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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19358/2020

AARP/140/2023 du 28.03.2023 sur JTDP/642/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 26.05.2023, 7B_543/2023
Descripteurs : IN DUBIO PRO REO;VIOLATION DES RÈGLES DE LA CIRCULATION
Normes : LCR.90.al3; LCR.90.al4; CPP.10
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19358/2020 AARP/140/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 28 mars 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocat,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/642/2022 rendu le 7 juin 2022 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 7 juin 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 let. b de la loi fédérale sur la circulation routière) et de conduite sous retrait du permis (art. 95 al. 1 let. b LCR). Le TP l'a condamnée à une peine privative de liberté de 13 mois et a renoncé à révoquer les sursis octroyés le 2 avril 2019 par le Regionale Staatsanwaltschaft C______ [BE] ainsi que le 27 mai 2019 par le Ministère public de Genève (MP). Il a rejeté les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP) et l'a condamnée aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 4'814.-, émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- en sus (art. 426 al. 1 CPP).

A______ entreprend ce jugement, concluant, sous suite de frais et dépens, à son acquittement.

b. Selon l'acte d'accusation du 7 octobre 2021, il est reproché ce qui suit à A______ : le 9 juin 2020, à 00h53, elle a circulé, sur la route de Thonon, à la hauteur du n°1______, en direction de la route de Corsier, au volant de son véhicule, immatriculé GE 2______, à la vitesse de 141 km/h alors qu'elle faisait l'objet d'une décision de retrait du permis de conduire, valable du 7 août 2019 au 6 août 2020, et que la vitesse maximale autorisée était limitée à 60 km/h. Elle a réalisé un dépassement de 75 km/h, déduction faite d'une marge de sécurité de 5 km/h [recte : 6 km/h].

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, née le ______ 1991, était à l'époque des faits domiciliée au chemin 3______ no. ______, à D______ [GE], soit, par rapport au lieu de l'excès de vitesse reproché, à 2.5 km en direction de la route de Corsier, soit encore à cinq minutes en voiture.

Elle était mariée, mais en procédure de séparation depuis 2019, à E______, ce dernier étant à cette période officiellement domicilié non loin à D______, au chemin 4______ no. ______.

A______ a deux antécédents inscrits au casier judiciaire suisse, en matière de circulation routière :

-          le 2 avril 2019, elle a été condamné par le Regionale Staatsanwaltschaft de C______, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 170.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de deux ans ainsi qu'à une amende de CHF 600.-, pour violation grave des règles de la circulation routière (excès de vitesse) ;

Elle a parallèlement fait l'objet d'un retrait de permis de conduire valable du 1er mars 2019 au 31 mai 2019.

-          le 27 mai 2019, par le MP, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 160.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans ainsi qu'à une amende de CHF 60.-, pour violation simple des règles de la circulation routière et conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis.

Elle a fait l'objet d'un nouveau retrait de permis valable du 7 août 2019 au 6 août 2020.

b. Alors sous le coup de ce dernier retrait de permis, A______ a, au mois de février ou de mars 2020, acheté un nouveau véhicule SUV de marque F______, qui a fait l'objet d'un contrôle par l'Office cantonal des véhicules (OCV) le 8 avril 2020 et a été, à cette même date, immatriculé GE 2______ (B-49).

c. Le 26 mai 2020, un certain G______, ami de A______, a effectué pour elle, et à titre de cadeau, une commande de plaques spéciales (GE 5______) auprès de l'OCV, composées de son chiffre porte-bonheur et de son année de naissance. Il a été informé qu'il fallait compter environ dix jours pour la livraison desdites plaques et qu'il en serait avisé par email ou par téléphone (B-46).

d. Le 8 juin 2020, à 17h33, G______ (+41_6______) a appelé A______ à deux reprises sur son téléphone professionnel (+41_7______), ce raccordement ayant activé une antenne à H______ [GE]. Elle l'a ensuite rappelé à 18h37 depuis son téléphone privé (+41_8______), pour un appel qui a duré une minute et 14 secondes et qui a activé une antenne au no. ______, rue 9______ (C-9), à proximité du restaurant I______, où elle a ensuite dîné.

À 20h54, A______ a effectué un paiement de CHF 70.- à cet établissement (B-30).

e. Plus tard dans la nuit du 8 au 9 juin 2020, trois appels successifs ont été réalisés à 01h01m02, à 01h01m38 et enfin à 01h01m39 du raccordement professionnel vers le raccordement privé de A______, dont l'un a été dévié sur la boîte vocale. Les deux raccordements ont activé la même antenne, située chemin 10_____ no. ______ à D______, soit à 250 m de son domicile (C-9, C-11 et C-40).

f. Entre le 8 juin, 07h00, et le 9 juin 2020, 17h00, E______ a reçu et effectué divers appels depuis son raccordement téléphonique (+41_11_____) bornant l'antenne située au chemin 12_____, soit à proximité de son domicile officiel au chemin 4______ no. ______.

L'antenne située au chemin 10_____ n'a en revanche pas été activée par son téléphone durant ce laps de temps et aucune activité n'a été mise en évidence la nuit des faits, le dernier appel ayant été réalisé le 8 juin 2020 à 17h32m34, activant l'antenne précitée du chemin 12_____, puis plus rien jusqu'au lendemain matin, 09h05m40, heure à laquelle une borne a été activée à J______ [VD] (C-10).

g. Le 10 juin 2020, A______ a pris possession de ses nouvelles plaques à l'OCV effectuant les changements nécessaires sur son permis de circulation (B-47 à B-49), étant relevé que son raccordement téléphonique a activé une antenne à la route 13_____ no. ______, soit à proximité de l'OCV, à 14h46m06.

h. Le 16 juillet 2020, la police a adressé un mandat de comparution à A______.

Le 21 juillet 2020 à 08h00, la police l'a renseignée téléphoniquement sur les raisons de la convocation, à savoir le dépassement de vitesse litigieux (B-24 ; B-31).

À 08h14, elle a échangé les messages suivants avec E______, qu'elle a versés à la procédure :

A______ :

"Est-ce que tu as pris ma voiture le 9.06? Un mardi?

J'ai été flashee à 140 sur la route de Thonon à 1h du matin

Et ce n'est pas moi"

E______ :

" Sur que non

Dsl

La photo c'est vraiment ta voiture?"

A______ :

"Il me dit que oui

Mais j'étais à la maison ce soir là je suis pas sortie j'en suis sure j'avais rdv à 7h le lendemain et c'était la semaine avant la livraison des immeubles"

E______ : "Et moi j'ai jamais conduit ta voiture sans toi"

A______ : "C'est pas possible putain"

E______ : "Quel radar"

A______ :

"Route de Thonon en montant les quais

Impossible j'ai jamais roulé à ces vitesses la la bas en plus".

i. Entendue à plusieurs reprises, A______ a contesté être l'auteure de l'infraction en cause. Le 8 juin 2020, elle avait dîné au restaurant I______ avec "des amis". Elle ne se souvenait pas quel moyen de transport elle avait utilisé pour s'y rendre. Peut-être qu'une personne était venue la chercher. Cela étant, depuis le retrait de son permis, elle se déplaçait à vélo, à trottinette ou en taxi. Elle était ensuite rentrée chez elle vers 22h00 au plus tard, avait peut-être travaillé un peu à la maison puis était allée se coucher. Ainsi, au moment de l'excès de vitesse reproché, soit à 00h53, le 9 juin 2020, elle dormait. Elle se couchait tôt lorsqu'elle travaillait et elle avait une semaine particulièrement chargée. Elle n'était toutefois pas en mesure de fournir le nom d'une personne pouvant attester ses dires. À l'audience de jugement, elle a expliqué, pour la première fois, que le soir en cause, elle avait dîné avec K______, qui l'avait ramenée chez elle vers 22h00 avec son véhicule.

Les clés de sa voiture se trouvaient généralement dans un pot qui se situait à l'entrée de son appartement, en libre-service. Seul son mari avait pu en faire usage, étant précisé qu'il vivait chez elle au moment des faits, en simple colocataire, et qu'il s'en servait lorsqu'il en avait besoin. Elle n'avait pas prêté le véhicule à des tierces personnes mais ignorait si son époux l'avait fait.

Elle avait été choquée lorsqu'elle avait reçu le courrier de la police l'informant du dépassement litigieux et avait immédiatement écrit un message à son mari, le 21 juillet 2020, lequel lui avait répondu que ce n'était pas lui. Elle était en bons termes avec lui et ne lui jetait pas la pierre ; elle ignorait qui était au volant au moment des faits. Peut-être que ses plaques avaient été volées ou copiées.

Interpellée, à l'audience de jugement, sur le fait que son mari lui avait également précisé, par message du 21 juillet 2020, qu'il ne circulait jamais seul avec son véhicule, elle a expliqué que celui-ci mentait. C'était elle qui avait financé l'achat de cette voiture mais son mari l'utilisait le week-end. Seule elle utilisait ce véhicule désormais.

Lorsqu'elle avait indiqué par messages à son époux qu'elle n'était pas sortie le soir en question, alors qu'elle avait dîné [dans le quartier de] L______, elle voulait dire qu'elle était rentrée tôt, n'étant pas allée boire de verre.

Elle avait toujours son téléphone personnel sur elle mais ne se souvenait pas si elle était également en possession de son téléphone professionnel le soir des faits, étant relevé qu'elle le laissait en général au bureau. Ce téléphone n'était pas doté d'un code PIN. Il arrivait à son assistante d'utiliser cet appareil mais uniquement au bureau. Elle n'avait pas d'explication quant au fait que son téléphone personnel avait reçu plusieurs appels de son téléphone professionnel le 9 juin 2020 à 01h00. Elle n'avait pas constaté d'appels manqués ni de messages sur son combox. Selon elle, il s'agissait d'un bug.

C'était un hasard si elle avait effectué le changement des plaques d'immatriculation de sa voiture le lendemain des faits. Celles-ci avaient été commandées une semaine auparavant. Il s'agissait d'un cadeau d'une personne dont elle ne souhaitait pas communiquer l'identité. Ce n'était pas cette personne qui conduisait le véhicule au moment des faits.

h. E______ a affirmé ne pas être l'auteur des faits. Il s'agissait du véhicule de sa femme, qu'il n'avait conduit qu'à trois ou quatre reprises, à chaque fois en compagnie de celle-ci et, la dernière fois, au mois de mai 2020. Il n'avait d'ailleurs pas l'autorisation d'en faire usage seul et n'était pas en possession du double des clés.

Au moment des faits, il était au lit. Il ne sortait pas les lundis soir. Il ignorait où était son ex-femme. Ils avaient entamé une procédure de séparation en 2019 mais il ne se souvenait pas de la date exacte à laquelle il avait quitté le domicile conjugal. Sur question, il a confirmé les déclarations de A______ selon lesquelles, lors des faits, il vivait chez elle, même s'il en était séparé depuis le mois de décembre 2018 et si son domicile officiel était alors au chemin 4______ no. ______. Ils s'étaient en effet brièvement remis ensemble et avaient de bonnes relations à ce moment. En fait, la relation était compliquée à cette période et ils n'avaient pas forcément les mêmes horaires, raison pour laquelle il n'était pas en mesure de dire si sa femme était avec lui cette nuit-là.

Il a concédé que seule son épouse ou lui-même pouvaient avoir été au volant du véhicule incriminé lors du dépassement litigieux, dans la mesure où elle ne le prêtait pas à des tierces personnes et où lui-même ne le faisait pas non plus puisqu'il ne s'agissait pas de sa voiture. Il était en tous les cas certain de ne pas être l'auteur des faits.

C. a. En appel, A______ a en substance confirmé ses précédentes déclarations et persisté à nier son implication dans l'excès de vitesse litigieux.

Elle était rentrée chez elle après le dîner, raccompagnée par K______. Elle avait parlé de lui à la police ainsi qu'à son premier avocat, lequel lui avait toutefois indiqué que ce n'était pas important de le mentionner car même s'il l'avait ramenée, cela ne changeait rien au fait que l'excès de vitesse avait eu lieu. Elle ignorait pourquoi cela ne ressortait pas des auditions à la police.

La seule personne qui pouvait utiliser son véhicule pendant son retrait de permis était E______. Elle avait d'ailleurs acheté cette voiture car ce dernier souhaitait changer de modèle et qu'il ne disposait que de sa camionnette de travail. Elle l'avait mise à son nom car la situation financière de son ex-mari ne lui permettait pas de prendre un leasing, selon ce qu'il lui avait dit.

Elle avait toujours son téléphone privé avec elle et déduisait de l'analyse des rétroactifs qu'elle détenait également son téléphone professionnel durant la nuit du 8 au 9 juin 2020.

Les appels effectués vers 01h00 du matin provenant de son numéro de téléphone professionnel sur son numéro de téléphone privé étaient, pour elle, toujours inexplicables.

Elle avait certes reçu les nouvelles plaques de contrôle alors qu'elle était sous le coup d'un retrait de permis, mais sur initiative d'un ami qui était un passionné de voitures. Il ne lui restait par ailleurs que deux mois de retrait de permis ; elle l'avait récupéré début août 2020. Elle avait été informée que les plaques étaient arrivées et était allée les chercher, le 10 juin 2020, car il était prévu qu'elle déjeune à M______ [GE] avec l'ami en question ce jour-là. Elle avait enlevé elle-même les anciennes plaques de son véhicule avant de se rendre au Bureau des automobiles.

b. Entendu comme témoin, K______ a déclaré qu'il ne se souvenait pas de son emploi du temps de la soirée du 8 au 9 juin 2020. En 2020, il voyait régulièrement A______, avec laquelle il allait notamment dîner, parfois à L______, après quoi ils rentraient tôt, chacun de leur côté. Il lui était également arrivé d'aller la chercher au travail et de la ramener chez elle lorsqu'elle était sous retrait. Il ne se souvenait pas d'un établissement nommé I______ mais un restaurant portugais à L______, cela lui évoquait quelque chose. Il avait possiblement déjà dîné avec A______ à cet endroit.

c. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions, étant précisé qu'à titre subsidiaire elle conclut à l'octroi du sursis.

Seule elle ou E______ pouvait avoir été au volant au moment des faits. Or, elle clamait son innocence depuis le début.

À l'époque des faits, son ex-mari habitait au domicile conjugal, où les clés de la voiture se trouvaient à l'entrée, en libre-service. Le téléphone professionnel de l'appelante n'était pas protégé par un code PIN, si bien que n'importe qui pouvait l'allumer. Les bornages de ses téléphones étaient incompréhensibles et ne prouvaient rien, si ce n'était qu'ils avaient été activés à proximité de son lieu de domicile et que donc, à 01h00 la nuit des faits, elle se trouvait bien chez elle, étant relevé que les antennes couvraient un périmètre de 5 à 10 km. Les rétroactifs ne permettaient en revanche nullement de retenir qu'elle s'était déplacée du lieu de l'excès de vitesse à chez elle.

Trop rapidement, le MP avait rendu une ordonnance de classement à l'égard de son ex-mari. Il avait des antécédents en matière de circulation routière, plus graves qu'elle, et avait dû repasser intégralement son permis de conduire.

La survenance du changement des plaques de contrôle, le surlendemain des faits, était liée au hasard.

La seule chose que l'on savait en définitive c'était qu'elle avait dîné au restaurant et était rentrée tôt, ainsi que l'avait expliqué le témoin K______. Il ne faisait aucun sens de s'imaginer qu'elle fût ressortie de chez elle et qu'elle eût roulé comme un chauffard devant un radar, sur une route qu'elle empruntait tous les jours.

Il était possible que quelqu'un eût voulu maquiller l'infraction.

Elle n'avait pas à supporter le fait que la photo était inexploitable et de mauvaise qualité, étant précisé qu'il n'y avait pas de présomption légale de culpabilité du détenteur du véhicule et qu'il n'était pas possible de prouver un fait négatif.

Cette affaire pouvait souffrir de ne pas être élucidée.

d. Le MP conclut à la confirmation du jugement entrepris. A______ persistait à nier l'évidence.

Les données rétroactives permettaient de démontrer qu'elle se trouvait au no. ______, rue 9______, en début de soirée et qu'elle détenait tant son téléphone privé que le professionnel. À 01h01, soit sept ou huit minutes après l'excès de vitesse, survenu sur la route qu'elle empruntait tous les jours pour rentrer chez elle, son téléphone privé avait reçu plusieurs appels de son téléphone professionnel, les deux raccordements déclenchant la même antenne, qui se situait entre le lieu de l'excès de vitesse et le domicile de la prévenue. Ces éléments permettaient de conclure qu'au moment des appels en question, elle était réveillée, était en possession de ses deux téléphones et, venant d'arriver devant chez elle en voiture, avait cherché son téléphone personnel. Elle se trouvait donc bien au volant de son véhicule au moment de l'excès de vitesse. Cela ne pouvait tout simplement être personne d'autre, en particulier pas E______, qu'aucun élément matériel du dossier n'incriminait.

Lors de sa première audition à la police, elle avait déclaré ne pas se souvenir comment elle était allée au restaurant puis rentrée chez elle. Elle avait ensuite adapté ses explications aux éléments du dossier, se souvenant soudainement que K______ avait été son chauffeur. Ce dernier n'avait toutefois pas confirmé les dires de la prévenue, ayant déclaré ne pas se souvenir de son emploi du temps la nuit des faits. Les explications de A______ étaient de circonstance.

À cela s'ajoutait le fait, troublant, que le lendemain de l'excès de vitesse, elle avait pris la peine de faire changer ses plaques, cela alors même qu'elle avait, selon ses déclarations, un planning extrêmement chargé cette semaine-là. Il ne pouvait s'agir que d'une volonté de masquer son délit.

La peine prononcée par le TP était clémente, au vu de la récidive, de sa mauvaise collaboration et de son absence de prise de conscience. Rien ne permettait de poser un pronostic favorable, si bien que le sursis était exclu.

D. A______ est désormais divorcée de E______. Elle a un nouveau compagnon et un nouvel appartement, dont elle s'acquitte mensuellement du loyer se montant à CHF 1'700.-.

Elle travaille en qualité de gérante auprès de N______ et perçoit à ce titre un revenu annuel de CHF 103'500.-.

Sa prime d'assurance maladie se monte à CHF 601.20 et elle rembourse un crédit qu'elle a contracté auprès de O______ SA de CHF 18'000.-, à raison de CHF 300.- par mois.

Elle n'a pas de fortune.

Elle fait de l'alpinisme à haut niveau et a prévu de partir en juin 2023, en expédition au P______ et Q______.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 p. 82).

2.1.2. Selon la jurisprudence, le conducteur d'un véhicule automobile ne saurait se voir condamner à une infraction de la loi sur la circulation routière que s'il est établi à satisfaction de droit qu'il est bien l'auteur de cette infraction. Autrement dit, le juge ne peut prononcer une telle condamnation que s'il a acquis la conviction que c'est bien l'intéressé qui a enfreint les règles de la circulation. Lorsqu'une infraction a été dûment constatée, sans cependant que son auteur puisse être identifié, l'autorité ne saurait se borner à présumer que le véhicule était piloté par son détenteur, en faisant porter le fardeau de la preuve à ce dernier (ATF 106 IV 142 consid. 3; 105 Ib 114 consid. 1a en matière de retrait du permis de conduire). Ainsi, lorsque l'auteur d'une infraction constatée ne peut être identifié sur-le-champ, le juge peut certes, dans un premier temps, partir de l'idée que le détenteur du véhicule en question en était aussi le conducteur au moment critique. Mais dès lors que cette version est contestée par l'intéressé, il lui appartient d'établir sa culpabilité sur la base de l'ensemble des circonstances, sans franchir les limites de l'arbitraire. S'il arrive à la conclusion que le détenteur, malgré ses dénégations, est bien le conducteur fautif, la condamnation est fondée (ATF 106 IV 142 consid. 3). Il ne suffit pas au détenteur d'invoquer le droit au silence ou le droit de ne pas s'auto-incriminer pour échapper à une sanction lorsque sa culpabilité n'est pas douteuse (arrêts du Tribunal fédéral 6B_914/2015 du 30 juin 2016 consid. 1.2; 6B_237/2015 du 16 février 2016 consid. 2.1).

2.1.3. Selon l'art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans.

L'al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée : d'au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h et d'au moins 60 km/h, là où la limite était fixée à 80 km/h (art. 90 al. 4 let. b et c LCR).

2.1.4. Celui qui commet un excès de vitesse appréhendé par l'art. 90 al. 4 LCR commet objectivement une violation grave qualifiée des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 3 LCR et réalise en principe les conditions subjectives de l'infraction. Du point de vue subjectif, il sied de partir de l'idée qu'en commettant un excès de vitesse d'une importance telle qu'il atteint les seuils fixés de manière schématique à l'art. 90 al. 4 LCR, l'auteur a, d'une part, l'intention de violer les règles fondamentales de la circulation et accepte, d'autre part, de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (ATF 142 IV 137 consid. 11.2 p. 151 ; cf. ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1 p. 138 et 139 IV 250 consid. 2.3.1 p. 253).

En effet, il faut considérer que l'atteinte d'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule (ATF 142 IV 137 consid. 11.2 p. 151 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_700/2015 du 14 septembre 2016).

2.2.1. L'appelante n'a jamais contesté l'importance du dépassement de vitesse de 75 km/h, marge de sécurité de 6 km/h déduite, sur un tronçon limité à 60 km/h, tel qu'enregistré par un radar le 9 juin à 00h53, ni la qualification d'infraction à l'art. 90 al. 3 LCR.

Elle conteste avoir été au volant au moment de l'excès de vitesse litigieux.

Ses explications n'emportent toutefois pas conviction face au faisceau d'indices ressortant du dossier :

2.2.2. L'appelante, détentrice officielle du véhicule incriminé, était à l'époque des faits, domiciliée à cinq minutes du lieu où était situé le radar. Elle a, le soir des faits, dîné dehors, contrairement à ce qu'elle a indiqué par message à son ex-époux le 21 juillet 2020. Elle était en possession de ses deux téléphones portables durant la soirée et la nuit du 8 au 9 juin 2020, ce que l'appelante ne conteste pas en soi, et ceux-ci ont été activés trois fois de suite à proximité immédiate de son domicile, à 01h01, soit sept minutes après l'excès de vitesse litigieux. Cela laisse suggérer, comme le soutient l'accusation, que l'appelante ne dormait pas mais venait d'arriver chez elle au volant de son véhicule, empruntant nécessairement le tronçon de la route de Thonon où se situe le radar, et, une fois arrivée chez elle, s'est appelée depuis son téléphone professionnel vers son téléphone privé, trois fois de suite, sans doute car elle ne le trouvait pas. Seule cette explication concorde avec les données rétroactives, dont rien ne permet de douter de la véracité ou de suspecter qu'elles auraient fait l'objet d'un bug.

L'appelante ne prétend en particulier pas qu'elle aurait passé ces appels alors qu'elle se trouvait chez elle. Elle le conteste au contraire, expliquant qu'elle dormait à cette heure-là et n'avait d'ailleurs jamais constaté d'appels manqués ou de message combox par la suite. L'on ne saurait retenir que n'importe qui, possiblement son ex-mari, voire son assistante, aurait pu utiliser son téléphone professionnel, et commettre l'infraction en cause. Cela présupposerait en effet que cette personne se soit introduite chez elle, emparée des clés de la voiture, de son téléphone professionnel, commis l'infraction et composé trois fois de suite son numéro personnel à l'aide dudit téléphone, pour finalement tout remettre en place afin qu'elle ne se rende compte de rien. Cela ne fait tout simplement aucun sens.

Il ne ressort par ailleurs pas de la procédure que les plaques de l'appelante auraient été volées ou auraient disparu. L'appelante a au contraire expliqué les avoir elles-mêmes enlevé le 10 juin 2020, au moment de procéder à l'installation des nouvelles. Elle n'a pas non plus déposé plainte pour usurpation de plaques.

L'appelante a déjà été condamnée par le passé pour violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), pour un important excès de vitesse, de même que pour avoir ensuite circulé, à plusieurs reprises, au volant d'un motocycle alors qu'elle était sous le coup d'un retrait de permis. La Cour ne peut ainsi que constater la facilité de l'appelante à commettre des infractions à la LCR. Le fait qu'elle a acheté une nouvelle voiture, soit un SUV, relativement puissant, et installé des plaques spéciales, alors qu'elle était sous le coup d'un retrait de permis, atteste encore de l'attrait certain de l'appelante pour les voitures, la vitesse et les sensations fortes, ce que laisse également suggérer sa passion pour l'alpinisme de haut niveau, dans des conditions extrêmes.

Si le fait qu'elle a procédé au changement de ses plaques le lendemain du dépassement de vitesse litigieux (10 juin 2020) ne peut en tant que tel être retenu comme élément à charge dans la mesure où les plaques ont été commandées une semaine auparavant par G______, un ami dont elle explique qu'il est un passionné de voitures, la Cour relèvera que c'est quelques heures après avoir parlé au téléphone avec ce dernier (appel du 8 juin 2020 à 18h37), que l'excès de vitesse a été commis. L'appelante a d'ailleurs initialement refusé, sans que l'on en comprenne les raisons, de révéler l'identité de ce dernier, tout en affirmant qu'il n'était pas impliqué dans l'excès de vitesse litigieux, cela alors qu'elle soutient parallèlement ignorer qui cela pouvait bien être. Ces éléments sont troublants.

S'y ajoute encore ce qui suit :

2.2.3. E______, le seul autre potentiel utilisateur, a formellement contesté être l'auteur du dépassement de vitesse en cause. Il ne sortait pas les lundis soirs et rentrait en général du travail vers 18h30, comme les autres jours de la semaine. Il n'avait conduit que très rarement la voiture de l'appelante et toujours en compagnie de celle-ci, ce qu'il a d'ailleurs relevé dans l'échange de SMS du 21 juillet 2020 sus évoqué, et ce qui n'avait alors pas suscité de réaction de l'appelante.

Aucun élément matériel du dossier ne permet de contredire les déclarations de E______ qui précèdent, y compris les données rétroactives de son raccordement téléphonique, lesquelles tendent d'ailleurs plutôt à les confirmer puisqu'elles ont permis d'établir qu'à 17h45, un appel a déclenché l'antenne à proximité de son adresse officielle, puis plus rien jusqu'au lendemain matin à 09h00.

2.2.4. Son raccordement téléphonique a du reste déclenché, à plusieurs reprises, entre le 8 juin 2020, 08h00, et le 9 juin 2020, 17h00, l'antenne située à proximité de ce domicile et non celle à côté de l'appartement de l'appelante, ce qui laisse suggérer qu'il vivait à cette adresse et non chez l'appelante, dont il était séparé depuis 2019.

Tous deux se sont au demeurant contredits ou à tout le moins ont donné une explication peu convaincante du fait que l'époux était à cette période revenu vivre chez l'appelante, alors que son adresse officielle était autre et qu'ils étaient en procédure de séparation depuis 2019. L'appelante s'est contentée d'expliquer qu'il avait quitté le domicile conjugal en décembre 2018 ou janvier 2019 mais était revenu vivre chez l'appelante au moment des faits, en tant que simple colocataire. Dans cette mesure, il ne pouvait pas confirmer qu'elle était bien à la maison au moment du dépassement litigieux. E______ a pour sa part d'abord expliqué qu'il ignorait la date à laquelle il avait quitté l'appartement de son ex-femme avant de confirmer ce qu'avait déclaré cette dernière, à savoir qu'il avait quitté le domicile conjugal en décembre 2018 et qu'au moment des faits, il habitait bien chez elle. Il a alors précisé qu'il s'était à cette période brièvement réconcilié avec l'appelante et que cela se passait bien, ce qui ne concorde pas avec les explications de cette dernière. E______ est ensuite revenu sur ses dires affirmant qu'en fait, la relation était compliquée, raison pour laquelle il n'était effectivement pas en mesure de confirmer que l'appelante était avec lui à la maison la nuit des faits.

2.2.4. L'appelante argue encore que E______ a menti en cours de procédure. Ce dernier conduisait également le véhicule en cause, qu'elle avait d'ailleurs acheté pour lui. Il avait du reste des antécédents plus graves qu'elle en matière de circulation routière. Outre qu'elles ne trouvent aucune assise dans la procédure, ces déclarations incriminantes, livrées en première instance et en appel, détonnent avec ses explications plus mesurées en procédure préliminaire. Commodément livrées alors qu'une ordonnance de classement avait d'ores et déjà été rendue à l'égard de son ex-mari, elles ne convainquent ainsi guère.

L'appelante a d'ailleurs affirmé qu'elle était désormais la seule utilisatrice du véhicule en cause, ce qui achève d'anéantir ses propos selon lesquelles elle avait financé cette voiture pour son ex-mari.

2.2.5. Les explications soudaines de l'appelante aux débats de première instance au sujet de K______ ne convainquent pas davantage. Elle avait en effet jusque-là soutenu que personne n'était en mesure de confirmer qu'elle était chez elle au moment des faits, y compris d'ailleurs son ex-époux qui vivait supposément chez elle, et le témoignage de K______ n'a nullement permis de corroborer ses dires, puisqu'il a indiqué qu'il ne se souvenait pas de son emploi du temps le soir des faits. Il n'a en particulier pas été en mesure de confirmer avoir alors dîné au I______ avec l'appelante et l'avoir ensuite raccompagnée chez elle.

2.2.7. L'ensemble des éléments qui précèdent permettent de considérer qu'il existe un faisceau d'indices convergents suffisant permettant de retenir, au-delà de tout doute raisonnable, que l'appelante, est bien l'auteure de l'excès de vitesse du 9 juin 2020.

2.3. Partant, la culpabilité de l'appelante du chef d'infraction à l'art. 90 al. 3 et al. 4 let. b LCR sera confirmée.

3. 3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1).

3.1.2. À teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1).

Si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (art. 46 al. 2 CP).

La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Celle-ci ne se justifie qu'en cas de pronostic défavorable, à savoir lorsque la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve. Par analogie avec l'art. 42 al. 1 et 2 CP, le juge se fonde sur une appréciation globale des circonstances du cas d'espèce pour estimer le risque de récidive. En particulier, il doit prendre en considération l'effet dissuasif que la nouvelle peine peut exercer, si elle est exécutée. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis. (ATF 134 IV 140 consid. 4.2 à 4.5).

L'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné, bien qu'elle soit une condition aussi bien du sursis à la nouvelle peine que de la révocation d'un sursis antérieur, ne peut faire l'objet d'un unique examen, dont le résultat suffirait à sceller tant le sort de la décision sur le sursis à la nouvelle peine que celui de la décision sur la révocation du sursis antérieur. Le fait que le condamné devra exécuter une peine – celle qui lui est nouvellement infligée ou celle qui l'avait été antérieurement avec sursis – peut apparaître suffisant à le détourner de la récidive et, partant, doit être pris en considération pour décider de la nécessité ou non d'exécuter l'autre peine. Il constitue donc une circonstance nouvelle, appelant un réexamen du pronostic au stade de la décision d'ordonner ou non l'exécution de l'autre peine. Le juge doit motiver sa décision sur ce point, de manière à ce que l'intéressé puisse au besoin la contester utilement et l'autorité de recours exercer son contrôle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_454/2021 du 4 octobre 2021 consid. 4.1).

3.1.3. L'amende au sens de l'art. 106 CP entre en ligne de compte en matière de délinquance de masse (Massendelinquenz), lorsque le juge souhaite prononcer une peine privative de liberté ou pécuniaire avec sursis, mais qu'une sanction soit néanmoins perceptible pour le condamné, dans un but de prévention spéciale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3 ; ATF 134 IV 60 consid. 7.3.1).

Il résulte de la place de l'art. 42 al. 4 CP dans la loi que la peine privative de liberté ou la peine pécuniaire assorties du sursis a un poids primordial et que l'amende sans sursis qui vient s'ajouter ne revêt qu'un rôle secondaire (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2). Elle ne doit pas conduire à une aggravation de la peine ou au prononcé d'une peine additionnelle. Ainsi, pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20%, de la peine principale. Des exceptions sont cependant possibles en cas de peines de faible importance, pour éviter que la peine cumulée n'ait qu'une portée symbolique (ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4).

3.1.4. Aux termes de l'art. 106 al. 2 CP, le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus. Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3).  

Un jour de peine privative de liberté de substitution (art. 106 al. 2 CP) correspond schématiquement à CHF 100.- d'amende (R. ROTH / L. MOREILLON [éds], Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 19 art. 106), taux de conversion généralement appliqué et admis par la jurisprudence.

3.1.5. D'après l'art. 90 al. 3 LCR, la violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation est réprimée par une peine privative de liberté d'un à quatre ans.

3.2. En l'occurrence, la faute de l'appelante est importante dans la mesure où elle a violé les règles fondamentales de la circulation routière. Elle a en effet dépassé la vitesse autorisée de 75 km/h, sans se soucier du danger que représentait un tel comportement pour les autres usagers de la route. Elle a ainsi agi de manière désinvolte, sans aucun égard pour les règles en vigueur ni pour la sécurité publique, par pure convenance personnelle, soit pour un motif égoïste.

Elle a également conduit un véhicule automobile alors qu'elle faisait l'objet d'une mesure de retrait de son permis de conduire et avait déjà été condamnée par le passé pour cela, ce qui dénote un mépris total et ancré des règles et interdits en vigueur.

La situation personnelle de la prévenue n'explique ni ne justifie ses agissements.

Sa collaboration à la procédure a été mauvaise, dès lors qu'elle a contesté être l'auteur de l'excès de vitesse, même confrontée aux éléments matériels du dossier, fournissant des explications fluctuantes et peu crédibles.

La prévenue n'a nullement pris conscience de la gravité de ses agissements, ce que du reste reflètent ses antécédents judiciaires spécifiques et relativement récents, facteur aggravant. En effet, la prévenue n'a pas hésité à conduire et à commettre un excès de vitesse très important, alors qu'elle faisait l'objet d'un retrait du permis de conduire et qu'elle avait déjà fait l'objet d'une condamnation pour excès de vitesse.

Il y a concours d'infractions, facteur aggravant (art. 49 CP).

Le TP a tenu compte adéquatement des éléments qui précèdent, en prononçant la peine-plancher définie par la loi, à savoir une peine privative de liberté d'un an, pour la violation fondamentale des règles de la circulation routière, et en l'aggravant d'un mois (peine hypothétique de deux mois) pour la conduite sous retrait de permis.

Au vu de la nouvelle infraction commise durant les délais d'épreuve de ses deux précédentes condamnations, il y a lieu de prononcer la révocation des précédents sursis accordés respectivement le 2 avril 2019 (20 jours-amende à CHF 170.- l'unité) et le 27 mai 2019 (40 jours-amende à CHF 160.- l'unité).

En raison de son incarcération prévisible en cas de réitération et de la révocation des sursis antérieurs, la Cour veut croire que le pronostic n'est pas encore totalement défavorable et qu'il se justifie d'accorder à l'appelante une ultime chance de s'amender sans exécuter la peine privative de liberté qui sera prononcée.

Le délai d'épreuve devra être fixé à cinq ans et une amende prononcée à titre de sanction immédiate de sorte à contrer toute velléité de récidive.

L'amende sera fixée à CHF 3'000.-, somme qui respecte son caractère accessoire par rapport à la peine principale prononcée. La peine privative de liberté de substitution sera fixée à 30 jours.

5.      5.1. L'appelante n'obtient que très partiellement gain de cause, le sursis lui ayant été accordé. Elle supportera les trois quarts des frais de la procédure d'appel comprenant un émolument d'arrêt de CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et art. 14 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP).

Il en va de même de l'émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- fixé par le TP qui sera mis à sa charge à hauteur des trois quarts, soit de CHF 450.-.

5.2. Les frais de la procédure préliminaire et de première instance seront pour le surplus laissés intégralement à sa charge, dans la mesure où la peine n'a pas eu d'influence sur ces frais (art. 428 al. 3 CPP).

6.      6.1. À teneur de l'art. 429 CPP, le prévenu a droit, s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a.) à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b.) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c.).

En l'espèce, la prévenue est condamnée, même si la peine prononcée est modifiée. Elle n'a donc droit à aucune indemnité fondée sur cette disposition.

6.2. Aux termes de l'art. 436 al. 2 CPP, si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses (al. 2).

L'art. 436 CPP règle les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral pour la procédure de recours. Il vise la procédure de recours en général, à savoir les procédures d'appel et de recours (au sens des art. 393 ss CPP). Le renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP aux art. 429 à 434 CPP ne signifie pas que les indemnités doivent se déterminer par rapport à l'issue de la procédure de première instance. Au contraire, elles doivent être fixées séparément pour chaque phase de la procédure, indépendamment de la procédure de première instance. Le résultat de la procédure de recours est déterminant (ATF 142 IV 163 consid. 3.2.2 p. 169 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_620/2016 du 17 mai 2017 consid. 2.2.3 ; 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 4.5.1). Les démarches superflues, abusives ou excessives ne sont pas indemnisées (ATF 115 IV 156 consid. 2d p. 160). Le juge dispose d'une marge d'appréciation à cet égard, mais ne devrait pas se montrer trop exigeant dans l'appréciation rétrospective qu'il porte sur les actes nécessaires à la défense du prévenu (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER éds, Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 19 ad art. 429).

À la lumière de ces principes, il y a lieu de retenir que l'autorité pénale amenée à fixer une indemnité sur le fondement de l'art. 436 CPP n'a pas à avaliser purement et simplement les notes d'honoraires d'avocats qui lui sont soumises : elle doit, au contraire, examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire, et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conformes au tarif pratiqué à Genève, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat (LPAv), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude, de CHF 350.- pour les collaborateurs et de CHF 150.- pour les stagiaires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 3 et 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 3, en matière d'assistance juridique, faisant référence aux tarifs usuels d'un conseil de choix à Genève ; AARP/125/2012 du 30 avril 2012 consid. 4.2 ; ACPR/178/2015 du 23 mars 2015 consid. 2.1).

6.3. En l'espèce, l'appelante obtient partiellement gain de cause et a donc droit à une indemnisation partielle pour la procédure d'appel. De la note d'honoraires produite par son conseil doit cependant être retranché le temps consacré aux conférences avec la cliente des 10 février 2022 et 23 mai 2022, aux divers courriers au TP (15 minutes), à la consultation du dossier au TP (1 heure), à l'étude du dossier et à la préparation en vue de l'audience de première instance (5 heures), de même qu'à l'audience même (1 heure et 35 minutes), activités qui n'ont pas à être indemnisées par la juridiction d'appel.

Seront prises en considération 1 heure de conférence du 19 janvier 2023 avec la cliente, suffisante en l'espèce, 15 minutes de courrier divers et 1 heure et 30 minutes de préparation à l'audience d'appel au tarif de chef d'étude (CHF 450.-), plus 30 minutes de courriers divers au tarif de stagiaire (CHF 150.-), auxquelles s'ajoutent encore les deux heures d'audience au tarif de chef d'étude, CHF 200.- de frais et la TVA, en 7.7 %, soit un total de CHF 2'598.25.

L'indemnisation accordée sera réduite de trois quarts pour tenir compte du fait que l'appelante n'obtient que partiellement gain de cause, et s'élèvera donc à CHF 649.55.

Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, elle sera compensée avec les frais de procédure mis à sa charge (ATF 143 IV 293 consid. 1).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/642/2022 rendu le 7 juin 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/19358/2020.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 let. b LCR) et de conduite sous retrait du permis (art. 95 al. 1 let. b LCR).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 13 mois.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à cinq ans.

Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

La condamne à une amende de CHF 3'000.-, à titre de sanction immédiate.

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 30 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Révoque les sursis octroyés le 2 avril 2019 par le Regionale Staatsanwaltschaft C______ [BE] et le 27 mai 2019 par le Ministère public de Genève.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance qui s'élèvent à CHF 4'814.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-.

Met l'émolument complémentaire de jugement fixé à CHF 600.- par le Tribunal de police à charge de A______, à hauteur des trois quarts, soit de CHF 450.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ pour la procédure préliminaire et de première instance.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'265.-, y compris un émolument de CHF 2'000.-.

Met les trois quarts de ces frais, soit CHF 1'698.75, à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Alloue une indemnité de CHF 649.55 à A______ à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel.

Compense cette indemnité avec les frais de procédure mis à sa charge.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à la Direction générale des véhicules.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

5'414.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

110.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'265.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

7'679.00