucune formation, travaillait au sein du service de nettoyage de son unité et avait pour projet, à sa libération, de vivre dans une yourte en Suisse ou en France en subsistant grâce au revenu de sa rente invalidité. Elle se soumettait au cadre, mais devait encore comprendre les bénéfices de la médication et l'accepter sur le long terme.

De manière générale, on attendait notamment d'elle qu'elle respecte le règlement de l'établissement – elle avait été sanctionnée à trois reprises car elle se dénudait dans les parties communes – et prenne la médication prescrite.

Le plan d'exécution prévoyait trois phases : un maintien en milieu fermé, en vue d'une stabilisation de l'état de A______, un régime de conduites et un passage en milieu ouvert. Les conduites devaient permettre à l'intéressée de tester ses réactions à l'extérieur de l'établissement. Les conditions en étaient le respect du programme et du cadre établi au préalable pour chaque conduite et l'établissement d'un lien suffisant avec les agents de détention.

e. Entre 2020 et 2022, A______ a alterné des périodes où elle s'est vue administrer une médication sous contrainte pour stabiliser son état psychique et d'autres où elle acceptait, puis refusait de prendre des médicaments.

Elle a été sanctionnée douze fois en 2021 par l'établissement.

Aucune conduite n'a eu lieu.

f. Lors d'une séance de réseau du 15 septembre 2022, il a notamment été relevé que le traitement médicamenteux de A______ avait été arrêté en juin 2022, seul un des médicaments en réserve étant mis à disposition et utilisé irrégulièrement. A______ tentait de gérer ses débordements par d'autres stratégies, mais avait compris que cela ne suffisait pas. Comme sa situation stagnait, l'octroi d'une conduite avait été retardé, car une stabilisation de son état psychique était nécessaire. Elle pourrait toutefois en bénéficier sans traitement, puisqu'elle arrivait à se gérer. Cet allégement était pour elle un objectif qui lui permettait de se contenir. Il s'agissait d'une récompense pour ses efforts : si elle en était privée, elle risquerait l'effondrement en raison d'une perte d'espoir. Du point de vue sécuritaire, un temps d'observation supplémentaire était nécessaire.

A______ se rendait régulièrement à la promenade, mais celle-ci s'avérait compliquée car elle ne supportait pas les autres détenus, s'énervait et criait. Elle ne travaillait plus et avait subi trois sanctions entre mars et mai 2022 pour insulte et / ou menaces envers le personnel.

Il lui était demandé de présenter deux mois de stabilité sans sanction avant d'envisager une conduite.

g. Selon un rapport médico-psychologique du SMI du 13 octobre 2022, A______ fournissait des efforts notables pour maintenir un comportement adapté, dans l'objectif de réaliser sa première conduite. L'arrêt de son traitement intervenu en juin 2022 avait provoqué une recrudescence de ses fluctuations thymiques et de son hypersensibilité aux stimulis environnants : elle parvenait à y répondre en s'isolant.

Le SMI recommandait l'organisation de conduites accompagnées par le personnel soignant afin de lui permettre de se confronter au monde extérieur et d'évaluer comment elle pouvait s'intégrer dans le cadre formel d'une conduite avant toute recherche de foyer.

h. Selon le rapport d'évaluation annuelle de la Direction de B______ du 9 mars 2023, A______ avait écopé de deux sanctions en décembre 2022 pour des menaces de mort envers les autres détenus et pour un comportement inadéquat, refus d'obtempérer et agression sur une agente de détention.

Même si les sanctions avaient diminué en nombre en 2022, par rapport à 2021, plusieurs comportements avaient été relevés en 2022, mais sans faire l'objet d'une sanction (août 2022 : comportement inadéquat et dénigrant ; septembre 2022 : menaces de mort envers une agente, propos dénigrant ; novembre 2022 : nue dans le couloir ; février 2023 : interception d'un colis et de courriers destinés à une personne externe), notamment car l'intéressée avait été évaluée comme décompensée à certaines de ces occasions.

De manière générale, elle supportait mal la vie communautaire, les aspects pénitentiaires de l'organisation de la journée et les règles sécuritaires.

La Direction de B______ proposait donc un passage en milieu ouvert sans que des conduites préalables soient accordées. Il était difficile de percevoir les efforts réalisés par l'intéressée en vue d'une conduite, allègement qui ne paraissait pas à même de l'aider à gérer ses frustrations. Un lieu de vie non carcéral, au vu de son comportement en détention, paraissait "peut-être" mieux adapté.

i. Le 16 mars 2023, une nouvelle séance de réseau s'est tenue durant laquelle il a été relevé que A______ n'avait pas repris de traitement avec régularité. Cependant, elle était consciente de ses débordements (agitation, cris, coups sur les murs) et faisait des efforts. Son comportement était toujours problématique en promenade : elle ne supportait pas les autres détenus et pouvait devenir méprisante et insultante. Elle réitérait ses comportements inadaptés (déshabillage dans les lieux communs, refus de regagner sa cellule et autres comportements erratiques, provocation, dénigrement, propos racistes). Elle accomplissait des remplacements pour le nettoyage et avait des échanges agréables avec certains agents, mais nécessitait une prise en charge lourde pour le personnel. Le SAPEM a constaté une impasse : il n'était pas envisageable de passer en milieu ouvert sans qu'aucune conduite n'ait lieu.

j. Dans son rapport du 21 mars 2023, le SMI a réitéré sa conclusion selon laquelle il faudrait organiser une conduite pour permettre à A______ de se confronter au monde extérieur, puis pour évaluer comment elle pouvait s'y intégrer.

k. Le 24 mai 2023, le SAPEM a ordonné une expertise psychiatrique de A______, notamment pour évaluer le risque de récidive, dire si le maintien de la mesure se justifiait, en particulier si une libération conditionnelle était envisageable et, cas échéant, si un constat d'échec devait être posé. Les experts étaient aussi invités à examiner si des ouvertures de cadre pouvaient être envisagées.

l. Par jugement du 5 juin 2023, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la poursuite du traitement institutionnel jusqu'au prochain contrôle annuel.

Il a, notamment, retenu une évolution globalement favorable de l'état psychique de l'intéressée et une diminution des sanctions. Cependant, demeuraient les comportements problématiques et inadéquats, l'absence de stabilité psychique et de lien de confiance avec le personnel soignant. L'absence de conduite, due à son comportement, empêchait la progression de la mesure et la préparation de la prochaine étape dans l'exécution de la mesure. Elle avait commencé un nouveau traitement (lithium) depuis trois semaines, mais le Tribunal n'était pas en mesure d'établir si la stabilisation de son état psychique était durable grâce à ce médicament. L'expertise devrait y répondre. Il existait toujours un risque de récidive. L'organisation d'une conduite paraissait nécessaire afin de lui permettre de se confronter au monde extérieur et de tester ses réactions.

C. a. Préalablement, par demande du 20 janvier 2023, A______ avait souhaité bénéficier d'une conduite, le 27 février suivant, pendant une durée de quatre heures et à destination de E______.

b. Le 4 mai 2023, le Service de probation et d'insertion a préavisé favorablement sa demande, étant donné qu'elle montrait un comportement adapté et respectueux.

c. Le 2 juin 2023, le SMI a noté que A______ était preneuse de soins, qu'elle venait à ses rendez-vous médicaux et participait aux activés thérapeutiques proposées dans l'unité. Elle avait accepté un traitement stabilisateur de l'humeur (lithium) depuis le 10 mai 2023 et était compliante. Elle montrait une amélioration et une stabilisation psychique sur le plan de l'humeur et son comportement était globalement plus adapté, même si elle montrait parfois de l'irritabilité, en nette diminution cependant. Il n'y avait pas de contre-indication médicale à la conduite. Le risque lié à celle-ci était de l'ordre de troubles du comportement et de non-respect du cadre ; le risque hétéro-agressif était faible. La conduite s'inscrirait dans la progression de la mesure. La présence d'un collaborateur médico-soignant apporterait une plus-value thérapeutique. Les modalités d'organisation devaient être coordonnées d'entente avec les différents partenaires.

d. La Direction de B______ a préavisé négativement cette conduite le 7 juin 2023, considérant que le comportement de A______ n'était pas en adéquation avec cet allégement, qu'elle devait souvent être recadrée dans son unité, qu'elle ne respectait pas les règles et avait peu de lien avec les agents de détention. Elle ne respectait pas les objectifs du plan d'exécution de la mesure : elle avait été sanctionnée pour la dernière fois le 27 avril 2023 pour un refus de réintégrer sa cellule lors d'une situation d'urgence. Il était nécessaire qu'elle se stabilise durant plusieurs mois et qu'une dynamique constructive s'installe.

D. a. Par décision du 29 juin 2023, le SAPEM a refusé d'octroyer à A______ la conduite sollicitée.

b. Dans le cadre du recours interjeté contre cette décision par A______, le SAPEM a transmis un rapport d'expertise psychiatrique du 14 septembre 2023 la concernant.

En résumé, les experts relataient des hospitalisations successives de A______, qui ne ressortaient pour le surplus pas du dossier, principalement pour des comportements auto-agressifs et en raison d'une décompensation psychotique. S'agissant de son état mental, elle présentait actuellement des idées délirantes à thématiques multiples, à savoir de persécution, de grandeur et mystiques. Son discours était désorganisé et difficilement compréhensible. Son comportement était lui aussi désorganisé : elle pouvait lors de certains épisodes présenter des agitations psychomotrices accompagnées d'agressivité verbale, ce qui la conduisait à recevoir des sanctions. Les experts ont évalué le risque de récidive "violente" comme élevé, sans toutefois apporter plus de précision sur le type d'infraction visé. À la question de savoir s'il était sérieusement à craindre que A______ commette de nouvelles infractions portant gravement atteinte à l'intégrité physique ou sexuelle d'autrui, les experts ont répondu : "[L]e risque de récidive est élevé. Un traitement neuroleptique pourrait diminuer les symptômes psychotiques et amoindrir ce risque." Selon les experts, aucune libération conditionnelle, ni règle de conduite ne pouvait être envisagée. Un placement "civil" ou un traitement ambulatoire ne serait pas suffisant, respectivement serait voué à l'échec. Les troubles du comportement et les difficultés relationnelles s'inscrivaient dans un contexte de trouble de la personnalité qu'il fallait soigner par une psychothérapie et non des médicaments. Il fallait néanmoins introduire un traitement neuroleptique pour diminuer le risque de récidive et stabiliser son état. Le maintien de la mesure institutionnelle en milieu fermé se justifiait, afin de mettre en place un traitement adéquat permettant de diminuer le risque de récidive et de permettre de réaliser des conduites. Une fois son état amélioré, des conduites pourraient être réalisées dans l'optique de passer en milieu ouvert. La mesure n'était donc pas vouée à l'échec. Selon les experts, aucune ouverture du cadre ne pouvait être envisagée tant que A______ n'était pas stabilisée. À la question de savoir si quatre années d'enfermement, y compris la détention antérieure à B______, avaient eu un effet positif ou délétère sur la santé de l'expertisée, les experts ont répondu : "Oui, ces quatre années ont permis à [A______] d'obtenir un cadre de vie, du soutien, ainsi que des soins rapprochés".

c. Le recours de A______ contre la décision de refus du SAPEM a été admis par arrêt du 18 octobre 2023 (ACPR/811/2023), la décision entreprise étant annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. En substance, il a été retenu que l'évolution de la mesure ordonnée était difficile à tracer, mais qu'une conduite était un préalable nécessaire à un passage ultérieur en milieu ouvert. La récente expertise était succincte sur la question de la faisabilité d'une sortie accompagnée. Cependant, les avis médicaux recueillis convergeaient sur l'absence de contre-indication à un tel allègement et sur son utilité. Un risque de récidive élevé avait été constaté par les experts et le comportement carcéral de l'intéressée n'était pas exempt de reproches : le lieu et les modalités de la conduite permettraient de le pallier. Quant au risque de fuite, son existence ne pouvait être niée au vu des antécédents de A______. Il pouvait toutefois être contré lui aussi par le choix du lieu et les modalités d'organisation de la conduite. L'imprévisibilité liée à ce risque, tant que la détenue n'aurait pas fait ses preuves à l'extérieur, ne pouvait conduire à refuser tout allégement ad aeternam. Ainsi, au vu de l'ensemble des circonstances particulières, il se justifiait d'octroyer la conduite demandée par la recourante.

E. a. Dans l'intervalle, le 14 septembre 2023, une nouvelle séance de réseau a eu lieu, pendant que A______ était hospitalisée, hospitalisation dont le SAPEM n'avait pas été informé. Le résumé de cette séance n'a été versé au dossier qu'après le prononcé de l'arrêt susmentionné.

Sous l'angle du suivi médical, il a été considéré que le traitement au lithium était dénué de sens : un traitement neuroleptique et antipsychotique devait être administré, éventuellement sous contrainte.

Il a été au surplus constaté que la perspective d'une conduite motivait la détenue à se contenir, mais le fait qu'elle n'ait pas lieu lui avait fait perdre la notion de récompense liée. Cela générait une détresse intense et une perte d'espoir. Le lien avec les tiers était fragile et instable : n'ayant aucun contact avec l'extérieur, elle se montrait la plupart du temps dénigrante et destructrice, voire méprisante et insultante. Elle ne participait pas à la vie de groupe et était la cause d'une prise en charge lourde pour le personnel. Elle avait très peu d'échange avec les agents de détention, mais entretenait un lien correct avec les soignants.

Les objectifs fixés étaient le maintien du placement, l'introduction d'un traitement antipsychotique et la remise de l'expertise psychiatrique.

Entendue, A______ a manifesté son refus du traitement et exprimé son désir de rester dans l'unité hospitalière, tout en tenant un discours partiellement incohérent.

b. Le 16 octobre 2023, un complément d'expertise psychiatrique a été rendu à la suite de questions posées par l'avocat de A______.

