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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1145/2024

JTAPI/313/2024 du 09.04.2024 ( MC ) , CONFIRME

REJETE par ATA/550/2024

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.75.al1.leth; LEI.80.al6.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1145/2024 MC

JTAPI/313/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jordan WANNIER, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1998, est originaire d'Algérie.

2.             Le 14 décembre 2020, M. A______ a déposé une demande d'asile, laquelle a été rejetée par le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: SEM) le 29 janvier 2021, lequel a simultanément prononcé son renvoi de Suisse.

3.             Selon l’extrait du casier judiciaire de l’intéressé du 5 avril 2024, il a été condamné :

-          le 20 mars 2021, par le Ministère public de Genève, à une peine privative de liberté de 2 mois, avec sursis, délai d’épreuve 3 ans, pour recel (art. 160 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ;

-          le 13 mai 2021, par le Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à CHF 10.-, avec sursis, délai d’épreuve 3 ans, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) ;

-          le 15 mai 2022, par le Tribunal cantonal de Neuchâtel, à une peine privative de liberté de 10 mois, et à une expulsion du territoire suisse pour une durée de 5 ans, pour vol par métier (art. 139 ch. 2 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), tentative de vol (art. 22 al. 1 cum 139 ch. 1 CP), violation de domicile (art. 186 CP) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) ;

-          le 28 septembre 2023, par le Tribunal de police de Genève, à une peine privative de liberté de 8 mois, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 10.- et à une expulsion du territoire suisse pour une durée de 20 ans, pour empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP), vol (art. 139 CP), rupture de ban (art. 291 CP), violation de domicile (art. 186 CP) et dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP).

Par ailleurs, une procédure est en cours à son encontre pour vol (art. 139 ch. 1 CP), violation de domicile (art. 186 CP) et empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) auprès du Tribunal de police de la Côte à Nyon.

4.             Appréhendé par les services de police le 5 août 2023 à Genève, M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon le lendemain.

5.             Le 24 novembre 2022, M. A______ a été identifié par les autorités algériennes comme ressortissant de leur pays.

6.             Le 26 novembre 2023, l’Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a adressé à M. A______ une décision de non-report de son expulsion judiciaire.

7.             Par jugement du Tribunal d'application des peines et des mesures du 8 décembre 2023, la libération conditionnelle de M. A______ a été ordonnée avec effet au jour de son expulsion effective mais au plus tôt le 14 janvier 2024, sa peine se terminant le 6 avril 2024.

8.             Le 6 avril 2024, à 09h55, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie car il y avait des dettes.

9.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour indiquant que les démarches en lien avec le refoulement de M. A______, notamment sa présentation à un counseling, démarche préalable à la délivrance d'un laissez-passer avant de procéder à la réservation d'un vol, étaient en cours.

10.         Lors de l'audience du 9 avril 2024 devant le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il ne voulait pas retourner en Algérie car il y avait des dettes. Il ne souhaitait pas entreprendre des démarches afin d'obtenir un laissez-passer ou un passeport. Il avait perdu son passeport. Sa carte d'identité se trouvait en Algérie. Si on lui réservait un vol pour l'Algérie, il ne le prendrait pas. S’il était libéré ce jour, il s'engageait à quitter immédiatement la Suisse.

Il vivait à B______(France). Il avait travaillé un mois, à raison de trois jours par semaine, en France mais il ne se souvenait plus combien il avait touché pour cela. C'était avec le gain de son travail qu'il mangeait. Il n'avait ni famille ni amis à Genève. Il n'avait d’ailleurs aucun lien avec la Suisse. S'il était revenu en Suisse malgré les expulsions judiciaires prononcées à son encontre c'était car il n'était pas au courant de l’existence de ces expulsions. Il avait entendu lors du verdict au tribunal que son expulsion avait été prononcée, mais lorsqu'il était sorti de prison on ne lui a pas donné de document l'attestant. Il avait donc pensé que ces expulsions étaient non effectives. Le 6 août 2023, il était sous l'influence de la drogue. Actuellement, il ne buvait plus et ne fumait plus. Il n'était pas un danger pour la sécurité suisse car il n'a jamais eu de problème durant sa détention ni libre d’ailleurs.

Le représentant du commissaire de police a indiqué qu'il n'avait pas de nouvelles pièces à produire au tribunal. Le commissaire de police avait informé le SEM de la détention administrative de M. A______ qui était un candidat prioritaire pour une présentation devant les autorités diplomatiques algériennes. Ils n'avaient pas encore la date à laquelle il pourrait être présenté. Cela dépendait des priorités données par le SEM à chaque canton, étant précisé que les counseling se déroulaient normalement une fois par mois devant le consulat algérien. Pour obtenir une présentation devant le Consulat d'Algérie, il y avait environ deux mois d’attente. Cela dépendait des disponibilités. Une fois la personne présentée, le Consulat d'Algérie se prononçait sur la délivrance ou non d’un laissez-passer dans les dix jours. Durant les trois derniers mois, l’OCPM avaient réussi à obtenir des laissez-passer pour des Algériens qui refusaient de collaborer. Toutefois, en raison de leur opposition, il n’avait pas encore été possible de les renvoyer. Si M. A______ était volontaire pour retourner en Algérie, il pouvait s'adresser directement au Consulat algérien afin d'obtenir un laissez-passer, demander un passeport à l'Ambassade algérienne ou encore remettre ses documents d'identité à l'OCPM s'il les avait en sa possession. Il a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois.

Le conseil de l'intéressé a conclu à la levée immédiate de la détention de son client.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 6 avril 2024 à 08h45.

3.            Conformément à l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art 75 al. 1 let. h de cette même loi, une mesure de détention administrative peut être ordonnée si une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée à l'intéressé et que celui-ci a été condamné pour crime (let. h), par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).

4.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi du 29 janvier 2021 prononcée par le SEM et de deux mesures d’expulsion judiciaires de Suisse prononcées pour 5 ans, le 28 juillet 2021 et pour 20 ans, le 28 septembre 2023. Il a par ailleurs été condamné à plusieurs reprises pour vol au sens de l'art. 139 CP, notamment par métier (ch. 2), soit un crime (art. 10 al. 2 CP).

5.            Les conditions pour une mise en détention sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h LEI sont ainsi remplies.

6.            L’assurance de son départ de Suisse répond par ailleurs à un intérêt public certain M. A______ troublant l’ordre public suisse par ses infractions répétées, à tout le moins depuis 2021. Par ailleurs, toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où M. A______ devra monter dans l’avion devant le reconduire dans son pays d’origine, étant relevé que ce dernier refuse de retourner en Algérie et que sa seule promesse de quitter la Suisse n’est pas apte à pallier la menace qu’il représente.

7.            Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

8.            En l’occurrence, les autorités ont agi avec célérité puisqu’elles ont d'ores et déjà sollicité le SEM pour que M. A______ soit présenté aux autorités diplomatiques algériennes en vue de l’obtention d’un laisser-passer en sa faveur.

9.            Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

10.        Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

11.        En l’espèce, l’ordre de mise en détention respecte le cadre légal fixé par l'art. 79 LEI. La durée de trois mois requise apparait en outre proportionnée et adéquate.

12.        Cette durée est toutefois relative puisqu’elle prendra fin automatiquement lorsque M. A______ prendra le vol qui lui sera réservé une fois les autorités en possession d’un laisser-passer, ce qui pourrait être rapide s’il collaborait en vue de l’obtention de ses documents d’identité.

13.        Le conseil de M. A______ invoque l’impossibilité de son renvoi au motif qu’il s’oppose à celui-ci et n’est pas en possession d’un passeport.

14.        L'art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention administrative d'une personne étrangère devant quitter le territoire suisse doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1). Les raisons juridiques ou matérielles empêchant l'exécution du renvoi ou l'expulsion doivent être importantes (« triftige Gründe »). Celle-ci doit être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus avec la collaboration de ce dernier. Tel est par exemple le cas lorsqu'un État refuse explicitement, ou du moins de manière clairement reconnaissable et cohérente, de reprendre certains de ses ressortissants (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3; 125 II 217 consid. 2). Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts du Tribunal fédéral 2C_955/2020 précité consid. 5.1; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).  

15.        En l’espèce, le fait que l’intéressé s’oppose à son renvoi et ne soit pas en possession d’un passeport ou encore que le laissez-passer n’ait pas encore été établi ne constitue nullement une circonstance permettant de considérer que l’exécution du renvoi serait impossible. En effet, si le recourant entreprenait lui-même les démarches auprès du Consulat d’Algérie, le laissez-passer serait rapidement établi et son renvoi pourrait être exécuté, de sorte que sa détention prendrait fin. Cette approche a été confirmée par le Tribunal fédéral dans un arrêt 2C_370/2023 consid. 4.2.2. Enfin, le fait de s’opposer à son renvoi ne permet pas de retenir que l'exécution de celui-ci s'avère impossible puisqu’un laissez-passer peut être matériellement obtenu avec possibilité de prendre un vol à destination de l’Algérie, potentiellement avec escorte. Ainsi, il n’existe aucune impossibilité à l’exécution du renvoi de M. A______ au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEI.

16.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

17.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 6 avril 2024 à 09h55 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 6 juillet 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier