Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/726/2025 du 30.06.2025 ( OCPM ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 30 juin 2025
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dans la cause
Madame A______, représentée par Monsieur Hafez ABOU ALCHAMAT, BOUNDLESS CONSULTANCY Sàrl, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Madame A______, née le ______ 2000, est ressortissante tanzanienne.
2. Arrivée en Suisse le 24 mars 2015, elle a été mise au bénéfice d’une carte de légitimation valable jusqu’au 5 février 2020, carte renouvelée le 19 décembre 2019 avec validité jusqu’au 16 décembre 2024, en raison du regroupement familial avec son père, membre de la mission permanente de la République-Unie de Tanzanie auprès de l’ONU.
3. Après avoir obtenu un diplôme de baccalauréat international auprès de l’institut international de B______ (GE) le 31 juillet 2019, Mme A______ a quitté la Suisse en vue de poursuivre ses études universitaires en Afrique du Sud. Elle y est revenue courant 2023, une fois sa formation universitaire accomplie.
4. Le 26 février 2024, Mme A______ a signé un contrat de travail avec C______ Sàrl, conditionné à l’obtention d’une autorisation de séjour.
5. En avril 2024, Mme A______ a déposé des demandes d’autorisation de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), la première par le biais de C______ Sàrl (formulaire M du 5 avril 2024), la seconde sous la plume de son mandataire (courrier du 10 avril 2024).
Plusieurs pièces ont été produites à cette occasion et par la suite.
6. Le 19 juillet 2024, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de ne pas lui octroyer une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de trente jour lui était imparti pour faire valoir ses observations par écrit.
7. Le 13 août 2024, Mme A______ s’est déterminée sous la plume de son mandataire.
8. Par décision du 2 septembre 2024, l’OCPM a refusé de faire droit à la demande de Mme A______ et de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM). Il a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 2 décembre 2024 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible.
Mme A______ avait été mise au bénéfice d’une carte de légitimation dans le cadre d’un regroupement valable à partir du 24 mars 2015 jusqu’au départ de son père. Elle avait quitté la Suisse entre janvier 2019 et avril 2023 à destination de l’Afrique du Sud pour y effectuer ses études universitaires. Le départ de Suisse des membres de sa famille avait été enregistré en date du 1er mai 2022, date à laquelle ils avaient quitté la Suisse pour suivre la nouvelle affectation du père. Elle était apparemment revenue en Suisse à la fin de ses études, soit entre mai et décembre 2023. Dans ces circonstances, sa situation ne répondait pas aux critères légaux, notamment un séjour prouvé et continu de dix ans minimum à Genève pour une personne célibataire et sans enfants scolarisés.
Elle était certes arrivée à Genève en 2015 et y avait étudié plusieurs années, mais il n’en demeurait pas moins qu’elle avait quitté la Suisse pendant plusieurs années consécutives pour y revenir que très récemment, en 2023 ; la durée de son séjour en Suisse était ainsi d’une année. Les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’étaient pas réunis : elle n’avait démontré ni une intégration socioculturelle particulièrement remarquable ni qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, enfin son intégration correspondait au comportement ordinaire pouvant être attendu de tout étranger qui souhaitait obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.
9. Par acte du 3 octobre 2024, sous la plume de son mandataire, Mme A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à ce qu’elle soit autorisée à disposer d’une autorisation de séjour en application des dispositions relatives au séjour pour cas de rigueur.
L’OPCM n’avait pas pris en compte les critères d’appréciation énumérés aux dispositions légales topiques et avait fait preuve d’un excès négatif de son pouvoir d’appréciation en refusant d’appliquer l’exception prévue par l’art. 30 al. 1 let. b LEI et en appliquant des solutions trop schématiques. Il n’avait pas suffisamment tenu compte de son intégration, alors même qu’elle avait conservé, tout au long de ses études à l’étranger, des attaches particulièrement fortes à Genève où elle avait vécu une partie majeure de sa vie, où elle s’était intégrée socialement, académiquement et professionnellement, comme en témoignaient plusieurs personnes de son entourage. Le fait qu’elle ait passé son adolescence à Genève, qu’elle y ait poursuivi sa scolarité et qu’elle y soit revenue immédiatement après ses études à l’étranger démontrait sa profonde attache avec la Suisse. Elle avait perdu tout lien avec la Tanzanie, n’ayant plus de famille sur place et n’y ayant résidé que durant son enfance. Son renvoi dans un pays où elle n’avait plus d’attaches affectives ou sociales irait à l’encontre du principe de proportionnalité.
L’OCPM n’avait pas examiné si les conditions du chiffre 7.2.6.2 des directives LEI étaient remplies au moment du dépôt de la demande, alors que tel était le cas.
Enfin, il semblait implicitement restreindre son droit à la liberté au sens
de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), en considérant que le fait d’avoir poursuivi des études à l’étranger constituait un obstacle à l’octroi d’une autorisation de séjour en Suisse.
10. Dans ses observations du 5 décembre 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.
Il a produit son dossier.
En janvier 2020 au plus tard, à la lumière de la lettre du 31 octobre 2019 adressée aux représentations d’Afrique du Sud en Tanzanie sollicitant l’octroi d’un visa en sa faveur, la recourante avait quitté la Suisse à destination de l’Afrique du Sud pour y entreprendre des études universitaires. Elle était revenue en Suisse au courant de l’année 2023, à une date exacte inconnue mais après le mois d’avril, et avait intégré - sans autorisation idoine - le marché du travail. À ce jour, toute sa famille résidait à l’étranger et, contrairement à ce qu’elle alléguait, elle avait conservé des liens avec son pays d’origine, lequel ne lui était pas devenu étranger, comme en témoignaient les tampons apposés sur son passeport attestant de ses fréquents allers-retours en Tanzanie. Dès lors, sa demande d’autorisation de séjour ne relevait pas d’un cas de rigueur, mais correspondait plutôt à une convenance personnelle. Au demeurant, les conditions de vie et d’existence de la recourante, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, n’étaient pas mises en cause de manière accrue, de sorte que le refus de la soustraire aux restrictions des nombres maximums ne comportaient pas pour elle de graves conséquences.
11. Dans sa réplique du 13 janvier 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions.
Elle avait suivi son parcours scolaire à Genève entre 14 et 19 ans, soit lors d’une période considérée comme déterminante par la jurisprudence dans la formation de la personnalité et des attaches socioculturelles. Contrairement à ce qu’indiquait l’OCPM, ses voyages récents en Tanzanie n’attestaient pas de la conservation d’un lien quelconque avec son pays d’origine, car elle n’y avait été qu’à l’occasion de simples vacances de Noël avec ses parents et n’avait jamais séjournée seule dans son pays. Sa demande reposait sur les conditions du chiffre 7.2.6.2 des directives LEI qui établissaient une possibilité spécifique pour les enfants de diplomates résidant en Suisse d’obtenir une autorisation indépendante lorsque leur carte de légitimation n’était plus valable. Par ailleurs, il était important de souligner que cette disposition ne subordonnait pas l’obtention de l’autorisation de séjour à une durée minimale de résidence.
12. Dans sa duplique du 30 janvier 2025, l’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ;
140 I 257 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/53/2025 du 14 janvier 2025 consid. 4).
5. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI ; ATF 135 II 1 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4903/2021 du 12 septembre 2024 consid. 4.1).
6. La Confédération peut accorder des immunités et privilèges à diverses institutions qu’elle accueille sur son territoire, dont les organisations intergouvernementales (art. 2 al. 1 let. a LEH). Ces immunités et privilèges peuvent aussi être accordés aux personnes physiques appelées en qualité officielle auprès de ces institutions, ainsi qu’aux personnes autorisées à les accompagner, y compris les domestiques privés (art. 2 al. 2 let. a et c LEH).
L’étendue personnelle et matérielle des immunités et privilèges est fixée cas par cas (cf. art. 4 al. 1 LEH en relation avec l’art. 23 de l’ordonnance du 7 décembre 2007 sur l’État hôte - OLEH - RS 192.121 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_360/2016 du 31 janvier 2017 consid. 5.3.1 ; 4A_331/2014 du 31 octobre 2014 consid. 3.3 ; cf. aussi 4A_481/2021 du 4 juillet 2022 consid. 3.3.1).
7. Conformément à l’art. 98 al. 2 LEI (en relation avec l’art. 4 al. 5 LEH), le Conseil fédéral est autorisé à régler l’entrée en Suisse, la sortie de Suisse, l’admission et le séjour des personnes bénéficiaires de privilèges, d’immunités et de facilités visées à l’art. 2 al. 2 LEH.
L’art. 43 al. 1 let. b et c OASA établit ainsi la règle selon laquelle les conditions d’admission fixées par la LEI ne sont applicables ni aux fonctionnaires d’organisations internationales ayant leur siège en Suisse ni au personnel travaillant pour de telles organisations, titulaire d’une carte de légitimation du DFAE, tant qu’ils exercent leur fonction.
Dans la mesure où les membres des représentations diplomatiques et des organisations internationales relèvent du droit international diplomatique et consulaire ainsi que des accords de siège conclu entre le Conseil fédéral et les différentes organisations internationales qui règlementent la matière, ils ne sont donc pas soumis au droit ordinaire des étrangers. Il a été souligné que leur présence relève du domaine de la politique extérieure de la Suisse (cf. arrêt de la Cour d’appel de la Juridiction des prud’hommes CAPH/185/2021 du 23 septembre 2021 consid. 2.1.5 et la référence citée ; Albrecht DIEFFENBACHER, in Martina CARONI in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela THURNHERR [éd.], Bundes-gesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], 2010, ad art. 98 LEtr p. 904 n. 11).
8. La carte de légitimation sert par conséquent de titre de séjour en Suisse et remplace l’autorisation de séjour délivrée sur la base des dispositions ordinaires du droit des étrangers (cf. art. 17 OLEH ; voir notamment ATF 138 III 750 consid. 2.3;
135 III 162 consid. 3.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_360/2016 du 31 janvier 2017 consid. 5.3.1 ; 4A_319/2008 du 16 décembre 2008 consid. 3.2.2). Elle n’est dès lors pas semblable à une autorisation du droit des étrangers qui confère certains droits aux étrangers qui en sont titulaires (comme par exemple, selon l’autorisation en cause, le droit d’exercer une activité lucrative ou le droit au regroupement familial), dès lors qu’elle ne fait que servir de titre de séjour en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_360/2016 du 31 janvier 2017 consid. 5.3.2).
Le séjour du titulaire principal et des membres de sa famille est donc entièrement réglé par leurs cartes de légitimation (art. 17 et 20 OLEH). Lorsque les fonctions officielles en Suisse du titulaire principal prennent fin, la poursuite du séjour est soumise aux dispositions générales du droit des étrangers (directives LEI, ch. 7.2.4).
9. En l’espèce, la recourante a été titulaire d’une carte de légitimation en qualité d’enfant du titulaire principal depuis son arrivée à Genève le 24 mars 2015 jusqu’au 1er mai 2022, date où son père et les autres membres de sa famille ont définitivement quitté la Suisse. Elle est depuis lors exclusivement soumise à la LEI puisque son statut juridique n’est réglé ni par une autre disposition de droit fédéral, ni par un traité international (art. 1 et 2 LEI).
10. Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.
Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité. En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.
L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).
Selon l’art. 58a al. 1 LEI, les critères d’intégration sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).
11. La jurisprudence retient qu’une carte de légitimation délivrée par le DFAE revêt un caractère temporaire et ne confère pas de droit de séjour durable en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_241/2021 du 16 mars 2021 consid. 3.4). Un étranger séjournant en Suisse au bénéfice d’une carte de légitimation doit savoir que sa présence en Suisse est liée à la fonction occupée par lui-même ou le membre de sa famille ; le statut du détenteur d’une carte de légitimation est ainsi moins stable que celui d’un étranger bénéficiant d’une autorisation du droit des étrangers ou d’une admission provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2024 du 2 mai 2024 consid. 1.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3505/2021 du 17 avril 2023 consid. 7.2 et les références citées).
Ainsi, les titulaires d’une carte de légitimation ne peuvent en principe pas obtenir un titre de séjour fondé sur un cas de rigueur lorsque la mission pour laquelle un titre de séjour - d’emblée limité à ce but précis - leur a été délivré prend fin, sous réserve de circonstances tout à fait exceptionnelles ne découlant pas des seules années de présence en Suisse au bénéfice de ladite carte (ATF 124 II 110 consid. 3). La jurisprudence a retenu que tel était le cas d’une personne ayant séjourné vingt-sept ans en Suisse, dont la mère et les deux frères cadets, qui avaient engagé une procédure de naturalisation, bénéficiaient encore d’une carte de légitimation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.321/2005 du 29 août 2005).
12. À teneur du chiffre 7.2.6.2 des directives LEI, état au 1er juin 2025, « sur demande, l’autorité migratoire peut délivrer à l’enfant âgé de plus de 21 ans une autorisation de séjour ou d’établissement indépendante du statut du titulaire principal s’il n’a plus droit à une carte de légitimation, en particulier parce qu’il ne fait plus ménage commun avec le titulaire principal. Cette autorisation est soumise à l’approbation du SEM. (…) L’enfant qui perd le droit à une carte de légitimation (cf. ch. 7.2.7) peut obtenir une autorisation d’établissement après un séjour total de douze ans à compter du moment de l’octroi de sa carte de légitimation s’il a vécu en Suisse de manière ininterrompue les cinq dernières années. L’enfant peut également obtenir une autorisation d’établissement après un séjour de 10 ans dès l’obtention d’une autorisation de séjour indépendante s’il a vécu en Suisse de manière ininterrompue durant les 5 dernières années. (…) Lorsque l’enfant a été domicilié en Suisse mais a étudié dans la zone frontière voisine, ou qu’il a résidé dans la zone frontière tout en effectuant la majeure partie de sa scolarité en Suisse, il est assimilé à l’enfant ayant séjourné et étudié en Suisse. L’autorité migratoire peut lui accorder une autorisation de séjour ou d’établissement s’il satisfait aux conditions énoncées
ci-dessus (…) ».
13. Pour assurer l’application uniforme de certaines dispositions légales, l’administration peut indiquer, dans des directives, l’interprétation qu’elle entend leur donner. S’agissant de la portée juridique de telles directives (qui sont des ordonnances administratives), celles-ci ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l’administration. Elles ne dispensent en particulier pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d’espèce (ATF 145 II 2 consid. 4.3). En outre, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 8d).
Toutefois, du moment qu’aucune circonstance liée au cas d’espèce ne justifie de déroger à une directive et pour autant que cette dernière soit compatible avec les dispositions légales qu’elle est appelée à concrétiser, le juge n’a aucun motif d’y déroger, ne serait-ce que par respect de l’égalité de traitement (ATF 146 I 105 consid. 4.1 ; 142 V 425 consid. 7.2).
14. S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées).
15. D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l’état d’avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L’adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2733/2022 du 21 mai 2025 consid. 9.1.3 et les références citées).
16. Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3).
17. L’art. 8 CEDH ne confère en principe pas un droit à séjourner dans un État déterminé : la Convention ne garantit en effet pas le droit d’une personne d’entrer ou de résider dans un Etat dont elle n’est pas ressortissante ou de n’en être pas expulsée (ATF 144 I 91 consid. 4.2 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme citée ; cf. ATF 143 I 21 consid. 5.1). Toutefois, le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut entraver sa vie familiale et porter ainsi atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par cette disposition. Pour qu’il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de l’art. 8 CEDH, l’étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 145 I 227 consid. 3.1 ; 141 II 169 consid. 5.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.1).
18. Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).
Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_298/2022 du 4 mai 2022 consid. 6).
19. En l’espèce, l’examen approfondi du dossier, au regard des critères jurisprudentiels et des éléments factuels versés à la procédure, ne révèle aucun motif important de nature à justifier la reconnaissance d’un cas de rigueur permettant à la recourante de demeurer en Suisse.
D’une part, la durée totale de son séjour effectif sur le territoire helvétique se limite à deux périodes discontinues, à savoir de 2015 à 2019 puis de 2023 à 2025, ce qui, au regard de la jurisprudence, ne saurait constituer en soi une présence suffisamment longue pour caractériser une intégration durable. Il sied de rappeler que, tant la recourante que son père, étaient titulaires d’une carte de légitimation, dont la nature essentiellement provisoire ne confère aucun droit au séjour durable, la présence en Suisse étant par ailleurs étroitement liée à l’exercice d’une fonction internationale aujourd’hui éteinte. D’autre part, la recourante ne justifie pas d’une intégration professionnelle ou sociale qui pourrait exceptionnellement compenser la brièveté et la discontinuité de son séjour. Les emplois et études mentionnés n’impliquent ni une ascension professionnelle remarquable, ni l’acquisition de compétences si spécifiques qu’elles ne pourraient être exploitées dans son pays d’origine. Il n’est pas non plus démontré que la recourante ait tissé à Genève ou en Suisse des liens sociaux, personnels ou professionnels d’une intensité telle qu’un retour dans son pays d'origine impliquerait un déracinement insurmontable au sens de la jurisprudence
S’agissant de sa situation familiale, l’ensemble de la famille de la recourante réside à l’étranger, aucun membre proche ne séjournant légalement en Suisse à ce jour. De ce fait, la recourante ne saurait se prévaloir d’une vie privée ou familiale protégée par l’art. 8 CEDH.
Enfin, la recourante ne peut tirer aucun droit du chiffre 7.2.6.2 des directives LEI, celui-ci ne prévoyant qu’une simple possibilité offerte à l’autorité migratoire de pouvoir délivrer un titre de séjour.
En conclusion, l’appréciation que l’OCPM a faite de la situation de la recourante sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.
20. Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.
Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).
21. Dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier de la recourante au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.
22. Rien ne permet au surplus de retenir que l’exécution dudit renvoi ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible au sens de l’art. 83 LEI, ce que ne conteste d’ailleurs pas la recourante.
23. Infondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.
24. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
25. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2024 par Madame A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 2 septembre 2024 ;
2. le rejette;
3. met à la charge de la recourante, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.
| Genève, le |
| Le greffier |