Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/743/2025 du 05.06.2025 sur JTBL/1289/2024 ( SBL ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/19867/2024 ACJC/743/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU JEUDI 5 JUIN 2025 |
Entre
1) A______ SA, sise ______ [GE],
2) Monsieur B______, ______ [GE], appelants et recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 décembre 2024, représentés par
Me Olivier FAIVRE, avocat, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809, 1211 Genève 3,
et
C______ SICAV, sise c/o D______ SA, ______ (VD), intimée, représentée par
Me Tano BARTH, avocat, route des Jeunes 9, 1227 Les Acacias.
A. a. C______ SICAV, sise à E______ (VD), est une société d'investissement à capital variable, dont le but est "la gestion de sa fortune ou de ses compartiments sous forme de placement collectif de capital selon la législation sur les placements collectifs ainsi que la constitution de capital-actions des investisseurs et la distribution de leurs actions d'investisseurs".
A______ SA, sise rue 1______ no. ______ à Genève, a pour but l'exploitation et la gestion de restaurants. F______ en est l'administrateur unique depuis novembre 2020. B______ en a été l'administrateur unique de juillet 2009 à juin 2015. G______ est inscrit au Registre du commerce comme fondé de pouvoir de A______ SA, au bénéfice d'une procuration collective à deux depuis décembre 2018.
Selon A______ SA et B______, H______ est un employé de A______ SA.
I______ SARL, sise à J______ [GE] et inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2022, a pour but notamment l'exploitation de cafés, bars et restaurants. G______ en est l'associé gérant avec signature individuelle depuis sa fondation. K______ en est le directeur avec signature collective à deux.
b. Par contrat du 14 janvier 2008, L______, bailleur, a remis à bail à M______ SA et N______, locataires conjoints et solidaires, une "arcade de 150 m² env. au rez-de-chaussée et locaux de 60 m² env. au sous-sol" de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, destinés à l'exploitation d'un restaurant, pour une durée de cinq ans (du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012) renouvelable, moyennant un loyer annuel de 49'848 fr., indexé à l'indice suisse des prix à la consommation, et un acompte pour charges de 2'400 fr. par année, soit 4'354 fr. par mois au total. Selon une convention signée le 13 juillet 2009, le bail précité a été transféré à compter du 1er juin 2009 à A______ SA et B______, "conjointement et solidairement", désignés comme "les bénéficiaires solidaires du transfert". Les locaux ont été destinés à l'exploitation d'un restaurant à l'enseigne "O______".
c. A______ SA a souhaité vendre le fonds de commerce et remettre le bail des locaux. Elle a entamé des négociations avec G______ et I______ SARL.
d. Par courrier recommandé du 7 décembre 2022, A______ SA, agissant par son administrateur unique F______, a informé le bailleur de ce qu'elle "mettait un terme" au contrat de bail avec effet au 15 décembre 2022.
Selon A______ SA et B______, ce courrier a été envoyé car les négociations précitées étaient "quasiment parvenues à leur terme".
B______ fait valoir qu'il n'a "jamais résilié le contrat de bail concernant le restaurant O______ à Genève, alors qu'[il est] colocataire au même titre que la société A______ SA" (attestation établie par B______ le 27 octobre 2023).
e. Selon un contrat du 7 décembre 2022, L______, bailleur, a remis à bail à I______ SARL et G______, locataires agissant conjointement et solidairement, "l'arcade de m² 140 environ au rez-de-chaussée et 70 m² au sous-sol" de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, destinés à l'exploitation d'un restaurant, pour une durée initiale de cinq ans et quinze jours (du 15 décembre 2022 au 31 décembre 2027) renouvelable, moyennant un loyer annuel de 60'000 fr., indexé à l'indice suisse des prix à la consommation, et un acompte pour charges de 3'600 fr. par année.
f. Par acte authentique du 8 février 2023, L______ a vendu à C______ SICAV l'immeuble sis rue 1______ no. ______.
g. Le 5 mars 2023, la police est intervenue au no. ______, rue 1______, en raison d'un conflit entre G______ et H______. G______ a expliqué à la police, documents à l'appui, qu'il était titulaire du bail du restaurant "O______" et qu'il avait laissé un mois à l'"ancien exploitant", H______, afin de vider le restaurant et lui restituer les clés, ce que ce dernier n'avait pas fait. H______ a également présenté aux policiers "un bail valable", en expliquant qu'il était l'exploitant du restaurant et qu'il était en conflit avec la régie qui avait signé un nouveau bail avec G______ sans résilier l'ancien. H______ a appelé son avocat, qui lui a conseillé de fermer le restaurant et de remettre les clés à la police, dans l'attente d'une décision judiciaire. En accord avec les deux parties, l'établissement a été fermé et les clés ont été déposées au poste de police de P______.
h. Le 7 mars 2023, A______ SA et B______ ont invité la bailleresse à clarifier la situation auprès de G______, qui revendiquait "illicitement la titularité du bail ainsi que du fonds de commerce y relatif". Les pourparlers qu'ils avaient eus par le passé avec ce dernier en vue de la vente du fonds de commerce n'avaient pas abouti. Aucune convention n'avait été signée et ils n'avaient pas résilié le contrat de bail dont ils étaient cotitulaires.
La bailleresse leur a répondu le 13 mars 2023 qu'elle considérait G______ comme "[son] unique locataire du restaurant".
i. Selon un formulaire de février 2023 du Service cantonal de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, l'établissement en question était fermé depuis le 30 avril 2021.
Le 10 mars 2023, ce Service a autorisé K______ à exploiter le café-restaurant à l'enseigne "O______".
Le 20 juin 2023, A______ SA et B______ ont invité la bailleresse à apporter toutes les clarifications nécessaires audit Service, afin qu'ils puissent exploiter les locaux selon leur affectation. Le 3 juillet 2023, la bailleresse leur a répondu que le propriétaire n'était pas responsable des autorisations d'exploitation du locataire.
j. Le 14 mars 2023, la police a remis à K______ les clés du restaurant.
Le 16 mars 2023, elle est intervenue à deux reprises dans les locaux. Lors de la première intervention, les policiers ont constaté que trois serrures étaient endommagées. G______ leur a expliqué qu'il était en litige avec l'"ancien exploitant", H______, qu'il soupçonnait fortement d'avoir commis ces dégâts. Lors de la seconde intervention, les policiers ont discuté avec ce dernier, qui avait changé les serrures et entendait continuer à occuper le restaurant, dans l'attente d'une décision de justice. Après avoir contacté le commissaire de police de service, les policiers ont décidé de laisser les choses en l'état, dans la mesure où il s'agissait d'une affaire civile et où ils n'étaient pas en mesure de déterminer formellement qui était "dans son bon droit".
B. a. C______ SICAV a déposé le 24 octobre 2023, au Tribunal des baux et loyers une "action en revendication, réintégrande et constatation de droit" dirigée contre H______, A______ SA et B______ (enregistrée sous le numéro de cause C/2______/2023), comprenant une requête de mesures provisionnelles (enregistrée sous le numéro de cause C/3______/2023).
b. A l'appui de ses conclusions condamnatoires prises sur le fond, elle a invoqué les art. 927 CC (réintégrande) et 641 CC (revendication). Elle a notamment conclu à la condamnation de H______, A______ SA et B______ à restituer la possession des locaux litigieux à G______.
La procédure au fond (C/2______/2023) est pendante devant le Tribunal.
c. Sur mesures provisionnelles, C______ SICAV a notamment conclu, à ce que le Tribunal dise que, jusqu'à droit jugé au fond, les locaux litigieux pouvaient être occupés par I______ SARL et/ou G______, condamne H______ à restituer la possession desdits locaux, notamment en remettant toutes les clés des serrures à I______ SARL et G______ ou à C______ SICAV, dise que faute d'exécution dans les trois jours dès le prononcé de la décision, l'autorité chargée de l'exécution y procéderait avec l'assistance de l'autorité compétente, et interdise à H______, A______ SA ou B______ de pénétrer dans les locaux.
H______, A______ SA et B______ ont conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles.
d. Par ordonnance du 29 novembre 2023, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête de mesures provisionnelles formée le 24 octobre 2023 par C______ SICAV contre H______, A______ SA et B______.
e. Par arrêt ACJC/343/2024 du 18 mars 2024, la Cour de justice, statuant sur appel de C______ SICAV, a confirmé l'ordonnance précitée.
La Cour a notamment considéré qu'il n'avait pas été rendu vraisemblable qu'il y avait eu usurpation (illicite) de la possession.
En toute hypothèse, le juge des mesures provisionnelles n'avait pas à trancher des questions délicates, pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation jouait un rôle important. Tant G______ et H______ que la police avaient estimé, en mars 2023, que la situation n'était pas claire et qu'il était préférable de fermer l'établissement, respectivement "laisser les choses en l'état". C'était au juge du fond, déjà saisi, qu'il appartiendrait de trancher ces questions au terme d'une procédure probatoire complète.
Pour le surplus, la Cour a fait entièrement sienne la motivation du Tribunal.
C. a. Par avis comminatoire du 14 décembre 2023, C______ SICAV a mis en demeure A______ SA et B______, si ceux-ci estimaient encore être liés par le bail, de lui régler dans un délai de 30 jours le loyers impayé de décembre 2023, et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.
b. Se référant à l'avis comminatoire du 14 décembre 2023, considérant que le loyer de décembre 2023 n'avait pas été payé dans le délai imparti, C______ SICAV a, par avis officiels du 26 mars 2024, résilié le bail pour le 30 avril 2024, pour autant qu'un rapport de bail existe.
c. B______ et A______ SA ont déposé le 25 avril 2024 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission) une action en contestation du congé extraordinaire. Ils ont conclu à l'annulation du congé du 26 mars 2024, en soutenant que celui-ci serait intervenu "de mauvaise foi".
Cette procédure a été enregistrée sous le n° C/4______/2024.
d. Par décision du 20 août 2024, la Commission a rayé la cause du rôle, "vu le défaut du demandeur" (art. 206 al. 1 CPC).
Par décision JCBL/32/2024 du 23 septembre 2024, elle a rejeté la demande de restitution qu'avaient formée B______ et A______ SA.
e. Par arrêt du 17 mars 2025, la Cour a annulé les deux décisions précitées, admis la requête de restitution et renvoyé la cause à la Commission pour qu'elle cite les parties à une audience de conciliation.
D. a. Par requête du 1er mai 2024, C______ SICAV a requis du Tribunal l'expulsion de A______ SA, B______ et H______ pour cause de non-paiement du loyer (art. 257d CO) selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC); elle a en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation. Elle a également conclu à ce que A______ SA et B______ soient condamnés, solidairement, à lui verser la somme mensuelle de 4'354 fr. dès le 1er mai 2024.
Elle a fait valoir que, soit le bail avait été valablement résilié pour le 15 décembre 2022 et en ce cas A______ SA et B______ ne pouvaient se prévaloir d'un quelconque bail pour rester dans les locaux, de sorte qu'ils occupaient les locaux sans droit, soit ils étaient encore locataires et le bail avait été résilié pour défaut de paiement. En toute hypothèse, ils ne disposaient plus d'aucun droit les autorisant à occuper les locaux.
Quant à H______, il ne disposait d'aucun contrat ou autre document lui donnant un quelconque droit d'être dans les locaux.
La procédure a été enregistrée sous le n° C/5______/2024.
b. Par jugement JTBL/687/2024 du 13 juin 2024, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré irrecevable la requête en évacuation et exécution directe intentée le 1er mai 2024 par C______ SICAV à l'encontre de A______ SA, B______ et H______.
c. Par arrêt ACJC/1132/2024 du 16 septembre 2024, la Cour a confirmé le jugement précité.
Elle a considéré que la situation juridique n'était pas claire. En effet, les intimés contestaient la position de l'appelante, qui soutenait que le bail liant les parties avait été valablement résilié avec effet au 15 décembre 2022 par l'intimée A______ SA seule. L'appelante admettait d'ailleurs qu'il n'était pas possible de déterminer si le bail litigieux avait pris fin à la date précitée, ou, à la suite de la résiliation pour non-paiement du loyer, le 30 avril 2024.
La situation en droit était donc équivoque.
