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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1711/2023

JTAPI/1227/2023 du 06.11.2023 ( LCR ) , ADMIS

Descripteurs : PERMIS DE CONDUIRE;RETRAIT DE PERMIS;RETRAIT DE SÉCURITÉ;EXPERTISE MÉDICALE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LCR.14.al2; LCR.14a.al1; LCR.16.al1; LCR.16d.al1; OAC.16.al1.letc; OAC.16.al3.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1711/2023 LCR

JTAPI/1227/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 novembre 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Matthieu GISIN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Le 20 mai 2021, Madame A______, née le ______ 1994, a obtenu auprès de l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) un permis d'élève conducteur pour la catégorie B (voitures automobiles et tricycles à moteur dont le poids total n'excède pas 3'500 kg et dont le nombre de places assises, autres que le siège du conducteur, n'excède pas huit), avec une validité au 20 mai 2023.

2.             Ayant échoué à trois reprises à l'examen pratique visant à l'obtention du permis dans la catégorie précitée, soit les 12 avril, 11 mai et 10 octobre 2022, l'OCV l'a invitée à se soumettre à une expertise médicale auprès du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML).

3.             Le 15 décembre 2022, le Docteur B______, médecin légiste FMH, médecin du trafic SSML, et Madame C______, psychologue diplômée, spécialiste en psychologie de la circulation FSP, tous deux au sein de l'Unité de Médecine et Psychologie du Trafic du CURML, ont rendu leur rapport concernant l'aptitude psychologique à la poursuite de la formation de conductrice de Mme A______, suite à trois échecs à l'examen pratique de conduite.

Il ressort des conclusions de ce rapport que les résultats obtenus « ne contre-indiqu[aient] pas la poursuite de l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur du premier groupe. Les échecs subis par Mme A______ [étaient] vraisemblablement attribuables à un manque de formation auprès d'un moniteur spécialisé, ainsi qu'au stress occasionné par le contexte spécifique de l'examen pratique, vraisemblablement exacerbé par une maîtrise limitée de la langue française ». Ainsi, « sur le plan psychologique, l'intéressée [était] apte à poursuivre sa formation de conductrice. Il parai[ssait] toutefois souhaitable que, pour augmenter ses chances de réussite, l'intéressée reprenne une formation approfondie de la conduite auprès d'un moniteur spécialisé tout en continuant à s'exercer en dehors de ces cours avant de se présenter à un nouvel examen pratique ».

4.             Le 3 avril 2023, Mme A______ a échoué à une quatrième reprise à l'examen pratique.

5.             Par décision rendue le 18 avril 2023, l'OCV a prononcé le retrait du permis d'élève conducteur catégorie B à Mme A______ et le refus, nonobstant recours, de toute demande d'admission à un nouvel examen pratique pour une durée indéterminée, mais au minimum deux ans dès le 3 avril 2023. Une nouvelle demande en vue de l'octroi d'un permis d'élève conducteur serait examinée au plus tôt à cette date. En sus des conditions requises pour la délivrance d'un permis d'élève conducteur, l'OCV a soumis l'octroi dudit permis à l'obligation de présenter une expertise psychologique favorable et datée de moins de six mois. Un recours contre cette décision n'avait pas d'effet suspensif.

Cette décision se fondait sur le fait que Mme A______ avait échoué quatre fois à l'examen de conduite pratique de la catégorie B, dont le dernier en date du 3 avril 2023. Après son troisième examen, elle s'était soumise à une expertise psychologique. Le rapport d'expertise du 15 décembre 2022 précisait qu'elle était apte à poursuivre sa formation de conductrice et que les échecs subis étaient vraisemblablement attribuables à un manque de formation auprès d'un moniteur spécialisé, ainsi qu'au stress occasionné par le contexte spécifique de l'examen pratique, vraisemblablement exacerbé par une maîtrise limitée de la langue française. L'examen du dossier incitait l'autorité à concevoir des doutes quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur, et dès lors l'autorité conditionnait la délivrance d'un permis ou permis d'élève conducteur à une évaluation de son aptitude à la conduite auprès d'un psychologue du trafic. En outre, en considération des divers résultats d'examen et compte tenu de l'ensemble des circonstances, une durée d'attente de deux ans depuis son dernier échec à l'examen pratique de conduite apparaissait approprié.

Cette décision était prononcée en vertu des art. 14, 16, 22, 23, 24,26, 29ss de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), 4, 4a, 5 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11) et 5c, 5k, 16, 23, 28 à 37 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51).

6.             Par acte du 17 mai 2023, Mme A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Originaire d'Érythrée, elle était de langue maternelle tigrigna. Ella avait été admise en Suisse à titre provisoire le 13 janvier 2017 en tant que réfugiée. Au début de l'année 2021, elle avait entrepris toutes les démarches nécessaires à l'obtention de son permis d'élève (cours de premier secours, examen de la vue, obtention de l'examen théorique de conduite etc.). Après la délivrance par l'OCV de son permis d'élève conducteur, elle avait commencé l'apprentissage pratique de la conduite à compter du mois de mai 2021. Entre le mois de septembre 2021 et avril 2022, elle avait conduit accompagnée de ses amis, à raison de quatre fois par semaine, durant une heure trente en moyenne. Durant cette première période, elle n'avait cependant pris aucun cours de conduite avec un moniteur spécialisé, et n'avait donc reçu aucun conseil de la part d'un professionnel. Le 12 avril 2022, elle s'était présentée une première fois à l'examen pratique du permis de conduire. Passablement stressée, elle avait malheureusement manqué sa première tentative. Le 11 mai 2022, elle avait échoué une deuxième fois. Ses connaissances lacunaires en français avaient considérablement compliqué le passage de l'épreuve. Elle disposait de quelques connaissances en français mais ses capacités de compréhension et d'expression orale restaient approximatives. Il était parfois nécessaire que les informations lui soient répétées à maintes reprises pour pouvoir les assimiler correctement. Suite à ce deuxième échec, une attestation constatant que sa formation de conductrice était achevée lui avait été délivrée par Monsieur D______, moniteur chez E______, le 4 juillet 2022. Elle avait également commencé à suivre des cours avec Monsieur F______, moniteur professionnel. Entre le 7 juin 2022 et le 28 septembre 2022, elle avait ainsi suivi une dizaine de cours avec ce dernier.

Le 10 octobre 2022, elle s'était présentée à l'examen pour la troisième fois, sans succès. Après sa troisième tentative, elle avait été contrainte de se soumettre à une expertise psychologique afin de déterminer si elle était apte ou non à la conduite. Selon les experts, elle était apte à poursuivre l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur du premier group. Conformément aux conclusions de l'expertise, elle avait pris quatre cours supplémentaires entre le 17 mars et le 3 avril 2023 avec un autre moniteur spécialisé, lesquels lui avaient permis de faire de nets progrès. Elle avait toutefois essuyé un nouvel échec lors de sa quatrième tentative à l'examen pratique de conduite le 3 avril 2023.

La décision se fondait à tort sur l'art. 14 al. 1 LCR. Elle violait en outre les art. 14a et 16 LCR, rien ne laissant croire qu'elle ne disposait pas des aptitudes et des qualifications nécessaires à la conduite. En effet, il ressortait de l'expertise du 15 décembre 2022 qu'elle disposait de toutes les aptitudes nécessaires à la poursuite de l'apprentissage à la conduite. L'autorité intimée s'était écartée de l'avis de l'expert sans qu'il n'existât de motifs sérieux pour le faire. Mise à part le quatrième échec subi, elle n'avançait pas le moindre argument pour étayer sa décision. Or, le procès-verbal de son dernier examen de conduite n'évoquait rien d'alarmant qui nécessiterait la prise d'une telle décision. Aucune disposition légale n'indiquait qu'après avoir subi un quatrième échec à l'examen pratique du permis, il existait une présomption selon laquelle le conducteur ou la conductrice ne disposerait pas ou plus des compétences nécessaires à la conduite. Elle avait fait d'importants progrès depuis ses premiers cours de conduite. Les problématiques mises en exergue par le rapport d'expertise pouvaient aisément être palliées par quelques heures de cours supplémentaires encadrées par un moniteur spécialisé ainsi qu'une ou deux sessions de gestion du stress auprès d'un spécialiste. De plus, sa maîtrise partielle du français, bien qu'elle fût effectivement un frein à la compréhension des instructions, et corrélativement à la réussite de l'examen, n'était pas une qualification nécessaire à la conduite. Enfin, l'art. 23 al. 2 OAC ne s'appliquait pas puisqu'elle avait déjà été soumise à une expertise psychiatrique et qu'elle avait été déclaré apte à l'issue de celle-ci. Il n'y avait aucun motif pour l'y astreindre à nouveau dans un délai aussi court.

La décision querellée violait le principe de proportionnalité. En ordonnant le retrait du permis d'élève et en prononçant l'interdiction à se représenter à l'examen pour une durée de deux ans, l'autorité intimée portait une atteinte grave à sa sphère privée. Or, cette atteinte était manifestement disproportionnée dans la mesure où elle avait été considérée comme étant apte à conduire et que les problématiques mises en exergue par le rapport d'expertise pouvaient être rapidement corrigées par des mesures simples. Par ailleurs, le fait qu'elle avait essuyé quatre échecs à l'examen du permis de conduire ne pouvait être considéré et sanctionné de la même manière que le comportement d'un individu commettant de lourdes violations à la LCR.

Enfin, la décision querellée violait son droit d'être entendu, faute de motivation suffisante. Dans la mesure où elle atteignait gravement à sa sphère privée, la décision querellée devait nécessairement être circonstanciée et reposer sur une instruction précise, ce d'autant qu'elle s'opposait au rapport d'expertise du 19 décembre 2022. Or, l'autorité intimée se cantonnait à mentionner des dispositions légales, qui pour la plupart n'étaient pas celles applicables au cas d'espèce, et à indiquer qu'elle avait manqué sa quatrième tentative, ce qui n'était pas un critère suffisant pour retirer le permis, sans apporter la moindre justification ni évoquer l'existence de motifs sérieux permettant de s'écarter de l'expertise.

Elle a produit un bordereau de pièces dont notamment le rapport d'expertise psychologique du 15 décembre 2022 et les procès-verbaux d'examen de conduite de l'OCV des 12 avril, 11 mai, 10 octobre 2022 et 3 avril 2023.

7.             Par écritures du 9 août 2023, l'OCV a persisté dans sa décision du 18 avril 2023 et produit son dossier. La recourante avait échoué trois fois à l'examen de conduite pratique de la catégorie B. Les trois procès-verbaux d'examen mentionnaient successivement des fautes graves et rédhibitoires, à savoir notamment : feu rouge grillé, accès interdit, refus de priorité, excès de vitesse, freinages tardifs, mise en danger. À chaque fois, des interventions de sécurité étaient nécessaires de la part de l'expert. La recourante alléguait avoir pris uniquement quatre cours complémentaires avec un moniteur sur la période du 17 mars au 3 avril 2023, soit deux semaines avant sa quatrième tentative à l'examen pratique, fixé au 3 avril 2023. Ainsi, aucune pratique professionnelle n'avait été effectuée entre le 28 septembre 2022 et le 16 mars 2023. Le 3 avril 2023, l'examen pratique de la recourante s'était conclu par un nouvel échec. Le PV d'examen mentionnait entre autre : absence de contrôle d'angle mort, stop coulé, « regard derrière » au lieu du contrôle dans les rétroviseurs, refus de priorité aux piétons (déjà engagé sur le passage piéton) et ainsi à nouveau la nécessité d'une intervention d'urgence de l'expert. En raison des échecs et des fautes commises, la recourante n'avait pas apporté la preuve qu'elle disposait des aptitudes et qualifications nécessaires à la conduite. Les « importants progrès » allégués et réalisés depuis les premiers cours n'étaient pas suffisants pour l'obtention du permis de conduire. Lors de l'examen pratique, il ne s'agissait pas d'être moins mauvais qu'au commencement de la formation, mais bien d'être prêt, maître de ses émotions et de comprendre les instructions de l'expert. Pour cette raison, le permis de conduire avait été retiré à la recourante. Le système prévu par la LCR ne prévoyait que deux permis d'élève. Puis, l'autorité restait libre d'arrêter les éventuelles conditions pour l'octroi ultérieur d'un nouveau permis d'élève conducteur. En l'occurrence, l'autorité intimée avait décidé, après examen du dossier, qu'une nouvelle demande en vue de la délivrance d'un nouveau permis d'élève conducteur ne pourrait intervenir qu'après l'écoulement d'une période raisonnable et sur présentation d'une expertise psychologique par un psychologue du trafic. Ce type d'expertise n'était pas le même que la première évaluation effectuée en décembre 2022. Des tests complémentaires seraient menés et certains points approfondis, l'expert vérifierait si, et dans quelles circonstances, ses recommandations avaient été suivies. En considération des divers résultats d'examen et compte tenu de l'ensemble des circonstances, une durée d'attente de deux ans depuis le dernier échec à l'examen pratique de conduite était apparue appropriée. S'agissant de la violation du principe de proportionnalité alléguée, l'autorité intimée constatait que la recourante faisait primer ses propres intérêts face à la collectivité et à la sécurité routière, intérêts prépondérants. De plus, contrairement à ce qu'alléguait la recourante, l'autorité ne s'était pas écartée des conclusions de l'expert en psychologie, puisqu'elle avait précisément été admise à un quatrième et dernier examen pratique.

8.             Par courriers du 10 août 2023, le tribunal a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante invoque un défaut de motivation de la décision querellée.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

5.             Il implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision. Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver n'impose pas à cette dernière d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il suffit, au regard de ce droit, qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que les intéressés puissent se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1). La portée de l'obligation de motiver dépend des circonstances concrètes, telles que la nature de la procédure, la complexité des questions de fait ou de droit, ainsi que la gravité de l'atteinte portée à la situation juridique des parties. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. En outre, la motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 IV consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités ; 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; cf. aussi ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b). L'autorité peut donc passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l'évidence non établi ou sans pertinence et il n'y a violation du droit d'être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (cf. ATF 135 III 670 consid. 3.3.1 ; 133 III 235 consid. 5.2 ; 129 I 232 consid. 3.2 ; 126 I 97 consid. 2b et les références citées ; cf. également ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1).

6.             En l'espèce, la décision querellée mentionne les bases légales applicables et les faits pertinents sur lesquels elle se fonde, à savoir le fait que la recourante a échoué à quatre reprises à l'examen de conduite pratique de la catégorie B, la gravité des fautes commises dans ce cadre, les résultats du rapport d'expertise du 15 décembre 2022 ainsi que l'existence de doutes sur ses qualifications nécessaires à la conduite. En outre, la lecture des écritures de la recourante, assistée d’un conseil, permet de retenir que celle-ci a compris les tenants et aboutissants de la décision qu’elle a contestée en toute connaissance de cause.

Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la décision litigieuse ne souffre pas d’un défaut de motivation et que le droit d’être entendu de la recourante n’a pas été violé. Ce grief doit dès lors être rejeté.

7.             Au fond, la recourante estime que la décision de l'OCV du 18 avril 2023 ne serait pas conforme à la loi, en tant qu'elle prononce le retrait de son permis d'élève conducteur, la soumet à l'obligation de présenter une nouvelle expertise psychologique favorable avant toute délivrance d'un permis ou permis d'élève conducteur et fixe une délai d'attente de deux ans.

8.             À teneur de l'art. 10 al. 2 LCR, nul ne peut conduire un véhicule automobile sans être titulaire d’un permis de conduire ou, s’il effectue une course d’apprentissage, d’un permis d’élève conducteur.

9.             Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite.

Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui a atteint l’âge minimal requis (let. a), qui a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), qui ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et dont les antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

10.         Conformément à l'art. 14a al. 1 LCR, le permis d'élève conducteur est délivré si le candidat a réussi l'examen théorique prouvant qu'il connaît les règles de la circulation (let. a) et démontré qu'il possédait les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b).

L'attestation requise en vertu de l'al. 1 let. b est apportée, s'agissant des conducteurs professionnels de véhicules automobiles, par un certificat du médecin-conseil (let. a) et, s'agissant des autres conducteurs de véhicules automobiles, par un examen de la vue reconnu officiellement et par une déclaration personnelle sur leur état de santé (let. b).

11.         Les permis et les autorisations seront retirés lorsque l’autorité constate que les conditions légales de leur délivrance ne sont pas ou ne sont plus remplies (art. 16 al. 1 1ère phr. LCR).

L'art. 16d al. 1 let. a et c LCR prévoit en outre que le permis d’élève conducteur est retiré pour une durée indéterminée à la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile ou qui, en raison de son comportement antérieur, ne peut garantir qu’à l’avenir elle observera les prescriptions et fera preuve d’égards envers autrui en conduisant un véhicule automobile.

12.         Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1).

13.         Ces mesures constituent un retrait de sécurité (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 122 II 359 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; 1C_384/2011 du 7 février 2012 consid. 2.3.1), en ce sens qu'elles ne tendent pas à réprimer et ne supposent pas la commission d'une infraction fautive à une règle de la circulation, mais sont destinées à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

14.         La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d'inaptitude à la conduite constitue une atteinte grave à la personnalité et à la sphère privée de l'intéressé ; elle doit reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 133 II 284 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_242/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.2 ; 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 4 ; 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 3 ; 1C_819 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1). L'autorité compétente doit, avant d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office la situation de la personne concernée. L'étendue des examens officiels nécessaires est fonction des particularités du cas d'espèce et relève du pouvoir d'appréciation des autorités cantonales compétentes (ATF 129 II 82 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 4).

En cas de doute, il y a lieu d'ordonner un examen médical, notamment un examen psychologique ou psychiatrique (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un tel doute peut reposer sur de simples indices (arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1).

15.         Selon l'art. 16 al. 1 let. c OAC, le permis d’élève conducteur est valable 4 mois pour la catégorie A et la sous-catégorie A1(let. a), 12 mois pour la sous-catégorie B1 et la catégorie spéciale F (let. b) et 24 mois pour toutes les autres catégories (let. c).

La validité du permis d’élève conducteur expire lorsque le titulaire a échoué trois fois de suite à l’examen de conduite et que l’autorité compétente nie, sur la base d’un test, l’aptitude de l’intéressé à conduire (art. 16 al. 3 let. a OAC).

Seule peut demander un deuxième permis d’élève conducteur la personne qui, sur la base d’un test effectué par l’autorité compétente, est jugée apte à conduire ou qui, à la fin de la durée de validité du premier permis, n’a pas épuisé toutes les chances de se présenter à l’examen. L’autorité arrête les éventuelles conditions (art. 16 al. 4 OAC).

16.         À teneur de l'art. 23 al. 2 OAC, quiconque échoue trois fois à l’examen pratique ne peut être admis à un quatrième examen qu’à la suite d’un test favorable selon l’art. 16 al. 3 OAC.

17.         Selon l'art. 11b al. 1 let. c OAC, l’autorité cantonale examine si les conditions requises pour délivrer un permis d’élève conducteur, un permis de conduire ou une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel sont remplies. Elle adresse les requérants dont l’aptitude caractérielle ou psychique à conduire un véhicule automobile soulève des doutes à un psychologue du trafic reconnu selon l’art. 5c OAC.

18.         Selon l'art. 5j al. 2 OAC, si le résultat d’un examen soulève des doutes, un médecin ayant obtenu la reconnaissance de niveau 4 peut demander à l’autorité cantonale qu’une course visant à vérifier l’aptitude à la conduite soit réalisée avec la participation d’un médecin ayant obtenu la reconnaissance de niveau 4 et d’un expert de la circulation.

19.         Si elle met en œuvre une expertise, l'autorité est liée par l'avis de l'expert et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 3).

20.         Le rôle du médecin, en particulier du médecin-expert, est de décrire l’état clinique d’un intéressé et en aucune manière de se prononcer sur l’opportunité ou la nécessité de retirer son permis de conduire. La chose est d’autant plus vraie que certains concepts de la médecine n’ont pas la même portée en droit de la circulation routière. Cette considération doit toutefois être nuancée lorsque l’autorité compétente, administrative ou judiciaire, comme en l'espèce, demande au médecin de se prononcer également sur l’aptitude à conduire d’un conducteur. Il n'en demeure pas moins qu’il appartient fondamentalement à l’autorité administrative, respectivement au juge, d’apprécier les éléments médicaux du rapport du médecin, puis de répondre à la question - de droit - de savoir si l’aptitude de l'intéressé est ou non donnée. L’autorité administrative, respectivement le juge, apprécient librement les preuves figurant au dossier ; cette considération est toutefois relativement théorique, dans la mesure où la liberté de l’autorité trouve sa limite dans l’interdiction de l’arbitraire : si le juge n’est en principe pas lié par les conclusions de l’expert médical, il ne peut s’en défaire, sous peine de violer l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (protection contre l’arbitraire), qu’en exposant les motifs déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent d’agir de la sorte. Par contre, lorsque les conclusions médicales paraissent insuffisantes ou lacunaires, le juge se doit de les faire compléter (C. MIZEL, "Aptitude à la conduite automobile, exigences médicales, procédure d'examen et secret médical", AJP/PJA 2008 p 596 ; cf. aussi ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 ; 118 Ia 144 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est décisif, c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et, enfin, que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 4 ; 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

21.         En l'espèce, la recourante ayant échoué trois fois à l'examen pratique pour l'obtention du permis B, c'est à juste titre, sur la base de l'application combinée des art. 16 al. 3 let. a et 23 al. 2 OAC, dont la teneur a été rappelée plus haut, que l'OCV lui a demandé de se soumettre à une expertise d'aptitude auprès du CURML. Les auteurs de ladite expertise ayant conclu à l'aptitude de la recourante à poursuivre sa formation de conductrice de véhicule du 1er groupe, c'est par ailleurs à bon droit que l'OCV, en application de ces mêmes dispositions, a admis la recourante à passer un quatrième examen.

Suite au quatrième échec, l'autorité intimée a prononcé le retrait de sécurité du permis de conduire de la recourante, estimant que l'examen du dossier l'incitait à concevoir des doutes quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur.

Or, le tribunal relève que, conformément à l'art. 16 al. 3 let. a OAC combiné avec l'art. 23 al. 2 OAC, dès lors que la recourante avait épuisé toutes les chances de se présenter à l’examen pratique, la validité de son permis d'élève conducteur expire d'office. En l'occurrence, son permis a ainsi expiré le 3 avril 2023, date à laquelle la recourante a échoué au quatrième examen. Dans ces circonstances, l'OCV n'était pas fondé à prononcer, le 18 avril 2023, un retrait de sécurité du permis de conduire, d'emblée échu, de la recourante, l'autorité intimée pouvant tout au plus rendre une décision en constatation de la caducité de son permis d'élève conducteur à la date précitée.

L'OCV a ensuite soumis la délivrance d'un deuxième permis d'élève conducteur à une expertise psychologique favorable. Pour fonder sa décision, l'autorité intimée a retenu l'existence de doutes quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur en raison des quatre échecs subis et des fautes commises dans cadre.

Cependant, le simple fait d'échouer à un examen pratique ne peut entraîner à lui seul la mise en œuvre d'une expertise médicale, sans violer le principe de proportionnalité, faute d'autres éléments permettant de retenir l'existence de doutes suffisants quant à l'aptitude à la conduite de la personne concernée, ce d'autant que les experts mandatés pour examiner l'aptitude à la conduite de l'intéressée suite à son troisième échec ont conclu à son aptitude à la conduite. L'autorité intimée n'expose pas davantage quels motifs déterminants ni quelles circonstances lui commandaient de retenir le contraire ensuite du quatrième échec, étant relevé que la recourante a commis les mêmes fautes graves que précédemment et que par conséquent, les experts avaient déjà tenu compte de cet élément. Il ressort du rapport d'expertise que les points litigieux ont fait l'objet d'une étude circonstanciée, qu'il se fonde sur des examens complets et que les conclusions des experts sont dûment motivées. Il n'existe dès lors pas, en l'espèce, suffisamment d'indices concrets permettant de douter de l'aptitude à la conduite de la recourante, au sens de la jurisprudence précitée. La remise en cause indirecte de l'expertise du 15 décembre 2022 par la décision litigieuse est d'autant moins conforme au principe de proportionnalité que l'art. 5j al. 2 OAC déjà cité plus haut permet, en cas de doute sur l'aptitude à la conduite, d'effectuer une course de contrôle avec la participation d'un médecin de niveau 4, ce que les experts n'avaient à ce moment-là pas jugé utile de requérir. Partant, les incertitudes de l’OCV sont mal fondées.

Par conséquent, si l'autorité intimée est amenée, en application de l'art. 16 al. 4 OAC, à fixer des conditions pour la délivrance d'un nouveau permis d'élève-conducteur, celles que pose la décision litigieuse n'apparaissent pas justifiées en regard des circonstances. Il pourrait certes être intéressant de soumettre la recourante à un test au sens de l'art. 16 al. 4 OAC, par exemple sous la forme d'une course accompagnée au sens de l'art. 5j al. 2 OAC, de manière à compléter l'expertise du 15 décembre 2022, mais sans encore fixer de délai d'attente pour la délivrance d'un nouveau permis, puisque l'on ignore à ce stade si l'on a véritablement affaire à une problématique d'aptitude à la conduite, ou simplement de difficultés d'apprentissages..

22.         Au vu de ce qui précède, dès lors que l'OCV a excédé son pouvoir d'appréciation en rendant la décision querellée, le recours sera admis et ladite décision annulée, le dossier lui étant renvoyé pour nouvelle décision au sens des considérants.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA – E 5 10.03), le recourante, qui obtient gain de cause, est exonérée de tout émolument, étant rappelé qu'elle plaide au bénéfice de l'assistance juridique et qu'elle n'a donc pas effectué d'avance de frais.

24.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l'office cantonal des véhicules, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 mai 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 18 avril 2023 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision de l'office cantonal des véhicules du 18 avril 2023 ;

4.             lui renvoie le dossier pour nouvelle décision au sens des considérants ;

5.             renonce à percevoir un émolument ;

6.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l'office cantonal des véhicules, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière