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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/1421/2025

ACST/24/2025 du 02.06.2025 ( ELEVOT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1421/2025-ELEVOT ACST/24/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 2 juin 2025

 

dans la cause

 

Stéphane VALENTE recourant

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé



EN FAIT

A. a. Stéphane VALENTE, de nationalité suisse, est domicilié à Vernier.

B. a. Le 23 mars 2025 s'est déroulée l'élection des conseils municipaux et administratifs des communes genevoises.

b. À Vernier, les résultats du premier tour de l'élection du conseil administratif (trois sièges à pourvoir) étaient les suivants :

-          Martin STAUB de la liste n° 3 « Socialistes-Vert.e.s » (3'462 suffrages) ;

-          Mathias BUSCHBECK de la liste n° 3 « Socialistes-Vert.e.s » (2'944 suffrages) ;

-          Thierry CERUTTI de la liste n° 5 « MCG Vernier d'abord » (2'337 suffrages) ;

-          Gian-Reto AGRAMUNT de la liste n° 6 « PLR Vernier » (2'278 suffrages) ;

-          Djawed SANGDEL de la liste n° 4 « LJS » (2'089 suffrages) ;

-          Leila MÜLLER de la liste n° 2 « Le Centre-Vert'libé » (1'502 suffrages) ;

-          Howard NOBS de la liste n° 1 « UDC » (1'426 suffrages).

Aucun candidat n'a été élu au premier tour et 7'581 bulletins valables ont été enregistrés.

c. Par arrêté du 26 mars 2025, publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 28 mars 2025, le Conseil d'État a constaté les résultats du premier tour de l'élection des exécutifs communaux.

d. Par arrêté du 26 mars 2025, déclaré exécutoire nonobstant recours et publié dans la FAO du 28 mars 2025, le Conseil d'État a constaté les résultats de l'élection des conseils municipaux.

e. Deux recours ont été déposés auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre le résultat de l'élection du conseil municipal de Vernier.

C. a. Le 9 avril 2025, la chancellerie d'État (ci-après : la chancellerie) a déposé auprès du Ministère public (ci-après : MP) une dénonciation portant sur des faits rapportés par les personnes ayant recouru contre le résultat de l'élection du conseil municipal de Vernier, soit qu'un individu se serait présenté chez un candidat en lui proposant de l'argent et en affirmant pouvoir garantir son élection et qu'un électeur aurait raconté à un autre électeur avoir donné sa carte de vote signée à un « copain de la même origine ».

b. Entre le premier et le second tour de l'élection des conseils administratifs, qui a eu lieu le 13 avril 2025, plusieurs articles de presse ont fait état de circonstances litigieuses ayant entouré l'élection du conseil municipal de Vernier. Certains articles ont indiqué que la validité du scrutin était remise en cause et que des bulletins panachés de LJS présentaient des anomalies.

c. À Vernier, ont été élus au second tour de l'élection du conseil administratif Martin STAUB (3'707 suffrages), Mathias BUSCHBECK (3'303 suffrages) et Gian‑Reto AGRAMUNT (3'234 suffrages). N'ont ainsi pas été élus Thierry CERUTTI (2'324 suffrages) et Djawed SANGDEL (1'672 suffrages), ainsi que Leila MÜLLER et Howard NOBS, ces derniers ne s'étant pas présentés au second tour.

6'360 bulletins valables ont été enregistrés.

d. Par arrêté du 16 avril 2025, déclaré exécutoire nonobstant recours et publié dans la FAO du lendemain, le Conseil d'État a constaté les résultats du second tour de l'élection des exécutifs communaux du 13 avril 2025.

D. a. Par acte remis à la poste le 19 avril 2025, Stéphane VALENTE a interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle contre « la décision de validation des résultats de l'élection du 13 avril 2025 au conseil administratif de la commune de Vernier », concluant à son annulation ainsi qu'à l'organisation d'un nouveau vote du second tour dans le cadre d'une élection complémentaire. Préalablement, il a requis l'apport de la décision du Conseil d'État validant l'élection, du procès-verbal de récapitulation générale de l'élection, de tous les procès-verbaux et de toutes les décisions relatives à l'élection du 13 avril 2025 prises par le service des votations et élections et par la commission électorale centrale ainsi que la mise en œuvre d'une expertise par GFS Bern relative à la vraisemblance de l'élection de Thierry CERUTTI au conseil administratif.

Le matériel de vote n'avait pas été envoyé suffisamment tôt aux électeurs au second tour de l'élection du conseil administratif. La chambre constitutionnelle était invitée à contrôler si les enveloppes de vote et les cartes de vote déposées au bureau de vote avaient été marquées du sceau communal, sans quoi il devenait impossible de vérifier que les électeurs ne votaient pas deux fois. De tels votes n'auraient en principe pas dû être pris en compte.

L'expression fidèle et sûre de la libre volonté des électeurs n'avait pas été respectée. Il ressortait de plusieurs affaires que l'autorité avait fait de la propagande électorale et n'avait cessé de dénigrer un candidat. Elle avait notamment intimidé des électeurs en dénonçant une fraude électorale, ce qui avait faussé le résultat.

Par ailleurs, si la commune avait utilisé des deniers publics pour financer des événements électoraux et pour capter des voix, l'élection du 13 avril 2025 devait être annulée.

Enfin, l'intervention de tiers dans la campagne avait eu une incidence manifeste sur les résultats des élections et, en particulier, sur l'abstention extrême au second tour. Les scandales à répétition avaient dissuadé les électeurs verniolans de voter au second tour. La presse s'était d'ailleurs demandée où étaient passés les électeurs de LJS. Ce climat délétère avait empêché l'alliance MCG-LJS-UDC de rallier les électeurs modérés à leur cause. Les chiffres par bureau de vote comme par quartier démontraient que l'alliance PS-Verts-PLR avait permis aux sortants d'être réélus.

b. Le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.

Il a notamment produit le procès-verbal de récapitulation générale du second tour de l'élection des exécutifs communaux du 13 avril 2025.

c. Le recourant n'ayant pas déposé de réplique dans le délai prolongé à cet effet, à sa demande, au 26 mai 2025, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître du recours – qui est un recours pour violation des droits politiques – en vertu de l’art. 124 let. b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE ‑ A 2 00), concrétisé en cette matière notamment par l’art. 130B al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et par l’art. 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05).

1.1 Entrent dans le cadre des opérations électorales, et sont donc sujets à recours au sens de cette dernière disposition, tous les actes destinés au corps électoral, de nature à influencer la libre formation et expression du droit de vote telle qu’elle est garantie par les art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE ; A 2 00 ; ACST/15/2025 du 24 mars 2025 consid. 1.1). La notion d’opérations électorales figurant à l’art. 180 LEDP est conçue largement : elle ne se réduit pas aux seules élections mais vise également les votations et englobe aussi bien les scrutins populaires eux-mêmes que les actes préparant ces derniers (ACST/15/2025 précité consid. 1.1). La constatation du résultat exact d’une élection, de même que le respect de la procédure en matière électorale, font partie de la liberté de vote (ATF 140 I 394 consid. 8.2).

1.2 En l'espèce, bien que le recourant semble confondre les termes de « validation » et de « constatation » des résultats d'une élection, le recours est formellement dirigé contre les résultats de l'élection du conseil administratif de la commune de Vernier du 13 avril 2025, constatés par arrêté du 16 avril 2025, contre lesquels un recours est ouvert en vertu de l'art. 76 al. 3 LEDP. Par ailleurs, de jurisprudence constante, les résultats des élections entrent dans le cadre des opérations électorales et sont donc des actes sujets à recours (ACST/15/2025 précité consid. 1.2 ; ACST/21/2023 du 17 mai 2023 consid. 1.2).

2.             En matière de droits politiques, la qualité pour recourir appartient à toute personne disposant du droit de vote dans l’affaire en cause, indépendamment d’un intérêt juridique ou digne de protection à l’annulation de l’acte attaqué (ACST/15/2025 précité consid. 2).

En l'espèce, en tant que ressortissant suisse domicilié dans la commune de Vernier et y exerçant ses droits politiques (art. 48 al. 2 Cst-GE et 3 LEDP), le recourant dispose de la qualité pour recourir.

3.             Les recours en matière de votations et d’élections doivent être formés dans les six jours (art. 62 al. 1 let. c LPA), délai non susceptible d’être suspendu (art. 63 al. 2 let. a LPA). Ce délai court, en principe, dès le lendemain du jour où, en faisant montre de la diligence commandée par les circonstances, le recourant a pris connaissance de l’irrégularité entachant, selon lui, les opérations électorales (ACST/15/2025 précité consid. 4).

3.1 L'art. 76 al. 3 LEDP prévoit que la publication des résultats mentionne qu’un recours est ouvert contre les résultats de l’opération électorale. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il convient, en droit genevois, de nier aux interventions de particuliers toute dimension d'acte attaquable dans le contentieux de droits politiques. De même, on ne saurait imposer au citoyen de dénoncer sans attendre les interventions de tiers, à l'instar des irrégularités des opérations électorales que les autorités sont susceptibles de corriger elles-mêmes (ATF 145 I 282 consid. 3). Au-delà du canton de Genève, la doctrine largement majoritaire partage cette approche et considère que les interventions de personnes privées, contrairement aux actes préparatoires des autorités, ne peuvent pas faire directement l'objet d'un recours pour violation des droits politiques. Ainsi, celui qui entend faire valoir que de telles interventions auraient exercé une influence inadmissible sur la libre formation de la volonté des électeurs doit recourir contre la communication officielle du résultat de la votation ou de l'élection (ATF 150 I 204 consid. 6.4).

3.2 En l'espèce, dans la mesure où le recourant dénonce notamment des articles de presse ayant, selon lui, faussé les résultats du second tour de l'élection des exécutifs communaux du 13 avril 2025, et en l'absence d'acte attaquable provenant des autorités, le recourant pouvait attendre la publication des résultats du second tour pour contester les irrégularités dénoncées, comme le prévoit l'art. 76 al. 3 LEDP. Le recours ayant été déposé le 19 avril 2025, il l'a été dans le délai de six jours dès la publication, le 17 avril 2025, de l'arrêté du 16 avril 2025 du Conseil d'État, par lequel ce dernier a constaté les résultats du second tour.

Le recours satisfait par ailleurs aux exigences de forme et de contenu posées par la loi (art. 64 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA - E 5 10).

Au vu de ce qui précède, le recours est recevable.

Il y a néanmoins lieu de relever qu'en tant que le recourant fait valoir que les bulletins électoraux et la notice explicative pour le second tour n'auraient pas été envoyés aux électeurs dans les temps, son grief est irrecevable car tardif. En effet, s'agissant d'un acte émanant d'une autorité, il aurait dû, le cas échéant, contester directement et dans les six jours l'expédition selon lui tardive du matériel de vote, sans attendre les résultats de l'élection, ce qu'il n'a pas fait. Le grief ne sera donc pas examiné.

4.             Le recourant sollicite diverses mesures d'instruction, à savoir la production d'un certain nombre de documents et la mise en œuvre d'une expertise par GFS Bern relative à la vraisemblance de l'élection de Thierry CERUTTI au conseil administratif.

4.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_467/2020 du 14 juin 2021 consid. 4.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_467/2020 précité consid. 4.1).

4.2 L’expertise représente un moyen de preuve (art. 38 LPA) ordonné lorsque l’établissement ou l’appréciation de faits pertinents requièrent des connaissances et compétences spécialisées – par exemple techniques, médicales, scientifiques, comptables – que l’administration ou le juge ne possèdent pas (ATA/1291/2024 du 5 novembre 2024 consid. 2.2 ; ATA/656/2023 du 20 juin 2023 consid. 2.2 et les arrêts cités). À l'exception éventuelle du contenu du droit étranger, une expertise ne peut porter que sur des questions de fait et non de droit, la réponse à ces dernières incombant obligatoirement au juge (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2023 du 14 octobre 2024 consid. 5.2.1).

4.3 En l'espèce, l'intimé a produit le procès-verbal de récapitulation générale du 13 avril 2025 pour le second tour des exécutifs communaux ainsi que l'arrêté du 16 avril 2025 constatant les résultats du second tour de l'élection des exécutifs communaux. Il a donc été fait droit aux requêtes du recourant pour ces documents.

Les autres actes d'instruction requis n'apparaissent en revanche pas utiles pour trancher le litige. En effet, outre le fait que l'intimé a produit un dossier comprenant de nombreuses pièces permettant de statuer sur les griefs formulés par le recourant, ce dernier n'explique pas en quoi l'apport « de tous les procès-verbaux et de toutes les décisions relatives à l'élection du 13 avril 2025 prises par le service des votations et élections et par la commission électorale centrale » permettrait de fournir des éléments pertinents pour la solution du litige. Par ailleurs, en tant que l'intéressé sollicite une expertise portant sur la « vraisemblance de l'élection de Thierry CERUTTI au conseil administratif », il s'agit là d'une question d'appréciation qu'il appartient au seul juge de trancher. En toute hypothèse, les éléments figurant au dossier suffisent pour aborder cette problématique, en tant qu'elle est pertinente.

Pour le surplus, le recourant s'est vu offrir la possibilité de faire valoir ses arguments par écrit. Il s'est ainsi exprimé de manière circonstanciée sur l'objet du litige. Il en va de même du Conseil d'État.

Pour ces raisons, il n'y a pas lieu de procéder aux actes d'instruction demandés.

5.             Le recourant se plaint du dépouillement et invite la chambre de céans à faire vérifier que les enveloppes de vote et les cartes de vote déposées au bureau de vote le dimanche matin ont été marquées du sceau communal. Sans cela, il deviendrait impossible, selon lui, de contrôler que les électeurs n'ont pas voté deux fois et que le nombre de cartes d'électeurs était identique au nombre d'enveloppes de vote.

5.1 L'art. 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite les droits politiques, que ce soit sur le plan fédéral, cantonal ou communal. L'art. 34 al. 2 Cst. protège la libre formation de l'opinion des citoyens et des citoyennes et leur garantit qu'aucun résultat de vote ne soit reconnu s'il ne traduit pas de façon fidèle et sûre l'expression de leur volonté. Chaque citoyen doit pouvoir se déterminer en élaborant son opinion de la façon la plus libre et complète possible et exprimer son choix en conséquence (ATF 150 I 204 consid. 7.1 ; 146 I 129 consid. 5.1). L'art. 44 Cst-GE garantit les droits politiques en des termes similaires (ACST/15/2025 précité consid. 6.1).

5.2 Le respect de règles de procédure est nécessaire en matière de droits politiques (ATF 131 I 442 consid. 3.1 ; ACST/39/2019 du 27 novembre 2019 consid. 5d), dans laquelle vaut toutefois aussi l'interdiction du formalisme excessif, découlant du droit que l'art. 29 al. 1 Cst. reconnaît à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et que soit renoncé à toute forme de déni de justice (ACST/39/2019 précité consid. 5d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 69, 1459 et 1504 ss ; Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 4046 ss).

5.3 Selon l'art. 61 LEDP, l'électeur peut voter par correspondance (al. 1). Le vote par correspondance est ouvert dès réception par l'électeur de son matériel électoral (al. 2). Les bulletins sont notamment nuls si plusieurs bulletins ont été introduits dans une enveloppe de vote, indépendamment du contenu des bulletins (art. 64 al. 1 let. h LEDP). À la réception du vote par correspondance, le service vérifie la qualité d'électeur et enregistre l'électeur au moyen de sa carte de vote (art. 21 al. 2 du règlement d’application de la loi sur l’exercice des droits politiques du 12 décembre 1994 - REDP - A 5 05.01).

5.4 Aux termes de l'art. 59 LEDP, l'électeur se rend au local de vote de son arrondissement et apporte son matériel électoral (al. 1). Pour voter, il décline au préalable son identité et, le cas échéant, en justifie (al. 2). En cas de perte de sa carte de vote, l'électeur peut en obtenir un duplicata auprès du service pendant les heures de bureau et les heures de scrutin. Le duplicata permet à l'électeur de voter par correspondance ou au local de vote (art. 20 al. 3 REDP). Selon l'art. 24 REDP, l'électeur n'obtient l'accès à l'urne pour y déposer son ou ses enveloppes de vote contenant son ou ses bulletins que contre remise de sa carte de vote dûment signée ou de son duplicata (al. 3). Un juré électoral contrôle que l'électeur ne dépose qu'une enveloppe par élection ou votation dans l'urne (al. 4).

5.5 En l'espèce, la pratique consistant en l'apposition d'un sceau communal au recto des cartes et des enveloppes de vote n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire dans le canton de Genève, si bien que le grief doit être écarté pour ce motif déjà, étant précisé que la pratique en question est qualifiée de « désuète » par la chancellerie, qui ajoute qu'elle n'est « plus pratiquée ni renseignée (sic) auprès des responsables des locaux de vote ».

