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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3879/2021

ATAS/393/2025 du 27.05.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3879/2021 ATAS/393/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 mai 2025

Chambre 2

 

En la cause

A______
représentée par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER avocate

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 30 octobre 2016, A______ (ci-après : l'assurée, l'intéressée ou la recourante), née en 1968, veuve depuis décembre 2008 et mère de deux enfants majeurs, ressortissante d'un État européen et titulaire d'un permis C UE/AELE, femme de chambre au taux de 100% au service du même hôtel (ci-après : l'employeur) depuis le 20 juillet 2005, titulaire d'un diplôme de celui-ci du 8 décembre 2012 de « reconnaissance de services dévoués pendant 5 ans », de certificats de formations à la journée concernant la lutte contre les nuisibles ainsi que d'une attestation de formation d'une société de sécurité pour 6 heures de formation théorique en matière de gestion des conflits et des agressions, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (ci‑après : AI), mesures professionnelles et/ou rente, en raison d'une déchirure du tendon de l'épaule (opération le 25 mai 2016).

b. Dans un questionnaire AI rempli le 25 novembre 2016, la docteure B______, médecin praticienne FMH avec un diplôme/attestation de formation continue en médecine interne générale, médecin généraliste traitante, n'a pas pu répondre concernant la question de la capacité de travail de l'intéressée, faisant néanmoins état, comme diagnostic avec effet sur la capacité de travail, d'une tendinopathie sévère de la coiffe des rotateurs gauche depuis 2013, opérée le 25 mai 2016, et, en tant que diagnostics sans effet sur la capacité de travail, de lombalgies chroniques depuis 2010, d'une colopathie depuis 2016 ainsi que d'une gastrite chronique.

Dans deux questionnaires AI remplis le 1er décembre 2016, le docteur C______, le chirurgien orthopédiste FMH qui avait opéré l'assurée, n'a pas fait état d'une incapacité de travail, mais de l'exigibilité d'une reprise de l'activité professionnelle à 100% dès le jour même. Était également complété un questionnaire relatif aux éventuelles limitations fonctionnelles.

c. Par projet de décision du 11 mai 2017 puis décision du 15 juin 2017, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI, l'office ou l'intimé) a retenu une incapacité de travail de 100% du 18 avril au 25 novembre 2016, de 50% du 26 novembre au 26 décembre 2016 puis de 25% du 27 décembre 2016 au 28 janvier 2017, la capacité de travail étant entière à partir du 29 janvier 2017, et a refusé le droit à une rente et à des mesures professionnelles.

d. Cette décision n'a pas été contestée par l'intéressée.

B. a. Le 15 février 2019, l'assurée a déposé une – nouvelle – demande de prestations de l'AI, mesures professionnelles et/ou rente, en raison de lombalgies chroniques sur scoliose, sciatalgies, discopathie sévère L3-L4 opérée en octobre 2018, canal lombaire étroit multifactoriel, radiculopathie L5 gauche d'étiologie indéterminée en cours de bilan et d'aggravation post-opératoire.

b. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'office a, dans une note du 6 mars 2019, retenu un statut actif correspondant à un emploi à plein temps – pour lequel l'employeur avait décrit les activités individuelles de l'assurée (questionnaire rempli le 27 février 2019) –, et a recueilli divers renseignements médicaux et non médicaux, notamment ceux qui suivent.

Des rapports de radiologues FMH établis en avril 2015 et en été 2017 et 2018 portaient sur les lombalgies et sciatalgies.

Le 31 août 2018, le docteur D______, spécialiste FMH notamment en médecine physique et réadaptation, de l'Hôpital de La Tour, indiquait une incapacité de travail de 50% depuis le 9 juillet 2018 et jusqu'au 9 septembre 2018 en raison de discopathies lombaires étagées (maladie). Des certificats du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) faisaient état d'arrêts de travail pour maladie de 50% du 10 septembre au 7 octobre 2018, puis de 100% jusqu'au 13 janvier 2019. Du 8 janvier au 16 avril 2019 à tout le moins, la Dre B______ attestait une incapacité totale de travail.

Sur cette base, l'assurance de perte de salaire maladie de l'employeur a versé des indemnités journalières à l'intéressée durant la période du 7 septembre 2018 au 28 février 2019.

Dans un questionnaire AI rempli le 12 avril 2019, la médecin généraliste traitante retenait une capacité de travail nulle dans l'activité habituelle et une activité adaptée, en raison d'une parésie des releveurs du pied et des orteils du pied gauche avec radiculopathie sévère L5 gauche. Les limitations fonctionnelles consistaient en des douleurs lombaires et dans la jambe gauche, augmentant dans le temps en cas de marche, en une perte progressive de la force musculaire dans la jambe ainsi qu'en un steppage s'aggravant progressivement à la marche.

Dans un questionnaire AI rempli le 8 mai 2020, la Dre B______ retenait la même incapacité de travail, mais les limitations fonctionnelles consistaient en une impossibilité de rester debout plus de 5 minutes, de se pencher en avant et de porter des charges ; le diagnostic incapacitant était toujours une parésie des releveurs du pied et des orteils du pied gauche, sans la mention toutefois de la radiculopathie mais avec celle d'une lombosciatalgie, ce à quoi s'ajoutait, sans incidence sur la capacité de travail, un syndrome dépressif réactionnel ; il y avait une stabilité, voire une aggravation des douleurs de type névralgiques, inchangées depuis le dernier questionnaire AI rempli en 2019.

Dans un rapport du 12 février 2020, Madame E______, ergothérapeute et rééducatrice sensitive de la douleur certifiée, émettait des propositions relativement à la jambe et au pied gauches de l'intéressée.

Figurent par ailleurs au dossier, en particulier, des rapports du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG, notamment sous la signature du docteur F______, médecin adjoint et responsable de la chirurgie de la colonne vertébrale, des 9 novembre et 11 décembre 2018, 28 janvier, 9 juillet et 23 octobre 2019, de même que des rapports de la consultation ambulatoire de la douleur des HUG des 29 octobre 2019 et 20 janvier 2020. Étaient diagnostiqués, dans les trois premiers rapports du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur, une scoliose dégénérative, une discopathie sévère L3-L4, une discopathie L4-L5, une anomalie transitionnelle type Castellvi 1B et un canal étroit multifactoriel, dans le dernier rapport une névralgie fémoropoplitée intermittente du nerf péroné (recte : péronier) profond gauche avec allodynie mécanique (stade III de lésion axonale) et des arthropathies sacro-iliaques bilatérales. Le second rapport de la consultation ambulatoire de la douleur posait quant à lui les diagnostics de lombosciatalgies droites atypiques sans déficit neurologique ainsi que de douleurs neurogènes de la jambe gauche sur radiculopathie L5 ne répondant pas à une décompression chirurgicale. Lors d'un séjour au service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG du 7 au 17 octobre 2018, l'assurée avait fait l'objet le 8 octobre 2018 d'une opération chirurgicale au niveau du dos ; le 18 avril 2019, elle avait été opérée à nouveau au dos. Selon les rapports de la consultation ambulatoire de la douleur, à la suite de la première opération, il y avait eu une persistance des douleurs de la face postéro-latérale de la jambe gauche irradiant jusqu'aux orteils, qui évoluaient depuis cette opération, avec des douleurs neurogènes, notamment avec des décharges électriques et des brûlures accompagnées par une allodynie et une hypoesthésie, ce à quoi s'ajoutaient des céphalées fronto-temporales apparaissant en cas de fortes douleurs des membres inférieurs ; depuis la seconde opération, les lombalgies en barre s'étaient péjorées, les douleurs devenant à l'effort irradiantes dans le membre inférieur droit jusqu'au genou ; l'intensité des douleurs étaient évaluées de 6 à 9 sur 10 en fonction des moments ; les traitements contre les douleurs consistaient en un antalgique, ainsi que des séances de physiothérapie (une fois par semaine), de l'ergothérapie et un neurostimulateur électrique transcutané (TENS) depuis novembre 2019, à poser sur les lombaires pendant 20 minutes trois fois par jour ; au plan de l'activité physique, la patiente effectuait toujours 30 minutes de marche par jour ; elle aimait faire du tricot, qu’elle effectuait par séances de 15 à 30 minutes en raison des douleurs survenant en position assise. Dans un rapport du 12 juillet 2020, le docteur G______, de la consultation antalgique (élective) des HUG, décrivait les tentatives et propositions de traitement faites depuis le 12 décembre 2019.

En outre, le 1er mai 2019, le docteur H______, neurologue FMH – qui avait établi des rapports les 21 septembre 2018 et 1er février 2019 –, constatant l'apparition post intervention d'une radiculopathie L5 gauche évolutive sévère entraînant une parésie de l'ensemble de la musculature du myotome avec impact fonctionnel sous forme de pied tombant avec steppage à la marche, estimait la capacité de travail de l'intéressée à 80% au 30 janvier 2019 (dernière fois qu'il l'avait vue) au vu du steppage et pied tombant entraînant une limitation dans sa vitesse de marche et vraisemblablement dans sa résistance à l'effort, et à 100% dès le 1er mai 2019 dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Enfin, selon un rapport du 19 juin 2020 du docteur I______, psychiatre et psychothérapeute FMH et psychiatre traitant, la patiente souffrait d'une dysthymie à début tardif (CIM-10, F34.1) qui permettait seulement une capacité de travail de 50% dans une activité depuis le 11 novembre 2019, les limitations fonctionnelles étant la fatigabilité, le manque d'énergie et le découragement. Un traitement médicamenteux antidépresseur avait été introduit à compter du 11 novembre 2019 aussi.

c. À la demande du 27 juillet 2020 du service médical régional de l'AI (ci-après : SMR) qui relevait des contradictions dans le dossier médical, la mise en œuvre d'une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique a été confiée le 28 janvier 2021 par l'OAI au Bureau d'expertises médicales à Montreux (ci-après : BEM), plus précisément au docteur J______, rhumatologue FMH, et à la docteure K______, psychiatre et psychothérapeute FMH et experte médicale SIM (NDR : la SIM est la Swiss Insurance Medicine, en français Médecine d’assurance suisse), qui, à la suite d'un examen – clinique – somatique de 1h20 et psychiatrique de 1h35 ainsi que d'une IRM lombaire le 29 avril 2021 suivie d'un rapport du lendemain du docteur L______, radiologue FMH, ont rendu leur rapport d'expertise le 10 mai 2021, avec les parties « évaluation consensuelle », « expertise rhumatologique » et « expertise psychiatrique ».

Selon les experts, au plan somatique, la capacité de travail de l'assurée était nulle dans l'activité habituelle (femme de ménage) depuis juillet 2018 mais entière (8h30 par jour au maximum) dans une activité adaptée dès septembre 2019, soit quatre (recte : cinq) mois après la dernière intervention d'avril 2019 (à partir desquels la capacité de travail aurait pu évoluer favorablement). Le diagnostic incapacitant consistait en des lombalgies persistantes sur discopathies, troubles qualifiés de légers à moyens, et les limitations fonctionnelles consistaient à éviter de porter des charges de plus de 5-10 kg loin du corps, de surcharger le rachis avec des mouvements de torsions du tronc et flexion/extension, de travailler les bras en l'air en raison de l'atteinte de l'épaule, de se mettre à genoux, de monter et descendre des échafaudages et des échelles « et d'alterner les différentes positions » (NDR : il ne s’agit manifestement pas d’un évitement mais plutôt d’une nécessité d'alterner les différentes positions ; p. 16 à 19, ainsi que 35 et 36).

Au plan psychiatrique, était diagnostiquée une dysthymie (F34.1) depuis 2018 et retenue une absence de toute incapacité de travail (y compris dans l'activité habituelle), même si l'irritabilité et les baisses de thymie pouvaient diminuer le rendement ponctuellement. Les « limitations psychiatriques » étaient : « des contacts personnels confrontants ou multiples et un environnement de travail stressant peuvent diminuer les performances et sont liés à sa structure de personnalité émotionnellement vulnérable. Sensibilité à la critique » (p. 16 à 19, ainsi que 47 et 48).

d. Le 14 mai 2021, le SMR a fait siennes les conclusions de ce rapport d'expertise, la capacité de travail étant nulle dans l'activité habituelle de femme de ménage dès le 9 juillet 2018 et entière dans une activité adaptée à partir du 16 avril 2019, les limitations fonctionnelles consistant en l'épargne du dos, à savoir pas de station debout ni de marche prolongée, pas de position penchée en avant ou en porte-à-faux, pas de port de charges de plus de 5 kg, pas de mouvement de rotation ou de flexion-extension répété du tronc.

e. Par projet de décision du 17 mai 2021, l'office a envisagé de rejeter la demande AI. En effet, la perte de gain s'élevait à 6% à la suite d'une comparaison des revenus sans invalidité (sur la base du salaire auprès de l'employeur en 2017) et avec invalidité (selon l'Enquête suisse sur la structure des salaires [ci-après : ESS], niveau 1 [tâches physiques et manuelles simples] et avec un abattement de 15%) – comme calculé par la division gestion de l'OAI dans un document (« détermination du degré d’invalidité ») du 14 mai 2021 –, ce qui était inférieur au taux minimal d'invalidité de 40% requis pour l'octroi d'une rente. Des mesures professionnelles n'étaient quant à elles pas nécessaires.

f. De nouveaux rapports médicaux sont ensuite parvenus à l'OAI, à savoir un rapport du 4 juin 2021 de la Dre B______ contresigné par l'assurée et contestant ledit projet de décision, un rapport du 26 mai 2021 du docteur M______, spécialiste FMH en anesthésiologie et douleur et médecin-chef de la clinique de la douleur à l'Hôpital de La Tour, un « rapport intermédiaire de rééducation sensitive » du 13 novembre 2020 de l'ergothérapeute N______, un « rapport d'évaluation sensitive » du 11 octobre 2019 de l'ergothérapeute E______, ainsi qu'une lettre de sortie du 2 mai 2019 du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG à la suite de l'intervention chirurgicale du 16 avril 2019 (avec séjour jusqu'au 18 avril suivant).

g. Dans un avis du 18 juin 2021, le SMR a maintenu son appréciation du 14 mai 2021, précisant toutefois que le début de l'aptitude à la réadaptation ne commençait pas le 16 avril 2019 mais seulement le 16 septembre 2019, soit cinq mois après la dernière opération lombaire.

h. Par décision du 14 octobre 2021, l'OAI a octroyé à l'assurée une rente entière ordinaire simple pour la période du 1er août 2019, soit un an (délai d'attente) après le début de l'incapacité de travail durable et six mois après le dépôt de la demande AI, jusqu'au 30 novembre 2019, soit trois mois après la fin de l'incapacité de travail durable – le 16 septembre 2019 –. Pour la période commençant le 1er décembre 2019, l'office a maintenu l’essentiel des termes de son projet de décision, à savoir une perte de gain de 6% en raison d’une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle mais entière dès le 16 septembre 2019 dans une activité adaptée, ainsi que des mesures professionnelles non indiquées actuellement.

C. a. Par acte posté le 12 novembre 2021 et très peu motivé, l'assurée, désormais représentée par une avocate, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) contre ladite décision de l'OAI, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité sans limitation dans le temps, dès le 1er juillet 2019.

b. Le 19 janvier 2022, elle a complété son recours, en contestant la valeur probante de l'expertise du BEM, en sollicitant l'audition de témoins et la mise en œuvre d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire comportant un volet psychiatrique, un volet neurologique et un volet rhumatologique, et persistant au fond dans les conclusions de son recours.

Dans un rapport du 26 novembre 2021, la Dre B______ relevait l'absence de solution thérapeutique pleinement satisfaisante, malgré notamment la prise en charge momentanée de la patiente par la consultation ambulatoire de la douleur des HUG.

À teneur d'un rapport du 28 octobre 2021 du Dr I______, au plan psychique, la situation était stationnaire ; certes habituellement, une dysthymie à début tardif n'impliquait pas d'incapacité de travail, mais, dans la constellation des problèmes globaux dont souffrait l'intéressée et compte tenu de ses souffrances psychiques, l'incapacité de travail était bel et bien de 50% au plan psychique.

c. Dans sa réponse du 22 février 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours et a joint un avis du 31 janvier 2022 du SMR qui considérait que ces derniers rapports de la médecin généraliste traitante et du psychiatre traitant ne permettaient pas de remettre en cause les conclusions des experts, qui demeuraient valables.

d. Dans sa réplique du 16 mai 2022, la recourante a complété ses critiques à l'encontre des constatations, appréciations et conclusions des experts et a relevé que le Dr J______ n'était pas expert SIM, sollicitant par ailleurs, dans l'hypothèse où une expertise judiciaire n'était pas ordonnée, que le BEM, voire aussi les Drs J______ et K______, soient interpelés au sujet du nombre de leurs expertises, leurs résultats en termes d'incapacité de travail retenue ou non, ainsi que leurs chiffres d'affaires respectifs.

e. Une audience de comparution personnelle des parties et d'enquêtes s'est tenue le 15 novembre 2022 devant la chambre de céans.

La recourante a déclaré notamment que l'expert rhumatologue l'avait forcée à faire des mouvements alors qu'elle lui avait dit que cela lui faisait trop mal. D'une manière générale, elle n'arrivait pas à rester debout et assise au-delà de 10 minutes et elle devait alors changer de position.

Entendue à titre de renseignement, Madame O______, née en 1990 et fille de la recourante, a décrit l'aide qu'elle apportait à sa mère ainsi que l'état de santé de cette dernière et les activités que celle-ci pouvait encore effectuer.

Auditionnée en qualité de témoin, la Dre B______ a posé les diagnostics de lombosciatalgie gauche, de parésie du nerf péronier gauche séquellaire à une opération et de syndrome dépressif réactionnel, selon elle de modéré à sévère. Les deux problèmes principaux étaient les douleurs au bas du dos et à la jambe gauche ainsi que la difficulté à relever le pied gauche en raison de la parésie (paralysie partielle) du nerf susmentionné. Selon la médecin généraliste traitante, le premier effet était l'incapacité de la patiente à rester dans la même position (assis, debout ou couchée) au-delà de 15 minutes les bons jours et 5 minutes les mauvais jours ; il y avait aussi l'impossibilité d'effectuer des tâches quotidiennes d'une personne vivant seule telles que faire le ménage, la cuisine, les courses, ce à cause des douleurs et la fatigabilité à l'effort. Ses douleurs pouvaient aller jusqu'à 8 ou 9/10 ; il était toutefois très difficile de les décrire de manière globale car il y avait des différences ; au bas du dos la douleur était profonde là où il y avait eu l'opération du rachis ; autour du neurostimulateur, il y avait une extrême sensibilité de la peau qui pouvait même la gêner à porter un vêtement ; la douleur du dos irradiait parfois le long du nerf sciatique, et il y avait parfois la douleur en lien avec le nerf de la jambe (péronier) qui créait une douleur aussi au pied et la difficulté à le mobiliser. L'assurée avait toujours une douleur quelque part et l'intensité des douleurs variait en fonction des moments et des activités. De l'avis de la Dre B______, la patiente ne pouvait pas faire ses tâches ménagères seule, d'après ce que celle-ci lui racontait. Au plan ménager, elle pouvait faire un tout petit peu de lessive en s'asseyant tout près de la machine, éventuellement préparer un repas très simple pour elle-même, faire quelques petites activités de ménage, mais elle s'arrêtait vite (après 15 minutes) à cause de la douleur, à la suite de quoi elle devait s'allonger. La médecin généraliste traitante estimait la capacité de travail de l'intéressée à 0% dans son activité habituelle ; elle ne voyait pas quelle activité professionnelle quelconque elle pourrait exercer, dans la mesure où elle devait tout le temps changer de position et ne pouvait ni porter des charges, ni se pencher ou faire des mouvements ; si une telle activité existait, elle ne pourrait à son avis, à la suite d'une augmentation progressive du taux d'activité, pas dépasser les 40% de capacité de travail (tenant compte aussi des affections psychiques). Avant ces problèmes, la recourante, qu'elle suivait depuis 10 ans, était une personne très volontaire qui aimait travailler et qui refusait généralement les arrêts de travail que la Dre B______ lui avait proposés lorsqu'elle avait eu des problèmes d'épaule ou d'anciens problèmes lombaires. Il n'y avait pas de majoration des symptômes, mais une diminution du seuil de tolérance à des douleurs élevées ; le fait que la patiente avait des douleurs permanentes depuis plusieurs années l'avait conduite à développer un syndrome dépressif réactionnel qui faisait que les douleurs devenaient encore plus insupportables et la rendait agressive. La compliance aux traitement était bonne. D'après ce que la médecin généraliste traitante constatait elle-même, l'origine des douleurs était plutôt neurologique, plutôt que mécanique. Au plan neurologique, la patiente faisait l'objet d'évaluations régulières par le Dr H______, la dernière ayant eu lieu en septembre 2020 (avant la prise en charge par le Dr M______).

Entendu en tant que témoin, le Dr M______ a déclaré suivre la recourante depuis fin 2020, étant donné qu'elle conservait des douleurs lombaires et dans la jambe gauche après deux interventions chirurgicales effectuées par le Dr F______ des HUG. Il était fréquent qu'il voie des patients qui conservaient des douleurs après une opération du rachis car il était difficile d'avoir de bons résultats avec ce genre de chirurgie. L'assurée avait une lésion qui avait été objectivée sur électroneuromyographie (ci-après : ENMG) en L5 gauche. Le Dr M______ avait rapidement proposé une neurostimulation médullaire à titre palliatif, opération qui se faisait en deux étapes, la première avec un test ; ce dernier ayant été positif à la suite d'une première opération en janvier 2021, son service et lui-même avaient définitivement implanté le neurostimulateur en février 2021. Depuis cette époque-là, il suivait l'assurée à intervalle régulier (par exemple tous les trois mois) ; le dernier contrôle avait eu lieu en septembre 2022, lors duquel la patiente avait mentionné une amélioration globale d'environ 50% des symptômes. Le témoin pensait que cette amélioration datait déjà depuis l'implantation définitive du neurostimulateur en février 2021. C'était à peu près ce pourcentage d'amélioration qui était fréquent avec ce type de traitement. L'origine des douleurs de la patiente était probablement neurologique, que ce soit suite aux opérations chirurgicales ou préexistante. Malgré le neurostimulateur, l'intéressée gardait des limitations fonctionnelles à la marche, avec un périmètre de marche limité, dans le port de charges, dans les activités physiques, les positions statiques prolongées assise ou debout et des perturbations du sommeil. Ses douleurs étaient crédibles. Il était très difficile au témoin de se prononcer sur sa capacité de travail et sur l'ampleur des limitations fonctionnelles car il ne voyait l'assurée que pendant 30 minutes environ, ce qui était notamment insuffisant pour savoir comment se passaient les autres heures de sa journée et si entre autres elle était fatiguée. Le fait que le neurostimulateur avait réduit globalement les douleurs à 50% n'avait néanmoins pas d'impact sur les effets de la lésion L5 sur le pied gauche ; à cela se surajoutait des douleurs sur la colonne vertébrale, car celle-ci avait été fixée par opération chirurgicale et ceci était souvent source de douleurs mécaniques car la colonne n'était pas faite pour être fixée mais pour bouger. Le Dr M______ entendait douleurs mécaniques par opposition à douleurs neuropathiques ; la patiente avait « des douleurs neuropathiques seulement pour les irradiations dans la jambe gauche » (NDR : seulement des douleurs neuropathiques pour les irradiations dans la jambe gauche), et une partie des douleurs lombaires étaient neuropathiques avec des douleurs mécaniques surajoutées (mixtes). L'atteinte à la racine L5 de la patiente était la cause du steppage au pied gauche, en ce sens qu'elle avait une faiblesse du releveur du pied, ce qui l'obligeait à marcher en faisant des grands mouvements latéraux ; ce problème du releveur (muscle) occasionnait aussi un manque de force au pied gauche. Les souffrances psychiques telles que la dépression étaient une conséquence de ces douleurs ; il était normal et compréhensible qu'avec de telles douleurs chroniques la patiente soit touchée dans son humeur, son moral, ainsi que sa vie familiale et sociale ; c'était un cercle vicieux, les souffrances psychologiques pouvant amplifier le ressenti des douleurs. Le pronostic pour la recourante était difficile ; après trois ans de chronicité, les chances de récupération étaient plutôt faibles ; sa situation et son pronostic étaient plutôt stables.

Durant l'audience qui avait commencé à 8h45, la recourante a demandé à 9h30 de se lever à cause de ses douleurs dans le dos. Puis, après 5 à 7 minutes, à la demande de son avocate, avec l'accord du président, elle s'est couchée sur des chaises dans la salle d'attente, durant l'audition de sa fille. Elle est revenue à 10h30, en même temps que le Dr M______. Lors de l'audition de ce dernier, elle est restée assise jusqu'à environ 11h05, heure à partir de laquelle elle s'est mise debout. Ensuite – elle se serait apparemment rassise peu de temps après 11h05 –, elle s'est levée vers 11h25-30, puis, à sa demande, elle est allée se coucher dans la salle d'attente à 11h35, avant de revenir à 12h17, vers la fin de l'audience.

f. Dans des observations du 15 décembre 2022 après enquêtes, la recourante a persisté dans ses conclusions, sollicitant en particulier la mise sur pied d'une expertise judiciaire auprès d'un neurologue et d'un psychiatre, si possible disposant de la certification SIM, des noms étant évoqués.

D. a. Par pli du 20 avril 2023, la chambre de céans a informé les parties qu'elle avait l'intention de mettre en œuvre une expertise judiciaire bidisciplinaire et de la confier à une ou un neurologue et une ou un rhumatologue, avec collaboration entre eux, leur a proposé le docteur P______, neurochirurgien FMH et chirurgien du rachis – ou colonne vertébrale –, et la docteure Q______, rhumatologue FMH auprès d'un hôpital privé et experte SIM. Elle a également annexé un projet de mission d'expertise et a imparti un délai aux parties pour se prononcer sur une éventuelle récusation et sur les questions libellées dans la mission d'expertise.

b. Par écriture du 11 mai 2023, à laquelle était jointe un avis du SMR du même jour, l'intimé s'est opposé au principe de mise en œuvre d'une expertise judiciaire, mais a indiqué ne pas avoir de motifs de récusation des experts proposés ni de questions complémentaires.

c. Le 12 mai 2023, la recourante a fait savoir ne pas avoir de motifs de récusation des experts proposés ni de questions complémentaires à faire figurer dans la mission d'expertise.

d. Par ordonnance d’expertise du 30 mai 2023 (ATAS/368/2023), la chambre des assurances sociales a ordonné une expertise judiciaire portant sur les plans rhumatologique et neurologique, avec les questions posées dans le dispositif, et confiée aux Drs Q______ et P______ qui établiraient un rapport détaillé commun, le cas échéant deux rapports d'expertises séparés accompagnés d'une évaluation consensuelle.

En effet, s'il paraissait à tout le moins prématuré de nier toute valeur probante au rapport d'expertise des Drs J______ et K______, qui répondait, sur le plan formel, au moins à une partie des exigences posées par la jurisprudence relativement à la valeur probante d'une expertise, les explications de la recourante et de sa fille ainsi que plusieurs avis de médecins conduisaient néanmoins à douter de certaines constatations, appréciations et conclusions des experts, surtout rhumatologue. Ces doutes concernaient essentiellement, premièrement, la question de l'existence ou non de douleurs de l'intéressée dans le dos et la jambe gauche, deuxièmement, ses activités et tâches quotidiennes qu'elle effectuait réellement et qu'elle était encore capable d'accomplir (au regard de ses éventuelles douleurs), troisièmement l'analyse au plan neurologique de l'état de santé et de ses conséquences.

e. L’experte Q______ a effectué le 21 août 2023 l’examen clinique, qui a duré 2h20. L’expert P______ a de son côté accompli le 23 août 2023 cet examen ; en outre, à sa demande, ont été effectuée le 18 octobre 2023 des « IRM et CT lombaires », le 23 octobre 2023 une « scintigraphie osseuse avec SPECT‑CT » et le 15 novembre 2023 des « radiographies EOS de la colonne totale », dont les résultats ont été résumés par cet expert.

Les experts Q______ et P______ ont rendu leurs rapports d’expertise le 26 janvier 2024, respectivement les 24 janvier (non signé) et 31 janvier 2024 (signé), séparés, mais contenant chacun leur « appréciation multidisciplinaire consensuelle du 13.11.2023 » (comprenant leur « conclusion commune ») dont la teneur est la suivante.

Au plan rhumatologique, les diagnostics incapacitants étaient les lombalgies chroniques persistantes après chirurgie du rachis : « faileed back surgery syndrom (ci-après : FBSS) (ME84.2), à savoir : - le 8 octobre 2018, « ALIF L5-S1 ; XLIF L4-L5 ; spondylèse mini-invasive L3-S1 par système Precept et décompression L4-L5 par facettectomie bilatérale » ; - le 16 avril 2019, « S/p (NDR : status post, état après) décompression L4-L5 gauche par laminectomie L5 gauche et foraminotomie L4-L5 gauche dans le contexte d’une radiculopathie sensitivo-motrice L5 à gauche » ; - S/p implantation d’un neurostimulateur le [19 février 2021] ». Toujours du point de vue rhumatologique, les diagnostics non incapacitants étaient : - « S/p réparation de la coiffe des rotateurs de l’épaule [gauche] en mai 2016 avec amélioration post-opératoire et reprise du travail » ; - « multiples réactions médicamenteuses de type retardées sans signe de gravité » ; - atopie avec : « conjonctivite per-annuelle avec sensibilisation à l’acarien d. farina », symptômes asthmatiques occasionnels, « spirométrie du 26 janvier 2021 (pneumologie) : pas d’obstruction », possible syndrome oral croisé, « syndrome sec, aphtose, photosensibilité DD médicamenteux (Cymbalta), maladie auto-immune, dans le cadre de l’atopie », et « test de Schirmer douteux et sialométrie pathologique le 26 janvier 2021 mais peu d’arguments pour une connectivité selon le rapport d’immunologie des HUG du 16 février 2021 » (dont les diagnostics posés sont énumérés en p. 28 du rapport d’expertise de la Dre Q______).

Au plan neurochirurgical, les diagnostics incapacitants étaient : - neuropathie sciatique gauche séquellaire après des opérations compliquées et compression de la racine L5 de longue durée, configurant une douleur chronique et non nociceptive avec déficit moteur et fatigue de la jambe gauche ; ‑ déconditionnement musculaire dans le même contexte avec aussi position cyphotique de la colonne lombaire, déséquilibrée ; - « discopathie dégénérative L1-L2 et L2-L3 mais aussi sur maladie des segments adjacents post fusion des niveaux L3-L4, L4-L5 et L5-S1 avec début de canal lombaire étroit en L2-L3, cyphose et discopathie mécanique et arthrose facettaire inflammatoire active sur scintigraphie » ; - « [FBSS] ou syndrome du dos rebelle à la chirurgie, consécutif à toutes les précédentes » ; - « cervicalgies sur discopathie C5-C6 prédominante et non traitées, sans irradiation brachiale ». Encore du point de vue neurochirurgical, les diagnostics non incapacitants étaient : - « S/p réparation de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche en mai 2016 avec amélioration post‑opératoire et reprise du travail » ; - « multiples réactions médicamenteuses de type retardées sans signe de gravité » ; - neuropathie des petites fibres sur possible syndrome de Sjören en cours d’investigation ; - obliquité pelvienne discrète de 3 mm en défaveur de la gauche.

Les experts – judiciaires – rhumatologue et neurochirurgien s’accordaient sur une capacité de travail dans l’« ancienne activité de femme de ménage » de 50% à partir du 10 septembre 2018, puis nulle à compter du 7 octobre 2018 (début de l’hospitalisation aux HUG dans le cadre de laquelle avait été effectuée la première opération chirurgicale, le 8 octobre 2018) et jusqu’à aujourd’hui, si ce n’est que cette capacité était nulle « déjà un peu avant » l’opération selon le Dr P______.

Selon l’experte rhumatologue, la capacité de travail dans une activité adaptée avait été nulle d’octobre 2018 à août 2019 car l’état de santé n’était pas stabilisé, puis elle était entière dès septembre 2019 (« 5 mois post deuxième chirurgie lombaire »), du fait d’un état de santé stabilisé et en se basant sur les limitations fonctionnelles retenues, lesquelles permettaient l’exercice d’une activité, et ce en concordance avec les appréciations des Drs J______ et H______. En revanche, d’après l’expert neurochirurgien, la capacité de travail dans une activité adaptée était de 50% dès avril/mai 2021, soit deux à trois mois après la stabilisation amenée par la pose du stimulateur coïncidant avec une réduction des douleurs d’environ 50%.

Pour ce qui est d’une activité adaptée, les limitations fonctionnelles retenues par l’experte rhumatologue consistaient en celles liées à l’atteinte dégénérative rachidienne avec antécédent de chirurgies lombaires, c’est-à-dire « pas de mouvement répété du rachis, pas de position en porte-à-faux, pas de port de charge de plus de 5 kg répété », ainsi qu’en celles en lien avec la parésie distale du membre inférieur gauche, à savoir « pas de station debout prolongée ni de marche prolongée », ces limitations fonctionnelles étant valables depuis la première chirurgie lombaire en octobre 2018. Selon l’expert neurochirurgien, les limitations fonctionnelles d’ordre physique étaient bien décrites du point de vue de la douleur avec une limitation de mobilité, de station debout ou assise prolongée ainsi qu’avec des périodes de marche de moins de 30 minutes ; « il [existait] aussi une incapacité à porter plus de 5 kg ou d’avoir des nuits de sommeil de 5 à 6 heures maximum » ; « un probable comportement d’évitement psychique [était] aussi anticipé dans ce contexte ».

Il est par ailleurs relevé que le rapport d’expertise de la Dre Q______ cite de manière relativement complète les documents figurant au dossier et ayant une pertinence médicale, notamment un rapport du Dr H______ du 20 novembre 2022.

f. À teneur des observations sur expertise formulées le 21 février 2024 par l’intimé, le caractère bidisciplinaire de l’expertise judiciaire devait être nié, dès lors que d’importantes contradictions apparaissaient entre le volet rhumatologique et celui neurochirurgical quant à des constats médicaux, en particulier concernant la capacité de travail dans une activité adaptée.

Était annexé un rapport du 16 février 2024 du SMR, qui formulait plusieurs remarques et estimait que les deux expertises composant l’expertise judiciaire n’étaient pas complètes, ce à quoi s’ajoutait l’absence de consensus entre les deux experts, de sorte qu’il ne pouvait pas suivre les conclusions de ceux-ci et maintenait sa précédente appréciation du cas.

Vu cet avis du SMR ainsi que les importantes contradictions entre les expertises rhumatologique et neurochirurgicale composant l’expertise judiciaire, cette dernière ne pouvait, d’après l’OAI, se voir reconnaître une valeur probante et devait être écartée, d’office persistant ainsi dans les conclusions de ses précédentes écritures.

g. Selon l’écriture du 26 avril 2024 de la recourante – à laquelle avaient été préalablement transmises les prises de position susmentionnées de l’intimé et du SMR –, les limitations fonctionnelles les plus importantes découlaient d’une atteinte neurologique qui résultait d’un acte neurochirurgical, un neurochirurgien étant donc mieux à même qu’un ou une rhumatologue d’évaluer les atteintes à la santé dont elle souffrait. Partant, au plan somatique, elle se ralliait aux conclusions du Dr P______, dont la valeur probante était supérieure à celle des conclusions de la Dre Q______.

En outre, d’après elle, son état psychique avait également un impact sur sa capacité de travail, de sorte qu’il lui semblait nécessaire d’organiser un complément d’expertise judiciaire auprès d’un médecin psychiatre spécialisé dans la gestion de la douleur.

La recourante persistait donc dans ses conclusions et ajoutait que, si la chambre de céans envisageait l’octroi d’une rente partielle, elle conclurait formellement à l’octroi aussi de mesures professionnelles « puisqu’il [était] admis qu’elle ne [pouvait] plus exercer son activité habituelle et qu’elle [n’avait] aucune autre formation ou compétences qui puissent être mise en valeur sur le marché de l’emploi sans aide ».

h. Le 17 mai 2024, soit dans le délai octroyé aux parties pour formuler d’éventuelles observations, l’intimé a maintenu intégralement ses conclusions telles que figurant dans ses précédentes écritures, sans autres commentaires, et la recourante ne s’est de son côté pas manifestée.

i. Dans les lettres du 20 juin 2024 accompagnant une convocation à une audience de confrontation entre les experts Q______ et P______, la chambre de céans a écrit : « La présente cause étant malheureusement difficile à trancher à cause notamment de vos divergences d'appréciation avec votre co-expert, le but de cette audience consistera à clarifier quelles sont vos appréciations et conclusions communes et celles divergentes, et pour quels motifs et sur quels points, et à voir si vos avis pourraient être plus proches que ce qu'ils semblent être à teneur de vos rapport d'expertise rhumatologique et neurochirurgicale respectifs. Il s'agira aussi d'examiner si, éventuellement, des divergences de points de vue restantes découleraient ou non de la différence de vos deux spécialités respectives (rhumatologie et neurochirurgie) et, de par cette différence, pourraient ou non être compatibles entre elles. (…) Avant l'audience, vous – les co-experts – êtes encouragés à prendre contact l'un avec l'autre et à discuter ensemble au sujet de ce qui précède, voire même adresser à la chambre de céans un rapport complémentaire comprenant le résultat de telles discussions ».

j. À la demande de la chambre des assurances sociales, la recourante a remis à celle-ci le rapport du 20 novembre 2022 du Dr H______.

Selon ce rapport, qui était adressé à la Dre B______ et qui faisait suite à une consultation du 17 novembre 2022 pour « réévaluation à un peu plus de deux ans d’évolution de douleurs neurogènes secondaires à une radiculopathie L5 gauche sévère et déficitaire », le dernier entretien remontant au 3 septembre 2022, le diagnostic consistait en des « dysesthésies douloureuses du pied et de la face latérale de la jambe gauche associées à une lourdeur et fatigue du membre inférieur secondaires à une radiculopathie L5 gauche sévère avec douleurs neurogènes, et maintenant séquellaires ». Sous « discussion et propositions », cliniquement, l’examen neurologique des membres inférieurs – effectué ledit 17 novembre 2022 – était globalement superposable à celui de septembre 2020 et montrait toujours une hypoesthésie du territoire péronier superficiel gauche associée à des paresthésies douloureuses ainsi qu’une parésie relativement sévère des muscles dépendants de la racine L5 gauche ; l’ENMG – exécuté le même jour – était également superposable à celui réalisé en septembre 2020 avec cette fois-ci une disparition complète des signes de dénervation active, témoignant donc d’une radiculopathie L5 gauche séquellaire sans signe de nouvelle atteinte. Le neurologue H______ expliquait ainsi à la patiente qu’elle était actuellement dans une situation totalement stabilisée et qu’à quatre ans d’évolution, il y avait malheureusement peu de chances que les symptômes s’améliorent, la continuation de la prise en charge antalgique, en particulier modulée par le stimulateur médullaire, étant donc recommandée.

k. Le 16 août 2024, l’expert neurochirurgien a transmis à la chambre de céans, à la demande de cette dernière, les rapports « des examens complémentaires effectués en automne 2023 à la demande du Dr P______ », à savoir un rapport établi le 23 octobre 2023 à la suite d’« IRM et CT colonne lombaire » du même jour, par la docteure R______, radiologue FMH, de même qu’un rapport établi le 23 octobre 2023 à la suite d’une « scintigraphie osseuse avec SPECT/CT » (avec images annexées) du même jour, par les docteurs S______ et T______, spécialistes FMH en médecine nucléaire, respectivement radiologie.

l. Lors d’une audience du 1er octobre 2024, en présence des parties, les experts Q______ et P______ ont été entendus et leurs avis confrontés, la discussion portant en partie sur les douleurs ainsi que leur évaluation et leurs effets en matière de capacité de travail.

Au début de cette audience, la recourante a déclaré que ses douleurs augmentaient d'année en année progressivement, depuis 2021, et, à la fin de ladite audience, son avocate a « [souhaité] une mise en situation dans un atelier de réinsertion professionnelle ainsi qu'une expertise psychiatrique », et a pensé produire de nouveaux rapports médicaux, concernant le syndrome de Sjörgen, requêtes auxquelles l’intimé s’est opposé.

m. Le SMR le 17 octobre 2024 et l’OAI le 24 octobre 2024 ont confirmé leur conclusion en écartement de l’expertise judiciaire, estimant en particulier que les conclusions de l’expert neurochirurgien quant à la capacité de travail ne reposaient sur « aucun élément objectif corroboré par des examens cliniques (cf. douleurs subjectives) ».

n. Par écriture du 14 novembre 2024, l’assurée a produit un rapport établi le 19 septembre 2024 par le service de neurologie des HUG à la suite d’une « consultation médicale des maladies neuromusculaires » du 17 septembre précédent et diagnostiquant une « neuropathie des petites fibres confirmée à la biopsie cutanée, d’origine indéterminée (08.09.2023) », ainsi qu’un rapport de « consultation ambulatoire de suivi d’immunologie clinique » du 8 octobre 2024 rédigé par le service d’immunologie et d’allergologie.

D’après la recourante, contrairement à ce qu’elle avait récemment compris, elle n’était pas atteinte d’un syndrome de Sjörgen, mais d’une neuropathie des petites fibres. Ce nouveau diagnostic devait être pris en compte. Vu le désaccord persistant entre les experts, l’intéressée a sollicité une expertise judiciaire complémentaire, qui « devrait inclure un volet neurologique, compte tenu du nouveau diagnostic de neuropathie des petites fibres, mais également une observation in concreto des capacités de l’assurée, tels que les médecins entendus dans le cadre de cette procédure et les experts [l’avaient] préconisé, afin de déterminer [ses] capacités résiduelles réelles de travail ». Subsidiairement, elle a demandé que les résultats des examens complémentaires annexés soient transmis aux experts avec des questions à leur poser, lesquelles étaient ensuite énoncées.

o. Les 26 et 28 novembre 2024, le SMR, respectivement l’intimé ont considéré que l’on ne pouvait pas se prononcer en l’état sur les conséquences du diagnostic de neuropathie des petites fibres sur la capacité de travail et ont proposé d’interroger le Dr M______ et le service de neurologie des HUG à ce sujet.

p. À la demande de la chambre des assurances sociales formulée le 20 décembre 2024, le service de neurologie des HUG a, le 9 janvier 2025, produit des rapports de « consultation ambulatoire de la douleur » des HUG des 29 octobre 2019 et 20 janvier 2020, des rapports du service de neurologie susmentionné du 8 mars et 12 avril 2023 à la suite d’ENMG réalisés les mêmes jours, un rapport dudit service de neurologie du 17 octobre 2023, enfin le rapport de ce service du 19 septembre 2024 cité plus haut.

q. Le 13 janvier 2025, la chambre de céans a transmis ces rapports aux parties et leur a écrit ce qui suit : « Nous n'avons pas reçu de rapport clinique de la douleur du 12 septembre 2023 (mentionné en p. 43 du rapport d'expertise de l'expert Q______). [À la ligne] Il est relevé que l'expert P______, dans son rapport d'expertise, mentionne une neuropathie des petites fibres avec la mention d'une consultation neuromusculaire du 8 septembre 2023 (bas p. 3) et au titre de diagnostic non incapacitant (notamment haut p. 5 et p. 14 dans sa version reçue le 25 janvier 2024 ou p. 16 dans celle reçue le 1er février 2024). [À la ligne] La version du rapport d'expertise du Dr P______ reçue le 1er février 2024, ne semblant pas exactement identique (à tout le moins concernant les pages à partir du bas de la p. 4) à celle reçue le 25 janvier 2024, est adressée ci-joint en copie aux parties. [À la ligne] Sans éventuelles observations des parties d'ici le 11 février 2025, la cause sera gardée à juger sur mesures d'instruction ou au fond ».

r. Le 11 février 2025, le SMR et l’office ont considéré que la neuropathie des petites fibres n’avait pas à justifier une incapacité de travail. L’intimé a persisté dans ses conclusions précédentes (tendant au rejet du recours).

s. Le même 11 février 2025, la recourante a « [rappelé] que le diagnostic de neuropathie des petites fibres [était] important principalement parce qu’il objective des symptômes atypiques (douleurs et sensations douloureuses atypiques) », et a persisté dans ses conclusions précédentes, y compris celle tendant à la mise en œuvre d’une « expertise judiciaire complémentaire psychiatrique ».

t. Par plis du 14 février 2025, la chambre de céans a transmis ces écritures aux parties, pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AI, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA ainsi que 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             L’objet du litige porte sur la question du droit ou non de la recourante à une rente et à des mesures professionnelles, à la suite de sa seconde demande de prestations AI, déposée le 15 février 2019.

De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

3.              

3.1 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis à ce nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.2 Par ailleurs, le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l'AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle qui était en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence).

En l'occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur (cf. ATF 148 V 174 consid. 4.1).

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI).

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1, tel qu'en vigueur dès le 1er janvier 2021, la version antérieure indiquant « dans son domaine d'activité » plutôt que « qui entre en considération »). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2, en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Aux termes de l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.

Conformément à l'art. 4 LAI, l'invalidité (art. 8 LPGA) peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (al. 1). L'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (al. 2).

4.2 En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

Selon l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi‑rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

Aux termes de l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA – le 15 février 2019, ce qui un éventuel droit avant le 1er août 2019 –, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l'assuré.

4.3 Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'AI accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l'art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; 125 V 413 consid. 2d et les références ; VSI 2001 p. 157 consid. 2).

À teneur de l’art. 17 al. 1 LPGA (dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2022), si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; 113 V 273 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2).

Aux termes de l'art. 88a al. 1 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RS 831.201 - RAI), si la capacité de gain s'améliore, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu'on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre.

4.4 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'AI, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

Dans l'ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu'en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins – dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée, avec des indicateurs – conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et 6.3 et les références).

4.5 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

4.5.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d'investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

4.5.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

En principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise – au sens de l’art. 44 LPGA – confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb). En effet, au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte de celle exprimée par les experts. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expertise (arrêts du Tribunal fédéral 8C_520/2023 du 28 février 2024 consid. 3.2 ; 8C_691/2022 du 23 juin 2023 consid. 3.3 et l'arrêt cité).

Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (cf. ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

4.6 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

Chez les assurés actifs – comme la recourante –, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l'appréciation de l'abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss et les références). En d’autres termes, les limitations fonctionnelles justifiant une diminution de rendement déjà prises en compte dans l'évaluation de la capacité de travail n'ont pas à être retenues une seconde fois lors de la détermination de l'abattement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/2020 du 27 août 2021 consid. 6 et la référence).

L’art. 26bis al. 3 RAI n’est en tout état de cause pas applicable dans sa version en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023, puisque cette disposition réglementaire a été considérée comme contraire à la loi par le Tribunal fédéral (ATF 150 V 410), et, en l’état actuel, pas non plus dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2024 (cf. a contrario al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du 18 octobre 2023).

4.7 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

5.              

5.1 En l’espèce, tout d’abord, au plan psychiatrique, selon un rapport – relativement circonstancié – du 19 juin 2020 du docteur I______, psychiatre et psychothérapeute FMH et psychiatre traitant, la patiente souffrait d'une dysthymie à début tardif (CIM-10, F34.1) qui permettait seulement une capacité de travail de 50% dans une activité depuis le 11 novembre 2019. Les limitations fonctionnelles étaient la fatigabilité (importante et ralentissant ses performances), le manque d'énergie et, de manière plus légère, le découragement. Un traitement médicamenteux antidépresseur avait été introduit à compter du 11 novembre 2019 aussi.

La Dre K______, psychiatre et psychothérapeute FMH et experte médicale SIM, a, dans le rapport d'expertise établi le 10 mai 2021 dans le cadre de la procédure administrative (art. 44 LPGA), diagnostiqué une dysthymie (F34.1) depuis 2018 et retenu une absence de toute incapacité de travail (y compris dans l'activité habituelle), même si l'irritabilité et les baisses de thymie pouvaient diminuer le rendement ponctuellement. Les « limitations psychiatriques » étaient : « des contacts personnels confrontants ou multiples et un environnement de travail stressant peuvent diminuer les performances et sont liés à sa structure de personnalité émotionnellement vulnérable. Sensibilité à la critique » (p. 16 à 19, ainsi que 47 et 48). Concernant le traitement psychiatrique actuel, il était noté par l'experte psychiatre que l'expertisée bénéficiait de consultations deux fois par mois, parfois une fois par mois, la dernière ayant eu lieu le 21 avril 2021, auprès du Dr I______, selon lequel l'intéressée ne prenait ni somnifères ni benzodiazépines, mais l'antidépresseur Duloxétine 60 mg « avec effet subjectivement favorable ».

À teneur d'un rapport du 28 octobre 2021 – reçu au stade de la procédure de recours – du Dr I______, au plan psychique, la situation était stationnaire. Certes habituellement, une dysthymie à début tardif n'impliquait pas d'incapacité de travail, mais, dans la constellation des problèmes globaux dont souffrait l'intéressée et compte tenu de ses souffrances psychiques, l'incapacité de travail était bel et bien de 50% au plan psychique.

5.2 Cela étant, le rapport d’expertise de la Dre K______ répond, sur le plan formel, aux exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse lui accorder une pleine valeur probante. En effet, cette expertise psychiatrique a été conduite par une médecin spécialisée dans le domaine concerné – psychiatrie –, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier. L’experte a personnellement eu un entretien avec la recourante préalablement à l'établissement de son rapport d'expertise, et elle a consigné les renseignements anamnestiques pertinents, recueilli les plaintes de l'assurée et résumé ses propres constatations. Elle a en outre énoncé le diagnostic retenu et a répondu à toutes les questions posées, ses appréciations reposant en outre sur la grille d'évaluation normative et structurée (indicateurs) développée par le Tribunal fédéral. Enfin, ses conclusions sont claires et bien motivées.

5.3 Dans son complément de recours, l’intéressée fait, à l’appui de sa demande d’expertise judiciaire pluridisciplinaire comportant notamment un volet psychiatrique, implicitement valoir que les interactions entre la dysthymie et les douleurs n’auraient pas été examinées. Dans le même sens, dans ses écritures des 26 avril 2024 et 11 février 2025, elle allègue ce qui suit : selon le Dr I______, la dysthymie a un impact sur ses ressources pour surmonter les douleurs physiques, et, d’après l’expert neurochirurgien P______, il y a un retrait social et l’état psychique de l’assurée influence sa gestion des douleurs et vice-versa ; la recourante en déduit que son état de santé psychique a également un impact sur sa capacité de travail, de sorte qu’« il semble nécessaire d’organiser un complément d’expertise auprès d’un médecin psychiatre spécialisé dans la gestion de la douleur ».

Ainsi, la recourante ne présente aucun grief un tant soit peu précis et concret à l’encontre de ce rapport d’expertise psychiatrique.

5.4 Pour ce qui est des appréciations des médecins qui suivent l’assurée, le Dr I______, psychiatre traitant, ne motive pas clairement l’incapacité de travail de 50% sur la base du diagnostic posé (la dysthymie), mais il atteste cette incapacité de travail essentiellement en lien avec les symptômes liés aux atteintes somatiques. En effet, dans son rapport du 19 juin 2020, il décrit ce qui suit : « Sensation de fatigue et de tristesse qui parfois dure plusieurs mois. Elle a des périodes où elle présente des troubles légers du sommeil. (…) Perçoit la vie comme étant difficile et ayant que très peu de moments agréables. Ressent parfois du découragement. À noter que les symptômes mentionnés ci-dessus sont présents par périodes, à part les douleurs et les sensations de fourmillements, qui sont toujours présentes. Il est à noter un état dépressif qui a duré plusieurs années mais qui ne l’a pas empêchée de faire sa vie habituelle même si elle a ressenti des difficultés, notamment en 2008, 2009 et 2010. Depuis lors la thymie dépressive se manifeste de temps en temps, et surtout depuis l’automne 2019 ». Il ressort de ces constatations que la dysthymie n’existe essentiellement qu’en lien avec les symptômes et douleurs d’ordre somatique. Ce que confirme le rapport du 18 octobre 2021 du Dr I______, selon lequel « parfois pendant des périodes des idées dépressives apparaissent » et les suites douloureuses des opérations à la colonne lombo-sacrée « [renforcent la patiente] dans l’idée qu’elle ne peut plus travailler et elle ressent dans la situation actuelle une blessure narcissique qu’elle n’arrive pas à surmonter ». Or aucun trouble de la personnalité n’est diagnostiqué concernant l’intéressée, quand bien même l’expert psychiatre fait état, au titre de limitation fonctionnelle, d’une structure de personnalité émotionnellement vulnérable, sans que celle-ci ait un caractère incapacitant.

Pour le reste, selon les déclarations en audience de la Dre B______, médecin généraliste traitante, le taux de capacité de travail maximal imaginable de 40% dans une activité adaptée, dont elle ne voit pas une existence possible, tient compte des affections psychiques de sa patiente mais seulement dans la mesure qui lui est connue car elle n’est pas spécialiste en psychiatrie et qu’elle ne la suit pas sur ce plan-là.

5.5 En définitive, aucune maladie psychiatrique autre que la dysthymie ne ressort du dossier et des allégations de la recourante indépendamment de ses symptômes physiques.

Partant, ce ne serait que si l’examen de la cause au plan somatique effectué ci‑après révélait que les douleurs ne pourraient aucunement se voir attribuer une assise physique et/ou si l’impact des douleurs, voire aussi de la fatigue, ne pouvait nullement être déterminé de manière probante du point de vue somatique, que pourraient le cas échéant être envisagées des investigations complémentaires au plan psychiatrique.

6.             Ensuite, pour ce qui est de l’aspect somatique, il convient de considérer ce qui suit.

6.1 Dans le cadre de l’expertise bidisciplinaire (aux plans rhumatologique et neurologique – ou neurochirurical) ordonnée par l’ordonnance d’expertise du 30 mai 2023 (ATAS/368/2023) précitée, l’experte Q______ a effectué le 21 août 2023 l’examen clinique, qui a duré 2h20. L’expert P______ a de son côté accompli le 23 août 2023 cet examen ; en outre, à sa demande, ont été effectuée le 18 octobre 2023 des « IRM et CT lombaires », le 23 octobre 2023 une « scintigraphie osseuse avec SPECT-CT » et le 15 novembre 2023 des « radiographies EOS de la colonne totale », dont les résultats ont été résumés par cet expert.

Les experts Q______ et P______ ont rendu leurs rapports d’expertise le 26 janvier 2024, respectivement, pour le second, les 24 janvier (non signé) et 31 janvier 2024 (signé) avec date du 11 janvier 2024, séparés, mais contenant chacun leur « appréciation multidisciplinaire consensuelle du 13.11.2023 » (comprenant leur « conclusion commune »).

Il est précisé que la version du rapport d’expertise du Dr P______ adressée le 31 janvier 2024 à la chambre de céans est identique dans son contenu à celle envoyée le 24 janvier 2024, seules les pages étant différentes à partir de la p. 7, et que c’est cette version du 31 janvier 2024 qui sera citée ci-après.

6.2 Les rapports d'expertise des Drs Q______ et P______ répondent, sur le plan formel, à plusieurs des exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse leur accorder une pleine valeur probante. En particulier, ces expertises ont été conduites par des médecins spécialisés dans les domaines concernés, en vue d'établir des synthèses des différentes pathologies de l'expertisée, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier. Les experts ont personnellement examiné la recourante préalablement à l'établissement de leurs rapports d'expertise respectifs, et ils ont consigné les renseignements anamnestiques pertinents, recueilli les plaintes de l'assurée et résumé leurs propres constatations. Ils ont en outre énoncé les diagnostics retenus et répondu à toutes les questions posées.

Selon les experts entendus en audience (du 1er octobre 2024), ceux-ci ont eu à plusieurs reprises des discussions en confrontant leurs points de vue avant de rendre leurs rapports d'expertise respectifs, mais pas depuis lors.

Les experts – judiciaires – rhumatologue et neurochirurgien s’accordent sur une capacité de travail dans l’« ancienne activité de femme de ménage » de 50% à partir du 10 septembre 2018, puis nulle à compter du 7 octobre 2018 (début de l’hospitalisation aux HUG dans le cadre de laquelle a été effectuée la première opération chirurgicale, le 8 octobre 2018) et jusqu’à aujourd’hui, si ce n’est que cette capacité était nulle « déjà un peu avant » l’opération selon le Dr P______.

Cependant, le fait qu’il n’aient pas pu adopter une appréciation commune quant à la question de la capacité de travail dans une activité adaptée – point essentiel ici – impose ci-après un examen approfondi des contenus respectifs de ces deux rapports d’expertise, dont il conviendra ensuite de confronter la valeur probante.

À cet égard, il sied de rappeler que l'incapacité de travail constitue une notion juridique indéterminée de la loi (art. 6 LPGA). L'évaluation médicale ne constitue pas une décision définitive sur les conséquences des atteintes à la santé constatées. Elle doit au contraire être appréciée par les autorités d'application du droit dans le cadre des dispositions légales (ATF 140 V 193 consid. 3.1 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2). Étant donné que la définition légale de la capacité de travail n'est pas purement médicale, il peut se présenter des constellations dans lesquelles il faut s'écarter de l'incapacité de travail constatée dans l'expertise médicale, sans que celle-ci perde sa valeur probante (arrêts du Tribunal fédéral 9C_128/2018 précité consid. 2.2 ; 8C_842/2011 consid. 4.2.2, in SVR 2013 IV n° 9 p. 21 ; cf. aussi ATF 130 V 352 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_651/2014 du 23 décembre 2014 consid. 5.1).

Il convient dès lors ci-après d’examiner, comparer et confronter les contenus des deux rapports d’expertise.

6.3 Apparaissent centrales les questions des atteintes à la santé pertinentes ainsi que des effets concrets des atteintes à la santé, y compris sur la capacité de travail et les limitations fonctionnelles.

Les réponses des deux experts judiciaires aux principales questions sont, telles que ressortant de leurs rapports d’expertise respectifs et de leur audition par la chambre de céans, les suivantes.

6.3.1 au plan rhumatologique, les diagnostics incapacitants sont les lombalgies chroniques persistantes après chirurgie du rachis : "[FBSS] (ME84.2), à savoir : ‑ le 8 octobre 2018, "ALIF L5-S1 ; XLIF L4-L5 ; spondylèse mini‑invasive L3-S1 par système Precept et décompression L4-L5 par facettectomie bilatérale" ; - le 16 avril 2019, "S/p (NDR : status post, état après) décompression L4-L5 gauche par laminectomie L5 gauche et foraminotomie L4‑L5 gauche dans le contexte d'une radiculopathie sensitivo-motrice L5 à gauche" ;- S/p implantation d'un neurostimulateur le [19 février 2021]".

Selon le rapport l'experte rhumatologue, « la seule atteinte jugée sévère dans ce dossier est la parésie L5 gauche apparue en post opératoire de la 1ère chirurgie lombaire avec en post opératoire immédiat une force distale à M0. L'atteinte neurologique a été qualifiée se sévère par le Dr H______ (rapport du 01.02.2019) » (p. 50).

Ladite parésie – « faiblesse musculaire à la jambe et au pied gauches » à laquelle est lié le steppage (procès-verbal d’audition d’experts, p. 1) – découle de la radiculopathie L5 – gauche – accompagnée de douleurs neurogènes, comme retenu notamment par le rapport du neurologue H______ du 1er mai 2019, le rapport de la consultation ambulatoire de la douleur du 20 janvier 2020 ainsi que les rapports des experts Q______ et P______.

Il est relevé qu’en littérature médicale, « la radiculopathie lombosacrée correspond à des douleurs et/ou à des symptômes neurologiques irradiant vers un ou plusieurs dermatomes lombaires ou sacrés. Elle est habituellement le résultat de la compression des racines nerveuses lombaires dans la région lombosacrée. Les causes les plus fréquentes comprennent la maladie discale, les ostéophytes et le rétrécissement du canal vertébral (sténose canalaire rachidienne). Les symptômes comprennent une douleur irradiant des fesses vers la jambe » (Manuel MSD, Radiculopathie lombosacrée [Sciatique], par Peter J. MOLEY, révisé en novembre 2024, accessible sur internet sous « https://www.msdmanuals.com/fr/professional/troubles-musculosquelettiques-et-du-tissu-conjonctif/douleurs-cervicales-et-lombaires/radiculopathie-lombosacr%C3%A9e »).

Cela étant, toujours d’après la Dre Q______, la parésie L5 gauche de l’expertisée ne peut plus être considérée comme sévère. En effet, selon elle, l’assurée a partiellement récupéré sa force motrice et le steppage n’est plus objectivé mais s’est amélioré par rapport à l’année 2019. À l’appui de l’amélioration du steppage – qui est une anomalie de la marche due à une atteinte nerveuse, caractérisée par une démarche particulière (la pointe du pied est constamment abaissée et le patient relève très haut sa jambe et son genou à chaque pas pour ne pas toucher le sol avec la pointe du pied) (cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Steppage#:~:text=Le%20steppage%20(en%20anglais%20%3A%20steppage,avec%20la%20pointe%20du%20pied.) –, l’experte note notamment ce qui suit : « lors du dernier contrôle du Dr H______ du 20.11.2022, la marche était décrite comme sans particularité hormis un léger steppage et une boiterie algique du membre inférieur [gauche] » ; « lors de l’expertiser du Dr J______, aucun steppage ni boiterie n’ont été constatés » ; « je ne constate pas non plus de steppage ni de boiterie lors de mon expertise » (p. 50 et 53). En outre, d’après l’experte rhumatologue, « l’IRM lombaire faite lors de l’expertise du Dr J______ ne montrait pas de nouvelle compression radiculaire » (p. 50).

À la question « Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ? », l'experte Q______ répond : « Oui : les douleurs lombaires sont en lien avec des troubles dégénératifs lombaires, la parésie du membre inférieur [gauche] en lien avec une radiculopatie L5 [gauche]. Une névralgie intermittente du nerf plantaire médial [gauche] est également décrite dans les rapports d’orthopédie. [À la ligne] Cependant certaine plaintes n’ont pas pu être objectivées : l’assurée se plaint que "tout le corps est sensible", de perte de force dans les mains, d’une fragilité des articulations des épaules, coudes, poignets, mains et rachis cervical sans que [l’experte] ne puisse objectiver d’anomalies au status » (p. 50).

Néanmoins, à la questions « Les effets de ces douleurs sont-ils objectivés et quelles sont les relations de ces douleurs avec l'ensemble des problématiques médicales de l'assurée, y compris aux plans de l'humeur et du comportement (plan psychique) ? », l’experte rhumatologue répond que cette question relève de l’aspect psychiatrique et elle se réfère à l’expertise de la Dre K______ (p. 51).

Concernant l’intensité des douleurs, l’expert Q______ considère ce qui suit : « Les douleurs actuelles étant subjectives, il est difficile de les qualifier de sévères, modérées ou faibles. Cependant, en l’absence de complication de la deuxième chirurgie, en l’absence de prise régulière d’antalgiques, je ne peux pas les qualifier de sévères. De plus, les douleurs sont qualifiées par l’assurée comme stables voire en amélioration depuis la pose du neurostimulateur et le contrôle du neurostimulateur ne se fait qu’à la fréquence d’une fois par an » (p. 50). En audience, ladite experte précise : « Sur question de [l’avocate de la recourante] qui relève que je mentionne que l'expertisée ne prend pas d'antalgiques sous l'angle de la douleur, je réponds d'une part que le cymbalta est un antidépresseur qui a un effet antalgique mais n'est pas considéré comme un médicament antalgique, d'autre part, qu'elle a un neurostimulateur qui a une action sur ses douleurs. [À la ligne] Je ne me base pas sur l'absence de la prise de médicaments antalgiques pour dire que les douleurs ne sont pas sévères, mais sur le fait que l'assurée les qualifie de stables voire en amélioration depuis qu'elle a le neurostimulateur » (procès‑verbal d’audition d’experts, p. 5).

Néanmoins, l’experte rhumatologue énonce, pour les douleurs – « chroniques » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 1) – des degré d’intensité (sur une échelle de 10) : « EVA lombaire au repos 3,5 – 4 / 10, à la mobilisation 7 – 8 / 10, aux changements de temps EVA supérieure à 10 » (p. 51).

Pour ce qui est de l’évolution de l’état de santé de l’expertisée, l’experte Q______ estime que l’assurée a des difficultés à préciser l’évolution de ses douleurs, ce que relèveraient aussi d’autres médecins : lors de l’entretien devant l’experte rhumatologue, l’intéressée dit d’abord que les douleurs sont pires depuis la deuxième opération et ensuite qu’il n’y a pas de changement depuis celle-ci, et, en outre, que les douleurs actuelles sont moins fortes qu’avant la première chirurgie et que les électrodes ont beaucoup aidé (p. 51). En résumé, toujours d’après ladite experte, l’état de santé est resté stable depuis la deuxième chirurgie rachidienne – le 18 avril 2019 – et, depuis le 14 octobre 2021 (date du prononcé de la décision querellée), il n’y a pas eu de modification de l’état de santé (p. 54). L’évolution telle que décrite par la Dre Q______ correspond à ce qui peut être attendu à plus de quatre années après la deuxième chirurgie lombaire, et la persistance des douleurs est compatible avec un FBSS (p. 55).

Par ailleurs, l’experte rhumatologue note certaines discordances entre les douleurs décrites par l’expertisée et ce qu’elle a constaté et observé, mais « les discordances ne suffisent pas à exclure une atteinte significative à la santé car les plaintes rhumatologiques principales ont pu être objectivées tant sur l’imagerie que sur les ENMG » (p. 54-55). Toutefois, dans le cadre de cette même question qui inclut celle d’une éventuelle « exagération des symptômes ou constellation semblable », ladite experte ne fait pas expressément état d’une exagération.

Concernant la question de savoir « dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien », la Dre Q______ estime que la parésie distale chronique du membre inférieur gauche et l’antécédent de spondylodèse peuvent limiter l’assurée dans la gestion du quotidien pour certaines tâches ménagères comme passer l’aspirateur ou nettoyer le sol ou les positions debout prolongées pour faire la cuisine, étant précisé que l’expertisée n’utilise pas de canne au domicile (p. 54). Il est précisé que la spondylodèse est une fusion de deux ou plusieurs vertèbres lors d’une opération (cf. https://www.hug.ch/neurochirurgie/spondylodese).

À la question « Quels sont en particulier les effets des douleurs (et de quel[s] type[s] et compte tenu de quelle intensité sur une échelle allant jusqu'à 10) sur la capacité de travail et/ou d'éventuelles limitations fonctionnelles et/ou diminution de rendement ? », l’experte rhumatologue répond que « la persistance de lombalgies avec antécédent d’ALIF L5-S1 et XLIF L4-L5 et L3-L4 et spondylodèse L3-S1 limitent l’assurée dans certains mouvements et contre‑indiquent les mouvements répétés du rachis ou les mouvements en porte-à-faux » (p. 56). Le steppage, inexistant, n’a aucune conséquence en matière de capacité de travail, mais la parésie du membre inférieur gauche, bien que s’étant partiellement améliorée, ralentit l’expertisée dans ses déplacements et « rend impossible le travail de femme de ménage en particulier dans un hôtel de luxe où le travail doit être effectué à une certaine cadence », et limite la position debout prolongée ou la marche prolongée (p. 56).

Les limitations fonctionnelles retenues par l’experte rhumatologue consistent en celles liées à l’atteinte dégénérative rachidienne avec antécédent de chirurgies lombaires, c’est-à-dire « pas de mouvement répété du rachis, pas de position en porte-à-faux, pas de port de charge de plus de 5 kg répété », qui empêchent l’exercice de l’activité professionnelle habituelle (femme de ménage) pour laquelle la capacité de travail est nulle depuis le 7 octobre 2018 (première chirurgie lombaire), ainsi qu’en les limitations fonctionnelles en lien avec la parésie distale du membre inférieur gauche, à savoir « pas de station debout prolongée ni de marche prolongée », ces limitations fonctionnelles étant valables depuis la première chirurgie lombaire en octobre 2018 (réponse figurant dans l’appréciation consensuelle et p. 56).

Dans une activité adaptée à ces limitations fonctionnelles, la capacité de travail a été nulle d’octobre 2018 à août 2019 « car l’état de santé n’était pas stabilisé » ; elle est en revanche entière, sans diminution de rendement, à partir de septembre 2019 (« 5 mois post deuxième chirurgie lombaire »), du fait d’un état de santé stabilisé et en se basant sur les limitations fonctionnelles retenues, lesquelles permettaient l’exercice d’une activité, et ce en concordance avec les appréciations des Drs J______ et H______. En particulier, un travail sédentaire de type administratif est possible, de même qu’un travail manuel comme la couture ou un travail de précision avec les mains (réponse figurant dans l’appréciation consensuelle et p. 56-57).

Selon l’experte rhumatologue, il n’y a pas de besoin de mesures médicales préalables à une reprise du travail, pour laquelle le pronostic est bon (p. 57). L’expertisée « s’est engagée dans ses traitements, a suivi la physiothérapie et l’ergothérapie et a eu de nombreux rendez-vous médicaux de suivi », et « elle suit toujours son traitement en psychothérapie » (p. 58). En audience, cette experte précise que, « dans la mesure où les séances ont été faites de manière active, [elle] ne pense pas que de la physiothérapie soit à nouveau exigible ni qu'elle apporterait une amélioration au plan de la capacité de travail » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 5).

La Dre Q______ ne peut pas se prononcer sur le caractère envisageable d’éventuelles mesures de réadaptation professionnelle, tout en précisant que les deux métiers pour lesquels la recourante a eu une formation, ceux de femme de chambre et d’auxiliaire de crèche, ne sont pas exigibles (p. 62).

6.3.2 Au plan neurochirurgical, les diagnostics incapacitants sont : - neuropathie sciatique gauche séquellaire après des opérations compliquées et compression de la racine L5 de longue durée, configurant une douleur chronique et non nociceptive avec déficit moteur et fatigue de la jambe gauche ; ‑ déconditionnement musculaire dans le même contexte avec aussi position cyphotique de la colonne lombaire, déséquilibrée ; - « discopathie dégénérative L1-L2 et L2-L3 mais aussi sur maladie des segments adjacents post‑fusion des niveaux L3-L4, L4-L5 et L5-S1 avec début de canal lombaire étroit en L2-L3, cyphose et discopathie mécanique et arthrose facettaire inflammatoire active sur scintigraphie » ; - « [FBSS] ou syndrome du dos rebelle à la chirurgie, consécutif à toutes les précédentes » ; - « cervicalgies sur discopathie C5-C6 prédominante et non traitées, sans irradiation brachiale ».

Selon l’expert P______, de ces atteintes, qualifiées de gravité moyenne, a résulté une prise en charge chirurgicale standard en raison des plaintes douloureuses réfractaires à toute thérapie conservatrice. La radiculopathie persistante malgré la première chirurgie, « avec une évolution de plus de six mois jusqu’à re-décompression », configure une douleur chronique, avec des symptômes persistants et fortement handicapants au quotidien, qui semble ne plus s’améliorer sur les dernières années ; l’évolution de la pathologie a au contraire été mauvaise avec un échec de la première thérapie conservatrice, y compris la première chirurgie et même l’apparition d’une radiculopathie déficitaire post‑chirurgie à la jambe gauche. La question du diagnostic différentiel entre d’une part les douleurs et fatigue relevant des discopathies dégénératives et sur maladie des segments adjacents post fusion des niveaux L1-L2 et L3-L4 et d’autre part la composante de la douleur due au déconditionnement, engendré par « la destruction de la musculature parvertébrale » (recte : paravertébrale) à la suite des deux chirurgies, ainsi qu’à la somatisation manque de réponse objective, car il est impossible de distinguer les différents facteurs ; ledit expert ne se prononce pas sur la composante psychiatrique de la souffrance de l’expertisée, mais il pense que cette composante doit aussi être prise en considération dans l’évaluation de la lourdeur de la maladie au quotidien, ce à quoi s’ajoute un repli social important. Dans tous les cas, la douleur telle que perçue par la recourante semble la limiter fortement pour toute activité au quotidien et surtout pour les activités de nature physique. L’efficacité du neurostimulateur n’est en outre que partielle (p. 6).

Toujours d’après l’expert neurochirurgien, les plaintes de l’intéressée sont objectivées et ses atteintes et plaintes correspondent pour la plupart à un substrat organique. Tous les diagnostics incapacitants sont objectivables, sauf le syndrome du dos rebelle (p. 10).

S’agissant de l’intensité des douleurs, celles-ci sont cotées à 3 - 4 / 10 au repos et à 6 - 7 / 10 « sur l’échelle NRS lors du mouvement notamment au niveau lombaire et dans une moindre mesure au niveau de la jambe gauche. Le périmètre de marche est limité à 30 minutes voire maximum 1 heure avec des pauses » (p. 4 et 10).

Le score d’Oswestry se monte à 64% (handicap majeur) (p. 4). Il s’agit d’« une échelle qui est basée sur le quotidien du patient pour le sommeil et certaines activités professionnelles ou sociales, c'est une mesure que l'on utilise pour la chirurgie des soins de la colonne vertébrale qui nous permet de quantifier l'atteinte due à la douleur sur le quotidien du patient. Pour le cas précis [on était] sur le créneau d'un handicap le plus important. On va classer le handicap entre mineur, modéré ou majeur » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 6).

À la questions « Les effets de ces douleurs sont-ils objectivés et quelles sont les relations de ces douleurs avec l'ensemble des problématiques médicales de l'assurée, y compris aux plans de l'humeur et du comportement (plan psychique) ? », l’expert neurochirurgien répond : « Oui en bonne partie. L’isolement social décrit de même que l’irritabilité peuvent se corréler avec les douleurs décrites et leur chronicité » (p. 10).

Pour ce qui est de l’évolution de l’état de santé, « il n’y a pas eu d’amélioration nette même après les deux opérations, bien que dans les suites de la deuxième opération du dos, le périmètre de marche se soit amélioré et les douleurs lentement amendées. Après la pose du neurostimulateur médullaire, il est décrit une plus grande amélioration des douleurs, donc dès février 2021, à 50% des douleurs habituelles environ. Par rapport à l’état de santé au 14 octobre 2021, il est dans les grandes lignes superposable à celui décrit au jour de mes constats » (p. 10). Cette évolution correspond à ce qui est attendu pour les diagnostics en cause (p. 11).

Le Dr P______ répond simplement « non » à la question d’une éventuelle « exagération des symptômes ou constellation semblable » (p.11).

À la question « Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? », l’expert neurochirurgien répond : « La patiente démontre une fatigue rapide lors de la station debout ou assise ou après le port de moins de 10 kg. Les tâches de nettoyage de la maison, rester debout pour cuisiner ou se déplacer pour faire ses commissions se révèlent difficiles » (p. 10).

Pour ce qui est de la capacité de travail, dans l’activité habituelle de femme de chambre ou de ménage, il y a une incapacité de travail totale dès juillet 2018 « pour tous les diagnostics n’ayant pas été constatés après les chirurgies ou après avril 2019 pour le syndrome du dos rebelle et les maladies des segments adjacents » (p. 11).

En effet, « rester debout plus de quelques minutes est difficile, porter ou travailler en position d’anteflexion ou accroupie aussi impossible », « lever près ou loin du corps plus de 5 kg difficile et non conseillé » (p. 11).

À la question « Quels sont en particulier les effets des douleurs (et de quel[s] type[s] et compte tenu de quelle intensité sur une échelle allant jusqu'à 10) sur la capacité de travail et/ou d'éventuelles limitations fonctionnelles et/ou diminution de rendement ? », il est répondu : « Le port de charges, la station debout, la position accroupie ou penchée avec ou sans aspirateur sont douloureux. Déplacements aussi fatigants compte tenu des douleurs mécaniques du dos et neuropathiques de la jambe pouvant aller jusqu’à 6 – 7 /10 » (p. 11). Le steppage a des répercussions sur la capacité de travail et/ou les limitations fonctionnelles, pour cause de « fatigue de la jambe en question, périmètre de marche limité » et « difficulté à monter des escaliers et troubles de l’équilibre » (p. 11).

Selon l’expert neurochirurgien, les limitations fonctionnelles d’ordre physique sont bien décrites du point de vue de la douleur avec une limitation de mobilité, de station debout ou assise prolongée ainsi qu’avec des périodes de marche de moins de 30 minutes ; « il existe aussi une incapacité à porter plus de 5 kg ou d’avoir des nuits de sommeil de 5 à 6 heures maximum » (sic) ; « un probable comportement d’évitement psychique est aussi anticipé dans ce contexte » (réponse figurant dans l’appréciation consensuelle).

D’après lui, la capacité de travail dans une activité adaptée est de 50% dès avril/mai 2021, soit deux à trois mois après la stabilisation amenée par la pose du stimulateur coïncidant avec une réduction des douleurs d’environ 50% (réponse figurant dans l’appréciation consensuelle). En effet, « la neuropathie de la jambe et les douleurs mécaniques de la région lombaire rendent douloureuse toute position statique. Un métier de force impliquant le port de charges ou des positions de travail variées est déconseillé et un métier en position assise stricte est aussi à éviter. Une fatigabilité aussi sur le plan de la concentration et psychique est à attendre vu la douleur chronique ». À la question « Quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ? », le Dr P______ répond : « Je ne possède pas toutes les informations concernant les ressources disponibles pour notre patiente. Je peux recommander un poste à 50% dans un travail manuel avec bureau ou poste de travail permettant de changer de position régulièrement, au calme, notamment sans pression de rendement à l’heure permettant d’ajuster les objectifs de son cahier des charges de manière souple pendant la semaine. Ceci depuis 2-3 mois après la pose du neurostimulateur, une fois la douleur stabilisée et chronique » (p. 12).

À la question « Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? », l’expert neurochirurgien répond : « Oui, accompagnement psychique régulier et aussi par équipe pluridisciplinaire de la douleur visant la compréhension de la douleur et l’anticipation d’une probable remontée de la douleur par la reprise d’une activité plus exigeante que son quotidien à l’heure actuelle ». En outre, d’après ledit expert, « sur question de l'OAI, un traitement sous forme de physiothérapie et d'ergothérapie seraient exigibles sur une longue durée », sans que l’on soit « certain que la physiothérapie et l'ergothérapie puisse améliorer la capacité de travail et à quel pourcentage. Il est précisé qu'actuellement, les traitements par physiothérapie et ergothérapie coordonnées amènent de meilleurs résultats qu'avec la seule physiothérapie » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 5). Par ailleurs, à la question « Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ? », le Dr P______ répond : « Vu l’inactivité prolongée de même que les diagnostics chroniques je crois qu’une reprise s’avère difficile, comme les études le démontrent pour les patients dans ces situations » (p. 12-13). Le traitement prodigué suit les règles de l’art, et la recourante est compliante jusqu’à présent (p. 13).

Concernant ces questions, le Dr P______ précise de surcroît en audience : « Je pense qu'un reconditionnement pour augmenter la capacité de travail mais j'ignore dans quel délai vu la chronicité des symptômes et la faiblesse musculaire installée en post-opératoire. Selon moi, le déconditionnement joue un rôle par rapport à la résistance et aussi aux douleurs et réduit le rendement, ce qui a un impact négatif sur la capacité de travail » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 5).

Enfin, s’agissant d’éventuelles mesures de réadaptation professionnelle, le Dr P______ envisage une « formation tenant compte des ressources de [l’expertisée], travail au calme, en commençant par des journées de 3-4 heures maximum. Tenir aussi compte des restrictions fonctionnelles énoncées précédemment. Chances de succès faibles à modérées » (p. 14).

6.4 Les constations, appréciations et conclusions des experts Q______ et P______ convergent sur de nombreux points, outre celui concernant l'intensité des douleurs et leur caractère objectivable.

Comme ils l'ont déclaré en audience, « [ils sont] d'accord ensemble sur les diagnostics posés par l'un et l'autre, qui sont clairs ».

Les deux experts sont en outre du même avis concernant l'incapacité totale de travail dans l'activité habituelle de femme de chambre.

6.5 En parallèle des convergences, les divergences entre les experts Q______ et P______ consistent pour l’essentiel en ce qui suit.

6.5.1 Tout d’abord, si les deux experts judiciaires reproduisent des valeurs très similaires d’intensité des douleurs selon le ressenti exprimé par l’expertisée – de 3 à 4 au repos et de 6 à 8 à la mobilisation –, leur divergence principale réside dans les conclusions à tirer des douleurs pour la capacité de travail.

L’experte rhumatologue résume cette divergence en déclarant : « Sur question du Président, nos avis divergent parce que je n'ai pas fixé la capacité de travail sur la douleur mais seulement sur la valeur du status et des limitations fonctionnelles. Une douleur est par définition subjective. Je ne la prends donc pas en compte dans ma détermination de la capacité de travail. Je regarde objectivement en quoi consiste le status et les limitations fonctionnelles sans prendre en compte les douleurs. Je retiens celles-ci uniquement dans le recueil des plaintes et de l'anamnèse. C'est ce que j'ai appris dans ma formation SIM, notamment pour l'OAIE » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 2).

De son côté, l’expert neurochirurgien admet ce qui suit : « Concernant la remarque du SMR que je retiens beaucoup de subjectivité dans l'évaluation finale de la capacité de travail, j'admets que les douleurs sont subjectives. Je pense qu'une mise en situation dans un atelier de réinsertion professionnelle aurait été utile pour confirmer l'impact de la douleur sur les limitations fonctionnelles, objectivement » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 4). Le Dr P______ ajoute : « Il est dommage qu'il n'y ait pas eu d'instruction dans le cadre d'un atelier de réinsertion professionnelle qui nous aurait permis de mieux statuer sur l'impact de la douleur par rapport à ses limitations fonctionnelles et sa capacité de travail, grâce à une mise en situation concrète dans une activité. [À la ligne] Concernant la douleur, une telle mise en situation nous aurait permis de mieux quantifier l'impact de la douleur. [À la ligne] (…) Dans ma fixation de l'incapacité de travail, je n'ai pas pris en compte la douleur en tant que telle mais ses répercussions physiques sur les fonctions et le quotidien de l'expertisée en plus de la faiblesse objective du membre inférieur gauche présente depuis les opérations de 2018 et 2019 » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 2 et 3).

6.5.2 Ensuite, apparaît, au titre de divergence – avec une portée moindre –, la question du caractère incapacitant ou non des cervicarthroses.

Pour l’expert neurochirurgien, « c'est un diagnostic qui est évident à ce jour et qui a un impact sur la capacité de travail même si cela est marginal par rapport à tout le reste ». Selon lui, « les cervicarthroses occasionnent des limitations fonctionnelles [qu’il aurait] pu ajouter dans [son] rapport d'expertise, à savoir : éviter les positions de travail avec la tête en extension (même de manière brève) et avec les bras au-dessus des épaules de manière prolongée » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 3 et 4).

En revanche, de l’avis de l’expert rhumatologue, « au plan rhumatologique il n'y a pas de retentissement des cervicalgies sur la capacité de travail car il n'y a pas de limitations fonctionnelles au status au niveau cervical et car il n'y a pas de déficits neurologiques aux membres supérieurs et car les différentes incapacités de travail n'ont pas été posés sur la base des cervicalgies mais sur celles des atteintes rachidiennes/lombaires et de l'atteinte constituée par la parésie » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 3).

6.5.3 De surcroît, alors que l’expert P______ mentionne la destruction de la musculature paravertébrale (cf. plus haut), l’experte Q______ déclare en audience que, si elle n’a pas décrit à l'examen clinique des contractures paravertébrales, c'est parce qu’elle ne les a pas objectivées (procès-verbal d’audition d’experts, p. 4).

6.5.4 Pour le surplus, si les limitations fonctionnelles que les deux experts judiciaires retiennent tous deux sont en grande partie superposables ou à tout le moins compatibles entre elles – pas de port de charges de plus de 5 kg répété, pas de mouvement répété du rachis, pas de position en porte-à-faux, pas de station debout prolongée ni de marche prolongée (au-delà de 30 minutes) –, des divergences persistent toutefois sur ce point.

En effet, l’expert neurochirurgien considère que la position accroupie ou penchée est douloureuse pour l’assurée et qu’un métier en position assise stricte est aussi à éviter, ce à quoi s’ajoutent les limitations fonctionnelles dues aux cervicarthroses (évitement des positions de travail avec la tête en extension, même de manière brève, et avec les bras au-dessus des épaules de manière prolongée).

6.5.5 Enfin, l’expert P______ évoque souvent le caractère incapacitant de fatigue induite par les douleurs de l’intéressée, ce qui n’est pas le cas de l’expert Q______.

En effet, concernant la capacité de travail dans une activité adaptée, est à attendre, selon l’expert neurochirurgien, une fatigabilité aussi sur le plan de la concentration et psychique, vu la douleur chronique.

De surcroît, en audience, le Dr P______ précise : « […], concernant la limitation fonctionnelle des nuits de sommeil de 5 à 6 heures au maximum, c'est pour nous une mesure objective de l'impact de la douleur sur une partie de la journée du patient (la nuit) et fait partie des dix questions pour le score susmentionné (NDR : le score d’Oswestry). Cela reste anamnéstique et ne peut pas être confirmé lors de l'entretien. Je ne peux pas en dire plus, pas même concernant la durée normale de sommeil pour l'expertisée car je ne me souviens plus combien d'heures elle dormait auparavant ». La recourante dit ensuite : « Avant les opérations lombaires je dormais entre 8h00 et 8h30 par nuit » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 6). Une telle réduction de sommeil est, à tout le moins implicitement, reconnue par ledit expert comme une des causes principales (avec les douleurs) de la fatigabilité et fatigue. Au demeurant, des problèmes de sommeil sont également confirmés par l’experte Q______, selon laquelle « toutes les nuits [l’expertisée] est réveillée par des cauchemars » et « est aussi réveillée par des lombalgies aux changements de position » (p. 45).

6.6 Cela étant, comme le relève l’expert neurochirurgien, le fait que les experts Q______ et P______ aient des spécialités médicales différentes peut expliquer certaines différences de points de vue au plan clinique mais pas au plan factuel, la fixation de la capacité de travail dépendant en l’occurrence selon lui du plan factuel et les divergences des deux experts sur ce point ne pouvant pas être expliquées uniquement par leurs spécialités médicales respectives.

S’agissant des atteintes incapacitantes principales, les deux experts s’accordent à considérer que les douleurs lombaires sont en lien avec des troubles dégénératifs lombaires et que la parésie du membre inférieur gauche est en lien avec la radiculopatie L5 gauche, laquelle est en outre accompagnée de douleurs neurogènes.

Cependant, étant donné qu’elle ne prend pas en compte les douleurs pour la fixation de la capacité de travail, l’experte rhumatologue n’accorde pas d’importance, sur ce plan, aux troubles lombaires, et elle juge non sévère la parésie L5 gauche.

Quant à l’expert neurochirurgien, il retient les mêmes atteintes incapacitantes, avec en plus, dans une mesure moins importante, les cervicarthroses, mais il reconnaît des conséquences beaucoup plus graves que ne le fait la Dre Q______ à la radiculopatie L5 gauche et aux douleurs mécaniques de la région lombaire.

À cet égard, selon les précisions dudit expert P______ en audience, par radiculopathie persistante, il entend « une souffrance du nerf L5 gauche continue et constante. […] il y a une souffrance au niveau du nerf pour toutes ses fonctions : 1. La douleur qui est toujours présente ; 2. La perte de force qui entraîne une difficulté à la marche et en station debout ; 3. La sensibilité du nerf en cas de toucher et par rapport à sa position. [À la ligne] À ce jour, ce qui cause l'incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée est la douleur, tant lombaire qu'à la jambe et pied gauches (à cause du nerf L5 gauche), avec aussi une moindre résistance à chaque petit effort. Par exemple, la lésion au nerf L5 gauche rend difficile la position debout au-delà de 20 à 30 minutes. [À la ligne] La lésion au nerf L5 gauche qui est permanente entraîne des douleurs en cas d'une sollicitation au-delà du minimum quotidien et occasionne donc une moindre résistance à l'effort et donc une certaine fatigue » (procès-verbal d’audition d’experts, p. 2).

Pour le reste, d’autres éventuelles atteintes à la santé, par exemple aux mains, ont été, de manière motivée et convaincante, considérées comme non incapacitantes par les experts Q______ et P______ (cf. notamment leurs diagnostics non incapacitants, ainsi que les réponses de la première en audience [procès-verbal d’audition d’experts, p. 5-6]). À cet égard, comme indiqué par la recourante notamment dans son écriture du 14 novembre 2024, un syndrome de Sjörgen n’a pas été retenu par les médecins spécialistes des HUG. En revanche, une neuropathie des petites fibres a été diagnostiquée par ces spécialistes, sans que ceux-ci mentionnent toutefois un éventuel caractère incapacitant de cette atteinte à la santé, caractère incapacitant qu’a au demeurant nié l’expert P______.

6.7 L’appréciation et conclusion de l’expert neurochirurgien doit être préférée à celle de l’experte rhumatologue, pour les motifs qui suivent.

6.7.1 La radiculopathie relevant plutôt de la neurologie, le Dr P______ apparaît plus à même d’en mesurer la gravité et les effets, y compris en matière de douleurs.

6.7.2 D’une manière générale – pas seulement concernant l’intéressée –, une incapacité de travail, totale ou partielle, est régulièrement attestée par des médecins pour cause de douleurs substantielles, sans que cela soit remis en cause dans son principe au plan médical.

Selon l’expérience générale de la vie, les douleurs, si elles présentent une intensité suffisante, sont susceptibles le cas échéant d’entraver l’exercice des activités professionnelles et ou quotidiennes, notamment en obligeant la personne intéressée à changer de position, en la distrayant de ses tâches, en réduisant sa capacité de résistance et son endurance au travail ainsi que sa concentration et attention, et en occasionnant dès lors une fatigue.

Tel est le cas en l’occurrence, étant donné que les valeurs d’intensité des douleurs selon le ressenti exprimé par l’expertisée et telles qu’admises par les experts Q______ et P______ – de 3 à 4 au repos et de 6 à 8 à la mobilisation – ne sont pas négligeables mais sont susceptibles de l’entraver dans ses tâches.

À cet égard, selon la recourante entendue le 15 novembre 2022 par la chambre de céans : « Il n'y a pas de jour où je vais bien et où je peux faire ce que je veux. Je vais un peu mieux lorsque je ne fais rien du tout, c'est-à-dire que je suis couchée. Ma douleur est toujours au minimum de 4 ou 5/10, alors qu'avant l'appareil médullaire qui a été posé en janvier 2021, c'était plus de 10/10, trop fort, comme après une opération » (procès-verbal de comparution personnelle du 15 novembre 2022, p. 2).

6.7.3 Selon les Lignes directrices pour l’expertise rhumatologique établies en juillet 2016 par la Société suisse de rhumatologie (téléchargeables depuis le site internet https://www.rheuma-net.ch/fr/informations-d-experts/lignes-directrices-pour-l-expertise, avec lien par https://www.swiss-insurance-medicine.ch/fr/connaissances-speciales-et-outils/expertises-medicales/lignes-directrices-pour-lexpertise-medicale), concernant les douleurs, « l'expertise de patients souffrant de douleurs chroniques nécessite en général des connaissances à la fois somatiques et psychosomatiques/psychiatriques et requiert une évaluation conjointe par les experts » (p. 3).

Ceci ne signifie pas forcément qu’une expertise psychiatrique devrait être mise en œuvre chaque fois qu’une personne assurée présente des douleurs chroniques, d’autant moins si celles-ci sont objectivables.

Par ailleurs, selon le Tribunal fédéral, concernant les motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

Est proche de ces principes « le contrôle de cohérence dans l’exploration rhumatologique », qui, à teneur des Lignes directrices pour l’expertise rhumatologique de la Société suisse de rhumatologie, a « pour but de clarifier la question de savoir si le diagnostic posé justifie de façon concluante, exempte de contradictions et avec une vraisemblance prépondérante une limitation fonctionnelle de la capacité de travail. Cette validation exige un rapprochement critique de l’anamnèse, des résultats d’examen, des observations comportementales et de l’état du dossier. Une approche interdisciplinaire est souvent nécessaire dans ce cadre, les douleurs chroniques pouvant être entièrement ou partiellement d’origine musculo-squelettique, mais aussi d’une tout autre origine. Il convient de vérifier la limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie (environnement professionnel, privé incluant les loisirs), ainsi que le poids des souffrances révélées par l’anamnèse établie pour le traitement et la réadaptation (mise à profit des possibilités thérapeutiques, compliance) » (p. 8).

Au sujet des motifs d’exclusion, toujours selon les Lignes directrices pour l’expertise rhumatologique de la Société suisse de rhumatologie, « les arguments devraient être présentés sans jugement de valeur. Du point de vue médical, l’examen des motifs d’exclusion doit se situer à la fin de l’évaluation. L’expert doit exposer avec soin dans quelle mesure les anomalies constatées sont symptomatiques des maladies. Quant à savoir si les motifs d’exclusion sont suffisants pour remettre en question un handicap revendiqué, il s’agit d’une question juridique qui doit être examinée par l’instance chargée d’appliquer le droit » (p. 8).

Les Lignes directrices partie neurologie (« Begutachtungsleitlinien Versicherungsmedizin - II. Fachspezifischer Neurologischer Teil ») d’avril 2020 (téléchargeables depuis le site internet de la SIM « https://www.swiss-insurance-medicine.ch/fr/connaissances-speciales-et-outils/expertises-medicales/lignes-directrices-pour-lexpertise-medicale »), ne contiennent pas d’éléments allant à l’encontre de ce qui précède.

Il en va de même des Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance, éditées en juillet 2020 par la SIM (téléchargeables depuis le site internet de la SIM « https://www.swiss-insurance-medicine.ch/fr/connaissances-speciales-et-outils/expertises-medicales/lignes-directrices-pour-lexpertise-medicale »).

Il découle de ces lignes directrices que des douleurs, en particulier chroniques, peuvent, en matière d’expertises médicales, être prises en considération comme une cause d’une incapacité de travail ainsi que de limitations fonctionnelles.

6.7.4 Les douleurs sont, dans le cas présent et de manière incontestée, objectivées, et reposent donc sur un substrat organique, et leur intensité est également fixée de manière quasi concordante par les deux experts judiciaires.

Même si l’expertisée n’a pas été entièrement constante devant l’experte Q______ au sujet de l’évolution de ses douleurs (avant et après les opérations au dos), et même si elle déclare en audience que « [ses] douleurs augmentent d’année en année progressivement, depuis 2021 » (procès-verbal de comparution personnelle du 1er octobre 2024, p. 1), sans que cela soit établi, les propos de la recourante en matière de douleurs apparaissent dans l’ensemble crédibles, ce que ne contestent pas les experts judiciaires.

6.7.5 Certes, comme reproché par le SMR et l’OAI, l’expert P______ n’a pas effectué une description de la journée habituelle de l'expertisée.

En audience, il explique ne pas en avoir élaborée une pour les motifs suivants : au moment de l'expertise et quand bien même il a évoqué avec l’intéressée certains éléments de son quotidien, il ne lui a pas semblé que cela puisse avoir une pertinence par rapport à une activité lucrative, et il précise qu’il pourrait retrouver cela sur l'enregistrement audio, si besoin.

Cela étant, une description de la journée type figure dans les rapports d’expertise des Drs J______ et K______ (10 mai 2021 [p. 25 et 41]) ainsi que dans celui de la Dre Q______ (26 janvier 2024 [p. 45]), de même que dans les déclarations de la recourante, de sa fille et de la Dre B______ lors de l’audience du 15 novembre 2022, étant précisé que ce que dit sa fille vaut selon cette dernière tant pour la période antérieure que celle postérieure au mois de mai 2022. Il en ressort en substance ce qui suit.

L’assurée – dont le compagnon est parti dans son pays d’origine en mai 2022 et qui vit depuis lors avec sa fille, le compagnon de cette dernière et ses deux petits‑enfants (3,5 et 4 ans à fin 2022) dans l'appartement de sa fille – se réveille entre 8h00 et 8h30, et prend son petit-déjeuner puis sa douche (avec un tabouret pour laver ses pieds). Alors qu’à teneur du rapport d’expertise rhumatologique de mai 2021 elle effectuait un peu de rangement ainsi que des lessives avec la machine à laver et pliait le linge, elle déclare en audience (15 novembre 2022) ne pas arriver à faire des tâches ménagères. Sauf enlever la poussière avec un plumeau, et ce pas plus que pendant 15 minutes selon sa médecin généraliste traitante et pas plus que durant 5 à 10 minutes, d’après sa fille selon laquelle, ensuite, « elle doit se coucher pendant 30 minutes car elle n'arrive rien à faire d'autre » et « si c'est le matin elle peut encore faire encore une fois cette tâche pendant 5-10 minutes et après plus rien du tout » tandis que « si c'est l'après-midi, elle ne peut pas faire une deuxième fois le plumeau ». L’assurée précise en outre que, si elle se baisse pour mettre la machine à laver en route, elle a trop mal au dos, ce qui lui donne des nausées (car la douleur monte et elle a des problèmes d'estomac) et l'oblige à se coucher, avec ensuite les précisions qu’après les nausées elle a beaucoup de fatigue et des maux de tête, et qu’elle a mal au dos quand elle est assise et quand elle est baissée. Cela étant, d’après sa fille, l’intéressée « arrive à mettre les habits dans le lave-linge mais en petite quantité. Elle s'assied par terre ou sur un petit tabouret pour transférer les habits du lave-linge au sèche-linge. Elle s'assied de nouveau par terre ou sur un petit tabouret pour sortir les habits du sèche-linge et les poser sur la table qui est juste à côté si c'est seulement ses propres vêtements ». La recourante sort – parfois – prendre un café avec d’anciennes collègues de travail, pendant 15 à 20 minutes selon sa fille. Elle prépare son repas de midi, en tant que celui-ci nécessite peu d’effort selon ses déclarations en audience (par exemple, port petites casseroles ou poêles légères mais pas de plus lourdes telles que celles en fonte) et/ou a déjà en partie été préparé la veille par sa fille (avec donc seulement le besoin de réchauffer le ou les plats au micro-ondes). L’après-midi, l’intéressée se repose, avec en particulier une sieste durant 1h30 (cf. rapport d’expertise rhumatologique de mai 2021) ; elle sort parfois marcher de 30 minutes à 1h00, toujours avec ses bâtons, et parfois s’assoit dans un jardin, elle fait un peu de couture à la main, et le reste du temps elle demeure dans le canapé ou dans son lit. Elle n’a pas d’activités sportives, mais elle fait des « auto-exercices » une à deux fois par semaine. Le 15 novembre 2022, l’assurée indique : « Je lis un peu de temps en temps mais pas tous les jours ; je regarde la télé tous les jours, et j'écoute la musique tous les jours aussi car cela m'aide beaucoup. Il n'y a pas de jour où je vais bien et où je peux faire ce que je veux ». Alors que le rapport d’expertise rhumatologique de mai 2021 indique que l’intéressée confectionne elle-même le repas du soir, il semble ressortir des déclarations de sa fille du 15 novembre 2022 que c’est cette dernière qui le fait ; selon l’experte Q______, le soir, l’expertisée mange vers 19h00 avec sa famille puis discute avec elle, et se couche vers 21h00 ou 21h30, mais regarde le téléphone dans son lit, écoute de la musique et lit, et s’endort vers minuit ou 1h00 du matin. Par ailleurs, c'est la fille de la recourante qui s'occupe seule des affaires administratives de celle-ci « comme depuis toujours vu ses difficultés en français » (procès-verbal d’audition du 15 novembre 2022 de la fille, p. 2).

Concernant les soins de l’assurée à ses petits-enfants, selon l’experte Q______, elle ne va pas chercher ceux-ci à l’école ou à la crèche. D’après les déclarations de sa fille, cette dernière ne peut pas lui confier un de ses fils ; en effet, le grand bouge beaucoup et, s'il court, l’intéressée ne peut pas le suivre. Elle ne peut pas non plus porter le petit (4.5 mois) car il est trop lourd pour elle (actuellement 6 kg) ; elle peut juste le surveiller s'il joue par terre en restant à moitié couchée sur le canapé, ce au maximum 30 minutes car au-delà l’enfant aura des besoins auxquels elle ne peut pas répondre elle-même. Selon l’experte Q______, la recourante peut pousser la poussette du garçon de 1 an mais ne peut pas marcher en lui donnant la main car elle a des lombalgies au bout de 5 minutes, et « elle ne peut pas sortir avec le garçon de 4 ans car elle a peur qu’il lâche sa main et se mette à courir, "c’est risqué" car elle ne peut pas courir elle‑même ».

Rien ne permet de mettre en doute ces descriptions des journées type et activités quotidiennes de la recourante, qui sont crédibles et globalement concordantes entre les différents rapports d’expertise et déclarations en audience.

Certes, les journées type selon les descriptions des Drs J______ et K______ en mai 2021 comportent moins de limitations et plus d’activités que d’après les descriptions faites en procédure de recours à partir du 15 novembre 2022. Toutefois, ces différences n’apparaissent pas suffisamment importantes pour avoir un impact pertinent en matière de capacité de travail et de limitations fonctionnelles, ce d’autant moins qu’il est possible qu’au moment du prononcé de la décision querellée le 14 octobre 2021, il y avait déjà plus de limitations et moins d’activités qu’en mai 2021.

Ces descriptions des journées type et activités quotidiennes de l’assurée montrent d’importantes limitations, y compris celles empêchant l’intéressée de rester assise au-delà d’une durée comprise entre 5 et 20 minutes, qui sont compatibles avec ce que retient l’expert neurochirurgien au titre des limitations fonctionnelles et de l’incapacité partielle de travail.

Il y a une cohérence dans le tableau des douleurs, ce dans tous les domaines comparables de la vie.

Malgré certaines discordances entre les douleurs décrites par l’expertisée et ce qu’elle a constaté et observé, l’experte Q______ considère que « le tableau clinique de lombalgies sur troubles dégénératifs et de parésie L5 [gauche] est cohérent » (p. 54-55), et elle ne fait pas état d’une exagération ou d’une simulation. L’expert P______ répond quant à lui simplement « non » à la question d’une éventuelle « exagération des symptômes ou constellation semblable » (p. 11).

Enfin, comme rapporté en audience par la médecin généraliste traitante et la fille de la recourante, celle-ci, personne originellement volontaire et active, appréciait beaucoup son dernier emploi et, avant le second semestre 2018, refusait généralement les arrêts de travail que ladite médecin lui proposait lorsqu'elle avait eu des problèmes d'épaule ou d'anciens problèmes lombaires.

6.7.6 Enfin, le fait que la recourante dispose encore de ressources qui peuvent compenser – en partie ici – le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (cf. notamment, par analogie, en matière psychique, arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence), y compris par le biais de son réseau familial et social resté en grande partie intact, n’exclut pas une incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée, ce d’autant moins que les douleurs de l’intéressée sont objectivées.

6.8 Au regard notamment des considérants qui précède, la chambre des assurances sociales dispose de suffisamment d’éléments probants pour retenir, suivant les conclusions de l’expert neurochirurgien, une incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée selon les limitations fonctionnelles reconnues par les experts Q______ et P______ et aussi par l’experte psychiatre K______ (évitement des « des contacts personnels confrontants ou multiples et un environnement de travail stressant peuvent diminuer les performances et sont liés à sa structure de personnalité émotionnellement vulnérable. Sensibilité à la critique »).

Ce taux de 50% découle de l’évaluation médicale approfondie effectuée par l’expert P______ et apparaît être en cohérence avec l’ampleur importante des douleurs et de la fatigue subséquente telles qu’établies notamment par l’anamnèse, les plaintes de l’assurée, les examens cliniques accomplis par les deux experts judiciaires, l’ampleur des limitations fonctionnelles et les durées relativement courtes de tenue dans une même position.

En effet, en particulier, tout d’abord, les limitations fonctionnelles – pas de port de charges de plus de 5 kg répété, pas de mouvement répété du rachis, pas de position en porte-à-faux, pas de station assise ou debout prolongée, ni de position accroupie ou penchée, ni de marche prolongée (au-delà de 30 minutes) – réduisent objectivement grandement le champ des activités professionnelles possibles, et ne laissent de facto comme seules possibilités, comme indiqué par l’experte judiciaire rhumatologue, qu’un travail sédentaire de type administratif ou un travail manuel comme la couture ou un travail de précision avec les mains. Toutefois, même une telle activité professionnelle serait considérablement entravée, puisque, comme évoqué par l’expert judiciaire neurochirurgien, un métier en position assise stricte est aussi à éviter et que, comme mentionné dans le rapport de la consultation ambulatoire de la douleur des HUG du 29 octobre 2019, l’assurée ne peut pas accomplir assise une activité légère (comme la couture) au‑delà de 15 à 30 minutes (au maximum) compte tenu du fait, notamment, que la réalisation de tâches même légères – plus encore que l’inaction – est manifestement susceptible d’occasionner relativement rapidement une tension sur le rachis ; à cette limitation fonctionnelle s’ajoute notamment l’évitement de la position penchée. Pour ces motifs déjà, le rendement serait nettement diminué, étant précisé que la question de l’existence d’éventuelles limitations fonctionnelles dues à des cervicarthroses n’est ici pas déterminante et peut demeurer indécise. Ensuite, les douleurs chroniques, dont l’intensité augmente en cas de mouvements, ainsi que la fatigue, y compris sur le plan de la concentration, en résultant et apparaissant relativement rapidement, restreignent encore substantiellement la capacité d’effectuer des tâches, même légères, et/ou le rendement.

À cet égard, le fait que, selon l’expert neurochirurgien, le déconditionnement joue un rôle par rapport à la résistance et aussi aux douleurs et réduit le rendement ainsi que la capacité de travail, ne s’oppose pas à la reconnaissance d’une incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée. En effet, ce déconditionnement, engendré d’après ledit expert par la destruction de la musculature paravertébrale, fait en tout état de cause suite à des atteintes somatiques objectivables et ne pourrait dès lors pas être entièrement résorbé. La somatisation et la souffrance psychique, dont fait également état l’expert neurochirurgien comme facteurs incapacitants, apparaissent quant à eux secondaires et sont au demeurant objectivement explicables compte tenu des douleurs chroniques objectivées.

Cela étant, ledit taux de 50% d’incapacité de travail dans une activité adaptée inclut non seulement l’incapacité de travail stricto sensu mais aussi la diminution de rendement ainsi que les limitations fonctionnelles en lien avec celle-ci, ce qui exclut une prise en compte des limitations fonctionnelles dans un abattement subséquent sur le salaire statistique d’invalide (cf. jurisprudence citée plus haut).

6.9 Il sied de rappeler que, selon l’expert neurochirurgien, la capacité de travail dans une activité adaptée est de 50% dès avril/mai 2021, soit deux à trois mois après la stabilisation amenée par la pose du stimulateur coïncidant avec une réduction des douleurs d’environ 50% (réponse figurant dans l’appréciation consensuelle). Ceci implique implicitement mais clairement que, d’après cet expert judiciaire et contrairement au texte de sa réponse à la question 5.6 (erreur manifeste), la capacité de travail était nulle non seulement dans l’activité habituelle mais également dans une activité adaptée avant avril 2021.

Doit être retenu en février 2021 le dies a quo d’une augmentation à 50% de la capacité de travail concomitente à l’implantation définitive du neurostimulateur, vu la réduction importante des douleurs qui a résulté durant ledit mois de la pose définitive de cet appareil (cf. aussi, dans ce sens, les déclarations en audience du Dr M______), sans qu’il soit justifié d’attendre encore deux à trois mois pour retenir une telle augmentation de la capacité de travail.

Cette conclusion est plus convaincante que la position de l’experte judiciaire rhumatologue retenant une capacité de travail entière, sans diminution de rendement, à partir de septembre 2019 (« 5 mois post deuxième chirurgie lombaire »), du fait, selon ladite experte, d’un état de santé stabilisé et en se basant sur les limitations fonctionnelles retenues. En effet, la position de cette experte selon laquelle il ne faut pas tenir compte des douleurs ne peut pas être suivie (cf. les considérants ci-dessus).

Il n’y a dès lors pas eu d’amélioration importante, au sens des art. 17 al. 1 LPGA et 88a al. 1 RAI, avant février 2021, le passage d’une incapacité de travail dans une activité adaptée de 100% à 50% ayant ainsi eu lieu à ce moment-là.

6.10 Par appréciation anticipée des preuves (cf. à ce sujet notamment ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d), une nouvelle expertise psychiatrique – administrative (art. 44 LPGA) ou judiciaire – s’avère inutile.

En effet, les douleurs et la fatigue en résultant sont en l’occurrence objectivées, et l’assurée ne souffre pas de troubles psychiques incapacitants. Au demeurant concernant les douleurs, l’experte psychiatre K______ n’avait, en mai 2021, retenu ni un trouble douloureux somatoforme persistant, ni une majoration de symptômes psychiques pour raisons psychologiques (p. 45-46).

Toujours par appréciation anticipée des preuves, une mise en situation de l’intéressée dans un atelier de réinsertion professionnelle comme évoqué par l’expert neurochirurgien et demandé par la recourante lors de l’audience du 1er octobre 2024 n’est pas nécessaire.

En effet, l’incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée apparaît suffisamment fondée sur la base de l’appréciation de l’expert P______. En outre, il n’est, dans les présentes circonstances, aucunement certain qu’une mise en situation de l’intéressée dans un atelier de réinsertion professionnelle pourrait apporter des réponses probantes en matière de limitations fonctionnelles et de capacité de travail, ce d’autant moins au vu du déconditionnement de l’assurée depuis l’automne 2018, donc depuis plusieurs années (6.5 ans). Au demeurant, il appartient au médecin – et non au conseiller en réadaptation – de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de la personne assurée compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b ; SVR 2006 IV n. 10 p. 39). De surcroît, les appréciations des médecins l'emportent – en principe – sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle et qui sont susceptibles d'être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de la personne concernée pendant le stage (arrêts du Tribunal fédéral 9C_486/2022 du 17 août 2023 consid. 6.5 ; 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2 et la référence).

6.11 La comparaison des revenus sans et avec invalidité est effectuée comme il suit, étant en outre d’emblée précisé que des emplois consistant, notamment, en un travail manuel comme la couture ou un travail de précision avec les mains (évoqués par l’experte Q______) existent.

6.11.1 Vu l’incapacité de travail totale dans toute activité et donc l’invalidité d’un degré de 100% jusqu’à février 2021, le droit à une rente entière d’invalidité a perduré jusqu’au 31 mai 2021, soit trois après l’amélioration importante de la capacité de gain en application de l’art. 88a al. 1 RAI.

6.11.2 Pour la période commençant le 1er juin 2021, la perte de gain de 6% retenue dans le projet de décision du 17 mai 2021 et dans la décision – querellée – du 14 octobre 2021, à la suite de la comparaison des revenus sans invalidité (sur la base du salaire auprès de l'employeur en 2017) et avec invalidité (selon l’ESS, niveau 1 [tâches physiques et manuelles simples] et avec un abattement de 15%) – comme calculé par la division gestion de l'OAI dans le document (« détermination du degré d’invalidité ») du 14 mai 2021 – n’est en tant que telle pas contestée par la recourante.

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient, conformément à la jurisprudence, de se placer au moment de la naissance du droit à la rente, ici 2019.

Dans le questionnaire rempli le 27 février 2019, l'employeur a indiqué un « salaire AVS actuel » annuel, depuis le 1er janvier 2013, de CHF 47'398.-, et le compte individuel AVS (CI), imprimé le 21 mars 2019, montre en 2017 (la dernière année y figurant) un revenu de CHF 49'059.- auprès de l’employeur.

Dans le document « détermination du degré d’invalidité », l’office a « réactualisé » – indexé – ce montant à 2019 et l’a porté à CHF 49'781.-, montant qui figure au titre du revenu sans invalidité dans la décision attaquée. Ce procédé ne prête pas le flanc à la critique.

Le « revenu annuel brut avec invalidité » de CHF 46'938.- selon le document « détermination du degré d’invalidité » et la décision querellée, est fondé sur l'ESS 2018 (tableau « TA1_tirage_skill_level », pour les femmes sous « total », donc « tous domaines confondus », niveau de compétence 1, à savoir « tâches physiques ou manuelles simples » – niveau où les salaires sont les plus bas –, salaire mensuel brut [pour 40 heures par semaine] de CHF 4'371.-, ajusté en fonction de la moyenne des heures travaillées en Suisse [41.7 heures], c'est-à-dire CHF 4'557.-, puis annualisé [x 12] à CHF 54'684.- [et non CHF 54'681.-, différence minime] et indexé selon l'indice suisse des salaires [ISS], soit CHF 55'222.-, réduit ensuite de 15% [« réduction forfaitaire »]).

Cela étant, vu l’incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée, il convient de réduire de moitié le « revenu annuel brut avec invalidité » de CHF 55'222.-, ce qui donne CHF 27'611.-.

6.11.3 Concernant l’abattement par rapport audit revenu d’invalidité, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que le travail à plein temps n'est pas nécessairement mieux rémunéré que le travail à temps partiel ; dans certains domaines d'activités, les emplois à temps partiel sont en effet répandus et répondent à un besoin de la part des employeurs, qui sont prêts à les rémunérer en conséquence (ATF 126 V 75 consid. 5a/cc ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 8C_49/2018 du 8 novembre 2018 consid. 6.2.2.2). Cela étant, si selon les statistiques, les femmes exerçant une activité à temps partiel ne perçoivent souvent pas un revenu moins élevé proportionnellement à celles qui sont occupées à plein temps (cf., par ex., arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.2.2), la situation se présente différemment pour les hommes ; le travail à temps partiel peut en effet être synonyme d'une perte de salaire pour les travailleurs à temps partiel de sexe masculin (arrêt du Tribunal fédéral 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.2).

Par ailleurs, bien que l'âge soit inclus dans le cercle des critères déductibles depuis la jurisprudence de l'ATF 126 V 75 – laquelle continue de s'appliquer (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_470/2017 du 29 juin 2018 consid. 4.2) – il ne suffit pas de constater qu'un assuré a dépassé la cinquantaine au moment déterminant du droit à la rente pour que cette circonstance justifie de procéder à un abattement. Selon la jurisprudence, l'effet de l'âge combiné avec un handicap doit faire l'objet d'un examen dans le cas concret, les possibles effets pénalisants au niveau salarial induits par cette constellation aux yeux d'un potentiel employeur pouvant être compensés par d'autres éléments personnels ou professionnels tels que la formation et l'expérience professionnelle de l'assuré concerné (arrêt du Tribunal fédéral 8C_227/2017 du 17 mai 2018 consid. 5).

Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a rappelé qu’en ce qui concerne le critère de l'âge comme facteur d'abattement du salaire statistique, il y a lieu de tenir compte de l'interdépendance des facteurs personnels et professionnels entrant en ligne de compte qui contribuent à désavantager la personne assurée sur le marché du travail après une absence prolongée. Il est en effet notoire que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d'une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels ; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne. Aussi, en présence d'un assuré de plus de 50 ans, la jurisprudence insiste sur l'effet de l'âge combiné avec un handicap, qui doit faire l'objet d'un examen dans le cas concret (arrêt du Tribunal fédéral 9C_341/2023 du 29 janvier 2024 consid. 6.2.3 et les références).

La Haute Cour a considéré qu'un assuré ayant accompli plusieurs missions temporaires, alors qu'il était inscrit au chômage consécutivement à la cessation d'activité de son ancien employeur, disposait d'une certaine capacité d'adaptation sur le plan professionnel susceptible de compenser les désavantages compétitifs liés à son âge (59 ans au moment déterminant), surtout dans le domaine des emplois non qualifiés qui sont, en règle générale, disponibles indépendamment de l'âge de l'intéressé sur le marché équilibré du travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_227/2017 précité consid. 5 ; voir aussi arrêts du Tribunal fédéral 8C_403/2017 du 25 août 2017 consid. 4.4.1 ; 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.4.3). Il a également contesté un abattement dans le cas d’un assuré âgé de 55 ans au motif que ses excellentes qualifications personnelles, professionnelles et académiques constituaient un avantage indéniable en terme de facilité d’intégration sur le marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_375/2019 du 25 septembre 2019 consid. 7.3).

À l'inverse, dans un autre arrêt récent rendu en matière d'AI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_470/2017 du 29 juin 2018 consid. 4.2), le Tribunal fédéral a retenu un taux d'abattement de 10% dans le cas d'un assuré âgé de 61 ans qui, durant de longues années, avait accompli des activités saisonnières dans le domaine de la plâtrerie et dont le niveau de formation était particulièrement limité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.2). Il a également retenu un taux d’abattement de 10% dans le cas d’une assurée, âgée de 50 ans au moment déterminant de la comparaison des revenus et de surcroît absente depuis de nombreuses années du marché du travail, qui présentait des limitations fonctionnelles objectives d'ordre psychique, lesquelles n’étaient nullement compensées par d'autres éléments personnels ou professionnels tels que la formation ou l'expérience professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_341/2023 du 29 janvier 2024 consid. 6.2.3).

6.11.4 Dans les présentes circonstances, au regard de la capacité de travail de seulement 50%, de l’âge (51 ans au moment de la naissance du droit à la rente) de l’intéressée, de l’absence de formation substantielle, de même que de quelques légères difficultés en français (qui n’est pas sa langue maternelle), mais sans prise en compte ici des limitations fonctionnelles en tant que telles, un abattement – réduction supplémentaire – de 10% sur le revenu d’invalide de CHF 27'611.- se justifie, ce qui donne CHF 24'850.-.

6.11.5 Par la comparaison des revenus sans invalidité (CHF 49'781.-) et avec invalidité (CHF 24'850.-), on parvient à une perte de gain – un degré d’invalidité – de 50%.

6.12 Ce degré d’invalidité donne droit, en application de l’art. 28 al. 2 LAI, à une demi-rente d’invalidité.

7.             Se pose ensuite la question des mesures professionnelles, vu la capacité de travail restante de 50% dans une activité adaptée.

7.1 Selon l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d'une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d'accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d'octroi des différentes mesures soient remplies (let. b). Le droit aux mesures de réadaptation n'est pas lié à l'exercice d'une activité lucrative préalable. Lors de la fixation de ces mesures, il est tenu compte de la durée probable de la vie professionnelle restante (art. 8 al. 1bis LAI en vigueur dès le 1er janvier 2008). L'art. 8 al. 3 let. b LAI dispose que les mesures de réadaptation comprennent les mesures d'ordre professionnel (orientation professionnelle, formation professionnelle initiale, reclassement, placement, aide en capital).

Pour déterminer si une mesure est de nature à maintenir ou à améliorer la capacité de gain d'un assuré, il convient d'effectuer un pronostic sur les chances de succès des mesures demandées (ATF 132 V 215 consid. 3.2.2 et les références). Celles-ci ne seront pas allouées si elles sont vouées à l'échec, selon toute vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral I 388/06 du 25 avril 2007 consid. 7.2).

Se pose en premier lieu la question de savoir si l'assuré est invalide ou menacé d'une invalidité permanente (cf. art. 28 al. 1 LAI). On rappellera qu'il n'existe pas un droit inconditionnel à obtenir une mesure professionnelle (voir par ex. l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_385/2009 du 13 octobre 2009). Il faut également relever que si une perte de gain de 20% environ ouvre en principe droit à une mesure de reclassement dans une nouvelle profession (ATF 139 V 399 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 2 et les références), la question reste ouverte s'agissant des autres mesures d'ordre professionnel prévues par la loi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_464/2009 du 31 mai 2010).

En vertu de l'art. 15 LAI – dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2022 –, l'assuré auquel son invalidité rend difficile le choix d'une profession ou l'exercice de son activité antérieure a droit à l'orientation professionnelle.

Conformément à l'art. 17 LAI, l'assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée (al. 1). La rééducation dans la même profession est assimilée au reclassement (al. 2). Cette disposition légale est précisée par l’art. 6 RAI.

Aux termes de l'art. 18 LAI (mesure d'aide au placement) – dans sa version antérieure au 1er janvier 2022 –, l'assuré présentant une incapacité de travail (art. 6 LPGA) et susceptible d'être réadapté a droit : à un soutien actif dans la recherche d'un emploi approprié (let. a) ; à un conseil suivi afin de conserver un emploi (let. b ; al. 1). L'office AI procède à un examen sommaire du cas et met en œuvre ces mesures sans délai si les conditions sont remplies (al. 2).

7.2 En l’espèce, selon les informations qu’elle a fournies dans sa demande de prestations AI, la recourante ne dispose pas d’une formation substantielle au-delà de l’école primaire dans son pays d’origine, les formations suivies en cours d’emploi n’apparaissant pas susceptibles de l’aider dans une mesure importante à trouver un emploi (au taux résiduel de 50%).

Or ses limitations fonctionnelles importantes pourraient le cas échéant être de nature à l’entraver dans ses choix d’emplois à rechercher ainsi que dans son engagement par un potentiel employeur.

7.3 Conformément au principe inquisitoire, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

7.4 En l’occurrence, l’intimé n’a pas motivé son refus de mesures professionnelles au-delà du fait qu’il les a considérées comme non nécessaires, ce qui pouvait en partie se comprendre par le taux de perte de gain de 6%, inférieur en particulier au degré minimal – 20% – requis pour un reclassement.

De surcroît, la question des éventuelles mesures professionnelles a été peu investiguée également dans le cadre de la présente procédure de recours, qui s’est concentrée essentiellement sur la question des atteintes à la santé et de leurs effets sur la capacité de travail.

Il se justifie dès lors de renvoyer la cause à l’intimé concernant les mesures professionnelles.

8.             Vu ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision querellée sera réformée en ce sens qu’après l’octroi de la rente entière d’invalidité du 1er août au 30 novembre 2019, la recourante continue à avoir droit à une rente entière jusqu’au 31 mai 2021 mais a, dès le 1er juin 2021, droit à une demi-rente d’invalidité, et ladite décision sera annulée en tant qu’elle refuse des mesures professionnelles, la cause étant ainsi renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sujet des mesures professionnelles.

9.             La recourante, qui est représentée par une avocate et obtient en grande partie gain de cause, a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 4'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI), mais non à celui des frais d’expertise judiciaires (cf., notamment, a contrario, arrêt du Tribunal fédéral 9C_560/2024 du 11 décembre 2024 consid. 3 et 4.3).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision rendue le 14 octobre 2021 par l’intimé en ce sens qu’après l’octroi de la rente entière d’invalidité du 1er août au 30 novembre 2019, la recourante continue à avoir droit à une rente entière d’invalidité jusqu’au 31 mai 2021, mais a, dès le 1er juin 2021, droit à une demi-rente d’invalidité.

4.        Annule ladite décision querellée en tant qu’elle refuse des mesures professionnelles, et renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sujet des mesures professionnelles.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de dépens de CHF 4'000.-, à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le