Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1269/2024 du 19.12.2024 ( MC ) , CONFIRME
REJETE par ATA/7/2025
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 19 décembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Mevlon ALIU, avocat
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. M. A______, né le ______ 1986, originaire du Nigéria, en possession d'un passeport en cours de validité et titulaire d'une autorisation de séjour délivrée par les autorités italiennes valable jusqu'au 24 février 2025, a été condamné, les 24 septembre et 26 octobre 2023, pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (en raison de la violation de l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève qui lui avait été notifiée par le commissaire de police le 15 février 2023 pour une durée de 12 mois.
2. Le 26 avril 2024, M. A______ s'est vu notifier une nouvelle interdiction de pénétrer dans le canton de Genève – mesure liée à son implication dans le trafic de cocaïne – pour une durée de 24 mois.
3. Le même jour, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a prononcé à l'encontre de l'intéressé – qui avait déjà fait l'objet, le 27 juillet 2023, d'une invitation à quitter la Suisse immédiatement - une décision immédiatement exécutoire de renvoi de Suisse.
4. Le 2 mai 2024, M. A______ a été, à nouveau, interpellé par les forces de l'ordre genevoises. Il ressort notamment de son audition par les enquêteurs qu'il ne dispose d'aucun lieu de résidence fixe en Suisse, où il n'a par ailleurs aucune attache, ni d'aucune source légale de revenu. Prévenu, notamment, de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, il a été maintenu en arrestation provisoire.
5. Par jugement du 27 juin 2024, le Tribunal de police a déclaré M. A______ coupable d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, et l'a condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de 8 mois, incluant la révocation du sursis, sous déduction de 73 jours de détention avant jugement. Simultanément, l'autorité de jugement a ordonné l'expulsion de Suisse de l'intéressé pour une durée de 3 ans ainsi que son maintien en détention pour des motifs de sûreté. L'intéressé ayant fait appel de ce jugement, celui-ci n'est pas encore entré en force.
6. Durant la détention pénale de M. A______, les autorités chargées de l'exécution de son renvoi ont effectué les démarches visant à la réadmission de l'intéressé en Italie. Le 28 mai 2024, les autorités italiennes ont accepté la réadmission de l'intéressé sur leur territoire. Compte tenu de la durée de validité de l'accord de réadmission, les autorités en charge du refoulement de M. A______ ont sollicité des autorités italiennes, le 7 décembre 2024, la prolongation de l'accord de réadmission de l'intéressé.
7. A sa sortie de prison, le 15 décembre 2024, l'intéressé a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.
8. Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines, retenant notamment les violations commises par ce dernier contre les mesures d'interdiction territoriale prononcées contre lui.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi en Italie, mais qu'il considérait la durée de détention de six semaines comme trop longue. Le procès-verbal de son audition indique qu'il était retenu pour des motifs de droit des étrangers depuis 14h00.
9. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.
10. A l'audience ce jour, M. A______ a uniquement contesté le fait d'avoir participé à un trafic de drogue, étant précisé qu'il n'avait jamais été confronté à la personne qui le mettait en cause. Sur question de son avocat, il était au courant de sa première interdiction territoriale. Il avait donné instruction à son avocate à l'époque de recourir contre cette mesure en lui fournissant différents documents, mais il ignorait si elle avait effectivement recouru.
La représentante du commissaire de police a indiqué ignorer si l'interdiction territoriale du 15 février 2023 avait fait l'objet d'une opposition.
Elle a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative sur le principe et sur la durée.
Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de ce dernier, subsidiairement à la réduction de la durée de la détention administrative et également subsidiairement à ce que M. A______ soit contraint à se présenter régulièrement à la police jusqu'à la date de son départ.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).
2. En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 15 décembre 2024 à 14h00.
3. À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. b LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI.
4. En l'espèce, rien dans le dossier ne contredit le fait que la décision d'interdiction territoriale prononcée contre M. A______ le 15 février 2023 ne serait pas entrée en force. Le précité ne saurait remettre en cause cet élément en indiquant simplement qu'il aurait donné à son conseil de l'époque l'instruction de recourir contre cette décision, tout en précisant qu'il ignore lui-même quelle suite y aurait été donnée. On relèvera en particulier qu'il a été condamné en septembre et octobre 2023 pour la violation de l'interdiction territoriale du 15 février 2023 et que c'est très vraisemblablement à ce moment-là qu'un éventuel problème lié à l'entrée en force de cette décision aurait été mis à jour, s'il y avait eu lieu.
5. Quoi qu'il en soit, M. A______ a fait l'objet d'une nouvelle interdiction territoriale prise contre lui le 26 avril 2024 pour une durée de 24 mois, dont le précité ne conteste pas qu'elle soit entrée en force, ni le fait qu'il a été condamné le 27 juin 2024 pour la violation de cette seconde interdiction territoriale.
6. M. A______ fait par ailleurs l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée le 26 avril 2024.
7. Par conséquent, sur le principe, la détention de M. A______ est correctement fondée sur les art. 75 al. 1 let. b et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, ce que d'ailleurs le précité ne remet pas directement en cause.
8. Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.
9. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).
10. Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).
11. Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).
12. En l'occurrence, M. A______ conteste à la fois la détention elle-même sous l'angle de sa subsidiarité, et la durée de cette détention.
13. S'agissant du premier point, le tribunal ne saurait le suivre lorsqu'il soutient qu'une obligation de se rendre régulièrement à la police suffirait à s'assurer de sa disponibilité au jour de son renvoi. Comme la justement fait remarquer la représentante du commissaire de police lors de l'audience, M. A______ a été condamné à trois reprises pour ne s'être pas conformé à des interdictions territoriales, de sorte que l'on ne voit pas pour quelle raison il faudrait à présent lui accorder crédit sur son intention de respecter ses obligations. Sa détention apparaît ainsi comme le seul moyen d'assurer l'exécution de son renvoi.
14. Quant à la durée de sa détention, elle s'explique par le fait que de nombreux ressortissants étrangers sont réadmis en Italie depuis la Suisse et que leur situation doit être traitée de manière individuelle par les autorités italiennes à leur arrivée en Italie. Cela entraîne une liste de personnes à réadmettre, dont la situation est traitée par ordre d'ancienneté, avec un délai d'attente, selon les moyens disponibles tant du côté suisse que du côté italien. A cela s'ajoute la fermeture de la douane de Chiasso durant plusieurs jours en raison des fêtes de fin d'année. Compte tenu de ces éléments, il n'est pas étonnant qu'un renvoi n'ait pu être organisé pour M. A______ que pour la date des 22 et 23 janvier 2025. Le délai de détention de six semaines prononcé par le commissaire de police apparaît par conséquent tout à fait proportionné.
15. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines.
16. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 15 décembre 2024 à 14h13 à l’encontre Monsieur A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 25 janvier 2025 inclus ;
2. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |