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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2229/2025

ATAS/799/2025 du 23.10.2025 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2229/2025 ATAS/799/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 octobre 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

intimée

 


 

EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en ______ 1971, s’est inscrit auprès de l’office régional de placement (ci-après : ORP) en date du 4 mars 2025.

b. Auparavant, l’assuré a travaillé en qualité d’employé de l’office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (ci-après : OFDF), selon un contrat de travail daté du 1er septembre 2022, avant de donner sa démission par courrier du 1er septembre 2024 en indiquant comme date de fin des rapports de travail le 28 février 2025 et ceci « pour des raisons personnelles ».

c. Son responsable hiérarchique a écrit sur la lettre de résiliation, en date du 2 septembre 2024, qu’il acceptait la fin des rapports de travail pour le 28 février 2025 et libérait l’assuré de son obligation de travailler, avec effet immédiat.

B. a. Par décision du 11 mars 2025, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci‑après : CCGC) a sanctionné l’assuré d’une suspension de l’indemnité pendant 31 jours, pour avoir démissionné de son poste de travail sans s’être assuré d’un autre emploi, et ceci sans motif valable.

b. L’assuré s’est opposé à la décision, par courrier du 20 mars 2025, expliquant qu’il avait démissionné mais que sa démission avait été « un peu forcée ». Il exposait avoir eu un conflit avec une collègue de travail « qui portait des accusations assez graves » à son encontre et contre lesquelles il aurait eu de la peine, même sans preuve formelle d’une ou l’autre des parties concernées, à se défendre. Afin d’éviter que l’affaire ne prenne une ampleur démesurée et en accord avec son employeur, il avait considéré qu’il était plus élégant de démissionner, ce qu’il avait fait sans se douter des conséquences ultérieures. Par ailleurs, il avait immédiatement entrepris des recherches pour retrouver un emploi. Il ajoutait que la décision le mettait dans une situation financière difficile et l’empêchait de payer ses charges mensuelles.

c. Par e-mail du 25 mars 2025, la CCGC a demandé à l’assuré de lui fournir des précisions sur les raisons de son départ et des détails sur la nature du conflit qui l’opposait à sa collègue.

d. Parallèlement, la CCGC a demandé à l’OFDF, par e-mail du 25 mars 2025, d’expliquer les raisons pour lesquelles l’assuré aurait été poussé à la démission, les faits qui lui étaient reprochés, les probabilités que l’employé aurait été licencié en raison de ces faits et enfin de confirmer si les accusations portées par la collègue à l’encontre de l’assuré étaient fondées et avérées.

e. Par e-mail du 1er avril 2025, le service des ressources humaines de l’OFDF a expliqué que deux entretiens avaient eu lieu avec l’assuré, lors desquels des options lui avaient été présentées, et à la suite desquels il avait décidé de donner sa démission. L’éventuel licenciement de l’employé était une hypothèse concrète et évoquée mais qui n’aurait pu avoir lieu qu’à l’issue d’une enquête destinée à déterminer exactement le déroulement des faits, étant précisé que le délai de licenciement de six mois aurait été respecté. Dès lors que l’employé avait donné sa démission, il n’avait pas été nécessaire d’ouvrir une enquête. En annexe, était jointe une notice d’entretien entre l’assuré, son chef de service et une responsable des ressources humaines datée du 28 août 2024, faisant état de suspicion de comportements inadaptés envers le public, les employés de l’aéroport de Genève ainsi que ses collègues de l’OFDF.

f. Par courrier du 15 avril 2025, l’assuré a transmis à la CCGC deux pages d’explications concernant le conflit qui l’opposait à sa collègue.

g. Par e-mail du 7 mai 2025, la CCGC a informé l’assuré que lors de l’instruction de l’opposition, il avait été constaté que la quotité de la sanction ne correspondait pas à son cas particulier et devait se situer non pas à 31 jours mais au minimum à 38 – 40 jours « pour tenir compte de l’ensemble des faits ayant conduit à la situation de chômage ». Pour cette raison, l’assuré avait la possibilité de retirer son opposition, sans quoi la précédente décision querellée serait remplacée par une nouvelle décision de suspension, fixée à 38 jours. Par réponse du même jour, l’assuré a informé la CCGC qu’il retirait son opposition à la décision du 11 mars 2025 afin de ne « pas être pénalisé plus ».

h. L’assuré a changé d’avis et informé la CCGC, par e-mail du 8 mai 2025, qu’après mûre réflexion, il maintenait son opposition. Il exposait avoir été intimidé par la teneur du courriel du 7 mai 2025, mais estimait que son employeur ne lui avait pas laissé d’autre choix que de démissionner, ce qui ressortait du dossier qu’il avait transmis à la CCGC.

i. Par décision sur opposition du 18 juin 2025, la CCGC a rejeté l’opposition et a augmenté la quotité de la sanction, celle-ci passant de 31 jours à 38 jours. Cette augmentation était justifiée par le fait que, non seulement l’assuré avait donné lui-même sa démission sans s'assurer d’avoir un autre emploi mais que, de surcroît, il n’avait pas respecté le délai de congé, qui était de six mois pour la fin d’un mois. En raison de ce cumul de fautes, la quotité de la sanction était augmentée.

C. a. Par acte posté le 24 juin 2025, l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition du 18 juin 2025 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Revenant sur les éléments qu’il avait déjà exposés au stade de l’opposition, l’assuré considérait, d’une part, qu’il n’avait pas volontairement donné sa démission mais qu’il avait été poussé à le faire et que, d’autre part, il n’avait pas violé le délai de résiliation dès lors que son employeur avait accepté son départ au 28 février 2025 et l’avait libéré de son obligation de travailler. Pour ces raisons, il concluait que son cas ne devait pas être qualifié de faute grave.

b. Par réponse du 15 août 2025, la CCGC a considéré que le recourant n’apportait aucun élément qui permettait à la caisse de revoir sa position, raison pour laquelle cette dernière concluait au rejet du recours.

c. Le recourant a répliqué, par courrier du 1er septembre 2025, alléguant qu’il n’avait pas résilié son contrat de travail et que son cas ne devait pas être considéré comme une faute grave, mais comme une faute légère, pouvant être sanctionnée d’une suspension de 1 à 15 jours.

d. La chambre de céans a appointé une audience de comparution personnelle, qui s’est déroulée le 2 octobre 2025. L’assuré a exposé, en substance, que des accusations avaient été portées contre lui par une collègue qui lui reprochait des actes pouvant être assimilés à du harcèlement sexuel, ce qu’il niait. Cependant, il admettait avoir été sanctionné d’un avertissement et d’une amende de CHF 1'000.- ainsi que d’une rétrogradation en 2021. Il avait ensuite suivi une formation et travaillé dans un autre secteur où il avait croisé, en 2024, son ancienne collègue dénonciatrice. À cette occasion, de nouvelles accusations avaient été portées contre lui par une autre collègue, à la suite de quoi il avait été entendu par son chef de service qui, selon lui, malgré l’absence de preuves, avait évoqué l’ouverture d’une nouvelle procédure disciplinaire avec des risques de licenciement à l’issue de l’enquête et de dénonciation des faits au Ministère public. Voulant éviter une éventuelle dénonciation pénale au Ministère public et considérant qu’en raison du climat hostile, il n’avait aucune chance de faire la preuve de son innocence, il avait décidé, après trois jours de réflexion, de donner sa démission, ce qui lui permettait de conserver des chances de retrouver un travail plus facilement que s’il avait fait l’objet d’une procédure pénale. Questionné à plusieurs reprises par le Président, il avait admis avoir tenu des propos grossiers avec ses collègues masculins devant des collègues féminines ce qui avait pu mettre mal à l’aise ces dernières. Enfin, il observait que la mentalité avait changé, notamment depuis le mouvement « Me too ».

e. À l’issue de l’audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de 38 jours du versement de l’indemnité infligée par l'intimée au recourant pour avoir démissionné de son poste de travail sans s'être préalablement assuré d'un autre emploi et pour n’avoir pas respecté la durée du délai de résiliation.

3.              

3.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute.

Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l'assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail, sans avoir été préalablement assuré d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu'il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [OACI - RS 837.02]).

La suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2007 du 16 avril 2008 consid. 2.1.2).

3.2 Pour qu'un assuré puisse être sanctionné en vertu de l'art. 44 al. 1 let. b OACI, trois conditions doivent être réunies. Il faut premièrement que l'assuré ait donné lui-même son congé. Il importe ensuite qu'au moment de résilier son contrat de travail, l'assuré n'ait pas eu d'assurance préalable d'un nouvel emploi. Enfin, il faut qu'aucune circonstance ne se soit opposée à la poursuite des rapports de travail (critère de l'exigibilité).

Dans le cadre de l'art. 44 al. 1 let. b OACI, l'emploi quitté est présumé convenable, de sorte que la continuation des rapports est réputée exigible. Cette présomption est susceptible d'être renversée et il sied de ne pas se montrer trop strict quant à la preuve qui incombe alors à l'assuré. Cela étant, c'est de façon restrictive qu'il convient de trancher la question de savoir si l'on pouvait raisonnablement exiger du travailleur qu'il conserve son emploi (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, p. 309, n. 33 à 37 et les références citées).

Des désaccords sur le montant du salaire ou un rapport tendu avec des supérieurs ou des collègues de travail ne suffisent par exemple pas à justifier l'abandon d'un emploi. Dans ces circonstances, on doit, au contraire, attendre de l'assuré qu'il fasse l'effort de garder sa place jusqu'à ce qu'il ait trouvé un autre emploi. Par contre, on ne saurait, en règle générale, exiger de l'employé qu'il conserve son emploi, lorsque les manquements d'un employeur à ses obligations contractuelles atteignent un degré de gravité justifiant une résiliation immédiate (arrêt du Tribunal fédéral 8C_285/2013 du 11 février 2014 consid. 4.1 et les références citées).

3.3 Il sied de souligner que l'exigibilité de la continuation des rapports de travail est examinée plus sévèrement que le caractère convenable d'un emploi au sens de l'art. 16 LACI. Les conditions fixées par l'art. 16 LACI n'en constituent pas moins des éléments d'appréciation importants du critère d'exigibilité.

La notion d'inexigibilité au sens de l'art. 44 al. 1 let. b OACI doit être interprétée conformément à la Convention OIT n° 168 qui permet de sanctionner celui qui a quitté volontairement son emploi « sans motif légitime » (ATF 124 V 234 consid. 3b ; arrêt du 8 octobre 2004 [C 22/04] consid. 3 ; v. l'art. 20 let. c de la Convention OIT précitée). Cette notion coïncide par ailleurs avec celle figurant à l'art. 44 al. 1 let. c OACI, rédigée dans les mêmes termes (arrêt du Tribunal fédéral C 302/01 du 4 février 2003 consid. 3.1 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 36 ad art. 30 LACI). Généralement, des conditions de travail difficiles, des relations tendues avec les collègues et les supérieurs, une mauvaise atmosphère de travail ou des problèmes de santé non attestés médicalement ne suffisent pas à faire admettre que la continuation des rapports de travail n'était pas exigible (DTA 1989 p. 88 consid. 1a ; 1986 p. 90 ; 1976 p. 114 ; 1953 p. 68 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_12/2010 du 4 mai 2010, C 8/04 du 5 avril 2004 et C 104/02 du 2 septembre 2002 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 37 ad art. 30 LACI).

4.              

4.1 Le fait que le travail ne soit plus convenable n’autorise pas la personne assurée à résilier son contrat de travail sans respecter les délais de résiliation ordinaires et ainsi renoncer à son droit aux salaires selon l’art. 324a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) durant le délai de congé contractuel au détriment de l’assurance-chômage (Bulletin LACI IC, ch. D75, 1, G).

4.2 L'assuré qui accepte expressément et valablement une résiliation anticipée de son contrat de travail ne respectant pas le délai de congé ou qui refuse, en toute connaissance de cause, de travailler jusqu'au prochain terme légal de congé (licenciement en temps inopportun) renonce non à des prétentions de salaire, mais à la poursuite des rapports de travail. Il doit donc être suspendu dans son droit à l'indemnité pour chômage fautif en vertu de l'art. 30 al. 1 let. a LACI (Bulletin relatif à l'indemnité de chômage [ci-après : Bulletin LACI IC], n° D24 et D29 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 23 ad art. 30 et référence citée ; arrêt du Tribunal fédéral C 108/01 du 21 août 2001 consid. 2.a).

5.              

5.1 Pour l’établissement des faits pertinents, il y a lieu d’appliquer les principes ordinaires régissant la procédure en matière d’assurances sociales, à savoir, en particulier, la maxime inquisitoire, ainsi que les règles sur l’appréciation des preuves et le degré de la preuve.

5.2 La maxime inquisitoire signifie que l’assureur social et, en cas de litige, le juge, établissent d’office les faits déterminants, avec la collaboration des parties, sans être liés par les faits allégués et les preuves offertes par les parties, en s’attachant à le faire de manière correcte, complète et objective afin de découvrir la réalité matérielle (art. 43 LPGA ; art. 19 s., 22 ss, 76 et 89A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] ; Ghislaine FRÉSARD FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, p. 499 s.). Les parties ont l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués ; à défaut, elles s’exposent à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (art. 28 LPGA ; ATF 125 V 193 consid. 2 ; 122 V 157 consid. 1a ; 117 V 261 consid. 3b et les références).

6.              

6.1 Comme l’administration, le juge apprécie librement les preuves administrées, sans être lié par des règles formelles (art. 61 let. c LPGA). Il lui faut examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les pièces du dossier et autres preuves recueillies permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Il lui est loisible, sur la base d’une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles, de refuser l’administration d’une preuve supplémentaire au motif qu’il la tient pour impropre à modifier sa conviction (ATF 131 III 222 consid. 4.3 ; 129 III 18 consid. 2.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 3.1).

6.2 Une preuve absolue n’est pas requise en matière d’assurances sociales. L’administration et le juge fondent leur décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute le cas échéant d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a ; Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, op. cit., p. 517 s.). Reste réservé le degré de preuve requis pour la notification de décisions, l’exercice d’un moyen de droit, le contenu d’une communication dont la notification est établie (ATF 124 V 400 ; 121 V 5 consid. 3b ; 119 V 7 consid. 3c/bb ; ATAS/286/2018 du 3 avril 2018 consid. 3 ; ATAS/763/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4 et 5c).

7.             En l’espèce, dans un premier grief, l’intimée considère que le recourant, en démissionnant sans s’être assuré d’un nouveau poste, a commis une faute.

Le recourant, pour sa part, soutient en substance que c’est en raison de la pression exercée par son employeur qu’il a résilié son contrat de travail.

7.1 Il n’est pas contesté que le recourant a démissionné de son emploi sans s’être préalablement assuré d’un nouveau poste ; il allègue qu’il n’a pas librement donné sa démission mais qu’il a été poussé à donner sa démission par son ancien employeur, dans le contexte d’accusations de harcèlement sexuel.

Selon les informations transmises par l’ancien employeur à la CCGC, il est confirmé que l’ouverture d’une enquête disciplinaire avait été évoquée et qu’en fonction de son issue, et compte tenu du précédent avertissement, l’assuré pouvait être licencié dans le respect du délai de résiliation de six mois.

Il ressort de la notice d’entretien du 28 août 2024, communiquée par l’OFDF à la CCGC, que le recourant a été placé face à quatre choix alternatifs, à l’issue des entretiens qu’il a eus avec son employeur, à savoir : l’ouverture d’une enquête disciplinaire, puis la résiliation des rapports de travail si les faits étaient avérés, avec une dénonciation des éventuelles infractions pénales au Ministère public ; une dénonciation au Ministère public, avec suspension immédiate du service ; la démission dans le délai légal prévu de 6 mois, avec possibilité de le libérer du service et enfin, un accord de résiliation des rapports de travail, pour une date à convenir d’un commun accord avec l’employeur, avec un délai de six mois et la possibilité de le libérer du service.

En l’absence d’enquête disciplinaire, il est impossible de déterminer si les nouvelles accusations portées contre le recourant en 2024 sont avérées.

7.2 Il ressort toutefois clairement de la notice d’entretien que, même en l’absence d’enquête, la hiérarchie du recourant semblait convaincue que ce dernier s’était rendu coupable de harcèlement, étant précisé que, lors de la précédente affaire disciplinaire de 2021, le recourant avait reçu un avertissement, une amende et une rétrogradation, ce qu’il n’avait pas contesté formellement.

Lors de l’entretien qui s’est déroulé le 28 août 2024, le recourant a nié avoir envoyé une photo obscène à une collègue, mais a admis qu’il lui arrivait parfois de « grogner » après le passage d’une jolie fille au contrôle des passeports et qu’il avait demandé, au moins à une reprise, une modification de son plan de service, afin de pouvoir se retrouver en guérite avec une collègue. Lors de l’audience du 2 octobre 2025, le recourant a également admis avoir parfois échangé des remarques grossières avec ses collègues masculins devant des collègues féminines.

Ces éléments suffisent à établir qu’il existait des suspicions de harcèlement et de comportement inadéquat pouvant justifier l’ouverture d’une enquête disciplinaire. Partant, il convient d’admettre que les options qui ont été proposées à l’employé à l’issue de l’entretien du 28 août 2024 pouvaient se justifier, notamment l’ouverture d’une enquête disciplinaire, voire une éventuelle dénonciation des faits au Ministère public.

L’employeur du recourant était donc dans son bon droit, au vu des éléments dénoncés et du parcours professionnel de l’assuré, d’évoquer l’ouverture d’une enquête disciplinaire, ce d’autant plus qu’il a le devoir de s’assurer de la protection de la personnalité de ses collaboratrices féminines, comme cela ressort de l’art. 6 al. 3 de l’ordonnance sur le personnel de la Confédération du 3 juillet 2001 (OPers – RS 172.220.111.3) qui prévoit que l’employeur protège la dignité de la femme et de l’homme sur le lieu de travail et prend des mesures adéquates pour faire respecter l’interdiction de la discrimination, notamment pour prévenir toute forme de harcèlement sexuel.

La perspective de l’ouverture d’une procédure disciplinaire n’est donc pas de nature à justifier que l’employé ne pouvait plus poursuivre sa relation de travail avec l’employeur, ce d’autant moins qu’il avait déjà fait l’objet d’une enquête disciplinaire par le passé, sans pour autant avoir démissionné.

S’il était convaincu de l’inconsistance des faits qui lui étaient reprochés, le recourant pouvait choisir de rester en poste et se défendre dans le cadre de l’enquête disciplinaire ; sa décision de donner sa démission a donc été le fruit d’un choix librement consenti, étant précisé que rien dans la notice d’entretien du 28 août 2024 ne permet de penser que l’employé devait impérativement se déterminer dans les trois jours qui suivaient, ce d’autant moins qu’une des options qui lui avait été proposées était de négocier un accord de résiliation des rapports de travail, pour une date à convenir d’un commun accord avec l’employeur, tout en respectant le délai de six mois.

À l’aune de ce qui précède, la chambre de céans considère qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le recourant n’a pas subi une pression telle de la part de son employeur que le seul choix qu’il avait était de démissionner ; il n’a pas non plus invoqué de problèmes de santé ou des circonstances personnelles, étant précisé que la seule mesure immédiate prise par l’employeur a été d’affecter l’assuré à des tâches pour lesquelles il ne serait plus en contact avec des personnes de sexe féminin. La poursuite des relations de travail par le recourant était donc exigible.

Il convient, dès lors, de confirmer que le recourant a commis une faute en démissionnant, sans s’être assuré préalablement d’un autre emploi.

7.3 S’agissant du second grief qui est reproché à l’assuré, d’avoir fixé la fin des rapports de travail avec un délai de résiliation de cinq mois au lieu de six, il n’est pas nié par ce dernier qui soutient, toutefois, être dans son bon droit dès lors que son employeur a accepté sa démission à la date proposée.

Si l’on se réfère aux dispositions applicables, soit la loi fédérale sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000 (LPers - RS 172.220.1), son art. 12 al. 1 prévoit que le délai de résiliation qui suit la fin de la période d’essai est de 6 mois au plus, en cas de résiliation ordinaire des rapports de travail. Partant, il est établi que l’assuré aurait dû notifier sa démission au plus tard le 31 août 2024 s’il voulait pouvoir mettre fin aux rapports de travail le 28 février 2025. Il sied donc de constater qu’à un jour près, le délai de résiliation n’a pas été respecté par le recourant.

On peut toutefois s’étonner de l’absence de réaction de son employeur, qui aurait dû tenir compte du fait que la résiliation lui avait été notifiée au mois de septembre et aurait dû spontanément reporter d’un mois l’effet de cette dernière, soit jusqu’au 31 mars en lieu et place du 28 février 2025.

L’assuré n’avait aucun intérêt à ce que son délai de résiliation soit raccourci dès lors que son employeur s’était déjà engagé à le libérer de son obligation de travailler et qu’il n’avait pas de perspective, à court terme, de prise d’emploi au 1er mars 2025. L’employeur a donc une responsabilité concomitante à celle de l’assuré dans le fait que le délai de résiliation de six mois n’a pas été respecté.

Cela étant, l’intimée n’est pas liée par la décision de l’employeur d’accepter que le délai de résiliation soit raccourci d’un mois, dès lors que la caisse subit un dommage en devant indemniser l’assuré dès le 1er mars 2025, alors que cette obligation revenait, normalement, à son employeur, tenu de verser le salaire pendant les six mois de la durée du délai de résiliation et donc jusqu’au 31 mars 2025. L’employeur n’a fourni aucune explication à ce propos.

Compte tenu de ces éléments, il y a eu faute de l’assuré qui n’a pas respecté le délai de résiliation.

Reste à examiner la proportionnalité de la sanction appliquée par la CCGC.

7.4 La suspension du droit à l'indemnité est destinée à poser une limite à l'obligation de l'assurance-chômage d'allouer des prestations que l'assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l'assuré, d'une manière appropriée, du préjudice causé à l'assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2007 du 16 avril 2008 consid. 2.1). La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la faute, mais également du principe de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 5.3).

7.5 Selon le barème du Secrétariat d'État à l'économie (SECO) précité, la résiliation du contrat de travail par l’assuré ou d’un commun accord sans s’être assuré d’obtenir un nouvel emploi (Bulletin LACI IC D72 – 1D) doit être considérée comme une faute grave.

L'art. 30 al. 3 LACI prévoit notamment que la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l'art. 45 OACI, la suspension dure de 1 à 15 jours en cas de faute légère (al. 3 let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (al. 3 let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (al. 3 let. c).

Il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi (al. 4 let. a) ou qu'il refuse un emploi réputé convenable (al. 4 let. b) ; demeurent toutefois réservées des circonstances particulières faisant apparaître, dans le cas concret, la faute comme plus légère (arrêt du Tribunal fédéral C 142/06 du 3 juillet 2007 consid. 3).

À teneur de la jurisprudence, lorsqu'un assuré peut se prévaloir d'un motif valable, il n'y a pas nécessairement faute grave en cas d'abandon d'un emploi convenable.

Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 130 V 125 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.2). Si l'existence d'une faute de l'assuré doit être admise, mais que celui-ci peut faire valoir des circonstances atténuantes, par exemple une situation comparable à du mobbing ou des provocations continuelles de la part de l'employeur, la durée de la suspension sera réduite en fonction de la gravité de la faute concomitante commise par l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral C 74/06 du 6 mars 2007 consid. 3). Dès lors, même en cas d'abandon ou de refus d'emploi, il est possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31, en présence de circonstances particulières, objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 8C_775/2012 du 29 novembre 2012 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2010 du 28 mars 2011 consid. 6 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 117 ad art. 30 LACI). Il n'en demeure pas moins que, dans les cas de chômage fautif au sens de l'art. 30 al. 1 LACI, l'admission de fautes moyennes ou légères doit rester l'exception (arrêt du Tribunal fédéral C 161/06 du 6 décembre 2006 consid. 3.2 in fine). Les motifs permettant de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (Boris RUBIN, op. cit., n. 117 ad art. 30 LACI).

Comme cela a été examiné supra, il n’existe pas de circonstances particulières, telles que des problèmes de santé ou du mobbing, qui puissent intervenir pour justifier une diminution de la sanction de 31 jours de suspension pour avoir démissionné sans s’être assuré d’un nouvel emploi.

7.6 Après avoir retenu, au niveau de la première décision, un seul manquement sanctionné par une suspension de 31 jours, l’intimée a augmenté la durée de la suspension à 38 jours, dans le cadre de la décision sur opposition, après avoir donné la possibilité à l’assuré de retirer son recours.

La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est, concernant notamment la quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret, pas limité à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »).

En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut cependant, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3).

7.7 S’agissant des 7 jours de suspension supplémentaires pour non-respect du délai de résiliation, la chambre de céans estime qu’il y a une unité d’action et un complexe de faits identique à l’origine des deux manquements de l’assuré. S’y ajoute le fait que l’on pouvait s’attendre, de la part de l’employeur, autorité étatique tenue d’appliquer le droit, à ce qu'il réagisse spontanément et rallonge le délai de résiliation jusqu’au 31 mars 2025, conformément aux dispositions légales examinées supra.

La chambre de céans considère que la sanction de 31 jours, sanctionnant le recourant pour avoir démissionné sans s’assurer d’avoir un autre emploi, doit englober le manquement de n’avoir pas respecté, à un jour près, le délai de résiliation.

Dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui est le sien en la matière, incluant un contrôle de l’opportunité (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3), la chambre de céans estime en l’occurrence qu’une suspension du droit à l’indemnité de chômage pour une durée de 31 jours est donc plus appropriée à la situation qu’une durée de 38 jours.

8.              

8.1 Le recours sera donc partiellement admis et la décision attaquée réformée dans ce sens.

8.2 Le recourant, qui n'est pas représenté en justice et qui n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

8.3 Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et réforme la décision sur opposition du 18 juin 2025, en ce sens que la sanction de suspension du droit à l’indemnité est réduite à 31 jours en lieu et place de 38 jours.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le