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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14180/2012

ACPR/35/2023 du 17.01.2023 sur OCL/925/2022 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;PARTIE À LA PROCÉDURE;CESSION DE CRÉANCE(LP);INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;BLANCHIMENT D'ARGENT;SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);RESTITUTION(EN GÉNÉRAL);CONFISCATION(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.319; CPP.382; CPP.118; LP.260; CP.138; CP.158; CP.305bis; CPP.263; CP.70; CP.71

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14180/2012 ACPR/35/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 17 janvier 2023

Entre

A______, B______ et C______, domiciliés, pour les deux premiers, ______, USA et, pour le troisième, ______, USA, comparant par Mes Léonard STOYANOV et Maryam HASSAN, avocats, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3,

D______ LTD, représentée par son liquidateur, E______, domicilié ______, Îles Vierges britanniques, comparant par Me U______, avocat,

F______ LLC et G______ FOUNDATION, ayant leur siège, respectivement, à ______, Saint-Kitts-et-Navis ainsi qu’à ______, Panama, comparant par Me Alexander TROLLER, avocat, rue de la Mairie 35, 1207 Genève,

recourants et intimés,


contre l'ordonnance de classement rendue le 8 juillet 2022 par le Ministère public,

et

H______, domicilié ______, Inde, comparant par Me Alexander TROLLER, avocat, rue de la Mairie 35, 1207 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3

intimés.

 


EN FAIT :

A. a. Par ordonnance rendue le 8 juillet 2022, notifiée le 11 suivant, le Ministère public a, notamment :

·           classé la procédure P/14180/2012 dirigée, depuis avril 2016, contre H______ et son frère, I______, des chefs de faux dans les titres (art. 251 CP) et blanchiment d’argent (art. 305bis CP), procédure étendue, par la suite, au premier nommé, aux infractions d’abus de confiance (art. 138 CP) et gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP) consécutivement aux plaintes pénales déposées, d'une part, par A______, B______ ainsi que C______ et, d’autre part, par D______ LTD; chiffre 1 du dispositif);

·           ordonné la confiscation des actifs déposés sur les comptes aussi bien de F______ LLC (n° 1______) auprès de [la banque] J______ que de G______ FOUNDATION auprès de [la banque] K______ (n° 2______; ch. 2);

·           ordonné la levée des séquestres portant sur les relations nos 3______ et 4______ détenues par D______ LTD dans les livres de L______ (ch. 3).

b. Par actes expédiés, respectivement déposé, au greffe de la Chambre de céans le 21 juillet 2022, A______, B______ et C______, D______ LTD, F______ LLC ainsi que G______ FOUNDATION recourent contre cette décision.

b.a. Les trois premiers nommés concluent, sous suite de frais et équitable indemnité, à l’annulation de l’ordonnance entreprise, au renvoi en jugement de H______ ainsi qu’à la restitution, en leur faveur, de l’intégralité des actifs déposés sur les comptes de F______ LLC et de G______ FOUNDATION.

Ils ont versé les sûretés en CHF 3'000.- réclamées par la Direction de la procédure.

b.b. D______ LTD requiert, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 10'000.-, préalablement, l’octroi de l’effet suspensif à son recours, principalement, l’annulation du chiffre 2 du dispositif de la décision attaquée, les valeurs déposées sur les relations de F______ LLC et de G______ FOUNDATION devant lui être restituées, subsidiairement, l’annulation des chiffres 1 et 2 de ce même dispositif, H______ devant être renvoyé en jugement.

Par ordonnance du 22 juillet 2022 (OCPR/41/2022), la Direction de la procédure a rejeté la demande d’effet suspensif, respectivement a requis, et obtenu, de la société le paiement de sûretés (CHF 3'000.-).

b.c. Par actes séparés, F______ LLC et G______ FOUNDATION concluent, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 7'590.-, à l’annulation du chiffre 2 de l'ordonnance entreprise, chacune sollicitant la levée du séquestre ordonné sur son propre compte.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. H______, originaire d’Inde, a résidé aux États-Unis entre 2002 et mi-2013 à tout le moins.

b.a. Il était administrateur de plusieurs fonds de placements, parmi lesquels :

·           M______ LP, entité incorporée à N______ [États-Unis] dans le courant de l'année 2003, détentrice – aux dires du prénommé – de relations bancaires dans cet État;

·           D______ LTD, société offshore créée en 2005 aux îles Vierges britanniques, titulaire de deux comptes, à Genève, auprès de L______ (SUISSE) SA (ci-après : la banque L______);

O______ LTD – établissement incorporé dans ces mêmes îles, qui semble avoir assuré le suivi administratif de D______ LTD – disposait d’un droit de signature sur la première de ces relations (no 3______), composée de rubriques en dollars américains et en euros, et H______ sur la seconde (n° 4______).

Ces deux fonds étaient gérés par P______ LLC, personne morale ayant son siège au Q______ (USA) et un compte bancaire à N______, dont le directeur général était H______.

b.b.a. Ce dernier a, entre juillet 2007 et l’été 2008, ouvert trois relations à Genève (également composées de rubriques en dollars américains et en euros) dans les livres de J______ au nom des sociétés suivantes, incorporées à l’étranger (Îles Vierges britanniques, Panama ainsi que Saint-Christophe-et-Niévès) :

·           R______ LTD (n° 5______ clôturée en novembre 2011);

·           S______ LTD (n° 6______ clôturée en juin 2010);

·           F______ LLC (n° 1______).

À teneur des documents fournis/remplis par H______ lors de l’ouverture de ces comptes, incluant le formulaire A, le précité en était l’ayant droit économique et le seul signataire autorisé. Il gérait/était habilité à représenter ("power of attorney") lesdites sociétés.

b.b.b. Depuis octobre 2010, G______ FOUNDATION, entité de droit panaméen, détient, à Genève, une relation (n° 2______) auprès de K______. D’après les pièces fournies/remplies par des tiers lors de l’ouverture de cette relation, habilités à représenter ladite entité, H______ en était le bénéficiaire ainsi que l’ayant droit économique.

c. Entre juillet 2007 et décembre 2011, divers mouvements de fonds sont intervenus sur les relations sus-évoquées, selon le schéma et pour les motifs suivants (lorsque ceux-ci sont énoncés sur les avis/relevés bancaires correspondants) :

M______

(banque à N______)

USD 1'643'964.91

(25 juillet 2007)

 

 

 

 

 


M______

(compte no 3______ auprès de la

banque L______)

)

P______

(banque à N______)

 

 


2 virements totalisant

EUR 735'000.-

("fees" des 5 décembre 2007 et 28 mars 2008)

US USD 2'144'147.20

(26 juillet 2007)

11 débits totalisant

USD 7'146'077.88

(au titre de frais de gestion assurée par Q______ LTD ["fees"], versés entre les 18 juillet 2007 et 30 juin 2008)

 

R______

(banque J______)

S______

(banque J______)

USD 7'003'675.39

(30 juillet 2008)

EUR 341'000.-

(18 septembre 2008)

EUR 749'461.61

(28 juillet 2008)

 

2 versements totalisant

USD 610'000.-

(les 18 et 24 septembre 2008)

5 débits totalisant

USD 7'616'501.60

(entre les 31 juillet et 24 septembre 2008)

2 virements totalisant

EUR 1'092'353.60

(les 20 août et 18 septembre 2008)

 

 

 

 

 

 


G______

(banque K______)

 

F______

(banque J______)

(banque VON TOBEL)ASIN)

 

2 versements totalisant

USD 2'167'000.-

(les 16 juin et 7 décembre 2011)

 

d.a. M______ LP et D______ LTD – qui comprenaient nombre d'investisseurs – ont été en proie à des difficultés financières à tout le moins dès 2009, pour la première, et 2011, pour la seconde.

d.b. P______ LLC a requis la liquidation de M______ LP à la fin de l’année 2010.

d.c. La faillite de D______ LTD a été prononcée aux îles Vierges britanniques en mai 2011. Un liquidateur a été désigné à cette société.

Le Tribunal de première instance de Genève a reconnu ladite faillite en Suisse et ordonné l'ouverture d'une faillite ancillaire (jugement JTPI/17018/13 du 16 décembre 2013).

L'administration suisse de la faillite a cédé les droits de la masse (art. 260 LP) à D______ LTD en lien avec les deux comptes détenus par cette société auprès de la banque L______.

e.a. En juillet 2012, une procédure pénale a été ouverte contre H______ aux États-Unis. Il lui était reproché, entre autres chefs d’accusations, d’avoir trompé des investisseurs pour qu'ils achètent des actions de M______ LP notamment, par le biais de déclarations fausses et trompeuses ainsi que d'omissions matérielles.

Le 9 juillet 2013, le prénommé a conclu un accord ("guilty plea") avec le Procureur [de] N______ [États-Unis], aux termes duquel il reconnaissait sa culpabilité d'une autre infraction qui lui était reprochée, à savoir celle d’omission de conserver des pièces comptables dans un lieu facilement accessible pendant une durée de cinq ans, en contrepartie de quoi il ne serait plus poursuivi pour les actes restants.

e.b. H______ a été détenu entre les étés 2012 et 2013.

f. Parallèlement, le 24 novembre 2009, A______, B______ et C______, citoyens et résidents américains ayant investi dans M______ LP, ont assigné H______ ainsi que P______ LLC en paiement devant les juridictions civiles [de] N______.

Par jugements rendus les 31 mai et 21 septembre 2012, ces tribunaux ont retenu que les demandeurs avaient placé USD 2.9 millions environ dans le fonds, entre octobre 2004 et mai 2008. Les défendeurs avaient commis une escroquerie ("fraud") aux dépens de la famille A______/B______/C______, avaient induit celle-ci en erreur par négligence ("negligent misrepresentation") et violé leur devoir de diligence ("breach of fiduciary duty"). Ils étaient donc condamnés à lui verser USD 3'068'483.- et USD 1'767'990.-, aux titres de, respectivement, dommages-intérêts et "prejudgement interest".

g. En automne 2012, H______, respectivement les représentants de G______ FOUNDATION, ont requis des banques J______ et K______ qu’elles modifient l’ayant droit économique des comptes inscrits dans leurs livres (y compris ceux déjà clôturés à cette époque), au bénéfice de I______.

À l’appui de leurs demandes, ils ont produit : des formulaires A signés par I______; des procès-verbaux émanant de R______ LTD et F______ LLC, datés de 2007 et 2008, stipulant que le précité reprenait les fonctions dirigeantes qu’y exerçait son frère; une procuration datée de 2008, rédigée par I______ en faveur de H______, dans laquelle le premier nommé se présentait comme l’unique administrateur et actionnaire de S______ LTD.

La seconde de ces banques a procédé aux modifications requises à fin 2012 et la première, au début 2015.

Procédure P/14180/2012

h. Parallèlement aux évènements précités, le 12 octobre 2012, le Ministère public a ouvert la présente cause contre inconnu, pour infraction à l'art. 305bis CP, à la suite d’une transmission, par le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent MROS, d’une communication de soupçon par la banque J______. D’après cette dernière, les comptes de R______ LTD, de S______ LTD et de F______ LLC pourraient avoir reçu des fonds générés de façon illicite par H______, alors poursuivi aux États-Unis.

h.a. Saisies et obtention de documents

h.a.a. Fin 2012, le Procureur a ordonné le séquestre des avoirs/titres déposés sur les relations bancaires de D______ LTD, F______ LLC et G______ FOUNDATION, pour ce dernier compte à hauteur de CHF 2'500'000.-.

Les valeurs détenues par ces deux dernières sociétés s'élevaient à, respectivement, USD 1'312'000.- et USD 4'054'000.- environ.

h.a.b. Le Ministère public a séquestré les pièces bancaires afférentes à ces trois relations ainsi qu’à celles de R______ LTD et S______ LTD.

Il a obtenu des informations relatives aux actes, d’ordre civil et pénal, reprochés à H______ aux États-Unis.

L’ensemble de ces documents – dont certains ont été (partiellement) résumés ci-avant – ayant révélé la possible commission d’infractions par les frères H______/I______, une instruction a été ouverte contre eux en avril 2016.

h.b. Éventuels faux dans les titres et blanchiment d’argent consécutif

h.b.a. H______ a été prévenu d’infractions aux art. 251 et 305bis CP pour avoir, alors qu’il était et avait toujours été le seul ayant droit économique des actifs de R______ LTD , S______ LTD, F______ LLC et G______ FOUNDATION, remis/accepté que soient transmis aux banques J______ et K______, de faux documents destinés à modifier le bénéficiaire desdits actifs, cela afin de soustraire ces derniers à d'éventuelles saisies par la justice.

Il a contesté ces faits. I______ avait toujours été l’unique actionnaire des trois premières sociétés précitées et, conséquemment, leur réel ayant droit économique. Dès 2007, son frère lui avait octroyé une procuration générale, l’autorisant à gérer celles-ci et à agir en leurs noms. À cette suite, il avait ouvert les comptes litigieux. La banque J______, à laquelle il avait pourtant clairement exposé la situation, lui avait transmis les documents d’ouverture des relations pré-remplis, incluant les formulaires A; il les avait signés sans les lire, faisant confiance à l’institution. Les représentants de G______ FOUNDATION l’avaient inscrit, sur le formulaire A de l’établissement K______, comme l’ayant droit économique des valeurs déposées sur le compte, alors qu’il s’agissait, en réalité, de I______. Les documents litigieux corrigeaient ces erreurs initiales, dont son frère et lui-même s’étaient aperçus peu après son incarcération aux États-Unis, I______ ne pouvant alors plus disposer des avoirs lui appartenant.

h.b.b. Prévenu de faits similaires, I______ – qui est, d’après le Ministère public, sans domicile connu et n'a pas désigné de représentant en Suisse – n’a pas pu être entendu.

h.c. Possibles infractions commises au préjudice de la famille A______/B______/C______ et blanchiment d’argent consécutif

h.c.a. En mai et juin 2016, A______, B______ et C______ ont porté plainte contre H______ pour abus de confiance, escroquerie et blanchiment d'argent.

En substance, ils reprochaient au prénommé de les avoir incités, sur la base d'affirmations qui s'étaient révélées par la suite fallacieuses, à confier "à sa société" la gestion de leurs avoirs; dite société avait entièrement perdu leurs mises de fonds dans le cadre d'investissements hasardeux, sans respecter les engagements pris à leur égard. Les décisions rendues par la justice américaine les 31 mai et 21 septembre 2012 en attestaient, étant spécifié que H______ ne s’était jamais acquitté des sommes qu’il avait été condamné à leur payer. Par ailleurs, ce dernier avait "frauduleusement généré des frais de gestion de [leurs] avoirs placés" dans M______ LP. Ainsi, il avait prélevé, le 25 juillet 2007, USD 1'643'964.91 du compte de M______ LP, à ce titre; or, cette somme, qu'il avait fait verser sur la relation de P______ LLC, société dont il était l'unique détenteur, lui était personnellement destinée. Il avait ensuite dissimulé celle-ci en Suisse, la transférant du compte de P______ LLC sur celui de R______ LTD (USD 2'144'142.20 le 26 juillet 2007), puis sur les relations de S______ LTD, F______ LLC et G______ FOUNDATION [selon le cheminement décrit à la lettre B.c supra].

h.c.b. Sur requête du Ministère public, les consorts prénommés ont établi avoir investi USD 2'122'918.51 au total dans M______ LP, entre mars 2005 et août 2007.

Il résulte de tableaux de distribution établis par l’administrateur judiciaire ("receiver") de M______ LP que la famille A______/B______/C______ ne se verra restituer qu’une infime partie de ses mises de fonds.

h.c.c. Entendu par le Ministère public, H______ a nié toute infraction. Il avait effectué une "due diligence" poussée s'agissant des investissements des consorts A______/B______/C______. P______ LLC, gérant de M______ LP, avait perçu des honoraires de ce fonds (USD 1'643'964.91). I______ avait fourni, via R______ LTD, des conseils en investissement à P______ LLC; les USD 2'144'142.20 versés en juillet 2007 par celle-ci à celle-là rétribuait lesdits conseils.

h.c.d. D’après le relevé du compte de R______ LTD , la somme d’USD 2'144'142.20 qui y a été créditée le 26 juillet 2007 par P______ LLC – somme qui inclurait, aux dires des consorts A______/B______/C______, les USD 1'643'964.91 sus-évoqués – s’est ajoutée au solde de ce compte, qui s’élevait alors à USD 563.74. Les 27 et 31 du même mois, trois autres montants ont été versés sur ledit compte (dont deux provenaient de D______ LTD), portant les actifs à USD 3'444'809.01. Cette dernière somme a été investie, en août 2007, dans divers produits financiers, dont l’un intitulé "Fiduciary Call ( ) T______".

h.c.e. Par courrier adressé le 22 janvier 2021 au Procureur, A______, B______ et C______ se sont dit "inquiet[s] de l’enlisement de l’instruction", "justice [n’ayant toujours pas été] rendue".

h.d. Potentiels actes de gestion déloyale aggravée commis au détriment de D______ LTD et blanchiment d’argent consécutif

h.d.a. Au mois de mai 2015, D______ LTD, représentée par son liquidateur, a requis du Procureur de pouvoir consulter le dossier, ce que ce magistrat a refusé, à ce stade. Entre 2016 et 2021, elle s’est régulièrement enquise de l’évolution de la procédure; ses demandes n’ont pas toujours reçu de réponse. En février 2022, elle a de nouveau sollicité de pouvoir consulter le dossier, ce qui lui a été accordé au mois de juin suivant.

h.d.b. Le 4 juillet 2022, D______ LTD, représentée par son liquidateur, a déposé plainte pénale contre H______ des chefs d'infractions aux art. 158 ch. 1 al. 3 et 305bis CP.

En substance, elle y exposait que le prénommé avait détourné plus d’USD 7.7 millions et EUR 1 million à son préjudice, dans le but de s’enrichir. Ainsi, il avait indûment débité [sans autre développement], entre juillet 2007 et septembre 2008, seize montants de l'un de ses comptes (no 3______) auprès de la banque L______, au profit de R______ LTD et S______ LTD. Les montants concernés avaient ensuite été transférés sur les relations bancaires d’autres entités, dont il était l’ayant droit économique [selon le cheminement décrit à la lettre B.c supra].

h.d.c. H______ – qui n’a pas été mis formellement en prévention pour ces faits – a déclaré que son frère avait prodigué des conseils à D______ LTD, par l’entremise de R______ LTD. Il existait un accord oral en ce sens liant ces deux sociétés. La possibilité, pour D______ LTD, de verser des frais de gestion à un tiers était prévue par l’"offering memorandum" du fonds. R______ LTD facturait ses honoraires tous les six mois, en les détaillant, dès lors qu’il "ne s’agissait pas de pourcentage fixe". C'était lui-même, sur instruction de I______, qui avait ordonné, en juillet 2008, de transférer USD 7'003'675.- du compte de R______ LTD en faveur de celui de S______ LTD (cf. lettre B.c supra).

h.d.d. Il résulte des relevés de la relation (no 3______) de D______ LTD que, pour obtenir les liquidités nécessaires à l'exécution de douze des seize débits litigieux, O______ LTD/H______ a/ont dû, soit annuler (partiellement) des placements qui venaient d'être opérés avec l’argent de clients quelques jours plus tôt, soit utiliser des mises de fonds non encore investies.

h.d.e. D’après les relevés du compte de R______ LTD, sur les onze sommes créditées en dollars américains par D______ LTD :

·      deux (USD 270'234,94 et USD 1’031'868.13) se sont mélangées, à fin juillet 2007, aux USD 2'144'147.20 versés par P______ LLC (cf. à cet égard lettre B.h.c.d);

·      les neuf autres – reçues les 17 juillet, 28 septembre, 31 octobre et 5 décembre 2007 (USD 2'900'296.84 au total) ainsi que les 31 janvier, 5 et 28 mars, 7 mai et 30 juin 2008 (USD 2'943’677.97) – ont été investies, dès leur réception, dans le produit "Fiduciary Call ( ) T______". La majeure partie de ces fonds demeure traçable jusqu’en juillet 2008, époque où il a été mis un terme à ce placement et où les valeurs y relatives ont été reversées sur le compte. L'argent provenant de ces neufs sommes s'est alors mélangé avec celui versé, notamment, par P______ LLC, qui avait aussi été, pour partie, placé dans le "Fiduciary Call( ) T______" (cf. à cet égard lettre B.h.c.d).

Les deux montants crédités par D______ LTD sur la rubrique en euros du compte de R______ LTD sont les seuls à avoir alimenté cette rubrique (EUR 675'000.- et EUR 60'000.- les 5 décembre 2007 et 28 mars 2008); après avoir été investies, ces valeurs ont été reversées sur le compte, puis transférées, avec les intérêts obtenus, à S______ LTD le 28 juillet 2008 (EUR 749'461.61).

h.d.f. D'après les relevés de la relation de S______ LTD, les deux sommes totalisant USD 610'000.- versées par D______ LTD les 18 et 24 septembre 2008 ont été transférées, à ces mêmes dates, sur le compte de F______ LLC, sans s'être mélangées avec d’autres fonds. Le 18 septembre 2008, S______ LTD a reçu EUR 341'000.- de D______ LTD, qu’elle a immédiatement virés à F______ LLC, sans que ces avoirs ne se soient mélangés avec d’autres actifs.

h.e. Ultimes aspects

h.e.a. En juin 2022, les valeurs séquestrées ascendaient à USD 3'494’754.53 (USD 1'311'620.53 [F______ LLC] + USD 2'183'134.- [G______ FOUNDATION]).

h.e.b. Informés du prochain classement de la procédure, les consorts A______/B______/C______ ont requis la restitution, en leur faveur, des fonds séquestrés (art. 70 ch. 1 in fine CP), subsidiairement leur allocation (art. 73 CP). D______ LTD a demandé leur confiscation (art. 70 ch. 1 in limine CP) et allocation à son profit (art. 73 CP). Pour sa part, H______ a sollicité la levée des mesures de séquestre.

C. Dans son ordonnance déférée, le Ministère public a considéré que H______ avait toujours été l’unique détenteur des actifs de R______ LTD, S______ LTD, F______ LLC et G______ FOUNDATION. Ce dernier avait donc manœuvré avec son frère pour obtenir, de la part des banques, le changement d’ayant droit économique des comptes de ces sociétés. Bien que les documents établis et remis auxdites banques soient des faux, l’enquête n’avait pas permis de déterminer les degrés d'implication et rôles exacts joués par H______ et I______ dans la prise de décision, la fabrication et l'utilisation de ces documents. Il n’existait donc pas de charges suffisantes d’infraction à l'art. 251/305bis CP contre le premier nommé et l’instruction ne pouvait se poursuivre s’agissant du second.

Les sommes confiées à M______ LP et D______ LTD par les investisseurs étaient destinées à financer des opérations de placement. Rien n’établissait que ces personnes auraient accepté de voir leurs valeurs utilisées à d’autres fins. H______ ayant débité, sous couvert de frais de gestion, les comptes de ces deux entités entre juillet 2007 et septembre 2008, il avait détourné à son profit une partie desdites sommes et, ce faisant, violé l’art. 138 CP.

Concernant les seize prélèvements dénoncés par D______ LTD, H______ avait, en outre, contrevenu à l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP. En effet, il n’était point établi que
D______ LTD aurait été habilitée à recourir à des consultants externes [autre que P______ LLC], ni qu'elle aurait mandaté R______/S______LTD en cette qualité, ni encore que les versements effectués par ses soins au profit de ces deux sociétés correspondaient à des factures, celles-ci étant, aux dires du prévenu, établies tous les six mois. Les seize débits litigieux étaient donc injustifiés et destinés à H______, le rôle prêté par ce dernier à son frère n'étant pas crédible.

En dépit de ces éléments, les infractions aux art. 138 et 158 ch. 1 al. 3 CP étaient, soit déjà prescrites (pour les faits survenus voilà plus de quinze ans), soit en passe de l’être (pour les évènements plus récents).

Quant aux actes de blanchiment d’argent consécutifs à ces mêmes infractions, survenus à tout le moins entre 2007 et 2010, ils étaient également prescrits, ayant été perpétrés il y avait plus de sept ans.

Le classement de la procédure s’imposait donc.

"[L’]instruction [ayant] perm[is] de retenir que la provenance des avoirs" séquestrés sur les comptes de F______ LLC et de G______ FOUNDATION était illicite, ceux-là seraient confisqués (art. 70 ch. 1 in limine CP). Il n’y avait pas lieu de les allouer (art. 73 CP) aux consorts A______/B______/C______ – à défaut, pour les jugements américains dont se prévalaient ces derniers, d’être exécutoires en Suisse –, ni à D______ LTD – cette société, qui n’était au bénéficie d’aucune décision d’indemnisation, n’ayant pas formulé de conclusion civile –.

D. a.a. Dans leurs recours et réplique, A______, B______ et C______ dénoncent une violation des art. 319 et 5 CPP. Le Procureur s’était dispensé de renvoyer H______ en jugement, alors même qu'il tenait les infractions aux art. 138, 158 et 305bis CP pour réalisées, au motif que celles-ci seraient prochainement prescrites; un tel classement en opportunité était d’autant plus choquant que la prescription d’ores et déjà acquise était essentiellement imputable à l’"inaction répétée" du Ministère public. Cette autorité avait, de plus, contrevenu à l’art. 70 ch. 1 in fine CP, en application duquel elle aurait dû ordonner la restitution, en leur faveur, des fonds qu’elle envisageait de confisquer, sans passer par le mécanisme de l’allocation au lésé (art. 73 CP).

a.b. Invitée à se déterminer, D______ LTD conclut, sous suite de dépens chiffrés à CHF 5’000.-, au rejet du recours, les valeurs séquestrées étant issues de son propre patrimoine, non des actifs investis par la famille A______/B______/C______.

a.c. H______, F______ LLC et G______ FOUNDATION, qui comparaissent tous trois par le même conseil, sollicitent aussi le rejet de cet acte, pour les motifs exposés par ces deux dernières sociétés dans leurs recours [sans autre développement].

a.d. Le Ministère public requiert la confirmation de sa décision, à défaut, pour les valeurs investies dans M______ LP par la famille A______/B______/C______, d’avoir été transférées sur des comptes en Suisse.

b.a. Dans ses recours et réplique, D______ LTD demande la restitution des fonds saisis (art. 70 ch. 1 in fine CP), arguant que ceux-ci lui avaient été directement soustraits. Subsidiairement, le Procureur avait violé l’art. 107 CPP, en l’empêchant de faire valoir ses droits, singulièrement de démontrer l'existence d'une traçabilité entre lesdits fonds et les infractions dénoncées, l’accès au dossier lui ayant été accordé tardivement et l’ordonnance querellée, rendue peu après. Plus subsidiairement, le classement était infondé. En effet, les seize prélèvements litigieux, opérés sans la moindre justification, procédaient d’une décision unique de H______ et formaient un ensemble; le délai de prescription de l’infraction de gestion déloyale avait donc commencé à courir le 24 septembre 2008, date du seizième débit; aussi, ladite prescription ne serait acquise qu’en automne 2023. Quant à l’infraction de blanchiment d’argent aggravé, réalisée in casu, elle se prescrivait également par quinze ans. Partant, H______ devrait être traduit en jugement.

b.b. La famille A______/B______/C______ conclut au rejet du recours en tant qu’il porte sur la restitution, à D______ LTD, des valeurs séquestrées, celles-ci devant leur revenir.

b.c. H______, F______ LLC et G______ FOUNDATION se déterminent de la même manière que celle exposée ci-dessus.

b.d. Le Procureur conclut au rejet du recours, les avoirs saisis provenant aussi bien de P______ LLC que de D______ LTD, de sorte qu’ils s’étaient mélangés, rendant leur restitution impossible.

c.a.a. Dans leurs recours et répliques, d’une teneur similaire, F______ LLC et G______ FOUNDATION contestent la confiscation de leurs avoirs. En effet, aucun des frères H______/I______ n’avait commis d’infraction. S’agissant plus particulièrement de l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP, I______ avait exercé, via R______/S______LTD, une activité de consulting en faveur de D______ LTD, modus operandi qui était prévu par l’"offering memorandum" de cette société, qu’elles joignaient à leurs actes. R______/S______LTD avaient adressé seize factures à D______ LTD pour leurs honoraires, ainsi qu'en attestaient les pièces qu’elles produisaient nouvellement. Le paiement desdits honoraires avait été validé, tant par O______ LTD que par une société d’audit, à l’occasion de l’établissement de documents comptables, qu’elles versaient au dossier. En tout état, l’ensemble des actes reprochés aux frères H______/I______ était prescrit.

c.a.b. Elles produisent notamment : des procurations établies en faveur de leur avocat, signées par deux personnes prétendant les représenter; l’"offering memorandum", établi le 1er juin 2008, aux termes duquel P______ LLC était habilitée à gérer D______ LTD, soit directement, soit en recourant à des tiers – avec lesquels des "investment manager contracts" (p. 16) devaient être conclus et qui étaient rémunérés pour leurs prestations (p. 15) –; seize factures (prétendument) adressées par R______/S______LTD à D______ LTD entre les étés 2007 et 2008, dont aucune ne détaille le calcul des honoraires réclamés; des documents comptables établis par O______ LTD ("trial balance" aux 31 décembre 2007 et 2008), d'après lesquels seules P______ LLC et O______ LTD ont reçu des "fees" de D______ LTD durant ces deux années; plusieurs rapports d’audit faisant état de "fees" – dont le montant ne peut être réconcilié avec celui des honoraires comptabilisés par O______ LTD – sans indication de la ou des sociétés bénéficiaires.

c.b. H______ appuie ces recours.

c.c. A______, B______ et C______ concluent à leur rejet, les frères H______/I______ tentant, par le biais de F______ LLC et de G______ FOUNDATION, de récupérer l’argent détourné à leur préjudice.

c.d. D______ LTD conclut, sous suite de dépens chiffrés à CHF 5'000.-, à l’irrecevabilité des recours, faute de document prouvant que F______ LLC et G______ FOUNDATION seraient toujours en activité, respectivement que les personnes ayant signé les procurations sus-évoquées seraient habilitée à représenter ces sociétés.

Subsidiairement, ces actes étaient infondés. En effet, il n’existait aucune trace, dans ses livres et dossiers, de conseils qu’elle aurait reçus de R______/S______LTD, ni de contrat conclu avec ces dernières. À cela s’ajoutait que les sommes débitées de son compte au titre d’honoraires ne pouvaient être corrélées avec les performances du fonds. Quant aux seize factures produites, leur authenticité semblait douteuse, pour avoir été versées au dossier, pour la première fois, dix ans après le début de la procédure, par des sociétés contrôlées par H______.

c.e. Le Ministère public prend des conclusions similaires à D______ LTD.

EN DROIT :

1. Vu leur connexité évidente, les quatre recours seront joints.

I. Acte de A______, B______ et C______

2. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 396 al. 1, 390 al. 1 et 385 al. 1 CPP) contre une ordonnance de classement (art. 319 CPP), décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP).

Les consorts A______/B______/C______ (ci-après : les recourants) ne revêtent la qualité de partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP) qu’en lien avec les infractions dénoncées dans leurs plaintes (art. 118 al. 1 et 2 CPP), à savoir celles aux art. 138, 146 et 305bis CP. Leur requête tendant au renvoi en jugement de H______ (ci-après : le prévenu) du chef de gestion déloyale est donc irrecevable.

Ils disposent d’un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir poursuivre aussi bien les prétendus abus de confiance et escroquerie commis contre leur patrimoine (art. 115 CPP) que les potentiels actes de blanchiment d'argent perpétrés sur les valeurs issues de ces infractions (ATF 146 IV 211 consid. 4), respectivement à se voir restituer ces mêmes valeurs (ATF 145 IV 237 consid. 5.1 et 5.1.1). Partant, le recours est recevable sur ces aspects.

3. 3.1. La Chambre de céans revoit librement les points de la décision attaqués devant elle (art. 385 al. 1 let. a CPP), ceux non remis en cause demeurant tels que fixés par le premier juge (ACPR/231/2022 du 6 avril 2022, consid. 3.3.1; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 385).

3.2. En l’espèce, les recourants ne reviennent pas, dans leur acte, sur la soi-disant escroquerie commise à leur préjudice par le prévenu, ni ne contestent le raisonnement du Ministère public selon lequel ils ne sauraient se voir allouer les actifs saisis en application de l’art. 73 CP.

Ces points ne seront donc pas examinés.

4. Les recourants dénoncent une violation des art. 319 et 5 CPP.

4.1.1. Conformément à la première de ces dispositions, la procédure doit être classée lorsqu’il est établi que certaines conditions à l’ouverture de l’action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (al. 1 let. d).

Constituent de tels motifs l’inexistence d’un for en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_942/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.4), respectivement la prescription de l’action pénale (ACPR/497/2022 du 26 juillet 2022 consid. 7.1.1).

4.1.2. Le Code pénal est applicable à quiconque commet une infraction en Suisse (art. 3 ch. 1 CP). Un crime ou un délit est réputé perpétré tant au lieu où l'auteur a agi qu’à l’endroit où le résultat s'est produit (art. 8 ch. 1 CP).

Tout comportement réalisant, y compris partiellement, les éléments constitutifs d’une infraction peut être considéré comme la commission de celle-ci (ATF 141 IV 205 consid. 5.2). Le lieu du résultat est celui où s'est produit, soit l'appauvrissement du lésé, soit l'enrichissement recherché par l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1335/2018 du 28 février 2019 consid. 4.4.2 et 4.4.3).

4.1.3. Selon l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, se rend coupable d'abus de confiance quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura employé, sans droit, à son profit ou à celui d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.

4.1.4. L’art. 305bis CP réprime le comportement de celui qui aura commis un acte propre à entraver la confiscation de valeurs patrimoniales, dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime, que celui-ci ait été commis en Suisse (ch. 1) ou à l’étranger (ch. 3). Si l’auteur fait métier de blanchir de l'argent et réalise un chiffre d'affaires ou un gain important (ch. 2 let. c), il est réprimé plus sévèrement (blanchiment dit aggravé).

Constitue un acte d’entrave toute manœuvre tendant à dissimuler le produit de l’infraction préalable, propre à en rendre plus difficile le paper trail (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 35 ad art. 305bis). Ainsi en va-t-il du versement de fonds sur un compte ouvert au nom d’un titulaire qui n’en est pas l’ayant droit économique (ATF 119 IV 242 consid. 1d; arrêt du Tribunal fédéral 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.4) ou encore de leur placement si le mode ou la manière d'opérer ne peut pas être assimilé au simple versement d'argent liquide sur une relation (ATF 119 IV 242 précité).

La circonstance aggravante du blanchiment est réalisée lorsque le délinquant – qui peut être la même personne que celle ayant commis l’infraction préalable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_829/2019 du 21 octobre 2019 consid. 3.1) – agit au moins deux fois, dans le dessein d’en tirer des revenus (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 57 ad art. 305bis). Est important un chiffre d'affaires de CHF 100'000.-, respectivement un bénéfice de CHF 10'000.- (arrêt du Tribunal fédéral 6B_993/2017 du 20 août 2019 consid. 4.2.3, paru in SJ 2019 I 451).

4.1.5. Pour des actes commis entre 2007 et 2011, l’infraction à l’art. 138 CP se prescrit par quinze ans (art. 97 let. b CP), celle à l’art. 305bis ch. 1 ou 3 CP par sept ans (art. 97 let. c aCP, applicable en vertu du principe de la lex mitior [cf. art. 2 al. 2 CP]) et celle à l’art. 305bis ch. 2 CP par quinze ans (art. 97 let. b CP).

Le prononcé d’une ordonnance de classement n’interrompt pas la prescription de l’action pénale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 3).

4.2. L’art. 5 CPP garantit à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1345/2021 du 5 octobre 2022 consid. 2.1).

4.3.1. In casu, les recourants imputent au prévenu une infraction à l’art. 138 CP.

Assistés d’un avocat, ils n’allèguent pas, ni a fortiori ne rendent vraisemblable, qu’un ou des éléments constitutifs de cette norme seraient (partiellement) survenus en Suisse.

Or, rien n’est moins évident à la lecture du dossier.

En effet, les recourants, citoyens et résidants américains, ont investi de l’argent – qu’ils n’allèguent pas provenir de comptes en Suisse – dans M______ LP, entité incorporée à N______, titulaire de relations bancaires dans cet État – d’après les déclarations non contestées du prévenu sur ce point –. Cette société était administrée par le prévenu – originaire d’Inde, lequel vivait, à l’époque concernée, aux États-Unis –, respectivement était gérée par P______ LLC, personne morale ayant son siège au Q______ [USA], également dirigée par le prévenu.

À supposer que les USD 1'643'964.91 transférés du compte de M______ LP sur celui de P______ LLC eussent inclus une partie des sommes investies par les recourants et que ce transfert constituât une utilisation sans droit desdites sommes – questions qui souffrent de demeurer indécises –, il faudrait alors constater que ce flux financier est intervenu à N______ [États-Unis], lieu de situation des relations bancaires détenues par ces deux sociétés.

Des considérations qui précèdent, il résulte que l’infraction dénoncée par les recourants ne présente pas de lien suffisant avec la Suisse.

À cela s’ajoute que la prétendue utilisation sans droit sus-évoquée est intervenue le 25 juillet 2007. Un éventuel abus de confiance serait donc prescrit depuis fin juillet 2022, le classement querellé, prononcée le 8 du même mois, n’ayant pas interrompu le cours de la prescription.

Deux motifs s’opposent ainsi à la poursuite de cette infraction, au sens de l'art. 319 CPP.

4.3.2. Les recourants reprochent encore au prévenu d’avoir violé l'art. 305bis CP, en ayant dissimulé en Suisse les USD 1'643'964.91 précités.

Le lendemain de la réception de ce montant, soit le 26 juillet 2007, P______ LLC a transféré USD 2'144'147.20 sur le compte de R______ LTD, à Genève, société qui n’en était pas la bénéficiaire économique (possible premier acte d’entrave).

Ce dernier montant s’y est mélangé avec deux sommes provenant de D______ LTD, versées sur la relation de R______ LTD peu après. L’ensemble de ces valeurs a été investi dans divers produits financiers en août 2007 (potentiel second acte d’entrave). Les USD 1'643'964.91 litigieux ne sont donc plus traçables depuis cette dernière époque, le paper trail ayant été interrompu (cf. lettre B.h.c.d supra).

Ces agissements sont toutefois prescrits. En effet, le dies ad quem du délai de sept ou quinze ans, selon que l’on retient un cas de blanchiment simple ou aggravé – D______ LTD reprochant aussi au prévenu la commission d’actes de blanchiment d’argent –, est arrivé à échéance en été 2014 ou 2022.

L'action pénale étant prescrite, il existe bien un empêchement de procéder, au sens de l'art. 319 CPP.

4.4. La violation du principe de célérité dont se prévalent les recourants est impropre à remettre en cause les constats qui précèdent (i.e. absence de for en Suisse/prescription de l'action pénale) et, partant, à conduire à l'annulation du classement.

Les recourants ne prennent, au demeurant, aucune conclusion en constat d'une telle violation. L'auraient-ils fait qu'ils ne disposeraient plus d'un intérêt actuel à se plaindre d’un (éventuel) retard à statuer, le classement des infractions dénoncées par leurs soins venant d’être confirmé.

Le grief tiré d’une violation de l'art. 5 CPP doit donc être rejeté.

5. Les recourants sollicitent la restitution, en leur faveur, des avoirs saisis.

5.1. Conformément à l'art. 70 al. 1 in fine CP, la confiscation n’entre en ligne de compte que si les valeurs patrimoniales [séquestrées] ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

La restitution prime toute autre mesure (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.2). Pour l’ordonner, les fonds concernés doivent être la conséquence directe et immédiate de l'infraction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_17/2011 du 18 juillet 2011 consid. 2).

5.2. Selon l'art. 70 al. 3 CP, le droit de confisquer – et de restituer au lésé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_122/2017 du 8 janvier 2019 consid. 18.2.3) – se prescrit par sept ans, à moins que la poursuite des infractions en cause ne soit soumise à une prescription d'une durée plus longue; celle-ci est alors pertinente.

Les règles générales sur la prescription de l'action pénale s’appliquent par analogie aux dies a quo et ad quem du droit de confisquer (ATF 141 IV 305 consid. 1.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_164/2019 du 11 février 2020 consid. 1.2 in fine et consid. 1.6; arrêt du Tribunal fédéral 6B_122/2017 précité, consid. 18.2.2).

5.3. Dans le cas présent, il a été jugé qu’il n’existait plus, dès août 2007, de lien suffisant entre les avoirs déposés sur le compte de R______ LTD et les USD 1'643'964.91 provenant du crime préalable allégué (cf. consid. 4.3.2).

Les actifs séquestrés, ayant été crédités sur les comptes de F______ LLC et de G______ FOUNDATION après cette dernière époque (entre mi-2008 et fin 2011), ils ne sauraient être restitués aux recourants.

Par ailleurs, la faculté d’ordonner une telle restitution est prescrite depuis l'été 2014/2022, à l’instar de ce qui prévaut pour les infractions aux art. 138 et 305bis CP (cf. points 4.3.1 et 4.3.2).

À cette aune, les conditions de l’art. 70 al. 1 in fine CP ne sont pas réalisées.

Infondé, le recours doit donc être rejeté.

II. Acte de D______ LTD

6. 6.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) contre une ordonnance sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (cf. à cet égard consid. 2).

6.2. Il convient d’examiner si D______ LTD (ci-après : la recourante) dispose de la qualité de partie, nécessaire pour recourir (art. 382 CPP), singulièrement celle de partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP).

6.2.1. Selon l'art. 118 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil (al. 1); une plainte pénale équivaut à une telle déclaration (al. 2). La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP; il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction, c’est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 145 IV 491 consid. 2.3).

Lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d’une société, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé (arrêt du Tribunal fédéral 1B_537/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1). En cas de faillite, cette société doit faire valoir ses droits, en lien avec l’action pénale, par l’intermédiaire de ses organes (ATF 145 IV 351 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1082/2014 du 4 mars 2015 consid. 1.5 et 1B_191/2014 du 14 août 2014 consid. 3.1), et, s’agissant de l’action civile, via la masse en faillite (ATF 145 IV 351 précité, consid. 4.2 et 4.3 in limine; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1082/2014 précités), laquelle succède ex lege au failli pour ce qui a trait aux biens de ce dernier (art. 197 et 204 LP), au sens de l’art. 121 al. 2 CPP (ATF 145 IV 351 précité).

La cession de droits prévue à l’art. 260 LP n’a pas pour conséquence de faire passer la position de lésé du failli au créancier attributaire; ce dernier doit, pour intervenir comme demandeur au pénal, être lui-même directement touché dans ses droits (ATF 140 IV 155 consid. 3.4.4 in fine). Le cessionnaire n’est pas non plus habilité à faire valoir les droits civils du failli cédés par la masse, ce transfert constituant une cession volontaire (et non légale comme exigé par l’art. 121 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_537/2021 précité, consid. 2.3.1 in fine).

Les principes sus-rappelés valent pleinement en matière de faillite dite ancillaire (ATF 145 IV 351 précité, consid. 4.1), le patrimoine du débiteur situé en Suisse étant soumis aux effets de la faillite tels que prévus par le droit helvétique (art. 170 al. 1 LDIP).

6.2.2. En l’occurrence, la recourante a porté plainte, par l'intermédiaire de son liquidateur, organe habilité à la représenter, des chefs de deux infractions commises par H______ (ci-après : le mis en cause) contre son patrimoine (art. 158 ch. 1 al. 3 et 305bis CP [le prétendu blanchiment ayant pu mettre en danger son droit à récupérer/se voir allouer les gains issus de la gestion déloyale alléguée]).

Ce faisant, elle s'est valablement constituée demanderesse au pénal. Elle dispose donc de la qualité pour contester le classement de ces deux infractions, respectivement pour requérir le renvoi du mis en cause en jugement. Aussi ses conclusions sur ce point sont-elles recevables.

En revanche, seule la masse en faillite ancillaire était, et demeurerait, habilitée à se constituer demanderesse au civil, de sorte que la recourante ne peut réclamer – y compris en sa qualité de créancière cessionnaire au sens de l’art. 260 LP – la restitution des valeurs saisies. Il s’ensuit que ses conclusions et grief (violation de l’art. 107 CPP, au motif qu'elle aurait été empêchée de démontrer l'existence d'une traçabilité entre les valeurs saisies et les infractions dénoncées) y relatifs sont irrecevables.

7. 7.1. En vertu de l’art. 319 CPP, la procédure doit être classée lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), respectivement que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition s’interprète à la lumière du principe in dubio pro duriore, selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1463/2020 du 5 janvier 2022 consid. 2.1.2).

7.2.1. L'art. 158 CP sanctionne celui qui, en vertu de la loi ou d'un acte juridique est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). Si l'auteur agit dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, il est réprimé plus sévèrement (ch. 1 al. 3).

7.2.2. Les organes de sociétés commerciales, tels que les membres du conseil d'administration et de la direction, revêtent la qualité de gérant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 3.1).

Leur devoir consiste, notamment, à assurer l'intégrité du patrimoine social. Ce devoir est violé lorsqu’ils transfert des actifs à un tiers sans contrepartie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2014 précité, consid. 3.1 et 3.1.5).

7.2.3. Les actes de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP) commis entre 2007 et 2008 se prescrivent par quinze ans (art. 97 let. b CP).

7.3. Certaines des conditions d’application de l’art. 305bis CP, respectivement les délais de prescription y relatifs, ont été rappelés aux considérants 4.1.4 et 4.1.5 ci-avant.

Seules des valeurs patrimoniales confiscables peuvent faire l’objet d’un blanchiment d’argent. L’infraction préalable ne doit donc pas être prescrite au moment de la survenance de l’acte d’entrave (ATF 145 IV 335 consid. 3.2 et 3.3). En revanche, la prescription du crime préalable après la commission dudit acte n’a pas d’incidence sur la poursuite de l’auteur du blanchiment (arrêt du Tribunal pénal fédéral SK.2010.9 du 24 novembre 2010 consid. 3.2.1 in fine; N. C. HERREN, Le blanchiment d’argent dans la jurisprudence des tribunaux fédéraux, in AJP/PJA 9/2017, p. 1112 et ss, p. 1116).

7.4. En vertu de l’art. 98 CP, la prescription court dès le jour où l’auteur a exercé son activité coupable (let. a), respectivement dès le jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises (let. b).

Il y a unité naturelle d’action (art. 98 let. b CP) lorsque des actes séparés procèdent d’une décision unique du prévenu et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble, en raison de leur relation étroite dans le temps et l’espace. Cette notion s’interprète de manière restrictive (arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 4.2).

Une telle unité a été niée dans le cas : d’un gérant qui a accordé des remises d’intérêts aux débiteurs d’une société, ces remises ayant été concédées à des personnes distinctes, à des moments différents (arrêt du Tribunal fédéral 6S_187/2004 du 18 février 2005 consid. 4.3); d’individus qui ont importé frauduleusement des marchandises en Suisse, les trente actes litigieux – analogues et commis au préjudice du même bien juridique protégé –, perpétrés en moins de deux mois, constituant des agissements séparés et ponctuels (arrêt du Tribunal fédéral 6S.480/2004 du 9 mars 2005 consid. 8.3.3). Elle a, en revanche, été admise, pour un gérant ayant mis à la charge d’une société, d’une part, les frais d’entretien et primes d’assurance d’un avion qu’il utilisait à des fins privées – l’intéressé ayant pris la décision de faire supporter, à intervalles réguliers, ces dépenses à l’entité, lesquelles se rapportaient au même objet et découlaient, pour lesdites primes d’assurance, du même contrat – et, d’autre part, les salaires d’employés qui effectuaient des tâches ménagères à son domicile – ces frais, versés chaque mois, se rapportant à des prestations analogues, fournies par les mêmes personnes, et découlant des mêmes relations contractuelles – (arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2014 précité, consid. 4.4 et 4.5).

7.5.1. À la lumière de ces principes, le mis en cause, administrateur de la recourante et directeur général de la société qui en assurait la gestion (P______ LLC), occupait une position de gérant au sein de celle-là. Il lui incombait donc d'en sauvegarder les intérêts pécuniaires.

Le compte no 3______ de la recourante a été débité à seize reprises, au profit de R______/S______LTD, de montants totalisant environ USD 7.7 millions et EUR 1 million.

Le mis en cause ne conteste pas avoir eu connaissance de ces débits – formellement ordonnés par O______ LTD, seule signataire autorisée sur ledit compte –, ni les avoir approuvés.

D’après lui, il s’agirait d’honoraires rémunérant des conseils prodigués par R______/S______LTD à la recourante. F______ LLC et G______ FOUNDATION ont produit, devant la Chambre de céans, seize factures censées établir la réalité de ces honoraires.

La thèse du mis en cause, respectivement le caractère probant desdites factures, sont cependant infirmés par les éléments suivants : la bénéficiaire desdits conseils (i.e. la recourante) nie les avoir jamais reçus; les documents comptables et rapports d’audit produits par F______ LLC et G______ FOUNDATION ne font nullement état de "fees" versées à R______/S______LTD , seules P______ LLC et O______ LTD ayant reçu de telles prestations; l’"offering memorandum" autorisant P______ LLC à mandater un tiers manager a été établi le 1er juin 2008, soit après le prélèvement de douze des seize sommes litigieuses; la fréquence de ces prélèvements est sans commune mesure avec la facturation semestrielle évoquée par le mis en cause; enfin, aucune des factures produites ne détaille le calcul des honoraires réclamés, alors que tel devrait être le cas, selon le mis en cause lui-même.

À cette aune, les seize débits querellés semblent être intervenus sans contrepartie correspondante.

En les approuvant, le mis en cause a donc (possiblement) violé son devoir de gestion.

La prétendue validation, par O______ LTD et/ou une société d’audit, des transferts incriminés est impropre à modifier ce constat, l’accord de ces dernières ne pouvant guérir le caractère (potentiellement) illicite desdits transferts.

Le mis en cause a (probablement) agi dans le dessein d’enrichir l’ayant droit économique de R______/S______LTD, sans qu’il ne soit besoin, à ce stade, de déterminer de quel frère KAPUR il s’agit.

Les conditions de l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP sont donc, prima facie, réalisées.

7.5.2. Les faits précités ont été commis entre juillet 2007 et septembre 2008. Il existe une analogie certaine entre eux, le gérant ayant accompli les mêmes actes, au détriment du patrimoine de la même société, à seize reprises en l’espace de quinze mois.

Il n'en demeure pas moins que le mis en cause devait choisir le moment opportun pour passer à l'acte, lequel était notamment fonction des situations financières des personnes qu’il cherchait (supposément) à favoriser/à léser. Cela impliquait, à chaque fois, une nouvelle décision d’agir de sa part.

Partant, les faits litigieux constituent, non une unité naturelle d’action, mais des actes séparés et ponctuels.

Il s’ensuit que six des seize agissements litigieux sont prescrits (art. 98 let. a CP). En effet, le délai de quinze ans relatif aux actes perpétrés entre juillet et décembre 2007 est arrivé à échéance dans le courant du second semestre 2022.

7.6.1. Les gains issus de la possible gestion déloyale aggravée ont tous été versés sur les comptes de R______/S______LTD. Certains s’y sont mélangés (en tout ou partie) avec les avoirs de P______ LLC, tandis que d'autres – identifiables en l’absence de mélange – ont été transférés sur les relations bancaires de S______ LTD et/ou de F______ LLC, sociétés qui n’en étaient pas les bénéficiaires économiques.

Ces (potentiels) actes de blanchiment ont eu lieu entre l’été 2007 et l’automne 2008, soit à une époque où aucune des seize occurrences de l’infraction à l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP n’était prescrite.

Comme le mis en cause – seul signataire autorisé sur les comptes de R______/S______LTD et F______ LLC durant la période précitée – a agi à plusieurs reprises et que les opérations bancaires litigieuses portent sur d’importantes sommes d’argent, la circonstance aggravante de l’art. 305bis ch. 2 let. c CP pourrait être réalisée.

7.6.2. Il a été jugé ci-dessus (cf. consid. 4.3.2) que deux des onze montants en dollars américains versés par la recourante sur le compte de R______ LTD n’étaient plus traçables depuis août 2007, en raison de leur mélange avec des fonds provenant de P______ LLC, puis de leur investissement dans divers produits financiers. Ces actes sont donc prescrits depuis l’été 2022.

Concernant les neuf autres montants – placés dans le "Fiduciary Call ( ) T______" –, leur mélange avec une partie des avoirs de P______ LLC – également investie dans ce produit financier – est intervenu en juillet 2008, époque où il a été mis un terme audit placement et où l’argent a été reversé sur le compte de R______ LTD. La prescription de quinze ans relative à cette dernière opération financière n’est donc pas acquise à ce jour.

Quant aux transferts des quatre sommes non mélangées – EUR 749'461.61 versés le 28 juillet 2008 de la relation de R______ LTD sur celle de S______ LTD, respectivement EUR 341'000.- ainsi que deux sommes totalisant USD 610'000.- débités les 18 et 24 septembre 2008 du compte de S______ LTD au profit de celui de F______ LLC –, la prescription y relative arrivera à échéance en juillet/septembre 2023. L’on peut donc se dispenser d’examiner si l’utilisation de ces quatre sommes ultérieurement à juillet/septembre 2008 consacre de nouveaux actes d’entrave, susceptibles de faire courir des délais propres de quinze ans.

8. 8.1. En conclusion, le classement entrepris viole partiellement l’art. 319 CPP.

Le chiffre 1 du dispositif attaqué sera donc annulé, en tant qu’il concerne les infractions aux art. 158 ch. 1 al. 3 et 305bis ch. 2 CP dénoncées par la recourante, et la cause, renvoyée au Ministère public pour qu’il mette en prévention, puis en accusation, H______ pour les faits non prescrits à ce jour.

8.2. À défaut, pour la confiscation prononcée dans ce même dispositif, de pouvoir se fonder sur les deux infractions susmentionnées (un juge du fond devant se prononcer à leur sujet), elle doit être levée et le point 2 de la décision entreprise, annulé.

Il s’ensuit que les mesures de séquestre initialement ordonnées sur les deux comptes litigieux restent en vigueur.

III. Recours de F______ LLC et de G______ FOUNDATION

9. Ces deux actes sont recevables, pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner des décisions de séquestre sujettes à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des tiers saisis – les allégués selon lesquels ces sociétés (ci-après : les recourantes) pourraient ne plus être en activité, respectivement ne pas avoir valablement mandaté l’avocat ayant rédigé leurs recours, n’étant pas documentés –, parties à la procédure (art. 105 al. 1 let. f CPP) qui ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir lever le blocage de leurs actifs bancaires.

10. 10.1. Le séquestre pénal est une mesure provisoire, destinée à préserver les valeurs susceptibles d’être confisquées ou de servir à l’exécution d’une créance compensatrice (art. 263 al. 1 let. d CPP et 71 al. 3 CP).

L'autorité d’instruction qui la prononce, respectivement en examine le bien-fondé, statue sous l'angle de la vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_123/2022 du 9 août 2022 consid. 2.1).

10.2.1. Les valeurs patrimoniales issues d'une infraction doivent être confisquées (70 CP) quand elles se trouvent en mains de l’auteur ou en possession d’un tiers si ce dernier les a reçues gratuitement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_269/2018 du 26 septembre 2018 consid. 4.2).

Quand elles ne sont plus disponibles, une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent est prononcée à l’encontre dudit auteur/tiers (art. 71 ch. 1 CP). Cette créance peut porter sur tous les biens et/ou revenus de l'intéressé, sous réserve du respect de son minimum vital, sans qu'un lien de connexité avec l'infraction ne soit exigé (arrêt du Tribunal fédéral 1B_123/2022 précité, consid. 2.1 in fine et 2.2).

10.2.2. Selon le principe de la transparence (Durchgriff), quand une société est un simple instrument dans la main de l'auteur d'une infraction, qui, économiquement, ne fait qu'un avec cette entité, l’on doit admettre que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les relations juridiques liant l'une lient également l'autre (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1000/2019 du 19 février 2020 consid. 16.4.1).

10.3. Pour être proportionné le séquestre doit rester en rapport avec la quotité du produit de l'infraction poursuivie (arrêt du Tribunal fédéral 1B_143/2022 du 30 août 2022 consid. 4.1).

10.4. En l’espèce, les recourantes contestent la commission, par les frères H______/I______, d’une infraction ayant généré des profits illicites, condition nécessaire au maintien des séquestres ordonnés sur leurs actifs bancaires.

Il a toutefois été jugé au considérant 7. ci-dessus que H______ (ci-après : le mis en cause) avait pu éventuellement commettre des actes de gestion déloyale et de blanchiment d’argent aggravés.

Certains des profits en résultant ont été versés sur les comptes bancaires des recourantes. Ces dernières sont détenues (potentiel Durchgriff), soit par le mis en cause, soit par son frère, lequel aurait alors (potentiellement) acquis ces profits gratuitement (l’existence d’une activité exercée par ses soins, via R______/S______LTD, en faveur de D______ LTD étant peu vraisemblable, pour les raisons déjà exposées).

Le prononcé d’une créance compensatrice (art. 71 CP) apparaissant concevable, point n’est besoin de déterminer si les actifs saisis présentent un lien suffisant avec les deux infractions précitées.

L’assiette des séquestres (de l’ordre d’USD 3.5 millions) demeure en rapport avec le produit desdites infractions (art. 158 ch. 1 al. 3 CP : USD 2.9 millions et EUR  401'000.- pour les éventuels détournements intervenus en 2008, ceux opérés courant 2007 étant prescrits; art. 305bis ch. 2 CP : environ USD 6.4 millions [USD 7.7 millions versés sur les relations de R______/S______LTD , sous déduction d’USD 270'234,94 et d’USD 1’031'868.13, les opérations bancaires effectuées sur ces deux dernières sommes étant prescrites depuis août 2022] ainsi qu’EUR 1 million).

Dans ces circonstances, les mesures de séquestres ordonnées sur les comptes concernés doivent être maintenues et les deux recours, rejetés.

IV. Frais et indemnités

11. 11.1. Les consorts A______/B______/C______ succombent dans leur recours (art. 428 al. 1, 1ère et 2ème phrases, CPP).

Ils supporteront donc, solidairement (art. 418 al. 2 CPP), les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 3’000.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), montant qui sera prélevé sur les sûretés versées par leurs soins.

11.2. Les intimés, qui ont conclu au rejet de ce recours, peuvent prétendre au versement d'une indemnité de procédure.

11.2.1. D______ LTD chiffre à CHF 5'000.- ses dépens, correspondant à 10 heures d’activité de chef d’étude, facturées au tarif horaire de CHF 500.-.

Cette durée apparaît excessive pour prendre connaissance du recours, lequel tient sur neuf pages (pages d’en-tête et de conclusions non incluses) et rédiger des observations de six pages (en-tête non comprise). Elle sera donc ramenée à quatre heures.

Une somme de CHF 1'800.- lui sera, ainsi, allouée (4 x CHF 450.- de l’heure [ACPR/670/2022 du 29 septembre 2022, consid. 4.1]), hors TVA (vu son siège à l’étranger [ATF 141 IV 344 consid. 4]), et mise à la charge de l’État (art. 436 al. 1 cum 433 al. 2 CPP).

11.2.2. H______, prévenu, ne réclame aucun défraiement. Il ne lui en sera point alloué, vu l’insignifiance de ses dépens, le courrier dans lequel il fait valoir sa position tenant sur quelques lignes seulement (art. 436 al. 1 cum 430 al. 1 let. c CPP).

11.2.3. F______ LLC et G______ FOUNDATION, tiers saisis, ne seront pas davantage indemnisées, faute de l’avoir demandé (art. 436 al. 1 cum 434 al. 1, 2ème phrase, CPP).

12. 12.1. D______ LTD succombe sur certaines conclusions de son recours et obtient gain de cause sur les autres (art. 428 CPP).

Elle supportera donc la moitié des frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 3’000.- (art. 3 cum 13 al. 1 RTFMP), soit une somme de CHF 1'500.-, laquelle sera prélevée sur les sûretés versées par ses soins. Le solde desdits frais sera laissé à la charge de la collectivité publique.

12.2. Elle peut obtenir des dépens corrélativement (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

Elle chiffre à CHF 10'000.- ses prétentions, équivalant à 20 heures d’activité d’avocat, au tarif horaire de CHF 500.-.

Ce temps apparaît trop long pour rédiger un mémoire comprenant quatorze pages de développements factuels et juridiques. Il sera, en conséquence, réduit à six heures.

Un montant de CHF 1’350.- TTC (6 x CHF 450.- de l’heure = CHF 2'700.- x 50%, mesure dans laquelle D______ LTD a obtenu gain de cause) lui sera octroyé et mise à la charge de l'État (art. 436 al. 1 cum 433 al. 2 CPP).

12.3. Ni les consorts A______/B______/C______, ni F______ LLC/G______ FOUNDATION ne prennent de conclusions chiffrées en indemnisation, de sorte qu’il ne leur en sera pas alloué (art. 436 al. 1 cum 433 al. 2 et 434 al. 1, 2ème phrase, CPP).

12.4. H______ ne sera pas davantage défrayé, vu l’insignifiance de ses dépens, le courrier dans lequel il se détermine tenant sur quelques lignes seulement (art. 436 al. 1 cum 430 al. 1 let. c CPP).

13. 13.1. F______ LLC et G______ FOUNDATION succombent dans leurs recours respectifs (art. 428 CPP).

Elles supporteront donc, solidairement (art. 418 al. 2 CPP), les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 3’000.- (art. 3 cum 13 al. 1 RTFMP).

13.2. D______ LTD, seule partie intimée ayant obtenu gain de cause et chiffré ses dépens, requiert le versement d’une indemnité de CHF 5'000.- (10 heures d’activité de chef d’étude, au tarif horaire de CHF 500.-).

Cette durée apparaît excessive pour prendre connaissance des deux recours (qui comportent des développements de plus de vingt pages chacun, mais d'une teneur similaire) et rédiger des déterminations de huit pages (en-tête non comprise). Elle sera donc ramenée à six heures.

Une somme de CHF 2’700.- TTC (6 x CHF 450.- de l’heure) lui sera donc allouée à la charge de l'État (art. 436 al. 1 cum 433 al. 2 CPP par analogie).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Joint les recours.

Rejette le recours formé par A______, B______ et C______, dans la mesure de sa recevabilité.

Admet partiellement le recours de D______ LTD, dans la mesure de sa recevabilité.

Annule, en conséquence, le chiffre 1 du dispositif de l’ordonnance attaquée, en tant qu’il porte sur les infractions aux art. 158 ch. 1 al. 3 et 305bis ch. 2 CP dénoncées par D______ LTD, respectivement le chiffre 2 de ce même dispositif, et renvoie la cause au Ministère public pour qu’il mette en prévention, puis en accusation, H______ pour les faits non prescrits à ce jour.

Rejette les recours formés par F______ LLC et G______ FOUNDATION.

Condamne solidairement A______, B______ et C______ au frais de la procédure liée à leur recours, arrêtés à CHF 3’000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à D______ LTD, à la charge de l'État, une indemnité de procédure de CHF 1'800.- TTC en lien avec le recours des consorts A______/B______/C______.

Condamne D______ LTD à la moitié des frais de la procédure se rapportant à son recours, arrêtés au total à CHF 3'000.-, soit au paiement de CHF 1'500.-.

Dit que ce montant (CHF 1'500.-) sera prélevé sur les sûretés versées, le solde
(CHF 1'500.-) devant être restitué à D______ LTD.

Laisse le solde des frais (CHF 1'500.-) relatifs au recours de D______ LTD à la charge de l’État.

Alloue à D______ LTD, à la charge de l'État, une indemnité de procédure de CHF 1’350.- TTC en lien avec son propre recours.

Condamne solidairement F______ LLC et G______ FOUNDATION aux frais de la procédure se rapportant à leurs recours, arrêtés, au total, à CHF 3'000.-.

Alloue à D______ LTD, à la charge de l'État, une indemnité de procédure de CHF 2'700.- TTC en lien avec le recours de F______ LLC et de G______ FOUNDATION.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______, B______ et C______, D______ LTD, F______ LLC, G______ FOUNDATION et H______, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu’au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de droit :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14180/2012

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

40.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

8'885.00

-

CHF

     

Total

CHF

9’000.-