Notamment, les experts ont expliqué que l'évolution des troubles psychiques pouvait être rapide : il était donc possible de préaviser positivement, du point de vue médical, une conduite en juin, puis de considérer que l'expertisée était décompensée quelques semaines plus tard. La stabilité de A______ requise pour l'ouverture du cadre impliquait une certaine "qualité" de cette stabilité, à savoir une diminution forte de l'irritabilité, l'amendement des idées délirantes (de grandeur et mystique) et des probables hallucinations. Il faudrait quelques semaines de stabilité psychique pour une conduite, quelques mois pour un passage en milieu ouvert et davantage encore pour une libération conditionnelle de la mesure.

c. Par courriel du 28 octobre 2023, la Direction de B______ a exposé au SAPEM ne pas se considérer liée par une expertise dans son préavis pour une conduite : selon elle, la relation de confiance avec les agents primait et ne pouvait pas être appréciée par les experts. Les objectifs et les conditions retenues dans le PEM restaient d'actualité. Il fallait passer par une médication sous contrainte, avant d'envisager des conduites.

d. Plusieurs sanctions prononcées contre A______ qui ne figuraient pas précédemment au dossier y ont été versées, le 3 novembre 2023 notamment. Il s'agit des sanctions suivantes :

- 23 juin 2023 : Comportement inadéquat et insubordination et/ou incivilité à l'encontre du personnel, pour s'être dévêtue dans le fumoir et refuser d'obtempérer ;

- 25 juin 2023 : Comportement inadéquat pour s'être dénudée dans le fumoir ;

- 2 août 2023 : Comportement inadéquat et insubordination et/ou incivilité à l'encontre du personnel : A______ avait touché les clôtures délimitant les unités lors de la promenade, alors que les agents lui demandaient d'arrêter. Elle avait résisté lorsque la décision avait été prise de la remettre en cellule, de sorte que les agents l'avaient mise au sol avec une clé de bras, puis menottée.

- 16 octobre 2023 : Insubordination et/ou incivilité à l'encontre du personnel, soit des insultes et un refus d'obtempérer pour avoir refusé de rentrer de la promenade, dit à l'agent qui voulait la convaincre de revenir : "Abruti, arrête de parler connard", puis s'être dévêtue et couchée par terre.

- 20 octobre 2023 : Comportement inadéquat pour avoir exhibé sa poitrine en promenade ; l'évaluation psychique n'avait pas été possible en raison d'une urgence incendie.

- 3 novembre 2023 : Insubordination et/ou incivilité à l'encontre du personnel pour s'être agitée, nue, dans l'espace fumoir.

e. Le 30 novembre 2023, le SMI a rendu un nouveau rapport en soulignant liminairement que ses observations ne s'écartaient que peu de celles de mars 2023. Un traitement antipsychotique en dépôt sous contrainte permettrait une meilleure adhésion aux soins. En cas de stabilisation, un projet de transition vers le milieu ouvert pourrait alors être construit. "Devant les difficultés chroniques de la détenue-patiente à s'adapter aux contraintes associées à l'exécution de la mesure, la mise en place de conduites [paraissait] actuellement inutile d'un point de vue thérapeutique", bien qu'aucune contre-indication médicale n'existât.

f. Le 14 décembre 2023, la Direction de B______ a actualisé son préavis négatif relatif à l'octroi d'une conduite.

La Direction s'est fondée sur les sanctions susévoquées, ainsi que sur deux sanctions supplémentaires intervenues les 26 novembre (comportement inadapté, soit dénigrement d'une autre détenue en sa présence, et trouble à la tranquillité de l'établissement, soit des hurlements et des coups sur la porte de sa cellule) et 8 décembre 2023 (pour des insultes envers le personnel), sur l'attitude quotidienne observée en détention (dénigrement du travail des agents de détention et difficultés récurrentes à un niveau "infradisciplinaire") et sur l'absence de liens avec dits agents. Elle s'est aussi prononcée sur l'expertise psychiatrique et le rapport du SMI. L'absence de médication était problématique : la Direction de B______ avait préavisé positivement la poursuite du traitement sous contrainte en 2022 et déplorait que son avis n'ait pas été suivi. Le PEM n'était pas respecté et aucun effort n'était perceptible de la part de A______.

g. Par courriel du 3 janvier 2024 adressé à la Direction de B______ et au SMI, le SAPEM a rappelé les considérants de l'arrêt susmentionné (cf. consid. D.c. supra) et envisagé d'octroyer la conduite, sous réserve de l'écoulement de délai de deux mois sans sanction échéant le 8 février 2024.

h. Par courriel au SAPEM du 8 janvier 2024, la Direction de B______ a exposé être prête à organiser une conduite de A______. Elle a communiqué deux sanctions rendues les 23 décembre 2023 et 2 janvier 2024. Selon elle, il était important que le SAPEM ait une idée précise sur l'étape suivante. Il était difficilement tenable de faire plusieurs conduites, malgré son préavis négatif. Que la conduite se déroule bien ou pas, il fallait une conséquence rapide : soit un passage en milieu ouvert, soit la fin du séjour.

Les deux sanctions susmentionnées sont : le 23 décembre 2024, trouble à la tranquillité et insubordination et/ou incivilité à l'encontre du personnel pour tapage nocturne et insultes envers le personnel (A______ avait déclaré à un gardien "vous n'avez rien dans le cerveau", "vous êtes des cons" et "vous êtes des chiens", après qu'elle avait été menottée, palpée et mise en cellule) ; le 2 janvier 2024, insurbordination et/ou incivilité à l'encontre du personnel pour avoir refusé de se soumettre à une prise urinaire.

Quelques jours plus tard, la Direction de B______ a informé le SAPEM que A______ n'avait pratiquement pas d'interactions avec le personnel de l'établissement et se trouvait en rupture de soins. Une demande de médication sous contrainte était en préparation.

i. Par courriel du 16 janvier 2024, le SAPEM a écrit à la Direction de B______ pour souligner que la condition de deux mois sans sanction était illusoire, car les comportements transgressifs de A______ étaient directement liés à sa pathologie. "[A]ttendre un comportement irréprochable de sa part risquerait de paralyser totalement la situation". Il fallait donc déterminer une date propice à la conduite.

j. Par courriel du 17 janvier 2024, la Direction de B______ a prévu que la conduite aurait lieu dans le courant du mois suivant.

Le lendemain, la Direction de B______ a transmis au SAPEM deux sanctions des 14 et 18 janvier 2024, pour, respectivement, une infraction non déterminée, A______ s'étant dénudée dans le fumoir et ayant été considérée en décompensation aiguë, et insubordination et/ou incivilité à l'encontre du personnel, pour insulte envers un agent de détention (elle avait crié à l'agent qui allumait la lumière dans sa cellule : "Arrêtez d'allumer la lumière et laissez-moi en paix", puis, après l'injonction du gardien de se calmer, "Arrêtez de me faire chier, connard"). Lors des deux incidents, la détenue avait été fouillée à nu.

k. Le 23 janvier 2024, le SMI a rédigé une attestation médicale concernant A______. Celle-ci se trouvait en rupture de suivi depuis le mois décembre 2023 : elle ne se présentait pas aux entretiens, refusait le traitement proposé et n'était vue par le personnel médical que dans le contexte d'évaluations demandées par les agents de détention. L'entretien avait eu lieu dans sa cellule, alors qu'elle était prostrée dans son lit les yeux fermés, déclarant être dans un état spirituel particulier ne permettant pas qu'elle se mobilise. Aucun autre élément pathologique n'était décelable dans son discours. Elle se disait très motivée à effectuer sa première conduite et à prouver "à tout le monde" qu'elle pouvait en assurer un déroulement impeccable, afin d'avancer vers un passage en milieu ouvert. Pourtant, le SMI ne pouvait pas donner un avis favorable à la conduite, car son comportement était en totale contradiction avec ses propos, ce qui était récurrent chez elle. Le SMI considérait "cela comme une manifestation de son opposition consciente à toute démarche allant dans le sens d'une progression de sa situation".

l. Le 23 janvier 2024, le SPI a préavisé favorablement la conduite demandée. En entretien, A______ n'avait jamais abordé ce sujet, mais elle était adaptée et respectueuse. Il fallait lui permettre de se confronter au monde extérieur.

m Selon une demande d'autorisation de conduite de A______ du 26 septembre 2023, complétée le 26 janvier 2024 par la Direction de B______, celle-ci a maintenu son préavis négatif.

C. a. À teneur de la décision querellée, le SAPEM considère que A______ ne respecte pas les conditions posées par le PEM. Il se réfère aux nombreuses sanctions récentes, ainsi qu'aux avis médicaux recueillis, ces derniers soulignant l'absence de plus-value thérapeutique d'une conduite et la rupture dans le suivi médical. Le risque de récidive est analysé à l'aide de l'expertise psychiatrique du 14 septembre 2023 et par son complément du 16 octobre suivant, ainsi qu'en référence au refus de tout traitement de la part de l'intéressée et de son comportement en détention. Il est enfin fait référence à l'"incident" du 14 janvier 2024 lorsque cette dernière avait été évaluée en décompensation aiguë. Quant au risque de fuite, il est fondé sur l'absence d'interaction avec le personnel et la rupture de suivi existant depuis mi-décembre 2023. Les difficultés à obtempérer et à respecter les consignes des professionnels faisaient donc courir un risque concret de fuite et de récidive.

b. Le même 2 février 2024, le SAPEM a sollicité l'avis de la Commission d'évaluation de la dangerosité (CED) dans le cadre de la conduite.

D. a. Dans son recours, A______ allègue un nouveau complexe de faits en lien avec un colis qu'elle avait commandé à une pharmacie de la place (contenant un complément alimentaire bio et produit de beauté) et qui avait été retenu, volontairement, selon son avocat, par B______, ce afin de la "forcer à s'ouvrir".

En droit, elle fait grief au SAPEM de ne pas s'être conformé au précédent arrêt de la Chambre de céans, alors qu'aucun motif ni fait nouveau n'était donné. Les nouvelles sanctions prononcées contre elle n'étaient pas des "infractions graves au règlement", mais "plutôt une expression de son trouble". Par ailleurs, elle s'estimait victime de brimades de la part du personnel pénitentiaire, ce qui expliquait la perte de confiance avec l'établissement. Il était inexact de retenir que, médicalement, la conduite n'apporterait pas de plus-value, et que la situation avait évolué défavorablement. Il fallait distinguer le risque de réitération d'infractions pour lesquelles elle avait été placée à B______ du risque de commission d'infraction liées aux sanctions disciplinaires prononcées contre elle (essentiellement, de l'exhibitionnisme) qui pouvait être aisément pallié par des mesures appropriées. Enfin, la saisine de la CED paraissait disproportionnée pour une conduite de ce type. Un refus pur et simple de la conduite était lui aussi contraire au principe de la proportionnalité : des conditions préalables auraient pu être posées.

b. Le SAPEM, préalablement à ses observations, a communiqué le préavis de la CED, ainsi que le procès-verbal d'audition de A______ y relatif. Sa décision était fondée sur des éléments nouveaux postérieurs au précédent arrêt de la Chambre de céans, soit les préavis négatifs nouveaux et l'existence de sanctions disciplinaires nouvelles. La saisine de la CED était proportionnée aux particularités du cas.

Selon le préavis de la CED, l'octroi d'une conduite à A______ présentait un risque pour la collectivité sans être toutefois exclu, si elle se montrait compliante au suivi thérapeutique et si elle respectait le traitement médicamenteux "quel qu'il soit", ainsi que le cadre carcéral.

Le SAPEM a encore transmis une sanction du 2 mars 2024 pour insubordination et/ou incivilité de A______ à l'encontre du personnel et menaces et / ou atteintes à l'intégrité corporelle ou à l'honneur. En résumé, A______ avait crié et écouté la radio à des volumes trop élevés. Le gardien, après qu'elle avait baissé le son, l'avait menacée de lui couper l'électricité si elle recommençait. Elle lui avait alors tiré la langue. Le gardien lui avait rétorqué qu'une telle réponse n'était pas mature, ce à quoi elle avait répondu : "Tu vas voir si elle est mature la poire". Il avait été décidé de la "descendre en mesures conservatoires", de sorte qu'elle avait été menottée et fouillée. Elle avait alors adressé des "doigts d'honneur" aux gardiens.

c. Dans sa réplique, la recourante souligne que la CED rejoignait ses conclusions subsidiaires, soit admettre une conduite, à la condition d'un bon comportement de sa part pendant une certaine durée.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision rendue par le SAPEM dans une matière où ce service est compétent (art. 5 al. 2 let. d et al. 5, 40 al. 1 et 3 LaCP et 11 al. 1 let. e du règlement genevois sur l'exécution des peines et mesures; REPM) contre laquelle le recours auprès de la Chambre de céans est ouvert (art. 439 al. 1 CPP cum art. 42 al. 1 let. a LaCP) et émaner de la condamnée visée par la décision querellée.

1.2. La question de l'intérêt juridiquement protégé à recourir se pose dans les mêmes termes que lors du précédent recours : il peut donc être renvoyé sur ce point aux considérants de l'arrêt déjà rendu. L'intérêt à recourir sera donc admis.

1.3.1. L'art. 397 CPP autorise la juridiction de recours, après avoir annulé l'ordonnance attaquée devant elle, à retourner la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision (al. 2), le cas échéant en lui donnant des instructions (al. 3).

Les considérants et instructions figurant dans un arrêt de renvoi sont contraignants aussi bien pour le juge auquel l'affaire est retournée que pour l'autorité de recours qui en est l'auteure, lorsqu'elle doit se prononcer à nouveau sur la cause. Ni ledit juge, ni ladite autorité ne peuvent, dans leurs nouvelles décisions, se fonder sur des aspects expressément ou implicitement rejetés dans cet arrêt. Ils sont, en revanche, habilités à traiter de faits nouveaux (arrêts du Tribunal fédéral 6B_694/2016 du 22 mai 2017 consid. 8, paru in SJ 2018 I p. 95, et 6B_1500/2021 du 13 janvier 2023 consid. 12.4) ou de motifs non préalablement discutés (arrêts du Tribunal fédéral 6B_636/2017 du 1er septembre 2017 consid. 3.1 et 6B_29/2021 du 30 septembre 2021 consid. 1.3).

1.3.2. Etant donné que la cause a été retournée pour nouvelle décision par l'arrêt du 18 octobre 2023 enjoignant du SAPEM d'ordonner la conduite, l'autorité de l'arrêt de renvoi doit être prise en compte. Il sied donc d'examiner dans les considérants qui suivent si des éléments nouveaux, ne figurant pas dans le dossier soumis précédemment à la Chambre de céans, autorisaient le SAPEM à refuser à nouveau l'octroi de cet allégement de peine.

2. 2.1. Conformément à l'art. 84 al. 6 CP, des congés d'une longueur appropriée sont accordés au détenu pour lui permettre d'entretenir des relations avec le monde extérieur, de préparer sa libération ou pour des motifs particuliers, pour autant que son comportement pendant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et qu'il n'y ait pas lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette d'autres infractions.

L'octroi de tels congés constitue un allégement dans l'exécution de la peine, soit un adoucissement du régime de privation de liberté (art. 75a al. 2 CP).

Les conditions posées par l'art. 84 al. 6 CP s'interprètent à la lumière de celles posées à l'octroi de la libération conditionnelle. Il convient donc non seulement d'évaluer le risque de fuite présenté par le condamné, mais également d'émettre un pronostic sur son comportement pendant la brève durée du congé ; à cet égard, il n'est pas nécessaire qu'un pronostic favorable puisse être posé : un pronostic non défavorable est suffisant pour accorder le congé requis (ATF 133 IV 201 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1074/2009 du 28 janvier 2010). Ce pronostic doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, et, surtout, le degré de son éventuel amendement ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra, ou, s'agissant d'un congé, des conditions dans lesquelles celui-ci se déroulera
(ATF 133 IV 201 consid. 2.3).

2.2. Les allègements font partie intégrante des PES individuels (art. 75 al. 3 et art. 90 al. 2 CP) et servent a priori à atteindre l'objectif légal de l'exécution des peines, à savoir la future aptitude à vivre sans commettre d'infractions (art. 75 al. 1 CP). Le congé est un des moyens dont dispose l'autorité compétente pour permettre à la personne détenue d'entretenir des relations avec le monde extérieur et de préparer sa libération (art. 3 let. a 1ère phrase du Règlement concernant l'octroi d'autorisations de sortie aux personnes condamnées adultes et jeunes adultes, RASPCA ; E 4 55.15). La conduite est une sortie accompagnée, accordée en raison d'un motif particulier (art. 3 let. c RASPCA). Les autorisations de sortie servent notamment à entretenir des relations avec le monde extérieur et structurer l'exécution (art. 4 al. 1 let. a RASPCA), ainsi qu'à des fins thérapeutiques (par ex. l'accomplissement de tâches thérapeutiques, la vérification du travail thérapeutique, le maintien d'une motivation de base au travail thérapeutique; art. 4 al. 1 let. e RASPCA). En règle générale, les congés et les permissions ne sont pas accompagnés. L'autorité qui octroie l'autorisation peut ordonner que la personne détenue soit accompagnée, lorsque cela semble nécessaire afin d'assurer le déroulement normal de l'allègement dans l'exécution. À moins qu'il n'en soit expressément ordonné autrement, l'accompagnement est effectué par des collaborateurs de l'établissement d'exécution. Il incombe à la personne accompagnante de veiller au respect du programme de sortie ou de congé (art. 4 al. 2 RSPCA).

Pour obtenir une autorisation de sortie, respectivement un congé ou une permission, la personne détenue doit justifier, notamment, qu'elle a pris une part active aux objectifs de resocialisation prévus dans le PES, que cette demande est inscrite dans ledit plan (art. 10 al. 1 let. d RASPCA) et que son attitude au cours de la détention la rend digne de la confiance accrue qu'elle sollicite (let. e).

L'établissement d'exécution transmet avec préavis la demande auprès de l'autorité de placement. La demande contient les informations sur l'organisation concrète et sur les conditions-cadres de l'allégement prévu dans l'exécution. L'établissement d'exécution informe en outre du respect du plan d'exécution et de la collaboration de la personne détenue à la planification et à la mise en œuvre des objectifs de planification de l'exécution. L'établissement d'exécution préavise les conditions de l'octroi d'allégements dans l'exécution et détermine s'il est possible de remédier à d'éventuelles insuffisances par des conditions ou des mesures d'accompagnement (art. 17 al. 1 et 2 RASPCA).

2.3. En l'espèce, les constatations résultant du dernier arrêt de la Chambre de céans sur la durée de l'incarcération et la planification de celle-ci sont inchangées : la recourante est retenue à B______ depuis près de quatre ans et n'a jamais bénéficié d'un allègement de peine. Le PEM qui prévoit un régime de conduites avant le passage en milieu ouvert sert toujours de référence, même si la Direction de B______ continue à considérer que le passage en milieu ouvert sans étape préalable serait possible, voire même qu'une fin de la mesure doit être envisagée, quel que soit le déroulement d'une éventuelle conduite. Le SMI a changé de point de vue, ce qui constitue un fait nouveau devant être pris en compte, considérant désormais que la mise en place d'une conduite serait inutile d'un point de vue thérapeutique et semblant privilégier l'instauration d'une médication sous contrainte, souhaitée aussi par la Direction de B______.

Le complément d'expertise obtenu lui aussi postérieurement à l'arrêt de renvoi apporte des éclaircissements quant au positionnement des experts sur l'octroi d'une conduite, et plus particulièrement sur les conditions préalables à celles-ci. Il s'agissait d'obtenir une stabilité psychique de "qualité" de quelques semaines avec diminution de certaines manifestations de troubles psychiques. Il faut présumer que cette stabilité pourrait être obtenue, selon ces mêmes experts, par un traitement neuroleptique, vraisemblablement administré sous contrainte au vu des refus réitérés de la recourante de suivre un quelconque traitement sur le long terme. Cette conception rejoint celle du SAPEM selon lequel il était illusoire en l'état d'obtenir un comportement irréprochable de la recourante, même à court terme.

Médicalement, la recourante est considérée comme en rupture de suivi. Cette évolution rapide et défavorable, par rapport aux avis médicaux retenus dans le précédent arrêt, est explicitée par le complément d'expertise : les troubles dont souffre la recourante sont susceptibles d'une évolution radicale en quelques semaines. Il s'ensuit que ces faits, soit l'aggravation de l'instabilité psychique de la recourante, sont nouveaux et peuvent être pris en compte.

S'agissant ensuite de son comportement en détention, une dégradation est ici encore tangible : le nombre de sanctions pour des écarts disciplinaires a augmenté significativement depuis octobre 2023. Il est particulièrement inquiétant de noter, dans l'optique d'une conduite, que les réactions agressives ou violentes envers les agents de détention, ainsi que les refus d'obtempérer, se multiplient. Ici encore, ces éléments nouveaux peuvent et doivent être pris en compte.

Ces constatations corroborent la solution retenue par le SAPEM, à savoir que, médicalement, l'utilité d'une conduite s'est estompée et que les risques de réitération et de fuite se sont aggravés au vu des comportements erratiques, agressifs, voire violents de la recourante. Celle-ci n'a pas su ou pu saisir la chance qui lui était donnée de prouver sa capacité à se contenir sans médication et dont elle avait fait une preuve timide à certaines époques antérieures. L'autorité précédente a pourtant initialement montré sa volonté d'organiser la conduite, mais force est d'admettre que le comportement et l'aggravation de l'état de la recourante y ont fait échec. Il s'ensuit qu'en l'état une conduite ne saurait être octroyée, la condition d'une stabilité de quelques semaines, qui paraissait réalisée au moment du prononcé du précédent arrêt, ne l'étant plus aujourd'hui.

2.4. Demeure la question soulevée subsidiairement par la recourante de l'admissibilité d'un refus complet, sans que d'éventuelles conditions soient posées. Elle suggère ainsi que soit prévu l'octroi d'une conduite moyennant une stabilité de quelques semaines, l'absence de sanction dans le mois précédent et un comportement adapté pendant la même période.

Ce point de vue rejoint les avis exprimés explicitement par la CED et par les experts ayant évalué la recourante : après une stabilité de quelques semaines, il devrait être possible d'octroyer la conduite. Matériellement, la Direction de B______ montre une approche similaire, en ce qu'elle demande une amélioration tangible et durable du comportement de la recourante avant de donner un préavis favorable à la conduite.

Cela étant, la prétention posée par la recourante – soit obtenir une autorisation de conduite sous condition – ne peut être admise, même sous l'angle du principe de la proportionnalité. En effet, les conditions qu'elle préconise sont déjà prévues dans son PEM. Ces exigences ont été évoquées à de réitérées reprises depuis longtemps, y compris après le prononcé de l'arrêt précédent de la Chambre de céans. Si elle entendait démontrer une volonté concrète et réelle d'amender son attitude, elle aurait pu le faire antérieurement ; si elle a l'intention et la capacité réelles de le faire, elle peut le faire immédiatement. Dans les faits, au contraire, sa situation a connu une dégradation marquée, comme il vient d'être dit. Il est donc inutile d'ordonner à l'autorité précédente de poser des conditions à l'octroi d'une conduite, alors que celles-ci existent déjà et sont connues de la recourante.

2.5. Enfin, les faits allégués liés à la prétendue rétention de courrier ne sont pas de la compétence de la Chambre de céans, respectivement ne sont pas pertinents pour l'issue du présent litige.

2.6. Le recours sera donc rejeté.

3. La recourante sollicite l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

3.1. Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès ; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton du for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

3.2. En l'occurrence, l'indigence de la recourante, sans emploi et incarcérée depuis plusieurs années, est établie. Son recours, au vu de son contexte, n'était pas dépourvu de chance de succès, l'assistance d'un avocat paraissant nécessaire en raison de sa situation personnelle.

Ainsi, compte tenu de l'ampleur des écritures de recours et de réplique, ainsi que de la difficulté de la cause, il sera alloué à titre d'indemnité 4h00 au tarif horaire de CHF 200.-, soit CHF 800.-, plus TVA, soit un total de CHF 868.80 TTC, étant précisé que le forfait de 20% pour les courriers et téléphone ne se justifie pas en instance de recours (ACPR/762/2018 du 14 décembre 2018).

4. Bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, la recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4), qui comprennent un émolument de CHF 500.- pour tenir compte de sa situation financière (art. 13 al. 1 du Règlement fixant les tarifs des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 500.-.

Désigne Me C______ comme avocat d'office de A______ dans la présente procédure de recours et lui alloue, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 868.80 TTC (TVA à 8.1% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, au SAPEM et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/19/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

500.00

Total

CHF

585.00