Skip to main content

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/17773/2020

ACJC/339/2024 du 18.03.2024 sur JTBL/959/2022 ( OBL ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17773/2020 ACJC/339/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 18 MARS 2024

 

Entre

 

Madame A______, domiciliée ______ (VD) et Monsieur B______, domicilié ______ [GE], appelants d’un jugement du Tribunal des baux et loyers rendu le
7 décembre 2022, représentés par Me Andres PEREZ, avocat, avenue Vibert 9,
1227 Carouge (GE).

 

et


1) Madame C
______, domiciliée ______ (GE),

2) Madame D______, domiciliée ______ (GE),

3) Madame E______, domiciliée ______ (GE), intimées, représentées par [la société] F______.


EN FAIT

A.    a. Par jugement JTBL/959/2022 du 7 décembre 2022, notifié le 14 décembre 2022 à A______ et B______, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a constaté la nullité partielle du contrat de bail conclu le 15 octobre 1999, portant sur l’appartement de six pièces, deux places de parking sous couvert, une cave, une terrasse, une grande pelouse et un jardin potager, sis chemin 1______ no. ______ à G______ [GE], en ce qui concernait le loyer fixé (ch. 1 du dispositif), fixé le loyer de l’appartement précité à 2'500 fr. par mois, charges non comprises (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

b. En résumé, le Tribunal a constaté la nullité partielle du contrat de bail litigieux dans la mesure où aucun avis officiel de fixation du loyer initial n’avait été notifié à A______ et B______ (art. 20 al. 2 CO).

Le Tribunal a dès lors procédé à la fixation judiciaire du loyer et, pour ce faire, écarté le calcul de rendement net en raison du caractère ancien de l’objet loué. Il s’est référé aux statistiques cantonales de 1999, desquelles il ressort que le loyer moyen s’élevait à 1'646 fr. 50.

Il a ensuite procédé à une adaptation du loyer afin de tenir compte des caractéristiques de l’immeuble, soit notamment de la surface des chambres, du nombre d’étages ainsi que des aménagements mis à la disposition des locataires.

Il a finalement fixé le loyer de l’objet loué, hors charges, à un montant de 2'500 fr. par mois.

B.     a. Par acte expédié à la Cour de justice le 25 janvier 2023, A______ et B______ (ci-après : les locataires ou les appelants) ont formé appel du jugement précité et conclu à ce que les chiffres 2 et 3 du dispositif soient annulés, cela fait, à ce que le loyer soit fixé à un montant mensuel, charges en sus, qui restait à déterminer et à ce que le trop-perçu – qui restait à déterminer – leur soit restitué, pour la période courant de septembre 2010 au 15 août 2021, avec intérêts à 5% l’an.

Subsidiairement, ils ont conclu à la diminution du loyer d’un montant qui restait à déterminer dès le 15 octobre 2020 et à ce qu’il soit dit que le loyer mensuel est fixé à un montant qui restait à déterminer, charges en sus, dès le 15 octobre 2020 fondé sur un taux hypothécaire fixé à 1.25% et de l’indice suisse des prix à la consommation fixé à 114.6 points.

Plus subsidiairement, ils ont conclu à ce que le loyer soit diminué d’un montant de 531 fr. par mois dès le 15 octobre 2020 et à ce qu’il soit dit que le loyer mensuel est fixé à 1'969 fr., charges en sus, dès le 15 octobre 2020 fondé sur le taux hypothécaire fixé à 1.25% et l’indice suisse des prix à la consommation fixé à 114.6 points.

Plus subsidiairement encore, A______ et B______ ont requis que la cause soit renvoyée au Tribunal.

En substance, ils ont relevé que le Tribunal n’avait pas ordonné à C______, D______ et E______ de produire les documents nécessaires au calcul de rendement net. Celui-ci avait procédé à la fixation judiciaire du loyer en opérant une mauvaise application des statistiques cantonales et omis d’utiliser le loyer pratiqué pour le logement voisin à titre de comparaison.

Ils reprochent également au Tribunal de ne pas avoir examiné la question de la baisse de loyer à laquelle ils avaient conclu subsidiairement.

b. Par réponse expédiée le 3 mars 2023, C______, D______ et E______ (ci-après : les bailleresses ou les intimées) ont conclu à la confirmation du jugement entrepris.

Elles ont considéré que, faute pour A______ et B______ d’avoir chiffré leurs conclusions en première instance, le Tribunal ne pouvait pas fixer le loyer à un autre montant que celui découlant du contrat de bail et des conclusions des bailleresses.

Le caractère ancien de l’immeuble justifiait par ailleurs que le Tribunal se fonde sur les statistiques cantonales.

Les intimées contestent par ailleurs la méthode proposée par A______ et B______ consistant à opérer une comparaison du loyer litigieux avec celui de l’immeuble voisin.

Ce serait ainsi à juste titre que le Tribunal aurait tenu compte des caractéristiques propres de l’objet loué et adapté le montant du loyer en conséquence.

Finalement, s’agissant de la baisse du loyer, C______, D______ et E______ relèvent que A______ et B______ y auraient conclu uniquement de manière subsidiaire. Ainsi, dans la mesure où le Tribunal leur avait donné gain de cause quant à leurs conclusions principales, il ne pouvait entrer en matière sur les conclusions subsidiaires.

Si la Cour estimait devoir statuer sur la baisse, celle-ci ne devait pas excéder 269 fr. 75 par mois (baisse du taux : - 24.81%; hausse de l'ISPC : 3.52%; hausse des charges : 10.5%; pourcentage de baisse admissible : -10.79%).

c. A______ et B______ ont répliqué par courrier expédié le 24 avril 2023 et soutenu que les conclusions ne devaient pas obligatoirement être chiffrées.

Par ailleurs, ils ont considéré que le Tribunal aurait dû examiner la question de la baisse de loyer au titre d’un cumul d’actions et, partant, fixer un loyer inférieur.

Ils ont persisté dans leur raisonnement pour le surplus.

d. Par courrier expédié le 25 mai 2023, C______, D______ et E______ ont persisté dans leurs précédents développements.

e. Les parties ont été informées par plis séparés du 3 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents de la cause sont les suivants :

a. En date du 15 octobre 1999, feu H______, propriétaire, et A______ et B______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de six pièces sis chemin 1______ no. ______, à G______.

L’appartement, sur trois niveaux, est composé de deux chambres de 22m2 chacune, de deux chambres de 18m2 chacune et d’une cheminée fonctionnelle. Étaient inclus dans le contrat de bail : deux places de parking, une cave, une terrasse de 25m2, la jouissance d’un jardin potager et d’une grande pelouse de 300m2 environ.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d’une année, du 15 octobre 1999 au 15 octobre 2000, renouvelable ensuite tacitement d'année en année sauf résiliation notifiée avec un préavis de trois mois.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé initialement à 2'500 fr. plus 200 fr. de charges.

b. Aucun avis de fixation du loyer initial n'a été remis aux locataires lors de la conclusion du bail.

c. L’appartement était occupé par A______ et sa fille. B______, son ex-compagnon et père de sa fille, s’était porté garant du paiement du loyer.

d. H______ est décédé en 2015. Ses filles, D______ et E______, sont les héritières de H______, C______, épouse de ce dernier, étant usufruitière de l’immeuble.

L'immeuble avait été acheté par la mère de H______ en 1964 et donné à ce dernier en 1979, sa mère conservant un droit d’habitation.

L’immeuble est un ancien corps de ferme datant de 1880 et transformé en quatre logements. L’un de ces logements est un appartement de douze pièces, occupé alors par B______. Deux appartements restants sont occupés par C______.

e. Un litige portant sur l’exécution de travaux a opposé les parties dès 2018 et a abouti à un accord signé le 9 septembre 2020 et homologué par la Commission de conciliation en matière des baux et loyers. Cet accord prévoyait le retrait de la procédure en exécution de travaux, réduction de loyer et validation de consignation et valait solde de tous comptes et de toutes prétentions en lien avec tout défaut du bien loué.

f. En parallèle à ce litige, A______ avait réclamé une baisse de loyer de 21,2% par courrier du 6 juillet 2020 invoquant la variation du taux d’intérêt hypothécaire de référence et celle de l’indice des prix à la consommation. Cette requête avait été refusée par la représentante de C______, D______ et E______ le 5 août 2020.

g. Par requête du 4 septembre 2020, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 12 juillet 2021 et portée devant le Tribunal le 20 août 2021, A______ et B______ ont conclu, préalablement, à la production par C______, D______ et E______ des documents permettant de calculer le rendement de l’appartement et de connaître le montant du loyer payé par les précédents locataires et, principalement, à ce que la nullité du loyer initial soit constatée, à la fixation du loyer de l’appartement à un montant à déterminer, et au remboursement du trop-perçu, subsidiairement, à la diminution du loyer dès le 15 octobre 2020, d’un montant à déterminer, à la fixation du loyer sur la base d’un taux hypothécaire de 1.25% et de l’indice suisse des prix à la consommation de 114.6 points, plus subsidiairement, à la diminution du loyer de 531 fr. par mois dès le 15 octobre 2020.

h. A______ et B______ ont résilié le bail pour le 15 août 2021.

i. Par réponse du 18 novembre 2021, C______, D______ et E______ ont conclu à ce qu’il soit constaté que le loyer de 2'500 fr. n’était pas abusif et à ce qu’il soit fixé à 2'500 fr. par mois, hors charges.

j. Lors de l’audience du 15 mars 2022, A______ et B______ ont formulé des allégués complémentaires.

k. Par ordonnance de preuve du 13 juin 2022 le Tribunal a retenu comme moyens de preuve l’audition des parties, l’audition de trois témoins et les titres produits. Il a notamment écarté l’audition des témoins I______ et A______ cités par les locataires et du témoin E______, requise par les bailleresses.

l. Lors de l’audience du 4 octobre 2022, A______ a déclaré qu’elle s’était adressée à l'ASLOCA car elle pensait avoir droit à une baisse de loyer. Comme elle avait l'impression de ne pas être bien défendue, elle s’était adressée à une protection juridique qui lui avait demandé la « feuille verte ». Elle ne savait pas que le loyer devait être fixé sur une formule officielle. Si elle avait réagi c'est parce que le bailleur n'avait pas entretenu le logement. Elle s’était plainte régulièrement et avait consigné les loyers en 2018 pour obtenir l'exécution de certains travaux, ce qu’elle avait obtenu. Un accord avait en effet été trouvé avec le bailleur.

Même si un accord avait été conclu, elle considérait qu’une baisse de loyer était justifiée.

Elle a ajouté qu’il n’y avait pas eu de constat d’état des lieux à l’entrée dans l’appartement, qu’elle n'avait pas connaissance des autres loyers, qu’elle ne savait pas à l'époque combien payait le père de sa fille qui occupait le 12 pièces. Celui-ci l’avait aidée à payer le loyer. Elle n’avait pas reçu de plan en annexe de son contrat de bail. Elle a confirmé que l’appartement avait 4 chambres, une cheminée qui n'aurait pas fonctionné pendant 4 ans suite à des travaux mal effectués par le bailleur, une terrasse, la jouissance d'un jardin et la possibilité d'avoir un potager et deux places de parking sous couvert. Le problème était un manque de communication avec le bailleur et les guêpes (300 retrouvées mortes au sol) dans les pièces mansardées qui ne pouvaient pas être utilisées pendant l'été. Cela avait fait partie d’une procédure qui s'était achevée par un accord ; mais même si un accord avait été conclu elle considérait que cela justifiait une baisse de loyer. Elle a reconnu que l’appartement était un bien d'exception en raison de sa taille et de sa situation, mais ne présentait pas un caractère luxueux. En effet, il s'agissait d'un bien à la campagne, un bien de charme de l'extérieur. Selon elle, les chambres mansardées étaient chauffées mais pas isolées.

m. D______ a exposé que les chambres mansardées étaient isolées avec de la laine de verre, un isolant et du lambris. Les appartements se trouvaient dans une ferme rénovée, transformée en maison. Les charges avaient augmenté en cours de bail. Elle a également déclaré sans être contredite que des travaux pour un montant de 60'000 fr. avaient été réalisés dans le logement des appelants.

n. Le témoin J______, chargée de chercher des acquéreurs pour la maison, a déclaré qu’il s'agissait plutôt d'une sorte de villa/appartements contigus. En effet, ce logement occupait trois niveaux, rez-de-chaussée et deux étages avec un accès sur une terrasse et au jardin. Il était composé de beaux matériaux, même si ce n’était pas au goût du jour, et présentait une belle hauteur de plafond. La maison datait de 1880. La cuisine était une pièce complète fermée dans laquelle il était possible de manger. Elle avait été rénovée 10 ans auparavant. L'appartement se trouvait au milieu de la maison. Il y avait des appartements de part et d’autre. L'entrée était séparée des autres appartements. Le sol n’était pas au goût du jour. Il n'y avait pas de moquette mais du parquet ou du carrelage.

Selon le témoin K______, architecte, il s’agissait d’une vieille ferme avec un environnement agricole sympathique.

o. A l’issue de l’audience d’enquêtes du 4 octobre 2022, le Tribunal a clôturé la phase d’administration des preuves et ordonné des plaidoiries finales.

p. Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions le 18 octobre 2022.

EN DROIT

1.              1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC ; Jeandin in Commentaire Romand du Code de procédure civile, 2e éd., 2019, N 13 ad art. 308 CPC ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

S'agissant d'un contrat de bail reconductible tacitement, soit de durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid. 2b), la valeur litigieuse déterminante, dans le cadre d'une contestation de loyer initial, doit être établie d'après les dernières conclusions prises devant l'autorité précédente, la différence de loyer sur une année devant être multipliée par vingt (art. 92 al. 2 CPC ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2011 consid. 1.1).

1.2 En l’espèce, les appelants estiment à teneur de leur mémoire d'appel que le loyer litigieux devait en réalité être fixé à un montant de 2’150 fr. alors que le Tribunal l'a fixé à 2'500 fr. en première instance.

Dès lors, la valeur litigieuse s'élève à 84’000 fr. (350 fr. x 12 mois x 20), soit à un montant supérieur à 10'000 fr. et la voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 Interjeté contre une décision finale de première instance, dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi, l'appel est recevable à cet égard (art. 130, 131, 142ss, 145 al. 1 let. b, 308 al. 2 et 311 al. 1 CPC).

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1) ; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

S'agissant d'une procédure relative à la protection contre les loyers abusifs (art. 269ss CO), la cause est soumise à la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC) et la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2. 2.1 A titre liminaire, il convient de traiter le grief des intimées portant sur la recevabilité des conclusions non chiffrées prises par les appelants concernant la fixation judiciaire du loyer.

2.2 Le fait de chiffrer des actions en paiement d'une somme d'argent (art. 84 al. 2 CPC) compte parmi les conditions de recevabilité (art. 59 CPC ; ATF 142 III 102 consid. 3), que le tribunal doit examiner d'office (art. 60 CPC ; ATF 146 III 290 consid. 4.3.3).

Selon l'art. 85 al. 1 CPC, le demandeur peut intenter une action non chiffrée s'il est dans l'impossibilité d'articuler d'entrée de cause le montant de sa prétention ou si cette indication ne peut être exigée d'emblée. Il doit cependant indiquer une valeur minimale comme valeur litigieuse provisoire. Cette exception vaut en particulier lorsque seule la procédure probatoire permet de fonder une créance chiffrée ; le demandeur est alors autorisé à chiffrer ses conclusions après l'administration des preuves ou la délivrance par le défendeur des informations requises. Le demandeur doit toutefois chiffrer sa demande dès qu'il est en état de le faire (art. 85 al. 2 phr. 1 CPC), autrement dit, dès que possible (arrêt du Tribunal fédéral 5A_368/2018 du 25 avril 2019 consid. 4.3.3 et les références citées).

Ce qu'on entend par "dès que possible" n'est pas clairement défini. L'art. 232 CPC intitulé "plaidoiries finales", prévoit à son alinéa 1 que les parties peuvent se prononcer sur les résultats de l'administration des preuves et sur la cause au terme de l'administration des preuves. L'administration des preuves intervient donc après les premières plaidoiries (art. 231 CPC) et avant les plaidoiries finales.

L'art. 85 al. 2 CPC prévoit certes que le demandeur doit chiffrer sa demande dès qu'il est en état de le faire, une fois les preuves administrées ou les informations fournies par le défendeur, mais ne précise pas le délai à respecter pour le chiffrement. Certains auteurs précisent toutefois que le chiffrement des conclusions doit intervenir avant la fin de la procédure probatoire si toutes les informations à cette fin ont déjà pu être réunies (Gut, Die unbezifferte Forderungsklage nach der Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2014, n° 325 p. 150 ; BOPP/BESSENICH, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm et al. (éd.), 3e éd. 2016, n° 15 ad art. 85 CPC) ou à l'issue de celle-ci (Gasser/Rickli, Schweizerische Zivilprozessordnung, Kurzkommentar, 2e éd. 2014, n° 4 ad art. 85 CPC) mais "au plus tard" lors des plaidoiries finales du demandeur, quand bien même il estimerait ne pas disposer à ce stade de toutes les informations qu'il a requises (en ce sens : Baumann Wey, Die unbezifferte Forderungsklage nach Art. 85 ZPO, 2013, n° 514 ; Dorschner, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, n° 22 ad art. 85 CPC).

Sur le principe, la demande non chiffrée, alors que les conditions de l'art. 85 al. 1 CPC ne sont pas réalisées, est irrecevable, sans qu'il y ait lieu à fixation d'un délai selon l'art. 132 CPC (ATF 140 III 409 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4.4 et 5A_871/2020 précité loc. cit.).

2.3 En l'espèce, les locataires ont fait appel du jugement JTBL/959/2022 rendu par le Tribunal en date du 7 décembre 2022 et conclu à ce que le loyer soit fixé à un « montant mensuel qui reste à déterminer ».

Ils n’ont dès lors pas chiffré les conclusions prises en appel, ce qui ne porterait, sur le principe, pas le flanc à la critique si les conditions d’application de l’art. 85 CPC étaient remplies.

La question de savoir si les appelants se trouvaient effectivement dans l’impossibilité d’articuler le montant de leur prétention ou si cette indication ne pouvait pas être exigée d’eux d’emblée au moment du dépôt de la demande devant le Tribunal peut demeurer ouverte. En revanche, les appelants disposaient manifestement de tous les moyens à disposition pour chiffrer leurs conclusions au plus tard lors des plaidoiries finales, en date du 18 octobre 2022.

Il est par ailleurs observé que les appelants n’ont pas non plus indiqué de montant minimal dans le cadre de leur demande non chiffrée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_462/2017 du 12 mars 2018 consid. 3.1.).

Le Tribunal aurait dès lors dû déclarer la conclusion en fixation judiciaire du loyer irrecevable pour les motifs qui précèdent.

Compte tenu de ce qui précède, les conditions d’application de l’art. 85 CPC ne sont manifestement pas non plus remplies au regard des conclusions prises en appel. En effet, les locataires n’ont pas chiffré leur conclusion en fixation judiciaire du loyer, alors qu’ils étaient manifestement en mesure de le faire.

Les conclusions des appelants sont partant irrecevables. Eussent-elles été recevables, elles devraient être rejetées pour les motifs qui suivent.

3. Les appelants soutiennent que, faute pour le Tribunal d'avoir obtenu les pièces nécessaires au calcul de rendement net, celui-ci aurait dû se fonder exclusivement sur le loyer du logement voisin afin de fixer le montant du loyer litigieux.

Le Tribunal aurait procédé à une application erronée des statistiques cantonales.

3.1

3.1.1 Un loyer usuel au sens de l’art. 269a lit. a CO suppose un usage, une pratique suffisamment répandue pour en déduire une règle. L’usage peut être démontré par la production d’exemples de loyers comparables à la chose louée (art. 11 al. 1 OBLF) ou ressortir de données statistiques officielles (art. 11 al. 4 OBLF). L’art. 11 OBLF impose une comparaison concrète. La détermination des loyers usuels ne s’effectue pas sur la base d’une impression d’ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 4A_612/2012 du 19 février 2013 consid. 3.2) (Bohnet/Broquet, in Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, 2e éd., N 12 ad art. 269a CO et les références citées).

3.1.2 Pour pouvoir tirer des conclusions qui offrent quelque sécurité, il faut disposer, en règle générale, de cinq éléments de comparaison au moins (ATF 123 III 317 consid. 4a, DB 1998 N 16 ; SJ 2001 I 247, DB 2001 17 ; DB 2007 N 15 ; CdB 2007 75) qui présentent, pour l’essentiel, les mêmes caractéristiques que le logement litigieux quant à l’emplacement, l’équipement, l’état et l’année de construction (art. 11 al. 1 OBLF ; ATF 123 III 317 consid. 4a, DB 1998 N 16 ; 114 II 361 consid. 4b) ainsi que les dimensions (Bohnet/Broquet, op. cit., N 13 ad art. 269a CO) tout en tenant compte de l'évolution récente de leurs loyers au regard du taux hypothécaire et de l'indice suisse des prix à la consommation (ATF 147 III 14 consid. 4.1.2.1 ; 141 III 589 consid. 2.2.3 ; 136 III 74 consid. 3.1 ; 123 III 317 consid. 4a et 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_183/2020 du 6 mai 2021 consid. 3.1.2).

C’est à la partie qui se prévaut du loyer usuel qu’il incombe de prouver le caractère usuel (art. 8 CC). La preuve du loyer usuel implique de fournir au minimum cinq exemples ainsi que les détails nécessaires pour chacun d’eux s’agissant de l’emplacement, la dimension, l’équipement, l’état d’entretien et l’année de construction (ATF 139 III 13 consid. 3.1.3).

Sur l'emplacement, les exemples doivent se situer dans le même quartier et disposer de qualités analogues, comme la proximité des moyens de transports publics, des commerces, des écoles ou des parcs, ainsi que l'existence ou l'absence d'immissions ou nuisances sonores particulières, comme trafic aérien ou routier (Lachat/ Stastny, Le bail à loyer, 2019, p. 577 ; Bohnet/Broquet, op. cit., N 15 ad art. 269a CO). L'emplacement peut concerner aussi l'étage du bien immobilier en question (Commentaire SVIT, Le droit suisse du bail à loyer, 2011, N 11 ad art. 269a CO ; plus nuancé : Lachat/Stastny, ibid et note marginale, pour qui il conviendrait de catégoriser à part uniquement les logements des étages inférieurs et ceux des étages supérieurs; arrêt du Tribunal fédéral 4C.40/2001 du 15 juin 2001 consid. 5c, repris par la suite sans motivation dans les arrêts ultérieurs, qui estime que ce critère n'est « pas nécessairement pertinent »).

S'agissant du critère de l'équipement, il faut comprendre les installations dont bénéficient les locataires d'un logement ou d'un local commercial. Il convient de se référer ainsi, notamment, à l'équipement d'une cuisine, à la salle de bain et aux sanitaires, au système de chauffage, d'un ascenseur, d'un double vitrage ou d'un balcon. Pour être comparables, les logements doivent comprendre des équipements qui soient proches par leur qualité et par leur nombre (Bohnet/Broquet, op. cit., N 20 ad art. 269a CO ; Lachat/Stastny, op. cit., p. 579 ; ACJC/242/2021 du 1er mars 2021 consid. 3.1).

Sur l'état général de l'appartement et de l'immeuble, il faut tenir compte dans le cadre de l'analyse d'une impression d'ensemble, du soin porté par le bailleur à l'entretien et à la rénovation de l'appartement et de l'immeuble. Seul l'entretien assumé par le propriétaire est déterminant à ce propos (Bohnet/Broquet, op. cit., N 23 ad art. 269a CO ; Lachat/Stastny, ibid ; ACJC/242/2021 déjà cité consid. 3.1).

Par dimension, il faut comprendre, pour les logements, le nombre de pièces, la grandeur du logement et la répartition des volumes (ATF 123 III 317 consid. 4b/cc, DB 1998 N 16). Selon le Tribunal fédéral, il convient de comparer uniquement des logements comportant le même nombre de pièces (ATF 123 III 317 consid. 4b/cc, DB 1998 N 16) et de surface semblable, le critère de la surface devant prédominer (arrêt du Tribunal fédéral 4C.265/2004 du 16 janvier 2001 consid. 4b/bb) (Bohnet/Broquet, op. cit., N 17 ad art. 269a CO).

Par ailleurs, les loyers de référence doivent eux-mêmes ne pas être abusifs. Il est donc nécessaire, en principe, de les adapter aux baisses du taux hypothécaire survenues, en règle générale, depuis la date de la dernière fixation du loyer (ATF 127 III 411 consid. 5a), ce qui nécessite de connaître leur taux hypothécaire de référence. La législation relative à la protection contre les loyers abusifs a précisément pour but d'éviter que le bailleur n'obtienne un rendement excessif de la chose louée. Or, il serait contraire à ce but de prendre comme éléments de comparaison, pour juger du caractère abusif d'un loyer donné, des loyers qui sont eux-mêmes abusifs parce que les bailleurs concernés ne les ont pas adaptés à l'évolution des facteurs de baisse. L'art. 11 al. 3 OBLF va d'ailleurs dans ce sens, en tant qu'il exclut la prise en considération des loyers découlant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché. Il en ressort clairement que la détermination des loyers usuels ne saurait obéir aux seules lois du marché (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1 ; 136 III 74 consid. 3.1 ; 127 III 411 consid. 5a ; 123 III 317 consid. 4d ; ACJC/242/2021 déjà cité consid. 5.1).

3.2 Le loyer usuel peut également être démontré par référence aux données statistiques officielles (art. 11 al. 4 OBLF).

Les statistiques éditées par l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT) peuvent être utilisées pour fixer le loyer initial, tout en tenant compte de leurs lacunes, par le biais de réajustements destinés à prendre en considération les particularités de l'objet loué. Eu égard à la marge d'appréciation dont le juge dispose en la matière, la Cour considère qu'il est possible de se référer à une valeur moyenne. En règle générale, dans la mesure où les statistiques relatives aux logements loués à de nouveaux locataires au cours des douze derniers mois ne tiennent pas compte de la date de construction de l'immeuble, ni des caractéristiques du cas particulier, il y a lieu de les compléter en procédant à une pondération avec les chiffres statistiques des baux en cours (ACJC/1219/2016 du 19 septembre 2016 ; ACJC/702/2009 du 15 juin 2009 consid. 4 ; ACJC/954/2013 du 7 août 2013 consid. 2 ; ACJC/1500/2013 du 16 décembre 2013 consid. 6.1.2 ; ACJC/390/2015 du 30 mars 2015 consid. 6.1).

S'agissant du choix de la statistique à prendre en compte parmi celles établies par l'OCSTAT, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ACJC/1303/2007 consid. 3.5 ; ACJC/812/2010 du 21 juin 2010 consid. 4.1.).

3.3 La statistique relative aux loyers moyens indique à la fois la moyenne et la médiane des loyers, ainsi que l'écart-type (OCSTAT, Le niveau des loyers à Genève, Statistique des loyers de mai 2016).

Selon les explications y relatives, la « moyenne » est la notion la plus commune. Le loyer mensuel moyen des logements, tout comme le loyer mensuel moyen par pièce ou le loyer mensuel moyen par m², est une simple moyenne arithmétique, soit le rapport entre la somme des loyers et le nombre de logements correspondant. La moyenne est, en général, la meilleure caractéristique de la tendance centrale. Pourtant, dans le cas des loyers, la moyenne est très influencée par les observations extrêmes. Selon les cas, elle peut donc être tirée vers le haut ou vers le bas (OCSTAT, op. cit., p. 8).

La « médiane » est la valeur effective (pour un nombre impair d'observations) ou estimée (pour un nombre pair d'observations), pour laquelle la moitié des observations lui est supérieure et l'autre moitié lui est inférieure. Pour la déterminer, les observations sont classées préalablement par ordre de grandeur croissante ou décroissante. Le loyer médian n'est pas influencé par des observations anormalement grandes ou anormalement petites, qui pourraient être considérées comme aberrantes ou trop particulières. L'OCSTAT considère que, pour cette raison, cette valeur est sans doute plus significative que le loyer moyen, à condition toutefois de disposer d'observations en assez grand nombre et sans hétérogénéité excessive (OCSTAT, ibid).

Quant à « l'écart-type » mentionné dans les statistiques, il mesure l'écart des observations de la série par rapport à leur moyenne. Faible, il indique une accumulation forte des données autour de la moyenne. Grand, il signifie un étalement considérable des valeurs de la série. Il s'exprime dans les mêmes unités que la moyenne, soit en franc, dans le cas des loyers (OCSTAT, op. cit., p. 8).

Le Tribunal fédéral n'a pas considéré comme arbitraire la prise en compte d'un « loyer moyen » d'une localité, tel que ressortant des statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 4A_461/2015 du 15 février 2016 consid. 4.2). Ainsi, l'utilisation d'une valeur moyenne n'est, en soi, pas contraire à la jurisprudence, même si, selon les situations, l'utilisation de la valeur médiane peut être préférable (ACJC/1150/2015 du 28 septembre 2015 consid 5.4.2).

3.4 Le Tribunal fédéral a notamment jugé non arbitraires des décisions des juridictions genevoises prononcées en ce sens sur la base des statistiques établies par l'OCSTAT s'agissant de logements ou de locaux commerciaux situés dans des immeubles anciens (arrêts du Tribunal fédéral 4A_250/2012 du 28 août 2012 et 4A_3/2011 du 28 février 2011 précités).

Il ressort de la jurisprudence de la Cour qui s’est prononcée à de nombreuses reprises à ce propos, que les réajustements des statistiques cantonales permettent l’ajout de 100 fr. en présence d’une place de parking et de 1'000 fr. au loyer dans les cas où il s’agit d’une maison disposant d’un jardin (ACJC/897/2023 du 30 juin 2023 consid. 3.2.3 ; ACJC/158/2015 du 16 février 2015 consid. 6.2).

3.5.1 En l’espèce, la méthode que les locataires souhaitent voir appliquer afin de fixer judiciairement le loyer litigieux est celle des loyers usuels, au sens de l’art. 269a let. a CO.

Ensuite, s’agissant de la comparaison du loyer en vigueur pour leur voisine, la Cour de céans ne peut que constater que les locataires ne produisent qu’un seul exemple de loyer comparatif.

La jurisprudence constante du Tribunal fédéral exige pourtant la production d’au moins cinq exemples de loyers comparatifs. Ainsi, pour cette raison déjà, c’est à juste titre que le Tribunal n’a pas tenu compte du montant du loyer de la voisine pour fixer le loyer litigieux.

Puis, il sied de relever que les exigences fixées par le Tribunal fédéral en matière de loyers comparatifs sont strictes. En effet, les caractéristiques des logements à comparer doivent répondre à plusieurs critères, tels que la dimension du logement et plus précisément le nombre de pièces.

Dans la mesure où le logement que les appelants souhaitent comparer au leur dispose de douze pièces, soit le double du nombre de pièces que compte le logement litigieux, cet exemple ne peut matériellement pas être utilisé aux fins de comparaison dans le cadre de la présente procédure.

Finalement, c’est à juste titre que le Tribunal n’a pas tenu compte du montant du loyer pratiqué concernant la voisine, puisque la démarche ne remplissait pas les conditions jurisprudentielles précitées.

3.5.2 L’application des statistiques cantonales par le Tribunal ne prête pas non plus le flanc à la critique.

En effet, le Tribunal a appliqué la statistique cantonale de mai 1999 – année de conclusion du contrat de bail à loyer litigieux – du loyer moyen des appartements de 6 à 6 pièces et demi situés en dehors de la ville de Genève, dans des immeubles construits entre 1961 et 1965, faisant état d’un loyer mensuel de 1'342 fr.

Conformément à la jurisprudence applicable en la matière, il y a lieu de combiner plusieurs statistiques entre elles. A cet égard, le loyer moyen en vigueur pour les nouveaux baux, selon les critères de recherches précités, s’élève à 1'951 fr. Ce dernier montant n’a pour le surplus, pas été contesté par les appelants.

Il se justifiait dès lors de prendre en compte la moyenne des deux loyers mensuels précités, soit 1'646 fr. 50 auquel un montant de 1'200 fr. doit être ajouté, compte tenu des caractéristiques propres au logement. Cela, en raison de la mise à disposition d’une place de stationnement ainsi que d’une terrasse, d’un jardin potager et d’une pelouse.

Partant, en application de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il se justifiait de fixer le loyer mensuel à hauteur de 2'500 fr.

Par ailleurs, il sied également de relever que si – par hypothèse – la jurisprudence ne permettait pas la combinaison de statistiques entre elles, un montant de 1'200 fr. devrait être ajouté au loyer mensuel médian de 1'342 fr. en vigueur en 1999, compte tenu des particularités de l’objet litigieux.

Dès lors, le Tribunal se serait trouvé dans la même situation que celle exposée plus haut, puisqu’il aurait obtenu un loyer de 2'542 fr.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a appliqué de manière correcte les statistiques cantonales au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral applicable en la matière.

4. Les appelants reprochent finalement au Tribunal de ne pas avoir examiné leurs conclusions subsidiaires en baisse de loyer.

En réalité, leurs conclusions ne sont subsidiaires qu'en ce qu'elles dépendaient de la fixation préalable du loyer. On comprend qu'en tout état les locataires demandaient une baisse de loyer, liée à la baisse du taux hypothécaire. Dans la mesure où ces conclusions sont chiffrées, il convient de les examiner.

Les intimés ont soutenu, dans leur réponse à l'appel, que la réduction ne devrait pas dépasser 265 fr. 75 par mois;

4.1. Aux termes de l'art. 270a al. 1 CO, le locataire peut contester le montant du loyer et en demander la diminution pour le prochain terme de résiliation s'il a une raison d'admettre que la chose louée procure au bailleur un rendement excessif au sens des art. 269 et 269a CO à cause d'une notable modification des bases de calcul, résultant en particulier d'une baisse des frais.

Lorsque le locataire demande la diminution du loyer en raison de la baisse du taux hypothécaire de référence, le juge applique la méthode relative (ATF 126 III 124 consid. 2a et les arrêts cités), mais en poursuivant son examen rétrospectif jusqu’à la dernière modification du loyer consécutive à une variation du taux hypothécaire (ATF 133 III 61 consid. 3.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_489/2010 du 6 janvier 2011 consid. 4.1). Cette méthode consiste, à partir des bases de calcul de la dernière fixation du loyer, à examiner comment ces bases ont évolué et si elles justifient une adaptation du loyer (ATF 120 II 240 consid. 2 ; elle permet de tenir compte non seulement de la dernière baisse du taux hypothécaire, mais de toutes les variations du taux hypothécaire antérieures non prises en considération depuis la dernière fixation du loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_489/2010 précité consid. 4.1). Une modification de 1/4% du taux hypothécaire de référence suffit pour modifier le loyer (art. 13 al. 1-2 OBLF).

Lorsque le locataire lui soumet une demande de baisse (généralement basée sur des facteurs relatifs), le bailleur peut en premier lieu y opposer un autre facteur relatif; en particulier, une diminution du taux hypothécaire peut être compensée par l’augmentation de l’indice suisse des prix à la consommation, la hausse des frais d’entretien et des charges courantes ou par des prestations supplémentaires du bailleur (art. 13 al. 1 OBLF). Le bailleur peut s’en prévaloir dans le cadre du litige et doit en apporter la preuve (ATF 119 II 32, consid. 3c/bb). Le bailleur peut également opposer au locataire un facteur absolu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_530/2012 du 17 décembre 2012), en particulier le rendement non abusif de la chose louée (ATF 121 III 163, consid. 2d) (Montini / Wahlen, in Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, Bâle 2017, N 30 ad art. 270a CO et références citées).

En limitant la compensation du renchérissement à la seule part du capital exposée aux risques, le législateur a exclu toute indexation de la part de loyer destinée à rémunérer la fraction du financement qui peut être assurée par des fonds étrangers. On présume en effet que ces fonds, qui couvrent en principe 60% de l’investissement total, sont généralement garantis par un gage immobilier et ne sont par conséquent pas exposés aux risques en cas de résiliation forcée (ATF 120 II 100 consid. 5b, DB 1994 N 12). La loi reprend ainsi le modèle théorique du financement applicable à l’art. 269a lit. b CO. Tous les loyers sont ainsi concernés par l’adaptation au renchérissement, quelle que soit la structure de financement ou l’âge de l’immeuble concerné (Bohnet / Broquet, op. cit., N 118 ad art. 269a CO).

Sont déterminants l’indice en vigueur le mois précédant la fixation du loyer initial ou la dernière notification de hausse et l’indice relatif au mois qui précède la notification du nouveau loyer (art. 19 al. 2 OBLF). L’OFS, par son site internet, permet de calculer aisément le renchérissement et exprime la variation en pour-cent (calculatrice du renchérissement) (Bohnet / Broquet, op. cit., N 121 ad art. 269a CO).

4.2 Selon l’art. 269a let. b CO, ne sont en règles générales pas abusifs les loyers qui sont justifiés par une « hausse des coûts », c’est-à-dire notamment par une hausse des taxes, des impôts sur les immeubles, des rentes de droit de superficie, des primes d’assurances, ainsi que des frais d’entretien (art. 12 al. 1 OBLF). En réalité, ce critère se réfère à l’évolution des charges courantes (non facturées comme frais accessoires) et des charges d’entretien (à l’exclusion des travaux à plus-value) (Lachat / Stastny, Le bail à loyer, Edition 2019, p. 594).

Les charges d’entretien sont des dépenses relatives aux travaux entrepris dans l’immeuble en général et dans le local concerné, en vue du maintien de l’état convenu (Lachat / Stastny, op. cit., p. 558).

Pour déterminer de manière concrète l’évolution des charges courantes et d’entretien, on calculera, en règle générale, deux moyennes établies sur plusieurs années (en principe cinq ans, au minimum trois ans) (ATF 141 III 245 consid. 6.5 et 6.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_415/2015 du 22 août 2016 consid. 5.4.1). La première moyenne portera sur les exercices précédant la dernière fixation du loyer, la seconde sur les exercices précédant la demande d’adaptation du loyer litigieuse (ATF 141 III 245 consid. 6.5).

Le bailleur doit démontrer une hausse des coûts et expliquer les difficultés rencontrées en termes de preuves (Lachat / Stastny, op. cit., p. 596). S’il se prévaut d’une augmentation de ses charges, soit pour obtenir une majoration de loyer, soit pour s’opposer à une demande de baisse, il doit produire les pièces comptables en sa possession (art. 160 al. 1 let. b CPC ; art. 20 OBLF) (Lachat / Stastny, op. cit., p. 601).

En procédure, il appartient au bailleur de prouver le bien-fondé des motifs de hausse (art. 8 CC) ; il doit ainsi produire les pièces probantes (Montini / Wahlen, op.cit., N 15 ad art. 270b CO ; dans le même sens, Lachat, Le bail à loyer, 2008, p. 409 ch. 3.3.4). Le bailleur qui ne produit pas les documents pertinents doit être débouté de sa demande (Lachat / Stastny, op. cit., p. 601).

Les charges courantes et d'entretien doivent être en principe comptabilisées en fonction de leur montant effectif et non pas sur la base de forfaits (Bohnet/Broquet, op. cit., N 54 ad art. 269a CO). En tout état, le recours à un forfait ne devrait pas être admis si l'absence de documents probants est dû à une faute du bailleur ou si ce dernier ne cherche qu'à se simplifier la tâche (Lachat/Stastny, op. cit., p. 595-596).

Une exception implique qu'il ne soit pas possible d'établir des moyennes fiables, notamment lorsque certaines données ne sont plus accessibles ou lorsque les comptes d'un exercice comportent des chiffres anormalement bas ou élevés, qui faussent toute comparaison (ATF 122 III 257 consid. 3b/bb ; 111 II 378 consid. 2).

Dans la mesure où les données concrètes du cas ne permettent pas d’aboutir à un résultat satisfaisant, parce que le bailleur ne dispose pas de toutes les pièces comptables nécessaires, le coût moyen de l’entretien peut être calculé sur une plus courte durée (TF, mp 2001 148 c. 3 : cas du bailleur qui a acquis l’immeuble deux ans auparavant sans avoir été en mesure de récupérer les pièces comptables de l’ancien bailleur) ou en se fondant uniquement sur la période entre l’acquisition du bien loué et la demande de réduction de loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_88/2013 du 17 juillet 2013 consid. 4.5) (Bohnet / Broquet, op. cit., N 54 ad art. 269a CO).

Les charges courantes ou frais d'exploitation comprennent principalement les primes d'assurance, les abonnements d'entretien, le salaire du concierge, l'eau, l'électricité, les fournitures diverses, l'impôt immobilier complémentaire, les honoraires de gérance et diverses taxes. Sont en revanche exclus les frais de publicité pour la relocation des locaux et les frais d'avocat. Il doit s'agir de frais effectifs et non forfaitaires. Les travaux d'entretien ne sont pris en compte que s'ils ont été exécutés et payés (Lachat/Stastny, op. cit., p. 558).

4.3 La Cour de céans considère que le recours au forfait est contraire au principe d'un loyer fondé sur les coûts effectifs, qu'il ne trouve pas d'assise dans l'OBLF et qu'il contrevient à la règle selon laquelle le bailleur doit prouver l'évolution des coûts en fournissant des chiffres précis (art. 20 al. 1 OBLF) (arrêts de la Cour de justice ACJC/976/2022 et ACJC/977/2022 du 4 août 2022 consid. 2.4).

4.4 En l'espèce, les conclusions des appelants en baisse de loyer doivent être examinées à compter de la date de signature du contrat de bail litigieux.

En date du 15 octobre 1999, le taux hypothécaire de référence était fixé à 4% (Bohnet/ Montini, in Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, 2e éd., Annexe 3.2, p. 1715) et les appelants ont sollicité une baisse de loyer en raison de l’évolution du taux d’intérêt hypothécaire de référence en date du 6 juillet 2020, alors que le taux précité était fixé à 1.25%.

Eu égard à la baisse du taux d’intérêt hypothécaire de référence de 4% à 1.25%, la baisse maximale de loyer que pourraient obtenir les appelants est de 24.81% (Bohnet/Montini, op. cit., Annexe 3.3, p. 1721).

En contre-partie, les intimées opposent à la demande de baisse de loyer, l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation (ISPC).

Lors de la conclusion du contrat de bail litigieux, l’ISPC de référence était de 105.3 points (base mai 1993 = 100). Au mois de juillet 2020, il était de 114.7 points (base mai 1993 = 100). Répercutée à concurrence de 40%, cette hausse induit une augmentation de loyer de 3.57% (cf. Lachat, op. cit. p. 628 s.).

Les intimées opposent également une hausse des charges d’exploitation à la demande en réduction de loyer des appelants. A cet égard, elles souhaitent voir appliquer une augmentation forfaitaire de 10.5% et déroger ainsi à l’exigence de fournir trois décomptes de charges, au minimum, en application de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Toutefois, il aurait été nécessaire, pour ce faire, que les intimées invoquent et démontrent des circonstances telles que les documents ne sont plus accessibles ou que les chiffres inscrits ne permettent aucune comparaison. A cet égard, les intimées se sont limitées à alléguer qu’il était naturel que les charges eussent augmenté depuis le début du bail. Elles n’ont toutefois nullement démontré avoir entrepris de quelconques démarches tendant à l’obtention des documents utiles depuis le décès de H______ survenu en 2015. Il est relevé néanmoins que D______ et E______ sont les filles et héritières légales de H______, tandis que C______ en était l’épouse. Les intimées n’ont pas non plus démontré avoir été empêchées d’accéder aux comptes se rapportant à l’objet loué.

Elles ne démontrent aucun motif qui leur aurait empêché l'accès aux documents nécessaires.

Dans la mesure où les intimées ne cherchent qu’à se simplifier la tâche et à tenter d’obtenir une hausse forfaitaire des charges d’exploitation de l’immeuble, il ne sera pas fait droit à leur demande sur ce point.

Partant, les appelants ont droit à une réduction de 21.24% (24.81% - 3.57%). Le pourcentage de baisse précité induit une baisse de 531 fr. par mois.

Le loyer mensuel sera donc fixé à 1'969 fr. (2'500 fr. – 531 fr.) dès le 15 octobre 2020.

5. En application de l'art. 22 al. 1 LaCC, il ne sera pas perçu de frais judiciaires et il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :

 

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté le 25 janvier 2023 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/959/2022 du 7 décembre 2022 rendu par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/17773/2020.

 

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris.

Fixe à 1'969 fr., hors frais accessoires, le loyer mensuel de l’appartement de six pièces sis chemin 1______ no. ______ à G______ dès le 15 octobre 2020.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Mesdames Pauline ERARD et Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Serge PATEK et Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours : 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
15'000 fr.