Au demeurant, les contrôles mis en place par la chancellerie permettent de restreindre considérablement, voire d'exclure, le risque de double vote s'il se réalise dans un local électoral, étant relevé qu'aucun incident n'a été rapporté à la chambre de céans à l'occasion de l'élection contestée. En effet, les jurés électoraux, d'une part, contrôlent l'identité des électeurs en exigeant une pièce d'identité valable, leur carte de vote et leur enveloppe de vote et, d'autre part, vérifient que les électeurs ne déposent qu'une seule enveloppe dans l'urne. Par ailleurs, un duplicata de la carte de vote n'est accepté qu'après vérification que l'électeur n'a pas déjà exercé son droit de vote dans le cadre du scrutin. Enfin, après réception des votes déposés au local, chaque carte de vote est scannée afin d'enregistrer l'utilisation du droit de vote et de vérifier l'unicité du vote. Le vote serait ainsi rejeté par le système au moment du passage de la seconde carte. À cela s'ajoute que les opérations électorales sont contrôlées par une commission électorale centrale (art. 75A et 75B LEDP).

Dès lors, rien ne permet de retenir l'existence d'une irrégularité liée à des doubles votes lors du scrutin du 13 avril 2025.

Le grief sera donc écarté.

6.             Le recourant formule des craintes d'un financement de la campagne avec des deniers publics.

6.1 Selon l'art. 83 LEDP, les communes ne sont pas autorisées à faire de la propagande électorale, ni à supporter les frais de celle des partis politiques, autres associations ou groupement (al. 1). Elles peuvent en revanche organiser des débats contradictoires ou y participer (al. 2).

6.2 En l'espèce, le recourant se contente d'alléguer de façon péremptoire que « [s]i la mairie ou la Commune de Vernier ont utilisé des deniers publics pour financer des événements électoraux et pour capter des voix alors l'élection du 13 avril 2025 doit être annulée ». Il n'apporte toutefois aucun élément concret à l'appui de ses suspicions et rien ne permet du reste de retenir l'existence d'un financement de la campagne avec des deniers publics.

Ce grief doit par conséquent être écarté.

7.             Le recourant se plaint d'une violation de l'expression fidèle et sûre de la libre volonté des électeurs. À cet égard, il évoque trois affaires, à savoir « l'affaire du « a[ï]e » (sic) avec le geste du bras, l'affaire de l'utilisation des fonds publics pour financer des événements électoraux et l'affaire des soupçons de fraude électorale ». Il estime que l'autorité a fait de la propagande électorale et « n'a cessé de dénigrer [Thierry CERUTTI] depuis le début de la campagne électorale ». De plus, en dénonçant une fraude électorale, elle « a intimidé des électeurs et les a contraints à ne pas voter ».

Dans un grief qui se confond à tout le moins partiellement avec le précédent, l'intéressé se plaint que l'intervention de tiers dans la campagne aurait eu une « incidence manifeste » sur les résultats de l'élection au conseil administratif de la commune et, en particulier, sur l'« abstention extrême » au second tour.

7.1 Le Tribunal fédéral a déduit de la garantie des droits politiques le droit pour chaque citoyen de participer à une élection, comme électeur ou candidat, avec les mêmes chances de succès, pour autant qu’il remplisse les exigences requises (ATF 125 I 441 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_160/2021 précité consid. 4.1). En d’autres termes, les élections ne doivent pas se résumer à une confirmation des forces politiques en présence, les électeurs devant, au contraire, pouvoir se former une opinion sur la base la plus libre et la plus complète possible (ATF 129 I 185 consid. 5). Ainsi, les autorités publiques doivent en principe s’abstenir de toute intervention lors d’élections, faute de quoi elles violent le droit à la libre formation de l’opinion contenu dans l’art. 34 al. 2 Cst. (ATF 124 I 55 consid. 2). Elles peuvent toutefois rectifier des informations manifestement fausses à condition de s’abstenir de toute propagande électorale ou de critiques à l’égard d’un candidat (ATF 117 Ia 452 consid. 3c) sans pour autant s’attribuer un rôle de conseiller du citoyen, l’État ne devant pas être assimilé à un groupe ou à des opinions particulières (ATF 124 I 55 consid. 2 ; ACST/21/2023 précité consid. 3.1.1).

7.2 Selon la jurisprudence, il n'est pas exclu que des informations données par des particuliers avant une votation puissent nuire de manière inadmissible à la formation de la volonté des citoyens et porter ainsi atteinte à la liberté de vote (ATF 135 I 292 consid. 2). Ces considérations sont aussi valables pour les élections (ATF 117 Ia 452 consid. 5 ; 102 Ia 264 consid. 3).

Il ne se justifie toutefois qu'exceptionnellement d'annuler un scrutin lorsque de telles interventions sont en cause. En effet, l'usage, par les tiers, d'arguments inexacts ou fallacieux, bien que répréhensible, ne peut être totalement exclu, dès lors qu'ils peuvent participer librement à la campagne et se prévaloir à cet égard de la liberté d'expression et de la liberté de la presse. Il appartient, en principe, aux citoyens d'opérer les distinctions nécessaires entre les différentes opinions exprimées, de reconnaître les exagérations manifestes et, ensuite, de forger leur propre conviction. L'annulation d'un scrutin ne doit être envisagée que dans des cas exceptionnels et avec une grande retenue : il faut d'abord que ces informations induisent gravement en erreur sur des points essentiels de la votation ; il faut ensuite qu'elles aient été diffusées à une date si proche du scrutin que les citoyens ne soient plus en mesure de se renseigner de manière fiable à d'autres sources (ATF 135 I 292 consid. 4.1) ; lorsque les sources d'information sont nombreuses, en particulier sur Internet, il ne faut admettre que de manière particulièrement restrictive une intervention illicite avant un scrutin. Il faut enfin que l'influence des informations dénoncées sur le résultat de l'élection soit manifeste ou à tout le moins très vraisemblable (ATF 119 Ia 271 consid. 3c). Les conditions d'annulation du scrutin sont ainsi plus strictes qu'en cas d'atteinte à la liberté de vote commise par les autorités (ATF 150 I 204 consid. 7.2).

7.3 En l'occurrence, le recourant n'explique pas en quoi l'autorité aurait intimidé des électeurs ou les aurait empêchés de voter librement. Quoi qu'il en dise, les démarches des autorités communales à la suite d'un possible salut nazi lors d'une séance du conseil municipal ne peuvent être assimilées à de la propagande électorale, puisqu'elles ne s'inscrivent pas dans le contexte des élections. Pour ce même motif, il n'y a pas non plus lieu de considérer que, par le dépôt d'une plainte pour calomnie à l'encontre de Thierry CERUTTI à la suite d'accusations de financement d'événements électoraux au moyen de fonds publics, l'autorité communale aurait entrepris une campagne de dénigrement à son encontre. Le recourant ne prétend d'ailleurs nullement que les faits à l'origine de ces affaires seraient mensongers. De surcroît, la chancellerie ne saurait se voir reprocher d'avoir porté à la connaissance du MP des faits s'étant déroulés dans le cadre des élections municipales de Vernier, dès lors que ceux-ci pouvaient potentiellement présenter un caractère pénalement répréhensible.

Il doit ensuite être examiné si les articles de presse publiés ont influencé de manière inadmissible la formation de l'opinion des citoyens, selon la jurisprudence susmentionnée, qui n'admet une telle situation que de manière restrictive s'agissant de la diffusion d'informations émanant, comme en l'espèce, de particuliers.

Il convient ainsi de déterminer dans un premier temps si ces articles contenaient des informations erronées ou fallacieuses.

Le recourant ne se prévaut pas d'informations erronées dans la presse. Il n'indique pas quels éléments de fait faux les articles contiendraient, au regard des trois affaires qu'il a citées.

Il ne peut non plus être retenu que les faits amenés à la connaissance du public auraient été diffusés à un moment si tardif qu'il était impossible pour les citoyens de se renseigner auprès d'autres sources fiables. En effet, les informations publiées par la presse au sujet du « aïe » (sic) avec le geste du bras l'ont été à tout le moins dès janvier 2025, soit bien avant l'élection contestée. Par ailleurs, les informations ayant suscité débat autour de la validité des résultats de l'élection du conseil municipal du 23 mars 2025 ont été publiées à tout le moins dès le 28 mars 2025, avec un article de la Tribune de Genève intitulé « À Vernier, ces étonnants bulletins de LJS aux élections municipales ». Or, il restait alors plus de deux semaines, soit un délai suffisant, au corps électoral pour se décider avant le scrutin du 13 avril 2025. Les citoyens ont ainsi été en mesure de se renseigner à d'autres sources au sujet des éléments portés à leur connaissance par la presse, de manière à maintenir un équilibre dans le débat politique de l'« entre-deux-tours ».

Concernant plus spécifiquement les articles consacrés à Djawed SANGDEL, ce dernier a été contacté et a pu exprimer sa position à tout le moins le 1er avril 2025 déjà. Dans un article du Temps intitulé « La justice genevoise appelée à déterminer si l'élection municipale à Vernier est entachée d'irrégularités », l'intéressé a contesté toute irrégularité dans les votes et a précisé que la réussite de LJS devait être attribuée à un travail de terrain « acharné ». Un article du Temps du 11 avril 2025 a repris les déclarations précitées et a, en outre, retranscrit le témoignage d'un citoyen ayant voté pour lui sur les raisons de son soutien au candidat. Les informations données dans les articles de presse provenaient ainsi de sources diverses, de sorte que la lecture de ces derniers permettait aux électeurs de se former leur propre opinion. Pour le surplus, le recourant ne saurait se fonder sur le seul article de la Tribune de Genève intitulé « Mais où sont passés les votes pour Djawed SANGDEL à Vernier ? » pour considérer comme établi que les électeurs de LJS ont été poussés à ne pas aller voter.

En conséquence, aucune violation de la garantie des droits politiques ne peut être retenue.

7.4 Même à retenir par hypothèse le contraire, il n'y aurait pas lieu d'annuler le scrutin. Rien ne permet de retenir que les informations communiquées par la presse l'auraient influencé, et encore moins que cette influence aurait eu une incidence déterminante sur le résultat de l'élection.

Le recourant se plaint de ce que Thierry CERUTTI et Djawed SANGDEL ont vu leurs voix chuter au second tour. Or, les circonstances ont changé entre les deux tours de l'élection. En effet, les candidats en sixième et septième positions à l'issue du premier tour ne se sont pas représentés et une nouvelle alliance s'est formée entre les trois conseillers administratifs sortants. L'argument selon lequel l'absence de report de voix « de l'UDC, de LJS et du Centre voire des Verts Libéraux vers le candidat du MCG » devait être attribuée à un climat « délétère » n'est pas convaincant, dès lors qu'aucun accord n'avait été conclu entre les partis précités dans le cadre de cette élection.

De surcroît, la participation au second tour a été moindre. Contrairement à ce que le recourant affirme, ce dernier constat ne révèle pas nécessairement une anomalie ou une « abstention extrême ». Une baisse du taux de participation de 5.09% n'apparaît pas inhabituelle au regard de ce qui a été constaté en 2020 pour l'élection du conseil administratif à Vernier (‑4.52%), ainsi que le même jour à Genève (‑4.94%), à Lancy (-6.44%), à Meyrin (‑5.71%), à Onex (-2.70%) ou encore à Thônex (-7.41%). Comme la chancellerie le relève à juste titre, le premier tour est généralement porté par l'élection simultanée du conseil municipal. L'on ne saurait, par conséquent, voir dans les scores obtenus par les candidats du MCG et de LJS lors du second tour le signe d'une influence manifeste ou très vraisemblable exercée par les publications contestées sur la formation de la volonté des citoyens.

Pour le surplus, si le recourant estime que Thierry CERUTTI, qui se trouvait en troisième position au premier tour, « avait toute[s] ses chances d'être élu comme entre 2007 et 2011 », il admet, dans le même temps, que l'alliance PS-Verts-PLR « a permis aux sortants d'être réélus ». Quant à Djawed SANGDEL, il a conservé au second tour la cinquième position qu'il avait occupée à l'issue du premier tour. Ayant recueilli 1'672 suffrages, il a seulement obtenu un peu plus de la moitié des suffrages du troisième et dernier candidat élu – avec 3'234 voix. L'écart de voix, important, se montait à 1'562 voix sur un total de 6'360 bulletins valables enregistrés à Vernier durant le second tour, de sorte qu'il manquait au candidat de LJS près d'un quart de l'ensemble des bulletins valables. Dans ces circonstances, il apparaît peu probable qu'un vice éventuel dans le déroulement de la campagne du second tour aurait pu influer sur le résultat de l'élection.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 avril 2025 par Stéphane VALENTE contre « la décision de validation des résultats de l'élection du 13 avril 2025 au conseil administratif de la commune de Vernier rendue par le Conseil d'État sur la base du récapitulatif général établi par la Chancellerie et contrôlé par la commission électorale centrale » ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Stéphane VALENTE ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Stéphane VALENTE ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Philippe KNUPFER, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

T. DANG

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :