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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2678/2024

JTAPI/224/2025 du 03.03.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : RÉCLAMATION DE DROIT PUBLIC;RETARD;RESTITUTION DU DÉLAI
Normes : LIFD.133.al3; LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2678/2024 ICCIFD

JTAPI/224/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 mars 2025

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par LEOLEX Sàrl, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Dans leur déclaration fiscale 2021, qu’ils ont déposée le 25 janvier 2022 par l’intermédiaire de leur mandataire, Madame A______ et Monsieur B______ ont indiqué l’adresse de ce dernier. Ils ont notamment joint un « Formulaire de départ », selon lequel ils avaient quitté définitivement la Suisse, le 30 août 2021, pour Dubaï.

2.             Par bordereaux datés du 20 mars 2024, expédiés par pli simple à l’adresse de leur mandataire, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les contribuables pour la période 2021.

3.             Aucune suite n’a été donnée à ces bordereaux.

4.             Par courriers simples du 18 mai 2024, expédiés à l’adresse de leur mandataire en Suisse, l'AFC-GE a rappelé aux contribuables qu’ils ne s’étaient pas acquittés des impôts dus pour l’année 2021, les invitant à le faire dans un délai de dix jours.

5.             Par courriers A+ du 8 juin 2024, expédiés également à l’adresse de leur mandataire en Suisse, l'AFC-GE a sommé les contribuables de payer ces impôts dans un délai de 30 jours, faute de quoi ils s’exposeraient à des poursuites.

6.             Donnant suite à cette sommation, par courrier reçu par l'AFC-GE le 12 juillet 2024, les contribuables, sous la plume de leur mandataire, ont demandé à cette dernière de leur « expliquer le calcul de l’impôt pour 2021 ». Selon le certificat de salaire de la contribuable, sa rémunération s’élevait à CHF 213'124.- en 2021, soit le montant que l'AFC-GE avait retenu dans les bordereaux du 20 mars 2024. Or, dans la colonne « Montants pour le taux » des avis de taxation joints à ces bordereaux, elle avait retenu un montant de CHF 319'686.-, soit celui indiqué sur le certificat de salaire de l’année 2020. Ils la priaient de corriger cette « erreur ».

7.             Par décisions du 18 juillet 2024, percevant ledit courrier comme une « réclamation », l'AFC-GE a refusé d’« entrer en matière sur l’objet de [celle-ci] dans la mesure où la taxation incriminée [était] correcte », expliquant par ailleurs qu’un revenu périodique, tel que salaire que la contribuable avait perçu jusqu’au 31 août 2021, devait être annualisé pour le taux de l’impôt.

8.             Par acte déposé le 20 août 2024, par l’intérimaire de leur mandataire, les contribuables ont interjeté recours contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à leur annulation et au renvoi du dossier à l'AFC-GE pour nouvelles décisions « allant dans le sens des présents considérants ».

La recourante avait été sommée de payer pour l’année 2021 le même montant de supplément d’impôt que celui qu’elle avait dû payer pour l’année 2020. Il y avait ainsi une « flagrante erreur » dès lors qu’elle ne pouvait pas devoir payer le même montant d’impôt pour un salaire de CHF 319'686.- et pour un salaire de CHF 213'124.-.

9.             Dans sa réponse du 28 octobre 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La réclamation du 12 juillet 2024 étant irrecevable, car tardive, et les conditions d’une révision n’étant pas données en l’espèce, le recours devait être rejeté pour ce motif.

Au fond, la taxation 2021 était correcte dès lors que pour le calcul du taux de l’impôt sur le revenu périodique effectivement imposé, soit CHF 213'124.-, celui-ci devait être pris en compte sur douze mois.

Quant aux montants des impôts 2020 et 2021, ils se montaient à, respectivement, CHF 90'046,60 et CHF 60'114,65. Ils correspondaient donc au revenu et à la fortune imposables dans le cadre de ces années-là.

10.         Dans leur réplique du 5 décembre 2024, les recourants, sous la plume de leur mandataire, ont persisté dans leurs conclusions.

Dans la mesure où l'AFC-GE avait « rendu » les décisions sur réclamation du 18 juillet 2024, ce malgré la tardiveté de leur réclamation qu’elle invoquait dans sa réponse, il n’y avait pas lieu « d’y revenir sur cet aspect ». En outre, ils avaient quitté définitivement la Suisse en date du 30 août 2021. Or, la taxation initiale pour cette année leur avait été notifiée trois ans après leur départ. Leur mandataire avait donc eu « un grand souci pour contacter » la recourante qui avait entre-temps changé de numéro de téléphone et d’adresse électronique.

11.         Par duplique du 8 janvier 2025, l'AFC-GE a campé sur sa position, relevant que le départ des recourants à l’étranger et le changement de leur numéro de téléphone et de leur adresse électronique ne constituaient pas un motif de restitution du délai de réclamation.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             En matière de réclamation, lorsque les décisions sur réclamation sont des décisions d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit en effet d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).

4.             En l’espèce, en dépit des termes que l'AFC-GE y a employés, force est d’admettre que ses décisions du 18 juillet 2024 constituent des décisions d’irrecevabilité, étant donné que la réclamation du 12 juillet 2024 était manifestement tardive, ce que les recourants ne contestent d’ailleurs pas en soi. Le fait que l'AFC-GE y ait néanmoins exposé des éléments relevant du fond des taxations visées ne signifie pas qu’elle soit entrée en matière, puisqu’elle l’a visiblement fait à titre d’explications que les recourants ont expressément requises dans leur courrier du 12 juillet 2024.

Ainsi, l’objet du présent litige se limite à la question de savoir si c’est à bon droit que l’AFC-GE estime que cette réclamation était irrecevable, en raison de sa tardiveté. Il en résulte que des griefs relatifs au bien-fondé des bordereaux en cause sont irrecevables.

5.             Aux termes des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les trente jours qui suivent sa notification. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 133 al. 1 LIFD et 41 al. 1 LPFisc).

6.             En l’espèce, dans leur réplique du 5 décembre 2024, les recourants ont admis, à tout le moins implicitement, la tardiveté de leur réclamation, dès lors qu’ils y ont invoqué leur absence de la Suisse et le changement de leurs moyens de communication avec leur mandataire, afin de la justifier.

7.             Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu'il l'a déposé dans les 30 jours après la fin de l'empêchement.

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n'a pas respecté le délai légal en raison d'un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

L’absence du pays ne constitue pas un événement extraordinaire et imprévisible lorsqu’elle est planifiée et le seul fait de se trouver à l'étranger ne permet pas de conclure à une impossibilité de communiquer avec la Suisse (ATA/199/2012 du 3 avril 2012 ; ATA/227/2007 du 8 mai 2007 et les références citées). Si l’administré doit s’attendre à recevoir une notification ou s’il s’absente pour une longue période, on peut exiger de lui qu’il prenne les mesures nécessaires pour recevoir les décisions qui lui sont adressées (ATF 113 Ib 296 consid. 2a ; 101 Ia 9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1). Celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins (ATF 139 IV 228 consid. 1.1 et les références citées). Cette jurisprudence ne vaut pas uniquement pour les procédures judiciaires, mais s’applique également lors de l’envoi de décisions d’autorités administratives (cf. p. ex. ATF 141 II 429 consid. 3.1, relatif à la notification d’une décision administrative de l'office fédéral des transports ; ATA/822/2014 du 28 octobre 2014 et ATA/199/2012 du 3 avril 2012 relatifs à notification d’une décision de taxation d’office).

8.             En l’espèce, au vu de la jurisprudence précitée, les empêchements invoqués par les recourants, à savoir leur absence de la Suisse et l’impossibilité de communiquer avec leur mandataire, ne constituent manifestement pas les motifs sérieux au sens des art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, de sorte que la restitution du délai de la réclamation est exclue. C’est donc à bon droit que l'AFC-GE considère que la réclamation du 12 juillet 2024 était irrecevable.

9.             Pour le surplus, si l’acte des recourants du 12 juillet 2024 devait être considéré comme une demande de révision, force est de constater, avec l’autorité intimée, que les conditions d'entrée en matière n’en sont pas données.

En effet, aux termes des art. 55 al. 1 LPFisc et 147 1 LIFD, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

La révision est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire, s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 55 al. 2 LPFisc et 147 al. 2LIFD). Cette exclusion, qui constitue une limitation importante à la révision, s'explique par le caractère subsidiaire de cette voie de droit et par les exigences de la sécurité du droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2015 du 9 août 2016 consid. 6.3 et les références citées). La jurisprudence souligne du reste qu'il faut se montrer strict dans l'obligation de diligence imposée au requérant (arrêts du Tribunal fédéral 2C_917/2015 du 29 octobre 2015 consid. 2.1 ; 2C_754/2015 du 14 septembre 2015 consid. 2.3 ; 2C_581/2011 du 27 mars 2012 consid. 3.1). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu'il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2015 du 9 août 2016 consid. 6.3 et les arrêts cités).

10.         En l’espèce, les recourants invoquent des motifs de fond qu'ils auraient déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire de réclamation s’ils avaient fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée d’eux (cf. art. 147 al. 2 LIFD et 55 al. 2 LPFisc). Ils ne peuvent dès lors pas le faire par le biais de la voie extraordinaire de révision, cette procédure étant réservée exclusivement aux cas où des éléments n'ont pas pu être invoqués dans le cadre de la procédure ordinaire.

11.         Cela étant, il sera observé, à toutes fins utiles, que les explications que l'AFC-GE a données aux recourants au cours de la procédure, s’agissant du fond des taxations concernées, sont parfaitement exactes.

En effet, si les conditions d'assujettissement ne sont réalisées que durant une partie de la période fiscale - comme en l’espèce - l'impôt est prélevé sur les revenus obtenus durant cette période. Toutefois, pour les revenus à caractère périodique, le taux de l'impôt se détermine compte tenu d'un revenu calculé sur douze mois (art. 40 al. 3 LIFD et 62 al. 3 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08). Les revenus à caractère périodique correspondent à des revenus obtenus à intervalles réguliers (mensuellement, trimestriellement ou semestriellement) au cours de la période fiscale. Les revenus acquis en une seule fois au cours de la période fiscale correspondent en revanche à des revenus à caractère non périodique (cf. Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire romand, 2ème éd., 2017, n. 26 et 30 ad art. 40 LIFD p. 912).

En l’occurrence, les salaires que la recourante a perçus jusqu’au 31 août 2021 constituent incontestablement des revenus périodiques au sens des 40 al. 3 LIFD et 62 al. 3 LIPP, si bien que l'AFC-GE était tenue de les annualiser pour le taux d’imposition, conformément à ces dispositions. Finalement, comme l’a démontré cette dernière par ses calculs exposés dans sa réponse, l’affirmation des recourants que le montant des impôts 2020 est égal à celui des impôts 2021 est manifestement inexacte, puisque le premier s’élève à CHF 90'046,60 et le second à seulement CHF 60'114,65, soit un tiers de moins que le premier, ce qui correspond parfaitement à la durée de leur assujettissement en 2021 (huit mois sur douze).

12.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

13.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 20 août 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 18 juillet 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Federico ABRAR et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière