Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1526/2023

JTAPI/1138/2024 du 18.11.2024 ( OCPM ) , REJETE

IRRECEVABLE par ATA/364/2025

Descripteurs : ADMISSION PROVISOIRE;EXPULSION(DROIT PÉNAL);OBJET DU LITIGE
Normes : LEI.83.al9; LEI.83.al6; CP.66abis
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1526/2023

JTAPI/1138/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 novembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Laïla BATOU, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1984, est originaire d’Algérie.

2.             M. A______ est défavorablement connu des services de police et de la justice suisses.

3.             Il ressort de l'extrait du casier judiciaire suisse de l'intéressé, au 11 juillet 2023, qu’il a été condamné à 36 reprises entre le 25 mai 2009 et le 31 octobre 2022, notamment pour vol et violation de domicile (art. 139 ch. 1 et 186 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS − 311.0)).

4.             L’intéressé s’est par ailleurs opposé à cinq reprises à son renvoi, à destination d’Alger, en Algérie, soit les 19 juin 2010, 24 mars 2011, 4 février 2012, 5 novembre 2012 et 31 janvier 2013.

5.             Le 13 août 2019, le Tribunal de police (ci-après : le TP) a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de huit mois, sans sursis exécutoire, sous déduction de 219 jours de détention avant jugement, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 5 janvier 2019 par le Ministère public de Genève, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour violation de domicile (art. 186 CP), infraction commise à deux reprises, non-respect d’une assignation à un lieu de résidence ou d’une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et vol simple, infraction d’importance mineure (art. 139 ch. 1 cum art. 172 ter al. 1 CP). Le TP a également ordonné l'expulsion de Suisse de l'intéressé pour une durée de trois ans (art. 66abis CP) et à ce que dernier soit soumis à un traitement ambulatoire (art. 63 CP).

6.             Par courrier du 16 décembre 2019, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après :  l'OCPM) a informé M. A______, qu’en vertu des art. 66abis CP et 83 LEI, rien ne s’opposait à son expulsion du territoire suisse. Son expulsion était exécutable et leur service allait procéder à l’exécution de celle-ci dès qu’il aurait fini de purger sa peine privative de liberté. Un délai de trois jours lui était imparti afin de communiquer ses éventuelles observations ou objections, ainsi que tout autre document qu’il jugerait utile au traitement de son dossier.

7.             Le 18 juillet 2020, l’intéressé s’est vu notifier une décision de non-report d’expulsion judiciaire.

8.             Le 21 janvier 2022, par l’intermédiaire de son conseil, M. A______ a sollicité une admission provisoire auprès de l’OCPM au sens de l’art. 83 LEI, concluant à ce que le canton propose son admission provisoire au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : le SEM).

Un renvoi en Algérie le mettrait concrètement en danger en raison de son état de santé. A teneur du rapport de suivi psychiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci- après : les HUG) du 10 décembre 2021, annexé, il avait été hospitalisé à onze reprises à l’hôpital de B______ pour des décompensations psychotiques et des troubles du comportement. Le diagnostic retenu était la schizophrénie. Les objectifs thérapeutiques étaient le maintien de sa stabilité psychique, l’observance au traitement et son autonomisation sur un plan psychique aux fins de limiter les risques de décompensation. Depuis la reprise d’un suivi régulier et la mise en place d’un traitement efficace, une évolution favorable était observée, tant sur le plan psychique que sur son fonctionnement global. Cependant, cette stabilité restait fragile, et elle était soumise à la poursuite de soins réguliers dans le contexte d’une pathologie schizophrénique lourde et invalidante. Une expulsion vers l’Algérie poserait de graves problèmes dans la mesure ou l’accessibilité aux soins psychiatriques y était fortement limitée et que, faute d’un traitement adéquat, il présenterait rapidement de nouvelles décompensations psychotiques.

L’exécution de son renvoi, illicite, n'était dès lors pas possible et ne pouvait être raisonnablement exigée.

9.             Le 14 mars 2023, l’OCPM a informé M. A______ de son refus de proposer au SEM son admission provisoire.

L’intéressé faisait l’objet d’une expulsion judiciaire du territoire suisse pour une durée de trois ans (art. 66abis CP), prononcée le 13 août 2019 par le TP, entrée en force depuis, laquelle était toujours en cours, l’intéressé n’ayant jamais quitté le territoire helvétique (art. 17a de l'Ordonnance relative au code pénal et au code militaire du 19 septembre 2006 (RS 311.01−O-CP-CPM).

Conformément à l’art. 83 al. 9 LEI, l’admission provisoire n’était pas ordonnée ou prenait fin avec l’entrée en force d’une expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP. Pour cette raison, il ne leur était pas possible de proposer au SEM l'admission provisoire de l'intéressé (art. 83 al. 6 LEI)

10.         Par acte du 28 avril 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ (ci- après :  le recourant) a interjeté recours contre la décision de l’OCPM du 14 mars 2023 refusant de proposer au SEM son admission provisoire auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à ce que l’OCPM soit invité à proposer au SEM son admission provisoire, sous suite de frais et dépens. Un délai d’un mois était également demandé pour compléter son recours, ce que le tribunal lui a accordé.

11.         Par acte du 25 mai 2023, par l’intermédiaire de son conseil, M. A______ a transmis au tribunal son complément au recours.

Il était arrivé en Suisse à l’adolescence et avait effectué sa scolarité en Algérie, puis en Suisse. Il avait été hospitalisé à onze reprises à B______ pour des décompensations psychotiques et des troubles du comportement. Toutes les hospitalisations en milieu psychiatrique avaient fait suite à des « décompensations délirantes sur un mode persécutoire à mécanisme interprétatif ». Lors de son incarcération à Champ-Dollon en 2018, il avait été hospitalisé à l’unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire (ci-après : l'UHPP) pour une nouvelle décompensation psychotique. Le diagnostic retenu était celui d’une schizophrénie paranoïde. Il avait été hospitalisé à l’UHPP du 8 février 2019 au 2 avril 2019, suite à une recrudescence de sa symptomatologie psychotique.

A sa sortie de prison, il avait intégré un programme santé migrants. Il avait, par ailleurs, l’obligation de se rendre au centre de psychiatrie et de psychothérapie intégré (ci-après : CAPPI) des C______ pour y recevoir des soins ambulatoires au sens de l’art. 63 CP. Depuis son incarcération à Champ-Dollon le 1er septembre 2021, il bénéficiait d’un suivi psychiatrique régulier, ainsi que d'un traitement antipsychotique. Son état psychique était satisfaisant. Il adhérait aux soins proposés et était régulier dans sa présence aux rendez-vous. Il se montrait adéquat et cohérent dans la prise en charge et les démarches le concernant. Il bénéficiait d’un traitement antipsychotique, d’un traitement anxiolytique per os et d’un traitement hypnotique.

Dans un rapport du 10 décembre 2021, la Doctoresse D______ déplorait qu’aucun suivi stable n’eût pu être mis en place à sa sortie de détention, en raison de sa précarité, de sa situation sociale et de l’absence de mesures visant à sa réinsertion et à sa stabilisation. Sa stabilité psychique qui avait pu être observée restait donc fragile.

Une expulsion vers l’Algérie soulevait plusieurs questions dans la mesure où l’accessibilité aux soins psychiatriques y était fortement limitée. Sans suivi ni traitement adéquats, il présenterait rapidement une nouvelle décompensation psychotique.

Dans la mesure où il n’avait aucun statut reconnu par l’OCPM ni l’Hospice général, il dormait dans la rue et vivait dans une précarité absolue.

En premier lieu, il se prévalait de l’art. 25 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH), pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements au sens de l'art. 3 CEDH, il convenait d'appliquer des critères rigoureux.

Aussi, l'autorité qui prononçait le renvoi devait en tout temps apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements. Les étrangers qui étaient sous le coup d'un arrêté d'expulsion ne pouvaient en principe pas revendiquer le droit de rester sur le territoire d'un État contractant afin de continuer à y bénéficier de l'assistance médicale. Ainsi, le fait que la situation d'une personne dans son pays d'origine serait moins favorable que celle dont elle jouissait dans le pays d'accueil n'était pas déterminant du point de vue de l'art. 3 CEDH (ACEDH Emre c. Suisse §91). La CourEDH exigeait un seuil de gravité élevé pour que l'état de santé d'une personne permette de s'opposer à son expulsion (ACEDH Emre c. Suisse précité §92 ; ACEDH N. contre Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05 §32 ss).

La [Grande Chambre] de la CourEDH avait clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades, précisant, qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH, les cas d'éloignement d'une personne gravement malade lorsqu'il y avait des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie (ACEDH Paposhvili c. Belgique du 13 décembre 2013, req. n° 41738/10, § 183 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_2/2019 du 27 septembre 2019, consid. 6.1). Il appartenait aux intéressés de produire des éléments susceptibles de démontrer qu'il y avait des raisons sérieuses de penser que, si la mesure litigieuse était mise à exécution, ils seraient exposés à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'art. 3 CEDH. Lorsque de tels éléments étaient produits, il incombait à l'État de renvoi, dans le cadre des procédures internes, de dissiper les doutes éventuels à leur sujet. L'évaluation du risque allégué devait faire l'objet d'un contrôle rigoureux à l'occasion duquel les autorités de l'État de renvoi devaient envisager les conséquences prévisibles du renvoi sur l'intéressé dans l'État de destination, compte tenu de la situation générale dans celui-ci et des circonstances propres au cas de l'intéressé. Dès lors qu'il s'agissait de l'obligation négative de ne pas exposer quelqu'un à un risque de mauvais traitements prohibés par l'art. 3 CEDH, les conséquences du renvoi sur l'intéressé devaient être évaluées en comparant son état de santé avant l'éloignement avec celui qui serait le sien dans l'Etat de destination après y avoir été envoyé.

S'agissant des facteurs à prendre en considération, il y avait lieu, pour les autorités de renvoi, de vérifier au cas par cas si les soins généralement disponibles dans l'État de destination étaient suffisants et adéquats en pratique pour traiter la pathologie dont souffrait l'intéressé afin d'éviter qu'il ne soit exposé à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (ACEDH Paposhvili c. Belgique, précité, § 186-189). Dans l'affaire concernant l'extradition d'une personne souffrant de schizophrénie paranoïde, la CourEDH avait jugé qu'il y avait un risque réel de détérioration de la santé mentale et physique de celle-ci, laquelle pouvait atteindre le seuil de l'art. 3 CEDH (ACEDH Aswat c. Royaume-Uni du 16 avril 2013, req. n° 17299/12, § 57), étant précisé que les exigences relatives au respect de l'art. 3 CEDH en matière de renvoi étaient identiques à celles prévalant en matière d'extradition (ACEDH Aswat c. Royaume-Uni, précité, § 32).

Dans sa jurisprudence, le Tribunal administratif fédéral retenait que la menace existentielle devait être admise en cas de circonstances personnelles particulières, compte tenu des conditions de vie difficiles, surtout du point de vue économique, ce sous l'angle du droit des étrangers (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6449/2017 du 18 avril 2019, consid. 7.4 et 7.5, lequel mentionnait en particulier l'état de santé de l'intéressé et l'existence d'un bon réseau familial ; cf art. 83 al. 4 LEI).

En l'occurrence, son expulsion le placerait dans une situation personnelle grave au motif qu'il suivait un traitement médical sur le long terme. La position de l’autorité intimée, qui invoquait l’art. 83 al. 9 LEI pour justifier son refus de proposer au SEM son admission provisoire, était insoutenable et manifestement contraire à l’art. 3 CEDH. D'une part, l'autorité qui prononçait le renvoi devait en tout temps examiner si l'état de santé de la personne concernée permettait un renvoi dans l'État de destination. D'autre part, l'OCPM devait étudier de manière approfondie les circonstances du cas d'espèce sur le plan général, à savoir, in casu, la possibilité de soins dans l'État de destination et, en particulier, les circonstances personnelles du recourant. Or, il ressortait très clairement du rapport des HUG du 10 décembre 2021 que l’accessibilité des soins psychiatriques en Algérie était fortement limitée et qu’il n’existait aucune garantie qu'il puisse bénéficier d’un suivi et d’un traitement adéquats, faute de quoi il présenterait très rapidement une nouvelle décompensation psychotique. A cet égard, l’autorité intimée n’avait pas vérifié ses allégations, documentées, relatives à l’absence générale de possibilité de soins psychiatriques en Algérie, ni comparé son état de santé avant et après « l’éventuel éloignement ».

Le recourant se prévalait ensuite de l’art. 5 al. 2 Cst. et de l’art. 8 para. 2 CEDH.

Les chances de réinsertion dans son pays d’origine étaient quasi nulles, étant précisé que rien ne permettait de considérer qu’il pourrait y bénéficier d’un encadrement médico-social. Il était d’ailleurs établi, dans le rapport des HUG précité, qu’il vivait dans des conditions de précarité telles qu’il ne pourrait à l’évidence pas bénéficier du traitement adéquat préconisé.

Ses circonstances personnelles étaient également pertinentes, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité, afin de déterminer s’il existait, pour lui, une menace existentielle en cas de renvoi. Les intérêts publics présidant à l’expulsion étaient également importants. Cependant, le fait qu'il ait été condamné à plusieurs peines privatives de liberté ne justifiait pas qu’il soit menacé de mauvais traitements potentiellement mortels en cas de retour dans son pays d’origine. Sa mauvaise intégration en Suisse devait être ainsi relativisée au vu de son grave état mental. De plus, compte tenu des différents avis médicaux, force était de constater qu’une mesure thérapeutique contraignante pouvait limiter le risque de récidive et ainsi améliorer ses perspectives professionnelles. Il résultait de ce qui précédait que l’importance de l’intérêt public à son expulsion était relativisée par son profil très particulier, compte tenu de son grave handicap mental, de ses troubles psychiatriques et de l’absence totale d’autonomie qui en découlait.

A l'appui de son recours, étaient produites les pièces suivantes :

-          un rapport de suivi psychiatrique des HUG du 10 décembre 2021 ;

-          le jugement du TP du 13 août 2019 ;

-          la lettre de son conseil du 21 janvier 2022 à l’OCPM concernant sa demande d’admission provisoire ; et

-          la décision querellée du 14 mars 2023.

12.         Dans ses observations du 11 juillet 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

S'agissant des faits, l'OCPM se référait à son dossier et à l'ensemble des pièces y figurant.

A l'appui de son recours, M. A______ soutenait, principalement, que son renvoi vers l'Algérie le placerait dans une situation personnelle grave en raison de son état de santé, que les soins médicaux n'y étaient pas garantis, compte tenu de son état de santé, et que son renvoi violerait le principe de proportionnalité.

S'agissant de la violation alléguée du droit fédéral (art. 25 al. 3 Cst et art. 66 al. 1 CP) et du droit international (art. 3 CEDH), le recourant invoquait le fait que son expulsion le placerait dans une situation personnelle grave, en raison de ses divers problèmes de santé. Parmi les facteurs à prendre en considération s'agissant de l'exigibilité de son renvoi, il y avait lieu, selon lui, pour les autorités de l'État de renvoi, de vérifier, au cas par cas, si les soins généralement disponibles dans l'État de destination étaient suffisants et adéquats en pratique. Dans son cas, l’autorité devait s’assurer que les soins seraient suffisants et adéquats pour traiter la pathologie dont il souffrait afin d'éviter qu'il ne soit exposé à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH.

A titre préliminaire, il était relevé que l’objet du recours s’apparentait à une demande de reconsidération de la décision de non-report prononcée par l’OCPM le 18 juillet 2020, notifiée au recourant le même jour. Indépendamment de la question de savoir si l’OCPM entrerait ou non en matière s’agissant de cette éventuelle demande de reconsidération, les conditions du renvoi de l’intéressé, en vue d’exécuter la mesure d’expulsion judiciaire prononcée à son encontre, seraient d’emblée analysées afin de déterminer leur éventuelle illicéité au regard de santé du recourant.

S’agissant du traitement des cas de schizophrénies en Algérie, un certain nombre de spécialistes dans le domaine psychiatrique, des centres, des cliniques et des hôpitaux psychiatriques étaient disponibles et présents en Algérie. Ces derniers traitaient, par le biais d’experts, notamment les troubles dont souffrait le recourant.

L'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse ne devenait inexigible qu'à partir du moment où, en raison de l'absence de possibilité de traitement médical dans leur pays d'origine ou de destination, leur état de santé se dégraderait très rapidement au point de conduire, d'une manière certaine, à la mise en danger concrète de leur vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de leur intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-5039/2006 du 1er juin 2007 ; arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre) ATA 88/2012 du 15 février 2012).

Sans remettre en question la réalité des problèmes médicaux que le recourant rencontrait actuellement, rien n’établissait que ceux-ci constitueraient un motif faisant obstacle à son renvoi. Au contraire, le recourant pourrait poursuivre son traitement auprès d’un spécialiste en Algérie. Il n’existait aucun motif sérieux de croire que l’intéressé, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l’absence de traitements adéquats en Algérie, à un risque réel d’être exposé à un déclin grave, rapide ou irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie. En sus, le renvoi n’était pas inexigible au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical prévalant en Suisse correspondaient à un standard élevé non accessible dans le pays d’origine ou le pays de destination. Dès lors, si les soins essentiels nécessaires pouvaient être assurés dans le pays concerné, l’exécution du renvoi était raisonnablement exigible (arrêt du Tribunal fédéral ATF 128 II 200).

Au surplus, avant d’effectuer une quelconque réservation de billet d’avion, une vérification de contre-indication formelle au vol était toujours effectuée dans les cas de personnes souffrant de problèmes de santé. En tout état de cause, la question de l’aptitude au voyage du recourant serait examinée par l’autorité compétente, soit l’OSEARA, dans le cadre de la nouvelle demande de réservation de vol, demande à laquelle un rapport médical dans le domaine du retour serait ainsi annexé.

Par ailleurs, et comme le mentionnait la décision querellée, en vertu de l’art. 83 al. 9 LEI, l’admission provisoire n’était pas ordonnée ou prenait fin avec l’entrée en force d’une expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP. Pour cette raison, il ne leur était pas possible de proposer au SEM l’admission provisoire du recourant (83 al. 6 LEI).

Partant, l'argument du recourant quant au fait que l'exécution de l'expulsion judicaire le mettrait dans une situation personnelle grave en raison de son état sa santé précaire devait être écarté.

S'agissant de la violation alléguée par le recourant du principe de proportionnalité découlant des art. 5 al. 2 Cst et 8 § 2 CEDH, il était rappelé que le recourant, qui faisait l'objet d'une expulsion judiciaire, avait été condamné à pas moins de 36 reprises, dont 17 fois pour vol, infraction constitutive d'un crime en sens de l'art. 10 al. 2 CP. Aussi, son argument consistant à ce que l'intérêt public à son expulsion soit relativisé par « son profil particulier, compte-tenu de son grave handicap mental, de ses troubles psychiatriques et de l'absence totale d'autonomie qui en découlait » était à prendre, pour le moins, avec circonspection.

Comme rappelé ci-dessus, le traitement des troubles dont souffrait le recourant pouvait se poursuivre dans son pays d'origine.

Enfin, à ce stade, il était important de ne pas perdre de vue le « pédigrée judiciaire » important du recourant et ses nombreuses récidives, notamment en matière de commission d’infraction[s] et de vol (crime), infraction constituant une menace pour la sécurité et l’ordre publics qu’il y avait lieu de protéger ». Sans attaches, ni moyens de subsistance en Suisse, le recourant avait, de manière constante, adopté un comportement d’opposition à son retour dans son pays d’origine. En outre, au regard de l’ensemble des circonstances, notamment de la menace qu’il représentait pour l’ordre et la sécurité publics, l’intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse en vue de poursuivre son traitement ne saurait primer l’intérêt public à l’exécution de l’expulsion judiciaire prononcée à son encontre, dans son pays d’origine, où il pourrait poursuivre son traitement médical.

L'OCPM a produit son dossier.

13.         Le 15 septembre 2023, sous la plume de son conseil, le recourant a répliqué.

L’OCPM prétendait qu’il existait en Algérie un certain nombre de spécialistes qui étaient disponibles. Force était cependant de constater que l’autorité intimée n’apportait aucune preuve de ce qu’elle avançait. Il ressortait, au contraire, des ACEDH Paposhni c. Belgique du 13 décembre 2013 et Aswat c. Royaume-Uni du 17 avril 2013, lequel concernait une personne atteinte de schizophrénie paranoïde, que la CourEDH avait admis qu'il existait un risque réel de détérioration de la santé mentale qui pouvait atteindre le seuil de l’art. 3 CEDH.

Si l’on se référait à la documentation des Nations Unies, l’organisation des soins se résumait à des simples mesures d’enfermements. Les mesures de soins étaient insuffisantes en Algérie par rapport aux standards internationaux. Il n’existait en Algérie que deux centres pour plus de 400'000 personnes atteintes de schizophrénie, nécessitant une prise en charge. Par ailleurs, le Professeur E______, du Centre hospitalier universitaire de F______, en France, affirmait, qu’au-delà de la prise en charge médicamenteuse et du suivi des patients schizophrènes, l’Algérie ne disposait pas d’une équipe spécialisée dans l’évaluation des troubles cognitifs chez les personnes qui souffraient de schizophrénie. Il en découlait qu’une personne qui avait été prise en charge depuis sa jeunesse par les services psychiatriques genevois ne pouvait être exposée au changement de traitement qu’imposerait le renvoi en Algérie, étant rappelé que, selon l’avis des HUG, une aggravation de son état en découlerait, laquelle serait clairement constitutive d'une une mise en danger concrète.

Subsidiairement, si l’admission provisoire lui était refusée, « la Confédération » se rendrait coupable d’une violation des droits élémentaires protégés et garantis par l’art. 7 Cst. et la CEDH.

14.         Par courrier du 4 octobre 2023, l’OCPM a informé le tribunal ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

15.         Par courrier du 3 octobre 2024, par l’intermédiaire de son conseil, M. A______ a transmis au tribunal le dispositif du jugement du Tribunal d’application des peines et des mesures du 9 août 2024 (JTPM/521/2024), ordonnant la poursuite du traitement ambulatoire prononcé à son encontre pour une durée de deux ans, soit jusqu’au 13 août 2026 (art. 63 al. 4 CP).

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).

7.             En l’occurrence le recours porte sur le refus de l’autorité intimée dans sa décision du 14 mars 2023 de soumettre l’admission provisoire du recourant au SEM.

L’OCPM relève, dans sa réplique, que le présent recours pourrait s’apparenter à une demande de reconsidération de sa décision de non-report de la mesure d'expulsion judiciaire prononcée le 18 juillet 2020.

Sur ce point, le tribunal rappellera que l’autorité compétente pour traiter d'une demande de reconsidération d'une décision de non-report d'une expulsion pénale est la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : CPR) (arrêt de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice du 23 novembre 2020 ACST/34/2020 consid. 8b). En effet, toute décision relative au report de l’exécution d’une mesure d'expulsion judiciaire fondée sur l’art. 66abis CP est sujette à recours auprès de la CPR. Il en va de même de toute décision de l'OCPM relative au défaut de nouvelles circonstances permettant de reporter l'exécution de l'expulsion (arrêt du Tribunal fédéral 7B_132/2023 du 12 mars 2024 consid. 3.4.3). Ainsi, si l’intéressé souhaite contester la licéité de la décision de non-report de la mesure d’expulsion judiciaire prononcé à son encontre, il devra porter la question à la CPR qui est l’autorité compétente à cet égard.

Aussi, comme retenu ci-dessus, l’objet du litige est circonscrit au refus de l'OCPM de soumettre l’admission provisoire du recourant au SEM. L’examen du tribunal ne portera donc que sur cette question.

8.             A teneur de l’art. 83 al. 9 LEI, l’admission provisoire n’est pas ordonnée ou prend fin avec l’entrée en force d’une expulsion obligatoire au sens des art. 66a ou 66bis CP, 49a ou 49abis CPM ou d’une expulsion au sens de l’art. 68 LEI.

9.             Dans son arrêt du 7 septembre 2020, la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a considéré que lorsque la personne à renvoyer pouvait se prévaloir d’une protection en vertu du droit international public, son besoin de protection l’emportait sur les préoccupations d’ordre sécuritaire et revêtait un caractère absolu. Cependant, une dérogation découlait de l’art. 83 al. 9 LEI qui prévoyait que l’admission provisoire n’était pas ordonnée ou prenait fin avec l’entrée en force d’une expulsion obligatoire au sens notamment des art. 66a ou 66bis CP (AARP/310/2020 du 7 septembre 2020 consid. 3.2.3).

10.         Le Tribunal administratif fédéral a précisé dans plusieurs arrêts, qu’aux termes de l’art. 83 al. 9 LEI, l’admission provisoire n’était pas ordonnée ou prenait fin avec l’entrée en force d’une décision d’expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP, 49 ou 49abis CPM, cet effet ayant lieu en vertu de la loi. Dès ce moment, l’autorité d’asile n’était plus compétente pour prononcer le renvoi et statuer sur son caractère exécutable. Il appartenait à l’autorité cantonale, à qui il incombait d’exécuter la décision pénale, d’apprécier, le moment venu, si ces conditions, essentiellement celle de la licéité, étaient remplies ; elle pouvait, à cet effet, requérir l’avis du SEM. Dans un tel cas, l’autorité d’asile ne pouvait alors que constater que l’admission provisoire avait pris fin, respectivement ne pouvait plus être ordonnée, voire que le prononcé de l’exécution du renvoi, qui n’était pas encore entré en force de chose jugée, devenait caduc. Le seul motif permettant de recourir contre cette décision en constatation était la non-entrée en force de la décision pénale (Arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1471/2022 et les références citées).

A cet égard, le manuel Asile et retour Article E4 Fin de l’admission provisoire § 2.4.2 pp. 8-9 du SEM précise qu’: « il importe de noter qu’une admission provisoire prend automatiquement fin ex lege à l’entrée en force de l’expulsion, peu importe les raisons qui avaient conduit à l’ordonner. ».

11.         Il est en l’espèce établi, et au demeurant non contesté, que le recourant fait l’objet d’une expulsion judicaire (art. 66abis CP) prononcée par le TP le 13 août 2019, laquelle est entrée en force.

A teneur de la loi et de la jurisprudence précitées, l’art. 83 al. 9 LEI a une portée dérogatoire et ne permet pas à une personne à l’encontre de laquelle une expulsion pénale au sens de l’art. 66abis CP a été prononcée d’obtenir une admission provisoire.

Il résulte que l’OCPM ne pouvait que constater que l’admission provisoire du recourant ne pouvait être ordonnée et qu’il n’était pas compétent pour se prononcer à ce stade sur l’exécutabilité du renvoi.

Au vu de ce qui précède, le tribunal, saisi d'un recours contre le refus de l'OCPM de soumettre l'admission provisoire du recourant au SEM, n'examinera pas les arguments invoqués par ce dernier relatifs à la licéité et à la proportionnalité de son renvoi.

En conclusion, c’est à juste titre que l’autorité intimée a refusé de transmettre l’admission provisoire du recourant au SEM.

12.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

13.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

14.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 1er mai 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 14 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière