Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/745/2025 du 08.07.2025 ( LCR ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 8 juillet 2025
| ||||
dans la cause
Monsieur A______
contre
OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES
1. Par décision du 29 août 2024, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a ordonné qu'une expertise visant à évaluer l'aptitude à la conduite de Monsieur A______, né le ______ 1963, soit réalisée par un psychologue du trafic. S'il ne donnait pas suite aux requêtes et convocations des experts, il lui serait interdit de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée indéterminée.
Le 5 février 2024 à 17h31, il avait heurté, volontairement, un motocycliste alors qu'il circulait sur la route de Sous-Moulin, au volant d'une voiture. Par ordonnance pénale du 25 avril 2024 du Ministère public, il avait notamment été déclaré coupable de tentative de lésions corporelles simples.
2. Le 16 septembre 2024, M. A______ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant implicitement à son annulation.
Lors de sa déposition au poste de police en février 2024, il avait clairement spécifié que le conducteur du scooter, après l'avoir doublé sur la droite en l'insultant, avait placé sa machine devant son véhicule. Étant à l'arrêt, l'inertie de sa voiture avait déséquilibré sa machine qui était tombée. Il s'insurgeait du fait de se retrouver responsable de cet accrochage alors que le fautif était bien le conducteur du scooter par sa conduite dangereuse et intimidante. Désespéré de cette situation et injustice flagrante, il ne fallait pas se tromper de responsable. Il n'était pas un délinquant routier, ne buvait pas d'alcool et ne fumait pas. Il s'efforçait de respecter le code de la route.
3. Le 30 septembre 2024, le recourant a écrit au tribunal ajoutant que, le 5 février 2024, il attendait que le feu de signalisation soit vert lorsqu'un scooter était venu sur sa droite. Le feu passant au vert, il avait continué sa route et le conducteur du scooter avait persisté à rester à droite et l'avait doublé en proférant des insultes. Il était si proche qu'il avait désorienté son rétroviseur droit et avait fini par percuter sa voiture sur la droite. Il n'avait aucunement l'intention de provoquer cet incident et n'était pas à l'origine du problème. Il n'existait aucune preuve tangible démontrant qu'il avait commis une faute et invitait le tribunal à vérifier si des caméras de surveillance avaient enregistré les faits pour corroborer sa version. Il était respectueux des lois suisses et n'avait jamais eu de problèmes routiers. Cet incident isolé et de la faute du conducteur du scooter avec sa conduite plus que dangereuse et intimidante ne devait pas remettre en question sa capacité à conduire.
4. L'OCV s'est déterminé le 18 novembre 2024 et a persisté intégralement dans les termes de la décision entreprise.
Il ressortait du rapport de renseignement du 13 mars 2024 qu'au moment des faits, le recourant avait sciemment touché, à trois reprises, dans un virage, l'arrière gauche d'un scooter avec l'avant de son véhicule puis, après un bref arrêt, percuté volontairement ledit scooter, ce qui l'avait fait chuter sur le flanc droit. Ces faits étaient établis par les images de vidéosurveillance du trafic routier, lesquelles corroboraient la version du scootériste et attestaient que le recourant avait volontairement effectué un mouvement latéral vers la droite avec son véhicule, entrainant la chute du scootériste. En agissant de la sorte, il avait accepté et s'était accommodé du risque d'endommager le scooter et de causer des lésions au scootériste, lequel aurait pu se blesser grièvement en tombant au sol. De tels faits incitaient l'autorité à émettre des doutes sur l'aptitude caractérielle du recourant à la conduite du véhicule à moteur, auxquels seule une expertise établie par un psychologue du trafic pourra répondre. Au surplus, le recourant avait été condamné par ordonnance pénale du 25 avril 2024, entrée en force, pour tentative de lésions corporelles simples et dommages à la propriété d'importance mineure.
Il a produit son dossier dont la copie de l'ordonnance pénale du Ministère public du 25 avril 2024, entrée en force, faute d'opposition. En substance, il était reproché au recourant d'avoir, le 5 février 2024 à 17h30, sur la route de Sous-Moulin à l'intersection avec la route de Malagnou, en direction de la France, au volant de son véhicule automobile immatriculé 1______ (France), intentionnellement percuté l'arrière du scooter conduit par B______ à quatre reprises, le faisant ainsi chuter au sol, causant deux rayures au scooter et tentant ainsi de blesser son conducteur, à tout le moins s'accommodant du fait qu'il pouvait le blesser en agissant de la sorte. Les faits avaient été filmés par des caméras de vidéosurveillance qui corroboraient la version de B______. À teneur des images, l'automobiliste faisait un mouvement latéral en direction du scootériste, volontairement, et ce malgré les dénégations du recourant. Ce dernier a été déclaré coupable de tentatives de lésions corporelles simples et de dommages à la propriété d'importance mineure et condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF 70.-, avec sursis, délai d'épreuve 3 ans, et à une amende de CHF 500.-.
5. Le recourant a répliqué le 4 mars 2025.
Il n'était pas possible de corroborer la version du conducteur du scooter en visionnant les images de vidéosurveillance. Il était clairement visible qu'il avait stoppé son véhicule lorsque le deux-roues était venu sur sa droite et qu'il avait mis délibérément sa machine devant son véhicule par sa conduite irresponsable, ce qui avait légèrement endommagé l'avant-droit de sa voiture. Cette manœuvre venait de lui-même par sa nervosité. Sur les images, on voyait le scooter arriver par la droite, lui couper la route et l'invectiver. Il était visible que sa conduite était lente et droite. En tous cas, il ne l'avait pas percuté. Au surplus, il a campé sur ses positions et dans son argumentaire.
6. L'OCV n'a pas dupliqué dans le délai imparti.
7. Le détail des écritures et des pièces des parties sera repris en tant que de besoin,
ci-après, dans la partie « En droit ».
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Est litigeuse la question de savoir si le recourant a commis l'infraction du 5 février 2024 ayant conduit l'OCV à prononcer la décision querellée.
4. Le recourant fait grief à l'OCV d'avoir retenu qu'il avait intentionnellement percuté le scootériste alors que ce dernier était responsable de l'accident survenu.
5. Les autorités administratives appelées à prononcer un retrait du permis de conduire ne peuvent en principe pas s'écarter des constatations de fait d'une décision pénale entrée en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2 ; 109 Ib 203 consid. 1 ; 96 I 766 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).
6. L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4 ; 123 II 97 consid. 3c/aa ; 119 Ib 158 consid. 3c/aa ; 105 Ib 18 consid. 1a ; 101 Ib 270 consid. 1b ; 96 I 766 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).
7. Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu'il y aurait également une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, elle est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition ; elle ne peut pas attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments (arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2012 du 28 juin 2012 consid. 2.1 ; 1C_502/2011 du 6 mars 2012 consid. 2.1 ; 1C_274/2010 du 7 octobre 2010 consid. 2.1 ; ATF 123 II 97 consid. 3c/aa ; 121 II 214 consid. 3a ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/576/2011 du 6 septembre 2011 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011). Dans cette mesure, lorsque la qualification juridique d'un acte ou la culpabilité est douteuse, il convient de statuer sur le retrait du permis de conduire après seulement que la procédure pénale soit achevée par un jugement entré en force (ATA/172/2012 du 27 mars 2012).
8. Ce principe s'applique non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d'une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, en principe, lorsque la décision a été rendue à l'issue d'une procédure sommaire, par exemple si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police (arrêt du Tribunal fédéral 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).
9. Le fait d’avoir manqué de faire opposition à une ordonnance pénale pour tardiveté, quelles que soient les raisons du retard, n’est pas un motif permettant à l’autorité administrative de s’en écarter (ATA/551/2018 du 5 juin 2018).
10. En l’espèce, le recourant a été condamné par ordonnance pénale du 25 avril 2024. Faute d'opposition, l’ordonnance pénale est entrée en force et peut être assimilée à un jugement en force. L'intéressé se borne à affirmer qu'il n'est pas coupable, ce que démontreraient les images de vidéosurveillance. Or, ces images étaient connues de l'autorité pénale et ont été prises en considération pour condamner le recourant. Il ne s'agit pas de preuves nouvelles et en vertu des règles de la bonne foi, le recourant devait exposer ses arguments dans le cadre de la procédure pénale et non pas uniquement dans la procédure administrative comme en l'espèce. Il n’a ainsi pas démontré, à satisfaction de droit, qu'il n'avait pas commis l’infraction pour laquelle il a été condamné. Partant, rien ne permet au tribunal de céans de remettre en cause le contenu de l’ordonnance pénale du 12 février 2024 reconnaissant le recourant coupable de l’infraction du 25 avril 2024. Par conséquent, c’est à juste titre que l’OCV ne s’est pas écarté du jugement pénal en retenant que le recourant était bien l’auteur de l’infraction pour laquelle il avait été condamnée.
11. Le recourant ne conteste pas l'application des art. 14, 15d, 17, 22, 23 et 24 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) ainsi que 5ss et 28 à 37 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11), de sorte qu'il n'y a pas lieu de les examiner.
12. Partant, le recours sera rejeté.
13. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 29 août 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| Le greffier |