Une procédure au fond, initiée par la bailleresse et poursuivant le même but que la procédure C/5______/2024, soit la libération des locaux par les intimés, était pendante devant le Tribunal (C/2______/2023). Dans ce contexte, la bailleresse avait déjà soumis au Tribunal, puis à la Cour, une requête de mesures provisionnelles, afin d'obtenir ladite libération par la voie de la procédure sommaire (C/3______/2023). La Cour avait considéré que la situation n'était pas claire et que les questions litigieuses devaient être tranchées par le juge du fond, au terme d'une procédure probatoire complète, ce qui valait également pour la procédure. C/5______/2024. L'admission de la requête en protection du cas clair du 1er mai 2024 de l'appelante aurait vidé de son objet la procédure C/2______/2023, ce qui n'était pas admissible au vu des circonstances particulières du cas d'espèce.
C'était ainsi à juste titre que le Tribunal avait déclaré irrecevable ladite requête.
d. Le 6 novembre 2024, C______ SICAV a recouru au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour du 16 septembre 2024. L'effet suspensif n'a été ni requis, ni octroyé. La procédure est pendante sous le n° de cause 4A_584/2024.
E. a. Par requête du 23 août 2024, C______ SICAV a requis du Tribunal l'expulsion de A______ SA et B______ pour cause de non-paiement du loyer (art. 257d CO) selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC); elle a en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation. Elle n'a pas assigné H______ et n'a pas pris de conclusions pécuniaires.
C______ SICAV a motivé sa nouvelle requête comme suit : elle avait mis en demeure A______ SA et B______ de payer le loyer de décembre 2023; le bail avait été résilié le 26 mars 2024 pour le 30 avril 2024; cette résiliation n'était plus contestée, la contestation (cause C/4______/2024) ayant été rayée du rôle; la résiliation "n'étant même plus contestée", la situation était claire : il n'y avait plus de rapport de bail entre les parties; si ce rapport existait "déjà avant" était une autre question qui n'était pas pertinente pour prononcer la restitution de l'objet loué à la bailleresse.
b. Lors de l'audience du Tribunal du 28 novembre 2024, A______ SA a été représentée par H______, muni d'une procuration. Celui-ci a déclaré qu'il était directeur de A______ SA depuis une dizaine d'années.
A______ SA et B______ ont conclu à l'irrecevabilité de la requête.
Ils ont déposé un courrier du 14 août 2024, par lequel l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) avait retourné à A______ SA sa requête du 18 juillet 2024 en autorisation d'exploiter l'établissement litigieux, aux motifs que le formulaire était "lacunaire/incomplet", que les pièces étaient "incomplètes/manquantes" et que le formulaire utilisé n'était pas le bon. Sur la base de cette pièce, A______ SA a déclaré au Tribunal que l'exploitation du restaurant avait été refusée notamment "faute pour la bailleresse d'avoir fourni une attestation confirmant que A______ SA [était] titulaire du bail". C______ SICAV a rétorqué qu'une telle attestation ne lui avait pas été demandée et qu'en tout état elle n'était pas tenue de la fournir, puisque le bail avait été résilié.
Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.
c. Par jugement JTBL/1289/2024 du 18 décembre 2024, reçu le 21 janvier 2025 par les parties, le Tribunal a condamné A______ SA et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que toute autre personne occupant les locaux avec eux l'arcade de 150 m² environ au rez-de-chaussée et les locaux de 60 m² environ au sous-sol de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé C______ SICAV à requérir immédiatement l'évacuation par la force publique de A______ SA et B______ (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).
F. a. Par acte expédié le 23 janvier 2025 à la Cour, A______ SA et B______ ont formé appel et recours contre le jugement précité, dont ils ont requis l'annulation. Ils ont conclu à l'irrecevabilité de la requête en évacuation, "avec suite de frais et dépens".
b. Dans sa réponse du 29 janvier 2025, C______ SICAV a conclu à la confirmation du jugement attaqué.
c. A______ SA et B______ ont répliqué le 13 février 2025, en persistant dans leurs conclusions.
d. Les parties ont été informées le 26 février 2025 de ce que la cause était gardée à juger, C______ SICAV ayant renoncé à répliquer.
1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).
Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).
Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).
En l'espèce, la valeur litigieuse est dans tous les cas supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte contre le prononcé de l'évacuation.
En revanche, contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).
1.2 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).
En l'espèce, l'appel et le recours, formés dans le délai et la forme prescrits par la loi, sont recevables.
Par souci de simplification, les locataires seront désignés ci-après comme les appelants.
1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).
Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).
2. Les faits qui sont immédiatement connus du tribunal ("gerichtsnotorische Tatsachen"), notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, constituent des faits notoires qui n'ont pas à être allégués ni prouvés (art. 151 CPC; ATF 143 II 224 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3).
L'état de fait du jugement attaqué a été complété dans la mesure utile sur la base de faits résultant d'autres procédures opposant les mêmes parties, et donc notoires.
3. Le Tribunal a considéré qu'il n'était pas "lié par le dispositif du jugement JTBL/687/2024 du 13 juin 2024, confirmé par la Cour dans son arrêt ACJC/1132/2024 du 16 septembre 2024, à tout le moins en raison du fait que le litige en question, si son complexe de fait était similaire voire identique à celui du présent litige, ne concernait pas les mêmes parties puisque la requête était également dirigée contre H______. Des conclusions en paiement avaient en outre été prises à l'occasion de la première requête". Il a retenu, "nonobstant les positions exprimées par le Tribunal, dans son jugement du 13 juin 2024, et par la Cour de justice, dans son arrêt du 16 septembre 2024 (…) que le cas [était] clair, aussi bien factuellement que juridiquement".
Les appelants font grief au Tribunal d'avoir admis la requête de leur partie adverse, "en violation de la force de chose jugée du prononcé ACJC/1132/2024 du 16 septembre 2024".
L'intimé soutient que l'arrêt en question fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral et qu'"il ne s'agit donc pas d'un arrêt en force".
3.1 Conformément à l'art. 59 al. 1 et al. 2 let. e CPC, le tribunal n'entre pas en matière sur une nouvelle demande lorsque le litige a déjà fait l'objet d'une décision entrée en force. Ne sont visées par cette disposition que les décisions au fond (Sachentscheide), entrées en force de chose jugée formelle et auxquelles est attaché l'effet de l'autorité de la chose jugée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_177/2018 du 12 juillet 2018 consid. 4.1; 4A_66/2016 du 22 août 2016 consid. 4.1.1). Les décisions d'irrecevabilité n'en font pas partie, puisqu'elles ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée, sauf en ce qui concerne la seule question de recevabilité tranchée (ATF 134 III 467 consid. 3.2; 115 II 187 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_30/2020 du 23 mars 2021 consid. 3.3.1; 4A_536/2018 du 16 mars 2020 consid. 3.1.2).
Lorsqu'un procès prend fin par un jugement d'irrecevabilité de la demande en justice, l'autorité de ce jugement est restreinte à la condition de recevabilité qui a été discutée et jugée défaillante; elle n'exclut pas que l'action puisse être réintroduite plus tard si cette condition s'est accomplie dans l'intervalle et que le contexte procédural s'est donc modifié. En revanche, dans une action nouvellement introduite, l'autorité restreinte du jugement d'irrecevabilité interdit de faire simplement valoir que ce jugement était erroné (ATF 134 III 467 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4D_88/2014 du 25 mars 2015 consid. 3).
En procédure de protection dans les cas clairs, si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 620 consid. 5.1.1). Si elles ne sont pas réalisées et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande. Il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 140 III 315 c. 5). Lorsqu'une partie voit sa requête en cas clair être déclarée irrecevable et se procure après coup des preuves supplémentaires, il lui est loisible d'introduire une nouvelle requête en cas clair (arrêt du Tribunal fédéral 4A_149/2024 du 17 juin 2024 consid. 5.1).
Les décisions de deuxième instance cantonale sont sujettes au recours au Tribunal fédéral - en général, recours en matière civile ou recours constitutionnel subsidiaire. Ces recours sont en principe dépourvus d’effet suspensif automatique (cf. art. 103 et 117 LTF), de sorte qu’il s’agit de voies de droit extraordinaires (ATF 146 III 284 consid. 2.3). En conséquence la décision cantonale sur appel ou recours entre en force et est exécutoire nonobstant de tels recours, sous réserve de l’octroi, par décision du Tribunal fédéral de l’effet suspensif ou d’autres mesures provisionnelles (art. 103 al. 3 et art. 104 LTF; BASTONS BULLETTI in newsletter CPC Online 2024-N2, n° 16).
Selon le principe de la relativité subjective de la chose jugée, l'autorité de la chose jugée d'un jugement ne peut être invoquée dans un nouveau procès que si celui-ci oppose les mêmes parties ou leurs successeurs en droit. L'effet inter partes de l'autorité de la chose jugée ne dépend pas de la position respective que les parties ont occupée dans l'un et l'autre procès. Au demeurant, qu'il y ait eu encore d'autres parties dans le procès antérieur n'empêche pas, en principe, d'admettre l'identité des parties dans le second procès pour autant que les parties à ce procès aient également participé au procès antérieur (ATF 140 III 278 consid. 4.2.1 et les références citées).
3.2 Si le cas est clair, afin d'obtenir rapidement l'évacuation forcée des locaux loués, le bailleur peut mettre en oeuvre la procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC alors même que le locataire a éventuellement introduit une action en annulation du congé sur la base des art. 271, 271a et 273 CO; la litispendance n'est alors pas opposable au bailleur (ATF 141 III 262 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_115/2019 du 17 avril 2019 consid. 7). L'action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC) présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO). Le tribunal doit donc trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable. Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine).
3.3 En l'espèce, le 1er mai 2024, l'intimée a requis l'expulsion des appelants et de H______ pour cause de non-paiement du loyer (art. 257d CO) selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC), à la suite de l'avis comminatoire du 14 décembre 2023 et du congé du 26 mars 2024. Par arrêt du 16 septembre 2024, la Cour a confirmé l'irrecevabilité de la requête, retenue par le Tribunal, en considérant que la situation juridique était équivoque et donc pas claire. Sur cette question de recevabilité, discutée et jugée défaillante, l'arrêt est en force, en dépit du recours pendant au Tribunal fédéral, l'octroi de l'effet suspensif n'ayant pas été accordé, ni même sollicité.
Le 23 août 2024, l'intimée a à nouveau requis l'expulsion des appelants pour cause de non-paiement du loyer, toujours selon la procédure de protection dans les cas clairs et à la suite du même avis comminatoire et du même congé. Elle n'a pas présenté de preuves supplémentaires, mais s'est bornée à faire valoir que la procédure en contestation du congé du 26 mars 2024 avait été rayée du rôle par la Commission. Or, l'existence d'une telle procédure n'a pas d'incidence sur l'examen auquel doit procéder le juge du cas clair, qui doit de toute façon trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation. De surcroît, l'argument de l'intimé n'est plus d'actualité, puisque la Cour a annulé ladite décision de radiation du rôle.
Le fait que, dans la procédure C/5______/2024, il y ait eu une autre partie n'empêche pas d'admettre l'identité des parties, puisque les parties à la présente procédure ont toutes participé au procès antérieur.
Par ailleurs, le fait que, dans la procédure précédente, la bailleresse ait fait valoir également des prétentions pécuniaires ne change rien à la constatation du caractère équivoque de la situation en droit.
En conclusion, c'est à tort que le Tribunal est entré en matière sur la nouvelle requête en protection du cas clair de l'intimée. Le jugement attaqué sera donc annulé et la requête en protection du cas clair du 23 août 2024 sera déclarée irrecevable, sur la base de l'art. 59 al. 2 let. e CPC.
A toutes fins utiles, la Cour reprend intégralement la motivation de son arrêt du 16 septembre 2024, relative à l'irrecevabilité fondée sur l'art. 257 CPC (cf. ci-dessus, let. D.c).
4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).
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La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 23 janvier 2025 par B______ et A______ SA contre le jugement JTBL/1289/2024 rendu le 18 décembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/19867/2024-1.
Au fond :
Annule le jugement attaqué et, statuant à nouveau :
Déclare irrecevable la requête en protection du cas clair formée le 23 août 2024 par C______ SICAV contre B______ et A______ SA.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI juges; Madame Laurence MIZRAHI, Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.