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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4536/2018

JTAPI/628/2021 du 21.06.2021 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : INTÉRÊT ÉCONOMIQUE;PRIORITÉ DES TRAVAILLEURS INDIGÈNES;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : LPA.62; Cst.29.al2; LEtr.18; LEtr.21.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4536/2018

JTAPI/628/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 juin 2021

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Magali BUSER, avocate, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE L’INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             Madame A______, ressortissante du Sénégal, née le ______ 1983, est arrivée à Genève le 27 août 2010 et a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour pour études.

Suite à son mariage du ______ 2011 à E______ avec Monsieur B______, un compatriote titulaire d’un permis de séjour pour études, elle a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour, au titre de regroupement familial, régulièrement renouvelée jusqu’au 16 août 2017.

Leurs enfants ont aussi été mis au bénéfice d’autorisations de séjour au titre de regroupement familial.

2.             En juin 2014, Mme A______ a été engagée par C______ SA qui a pour but, notamment, la fourniture de services dans le secteur du nettoyage et de l’hygiène, en qualité de femme de chambre.

3.             Le 29 mars 2018, Mme A______ a sollicité une autorisation de séjour avec activité lucrative pour elle-même et des autorisations de séjour à titre de regroupement familial pour ses enfants, subsidiairement des autorisations de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité pour elle-même et ses enfants.

Le 31 juillet 2018, elle a sollicité l’octroi de permis de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, en lien avec l’« opération Papyrus ».

4.             Le 15 août 2018, C______ SA a sollicité une autorisation de séjour avec activité lucrative en sa faveur, en qualité de femme de chambre, moyennant un salaire annuel de CHF 22’256.- pour vingt heures de travail hebdomadaires.

5.             Par décision du 28 novembre 2018, après examen du dossier par la commission tripartite, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a refusé l’octroi de l’autorisation sollicitée par C______ SA aux motifs que l’admission en vue de l’exercice d’une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse, que l’ordre de priorité n’avait pas été respecté, C______ SA n’ayant pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un pays de l’UE/AELE n’avait pu être trouvé, que la vacance du poste n’avait pas été annoncé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), qu’il n’était pas accordé d’autorisation pour une activité à temps partiel et que Mme A______ ne présentait pas les qualifications personnelles requises.

6.             Par acte du 21 décembre 2018, sous la plume de son conseil, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, à la constatation de la violation de son droit d’être entendue ainsi qu’à l’octroi de l’autorisation requise et d’une indemnité de procédure.

Dès son arrivée à Genève, elle avait occupé différents emplois en Suisse, dans le domaine du nettoyage, démontrant ainsi sa volonté d’être intégrée et indépendante financièrement. Elle avait commencé à travailler pour C______ SA le 10 juin 2014, au bénéfice d’un contrat de durée indéterminée, ayant à cette époque un permis de séjour. Son employeur était « enchanté » de son travail et elle avait suivi des formations qu’il proposait, tels que la prévention incendie et la prévention contre les punaises de lit. Son époux et elle-même avaient toujours subvenu seuls à leurs besoins et n’avaient jamais bénéficié de l’aide sociale. Leur famille était très bien intégrée en Suisse.

La décision entreprise avait par ailleurs été rendue sans qu’elle puisse se prononcer, s’expliquer et ainsi de faire valoir son point de vue, l’OCIRT ne l’ayant pas informé de sa volonté de refuser sa demande et ne lui ayant pas laissé un délai pour se prononcer à ce sujet. De plus, la décision entreprise était extrêmement sommaire et sans motivation. L’OCIRT n’expliquait à aucun moment pourquoi les conditions légales ne seraient pas réalisées ou ce qui manquait au dossier pour qu’elles soient remplies.

L’ordre de priorité avait été respecté : elle avait été engagée en juin 2014 et cette relation de travail s’était poursuivie jusqu’à ce jour. Son employeur, qui était pleinement satisfait de son travail, avait un intérêt économique à ce qu’elle puisse continuer à travailler, ne devant ainsi pas former et intégrer une nouvelle personne au sein de la société. La condition de l’intérêt économique du pays était également remplie, car la recourante n’y était pas récemment arrivée mais y vivait depuis plus de huit ans et qu’il n’était pas possible de trouver un ressortissant suisse ou de l’UE/AELE acceptant un poste de femme de chambre. De plus, son permis de travail ne risquait ni de détériorer la structure du marché du travail en Suisse ni de provoquer un dumping salarial et social puisqu’elle était déjà au service de C______ SA. Elle remplissait les conditions de qualifications personnelles pour le poste qu’elle occupait, comme attesté par son employeur, et disposait d’un logement. Enfin, la législation ne stipulait pas qu’une autorisation de séjour avec activité lucrative devait être uniquement donnée pour un travail à plein temps.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/4536/2018 et fait l'objet de la présente procédure.

7.             Par jugement du 4 mars 2019 (JTAPI/199/2019), le tribunal a constaté que le recours précité était devenu sans objet. En effet, interpellé par le tribunal en cours de procédure, C______ SA avait répondu, en date du 9 janvier 2019, que compte tenu de la décision de refus du 28 novembre 2018, il se voyait dans l’obligation de mettre fin aux rapports de travail la liant à Mme A______ et qu’il lui signifierait son congé pour le 28 février 2019. Dans ces circonstances, celle-ci n’avait plus d’intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision contestée.

8.             Par décision du 4 avril 2019, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de faire droit à la demande du 29 mars 2018 de prolongation et d’octroi d’autorisations de séjour en faveur de Mme A______ et de ses enfants. Il a également prononcé leur renvoi en leur impartissant un délai au 30 juin 2019 pour quitter la Suisse.

9.             Par acte du 6 mai 2019, sous la plume de son conseil, Mme A______ a interjeté recours - qui a été enregistré sous le numéro de cause A/1761/2019 - contre cette décision auprès du tribunal.

10.         Par jugement du 30 octobre 2019 (JTAPI/957/2019), le tribunal a rejeté ce recours.

11.         Par arrêt du 25 février 2020 (ATA/218/2020), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a annulé le jugement du 4 mars 2019 et renvoyée la cause A/4536/2018 au tribunal pour nouvelle décision.

12.         Par décision du 12 juin 2020 (DITAI/210/2020), le tribunal a suspendu la procédure A/4536/2018 jusqu’à droit jugé dans celle A/1761/2019, un recours ayant été interjeté contre son jugement du 30 octobre 2019 et l’issue de cette procédure étant de nature à influer le sort de la présente cause.

13.         Par arrêt du 2 février 2021 (ATA/121/2021), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté contre le jugement du 30 octobre 2019.

Le recours déposé contre cet arrêt a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral en date du 16 mars 2021 (2C_241/2021).

14.         Le 25 mars 2021, le tribunal a repris la procédure A/4536/2018 et a invité la recourante à lui indiquer la suite qu’elle entendait y donner.

15.         Le 8 avril 2021, Mme A______ a formellement requis qu’une audience soit agendée pour qu’elle-même et Madame D______, responsable des ressources humaines de C______ SA, soient auditionnées.

Mme D______ pourrait attester de sa promotion obtenue en décembre 2020 et des intérêts de C______ SA à la garder en son sein. Elle travaillait en effet toujours pour cette société, ainsi que le démontrait son certificat de salaire 2020 et ses fiches de salaires des mois de janvier à mars 2021.

16.         Le 26 avril 2021, l’OCIRT a transmis son dossier au tribunal, accompagné de ses observations, concluant principalement au rejet du recours.

Depuis le 16 août 2017, date de la fin de la validité de son autorisation de séjour obtenue au titre du regroupement familial, la recourante résidait et travaillait en Suisse sans autorisation. Il était ressorti, dans le cadre de la procédure A/1761/ 2019, que tant son époux qu’elle faisaient l’objet d’actes de défaut de biens (pour des montants de respectivement CHF 4’349,70 et 2’101.-).

Le fait que la recourante résidait en Suisse depuis le 27 août 2010 au bénéfice d’une autorisation pour formation, puis ensuite du regroupement familial auprès de son époux, ne lui conférait aucun droit quant à une prise d’activité. Elle devait donc être considérée comme une nouvelle demandeuse d’emploi et il fallait dès lors examiner si les conditions nécessaires à l’octroi d’une autorisation, laquelle impliquerait le prélèvement d’une unité du contingent cantonal, étaient remplies.

Or, tel n’était pas le cas. La recourante était femme de chambre, poste qui ne nécessitait aucune qualification particulière, de sorte qu’il était possible pour son employeur de recruter un travailleur en Suisse ou titulaire d’un passeport européen au sein de l’UE/AELE. L’allégation selon laquelle il était impossible de trouver une personne suisse ou de l’UE/AELE acceptant ce genre de travail était erronée et ne reposait sur aucun élément factuel. Par ailleurs, C______ SA n’avait pas annoncé la vacance du poste à l’OCE et n’avait fait aucune recherche sur le marché suisse ou européen ; le principe de la priorité dans le recrutement n’avait par conséquent pas été respecté. Il était évident qu’au vu des qualifications requises pour le poste et du profil de la recourante, la demande ne concernait pas un cadre, un spécialiste ou un autre travailleur qualifié. La recourante prétendait que la demande servait les intérêts économiques du pays, mais sans apporter aucun élément concret pour alléguer ses dires. Elle se contentait de soutenir que son employeur était enchanté du travail qu’elle effectuait et qu’il était dans son intérêt de la garder car il l’avait formée. La « parfaite intégration » dont elle se prévalait était, compte tenu des actes de défaut de biens dont son époux et elle-même faisaient l’objet, contestée. Au surplus, l’examen de la situation personnelle de la famille A______ ne relevait pas des compétences de l’OCIRT ; il ne pouvait prendre en considération que le volet économique des activités des demandeurs de permis. À ce sujet, l’audience sollicitée était inutile et risquée en période de crise sanitaire, étant par ailleurs noté que la recourante ne prétendait pas qu’une telle audience permettrait de prouver le respect des conditions d’octroi.

Pour le surplus, compte tenu de l’exiguïté des contingents du canton de Genève (nonante permis B), la commission tripartite était contrainte de ne retenir que les demandes qui se démarquaient pas le fort intérêt économique qu’elles représen-taient.

17.         Le 10 mai 2021, la recourante s’est déterminée sur les observations précitées.

Il était erroné de dire qu’elle résidait et travaillait en Suisse depuis le 16 août 2017 sans autorisation de séjour. En effet, elle avait requis la prolongation de son autorisation de séjour et celle-ci était par conséquent en renouvellement comme cela ressortait clairement des courriers de l’OCPM des 27 février et 17 mai 2018 qui indiquait, sous concerne, « demande de prolongation de votre séjour temporaire ( ) » et « demande de prolongation des autorisations de séjour en faveur de Mme A______ ». Elle devait dès lors être considérée comme une travailleuse suisse et n’était pas soumises à l’ordre de priorité.

Elle vivait en Suisse depuis dix ans et demi et ne pouvait par conséquent pas être considérée comme une personne étrangère nouvellement entrée en Suisse. Depuis juin 2014, elle travaillait pour C______ SA, à qui elle avait toujours donné satisfaction - ainsi qu’il résultait de l’attestation du 6 mai 2021 signée par Mme D______ -, et avait su garder son emploi malgré la crise sanitaire et obtenir une promotion en décembre 2019. Il y avait ainsi un intérêt économique à ce qu’elle puisse continuer à travailler pour son employeur, lequel avait aussi un tel intérêt à la garder. En outre, ayant suivi des formations au sein de C______ SA et y travaillant depuis 2014, elle avait les qualifications personnelles requises.

Son époux et elle-même ne faisaient pas l’objet de poursuite et d’actes de défaut de biens, ainsi qu’il résultait des extraits du registre des poursuites du 25 février 2021.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

En particulier, la recourante dispose de la qualité pour recourir contre la décision de l’OCIRT puisque C______ SA souhaite la garder à son service (cf. ATA/517/2021du 18 mai 2021 consid. 4 et 5).

3.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors loi sur les étrangers et l’intégration (LEI - RO 2017 6521 ; RS 142.20), et de ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RO 2018 3173 ; RS 142.201).

Selon l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l’ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a), étant précisé que la plupart des dispositions sont demeurées identiques, en particu-lier les art. 18 à 24, hormis l’art. 22 qui a une nouvelle teneur à compter du 1er avril 2020.

4.             En l’occurrence, la requête tendant à l’octroi de l’autorisation de séjour avec activité lucrative litigieuse a été déposée en août 2018. La loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 reste donc applicable au présent litige.

Le tribunal dénommera ci-après LEtr les dispositions légales topiques. Quant à l’OASA, elle sera citée dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018.

5.             La LEtr et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEtr), ce qui est le cas pour les ressortissants du Sénégal.

6.             La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue, considérant ne pas avoir eu la possibilité de se déterminer avant le prononcé de la décision attaquée.

7.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de produire des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas l’autorité (ou le juge) de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l’instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; 1C_212/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.1).

Dans une procédure initiée sur requête d’un administré, celui-ci est censé motiver sa requête en apportant tous les éléments pertinents. Il n’a donc pas un droit à être encore entendu avant que l’autorité ne prenne sa décision afin de pouvoir présenter des observations complémentaires (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. 2018, p. 519 s n. 1530).

Une violation du droit d’être entendu peut être réparée devant l’instance de recours si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen des questions litigieuses que l’autorité intimée et si l’examen de ces questions ne relève pas de l’opportunité, car l’autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d’examen à celui de l’autorité de première instance (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_443/2020 du 8 avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/39/2019 du 15 janvier 2019 consid. 2b)

8.             Selon l’art. 11 LEtr, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d’activité salariée, la demande d’autorisation est déposée par l’employeur (al. 3).

9.             En l’espèce, en vertu de l’art. 11 al. 3 LEtr, la procédure ayant abouti à la décision querellée a été initiée par C______ SA, qui a été en mesure de produire toutes les pièces qu’elle jugeait utiles au stade du dépôt de la demande et qui n’avait donc aucun droit à être encore entendue avant que l’OCIRT rende sa décision. La question de savoir s’il peut être retenu que la recourante était représentée par son employeur, voire même associée à celui-ci, lors du dépôt de la demande, ce qui aurait pour effet qu’elle aurait aussi initiée la procédure ayant abouti à la décision querellée, peut rester ouverte. En effet, dans la mesure où la recourante a eu la possibilité de faire valoir ses arguments devant le tribunal - qui connaît de la présente cause avec un plein pouvoir d’examen, l’OCIRT ne s’étant pas prononcé en opportunité - et qu’elle a en outre répliqué après réception de la prise de position de l’OCIRT sur ses écritures, une éventuelle violation de son droit d’être entendue aurait été réparée. Ce grief sera dès lors être écarté.

10.         La recourante reproche à la décision de ne pas être motivée.

11.         Le droit d’être entendu implique aussi, pour l’autorité, l’obligation de motiver sa décision (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_478/2017 du 8 mai 2018 consid. 2.1). L’art. 46 al. 1 LPA fait de plus obligation aux autorités administratives de rendre des décisions motivées.

Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver n’impose pas à l’autorité d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il suffit, au regard de ce droit, qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que les intéressés puissent se rendre compte de la portée de celle-ci et de la déférer à l’instance supérieure en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2). La portée de l’obligation de motiver dépend des circonstances concrètes, telles que la nature de la procédure, la complexité des questions de fait ou de droit, ainsi que la gravité de l’atteinte portée à la situation juridique des parties. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. En outre, la motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 IV consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1). Il n’y a ainsi violation du droit d’être entendu que si l’autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d’examiner les problèmes pertinents (ATF 134 I 83 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_56/2015 du 13 mai 2015 consid. 2.1).

12.         En l’espèce, la décision litigieuse est certes succincte, mais elle demeure parfaitement claire et ne nécessite pas de plus amples développements. Elle mentionne les bases légales topiques applicables, soit les art. 18, 21, 23 et 33 LEtr, ainsi que les motifs de refus. Ces éléments ont d’ailleurs permis à la recourante, représentée par son conseil, de motiver son recours de manière complète ; elle n’a subi aucun préjudice. L’autorité intimée s’est expliquée plus en détail dans ses observations du 26 avril 2021. En tout état, à supposer qu’un défaut de motivation puisse être imputé à l’OCIRT, il a pu être réparé devant le tribunal et le renvoi de la cause à celui-ci constituerait, ici aussi, une vaine formalité. Infondé, ce grief sera écarté.

13.         La recourante sollicite son audition et celle d’un témoin, Mme D______.

14.         Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1).

15.         En l’espèce, il ne se justifie pas de donner suite aux offres de preuve formulées par la recourante qui a pu expliquer son point de vue à plusieurs reprises, par ses écrits, et produire les pièces qu’elle estime utiles. Elle n’expose par ailleurs pas en quoi son audition serait susceptible d’apporter des éléments complémentaires à ceux déjà exposés.

S’agissant du témoignage de Mme D______, qui a rédigé et signé une attestation datée du 6 mai 2021 et versée à la procédure, il ne serait pas à même de modifier l’issue du litige, étant relevé que le fait de répéter en audience les termes de ses écritures ne confère, en soi, aucune valeur probante supplémentaire à de telles déclarations par rapport aux explications déjà données par écrit (JTAPI/201/ 2021 du 1er mars 2021 consid. 7 et les références citées).

Au surplus, le tribunal dispose d’un dossier complet lui permettant de statuer en connaissance de cause sur le recours. Il ne sera donc pas donné suite à la demande d’audition.

16.         Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administra-tif, 2018, n. 515 p. 179).

17.         À teneur de l’art. 18 LEtr, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEtr sont remplies (let. c), soit notamment les exigences relatives à l’ordre de priorité (art. 21 LEtr), les conditions de rémunéra-tion et de travail (art. 22 LEtr) et les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEtr). Ces conditions sont cumulatives (ATA/1305/ 2020 du 15 décembre 2020 consid. 7b).

En raison de sa formulation potestative, l’art. 18 LEtr ne confère aucun droit à la recourante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2021 du 6 avril 2021 consid. 3.1) et les autorités compétentes bénéficient d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de son application (ATA/517/2021du 18 mai 2021 consid. 7b).

18.         La notion d’« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, in FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5d). L’activité économique est dans l’intérêt économique du pays si l’étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n’est pas déjà fournie en surabondance (ATA/795/2020du 25 août 2020 consid. 7e; ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 s. et les références citées).

Selon les directives et circulaires du secrétariat d’État aux migrations (Séjour avec activité lucrative [ci-après : Directives], état au 1er janvier 2021, ch. 4.3.1, qui ne lient pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu’elles respectent le sens et le but de la norme applicable ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019), il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l’évolution économique durable et de la capacité de l’étranger concerné à s’intégrer. Il ne s’agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers.

19.         En vertu de l’art. 21 al. 1 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé.

Il ressort de cet alinéa que l’admission de ressortissants d’États tiers n’est possible que si, à des qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État de l’UE ou de l’AELE ne peut être recruté. Il s’ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l’économie et du marché du travail (ATA/517/2021du 18 mai 2021 consid. 8 et les références citées).

Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement les emplois vacants qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Ces offices jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. Il revient à l’employeur de démontrer avoir entrepris des recherches à une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE et qu’il s’est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d’exercer cette activité. L’employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu’il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d’attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l’UE/AELE. Des ressortissants d’États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n’ont pas abouti (ATA/517/2021 du 18 mai 2021 consid. 11 ; Directives, ch. 4.3.2.1).

Il revient à l’employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE conformément à l’art. 21 al. 1 LEtr et qu’il s’est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d’exercer cette activité (ATA/361/2020du 16 avril 2020 consid. 4c et les références citées).

20.         En l’espèce, au vu des écritures des parties et des pièces versées à la procédure, l’analyse à laquelle a procédé l’OCIRT, qui dispose en la matière d’un large pouvoir d’appréciation, n’apparaît pas inappropriée. Elle n’est en tout cas pas fondée sur des éléments dépourvus de pertinence, négligeant des facteurs décisifs ou guidée par une appréciation insoutenable des circonstances, que ce soit dans son approche ou dans son résultat. Au vu des circonstances, on ne peut admettre qu’il a fait un usage excessif ou abusif dudit pouvoir d’appréciation, étant rappelé que lorsqu’un tel pouvoir dans l’application d’une norme a été conféré à l’autorité de décision par le législateur, le juge qui, outrepassant son pouvoir d’examen, corrige l’application pourtant défendable de cette norme à laquelle l’autorité a procédé viole lui-même le principe de l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées).

Aucun élément du dossier ne permet de retenir que l’activité déployée par la recourante, aussi compétente soit-elle, auprès de C______ SA a réellement des retombées économiques positives pour l’économie helvétique et représente ainsi un intérêt économique pour la Suisse au sens de l’art. 18 let. a LEtr. Il est patent que le fait d’effectuer des nettoyages ne constitue pas une prestation « rare ». Au contraire, cette activité ne nécessitant aucune qualification particulière, de nombreuses personnes peuvent l’effectuer et de nombreux acteurs sont d’ailleurs actifs dans ce domaine. L’allégation selon laquelle il n’est pas possible de trouver une personne suisse ou de l’UE/AELE acceptant un poste de femme de chambre, qui ne repose d’ailleurs sur aucun élément factuel, sera donc écartée. Enfin, il n’a nullement été démontré qu’il existait une pénurie de main-d’œuvre sur le marché du travail suisse ou européen dans le secteur en cause au moment du dépôt de la demande.

Au surplus, l’ordre de priorité n’est pas respecté. La recourante soutient certes qu’elle doit être considéré comme ayant le statut d’un travailleur local, au sens de l’art. 21 al. 2 let. c LEtr, et que partant, le principe de la priorité ne lui serait pas applicable. Selon cette disposition, sont considérés comme travailleurs en Suisse les ressortissants de ce pays, les étrangers titulaires d’une autorisation soit d’établissement soit de séjour avec le droit d’exercer une activité lucrative, les étrangers admis à titre provisoire ainsi que les personnes auxquelles une protection provisoire a été octroyée et qui sont titulaires d’une autorisation d’exercer une activité lucrative. Or, la recourante n’appartient à aucune de ces catégories de personnes, étant en particulier relevé qu’elle n’est plus titulaire, depuis l’automne 2017, d’une quelconque autorisation lui permettant de vivre et a fortiori de travailler en Suisse. Le fait qu’elle continue à exercer un emploi auprès de C______ SA ne modifie en rien cette situation, pas plus que la teneur de certains courriers de l’OCPM. Partant, la recourante n’ayant pas un statut de travailleur local, le principe d’ordre de priorité doit être respecté. Or, tel n’est à l’évidence pas le cas, la vacance du poste n’ayant pas été annoncée à l’OCE et aucune recherche sur le marché suisse ou européen n’ayant été documentée.

Les critères de l’intérêt économique pour la Suisse et de l’ordre de priorité n’ayant pas été respectés, il n’est pas nécessaire d’examiner si les autres conditions cumulatives de l’art. 18 LEtr sont réalisées.

21.         Au vu de ce qui précède, il faut constater que la décision querellée ne viole pas le droit fédéral. Entièrement mal fondé, le recours sera ainsi rejeté et la décision contestée confirmée.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

23.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d’État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 décembre 2018 par Madame A______ contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 28 novembre 2018 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière