Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1300/2024 du 30.12.2024 ( MC ) , CONFIRME
PARTIELMNT ADMIS par ATA/40/2025
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 30 décembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Elisabeth BERNARD, avocat
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 1990, originaire de Guinée et titulaire d'une carte d'identité italienne non valable pour l'étranger fait l'objet d'une interdiction d'entrer en Suisse prise à son encontre par le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) le 9 mars 2022 et valable jusqu'au 8 mars 2025, laquelle lui a été notifiée le 11 mars 2022.
Un duplicata de cette décision a été établie par le SEM le 28 décembre 2024.
2. Selon un extrait de son casier judiciaire, il a fait l'objet des condamnations suivantes :
- le 11 septembre 2015, le Tribunal de police l'a condamné pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation ;
- les 11 janvier 2016 et 8 juin 2016, le Ministère public l'a condamné pour entrée illégale ;
- le 10 avril 2017, il a été condamné pour entrée illégale, violation de domicile et séjour illégal ;
- le 1er juin 2017, la Chambre pénale d'appel et de révision de la cour de Justice (ci-après: CPAR) l'a condamné pour séjour illégal et entrée illégale ;
- le 20 mars 2018, il a fait l'objet d'une ordonnance pénale du Ministère public pour séjour illégal et vol ;
- le 25 novembre 2020, il a été condamné pour entrée illégale par le Tribunal de police.
3. Le 22 août 2023, la CPAR, statuant sur appel de M. A______ contre le jugement du Tribunal pénal du 22 novembre 2022, a reconnu l'intéressé coupable d'escroquerie par métier, d'escroquerie d'importance mineure, de séjour illégal, d'entrée illégale et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation, et l'a condamné à une peine privative de liberté de huit mois et a ordonnée son expulsion pénale pour une durée de 5 ans.
4. Par courrier du 8 décembre 2022, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a prononcé le non report d'expulsion de l'intéressé, chargeant les services de police d'exécuter son expulsion à destination de l'Italie, après que la possibilité de s'exprimer, conformément à son droit d'être entendu, lui ait été donnée, par courrier du 1er décembre 2022.
L'OCPM lui a, à sa demande, également transmis une copie de l'interdiction d'entrer en Suisse dont il faisait l'objet.
5. Le 15 décembre 2022, M. A______ a été réadmis en Italie.
6. M. A______ est revenu en Suisse et a été condamné, le 18 mars 2024 par le Tribunal de police pour entrée illégale, séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation.
7. Le 27 décembre 2024, M. A______ a été interpellé par la police et prévenu de vol à l'étalage, rupture de ban et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).
Il ressortait du rapport d'arrestation qu'il avait été interpellé à la sortie du magasin B______ Rive en possession de deux paires d'écouteurs C______ d'une valeur totale de CHF 348.-.
Entendu par la police, il a déclaré avoir effectivement été interpellé en possession des écouteurs, qu'il ne les avait pas payés en passant la caisse, mais n'avait pas eu l'intention de les voler. Il cherchait des renseignements auprès d'un vendeur. S'agissant de l'interdiction d'entrer en Suisse dont il faisait l'objet, il n'en avait pas connaissance. Au surplus, il était revenu en Suisse le 26 décembre 2024 en provenance d'D______(France) et résidait chez sa petite amie, vers la gare, dont il ne souhaitait pas communiquer le nom et dont il n'avait pas l'adresse en tête. Il a indiqué être censé rentrer en Italie le 28 décembre 2024.
8. Selon un courriel de la police du 28 décembre 2024, avec l'accord de l'intéressé, la police avait procédé à la fouille de son dépôt et à l'inspection de son téléphone portable : aucun billet à destination de l'Italie n'avait été trouvé.
9. Le même jour, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour vol et rupture de ban à une peine privative de liberté de 180 jours, puis remis en mains des services de police.
10. Il ressort d'un échange de courriels entre les autorités suisses et les autorités italiennes entre le 12 et le 19 décembre 2024 que les réadmissions en Italie ne pouvaient avoir lieu avant le 7 janvier 2025 et que la première date utile pour un night-stop pour un transfert par JTS était celle du 12 au 13 février 2025.
11. Le 28 décembre 2024, à 16h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré être d’accord de retourner en Italie, être en bonne santé et ne poursuivre aucun traitement médical. Il a toutefois refusé de signer le procès-verbal d'audition.
Selon ledit procès-verbal, la détention administrative de M. A______ pour des motifs de droit des étrangers avait débuté le même jour à 15h30.
12. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.
13. Par courriel du 29 décembre 2024, la police a transmis au tribunal copie de la demande de réadmission de M. A______ en Italie.
14. Entendu à l'audience de ce jour, M. A______ a indiqué qu'il était toujours d'accord de repartir en Italie.
La représentante du commissaire de police a quant à elle indiqué que la réponse des Autorités italiennes à leur demande de réadmission devrait intervenir d'ici une semaine, rappelant cependant la période actuelle des fêtes de fin d'année.
M. A______ contestait avoir volé des objets à la B______. Il tenait à dire au tribunal qu'il n'avait jamais commis d'infraction et qu'il avait contesté l'arrêt de la CPAR au Tribunal fédéral, mais qu'il n'avait pas pu payer le montant qui lui avait été demandé. Il avait compris qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrer en Suisse, mais il ne se souvenait pas en avoir eu connaissance avant que son conseil ne lui en parle ce jour. Il était en possession, dans son téléphone portable, d'un billet pour rentrer en bus à Milan le 28 décembre dernier, mais comme il n'y avait pas de réseau à Carl-Vogt où il était détenu, il n'avait pas pu le montrer à la police. Un tel billet coûtait environ EUR 30.-.
Sur question de la représentante du commissaire de police, il a confirmé avoir eu connaissance de l'arrêt de la CPAR, mais ne pas avoir été physiquement expulsé de Suisse suite à sa notification, étant rappelé qu'il avait recouru au Tribunal fédéral contre cet arrêt.
Sur question de la Présidente, il a indiqué qu'il était arrivé en Suisse depuis l'Italie le jeudi 26 décembre 2024.
La représentante du commissaire de police a plaidé et demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prise à l'encontre de M. A______ le 28 décembre 2024 pour une durée de deux mois.
Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de son client et, subsidiairement, à la réduction de la durée de la détention à un mois.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).
2. En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 28 décembre 2024 à 15h30.
3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). La détention administrative en matière de droit des étrangers doit dans tous les cas respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).
4. Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. h LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsqu'elle a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a).
La détention administrative peut également être ordonnée si une décision de renvoi ou d’expulsion a été notifiée à l’intéressé et que celui-ci a franchi la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyé immédiatement (art. 75 al. 1 let. c LEI).
5. En l’espèce, M. A______ fait l'objet d'une interdiction d'entrer en Suisse prise à son encontre par le SEM le 9 mars 2022 et valable jusqu'au 8 mars 2025, ainsi que d'une mesure d'expulsion de Suisse d'une durée de 5 ans prononcée le 22 novembre 2022 par jugement du Tribunal pénal et confirmée par arrêt du 22 août 2023 de la CPAR – dont l'intéressé a eu connaissance puisqu'il indique avoir recouru auprès du Tribunal fédéral contre lui -; cet arrêt est désormais définitif et exécutoire. En application de l'art. 66c al. 5 CP, le calcul de la durée de l'expulsion judiciaire a débuté le jour du départ effectif de Suisse de l'intéressé, à savoir le 15 décembre 2022, date à laquelle il a été réadmis en Italie : la durée de l'expulsion est ainsi loin d'être terminée.
M. A______ est revenu en Suisse pendant la période prohibée – en tout cas en mars 2024, puis le 26 décembre 2024 -, après avoir été refoulé en Italie le 15 décembre 2022, violant ainsi son interdiction d'entrer en Suisse et la mesure d'expulsion judiciaire à laquelle il a été condamné.
Il a par ailleurs été condamné pour vol (art. 139 ch. 1 CP) et pour escroquerie par métier (art. 146 al. 2 CP), soit des infractions constitutives de crimes au sens de l'art. 10 al. 2 CP.
Le fait que l'intéressé ait indiqué être en possession d'un billet de bus pour rentrer en Italie le 28 décembre 2024 – le billet qu'il n'a toutefois jamais produit – n'a aucune incidence en l'espèce, puisque les conditions de détention de l'art. 76 al. 1 let. h LEI sont également remplies.
6. Au vu de ce qui précède, il appert que les conditions légales de la détention administrative de M. A______ s'avèrent réalisées.
7. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010).
8. En l'espèce, les autorités ont agi avec diligence et célérité puisqu'elles ont, le 29 décembre 2024, adressé une demande de réadmission aux autorités italiennes, et sont désormais dans l'attente de leur réponse, laquelle devrait intervenir, selon les indications de la représentante du commissaire de police, d'ici une semaine, tout en rappelant l'actuelle période des fêtes de fin d'année.
9. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).
Dans tous les cas, la durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d'espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).
10. En l'espèce, la durée de détention respecte le cadre légal et n'apparaît pas disproportionnée, étant précisé que, selon les informations transmises par les autorités italiennes aux autorités suisses, les réadmissions en Italie ne pouvaient avoir lieu avant le 7 janvier 2025 et que la première date utile pour un night-stop pour un transfert par JTS était celle du 12 au 13 février 2025. Par ailleurs, les Autorités suisses sont, comme déjà indiqué, dans l'attente de l'accord des Autorités italiennes pour la réadmission de l'intéressé.
11. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.
12. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 28 décembre 2024 à 16h00 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 27 février 2025 inclus ;
2. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| Le greffier |