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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/689/2024

ATAS/779/2024 du 10.10.2024 ( LCA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/689/2024 ATAS/779/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 octobre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Yama SANGIN, avocat

 

 

demanderesse

 

contre

SWICA ASSURANCE-MALADIE SA

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. La société à responsabilité limitée A______ (ci-après : la société ou la demanderesse) a pour but l’exploitation d’établissements publics, les services de café-restauration et de traiteur et la vente à l’emporter. Monsieur B______ (ci-après : le gérant) en est l’associé-gérant.

b. Le 26 septembre 2022, la société a conclu avec la société anonyme SWICA ASSURANCE-MALADIE (ci-après : SWICA ou la défenderesse) une assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie pour son personnel, le gérant étant considéré comme salarié de la société. La police 1______ relative à cette assurance était valable dès le 1er août 2022. Dans le cadre des pourparlers préalables à la signature de cette police, le gérant a, en date du 3 août 2022, rempli une déclaration de santé, dans laquelle il a répondu par la négative aux questions « Souffrez-vous ou avez-vous souffert au cours des dix dernières années de maladies/troubles/problèmes […] et/ou avez-vous reçu un traitement thérapeutique ? Si oui, lequel (par ex. […] affections des muscles, des os, des articulations ou de la colonne vertébrale […] » et « Avez-vous déjà souffert […] d’une hernie discale ».

c. Le docteur C______, spécialiste FMH en gynécologie, a attesté une incapacité de travail totale du gérant, dès le 9 juin 2023, en raison d’une maladie.

d. SWICA a versé des indemnités journalières au gérant à hauteur de CHF 631.20 et de CHF 2'455.90 pour la période du 9 juin au 31 juillet 2023, après imputation d’un délai d’attente de 14 jours.

e. SWICA a eu un entretien téléphonique avec le gérant le 29 juin 2023. Selon la note d’entretien qu’elle a établie, celui-ci lui a indiqué qu’il avait subi une lourde opération du dos, dix ans auparavant. Il avait, par la suite, repris son activité professionnelle, petit à petit. Le 5 juin précédent, il avait eu le dos bloqué, après avoir déplacé des cartons.

f. Le 7 août 2023, SWICA a requis un rapport du Dr C______ au sujet de l’incapacité de travail du gérant, document qui lui est parvenu le 31 août suivant. Ce médecin y a indiqué que les symptômes étaient apparus le 9 juin 2023. L’incapacité de travail était causée par des lombalgies, le gérant ayant déjà subi une opération pour une hernie discale, en 2013.

g. Par courrier du 10 novembre 2023, SWICA a résilié avec effet rétroactif au 1er août 2022 la police d’assurance du 26 septembre 2022, qu’elle a désignée par le numéro de police n° 2______. Elle a invoqué une réticence, le gérant ayant violé son obligation de renseigner en omettant d’indiquer, dans le questionnaire de santé, l’opération du dos subie dix ans avant la conclusion de la police. Elle a soutenu ne pas être liée par le contrat conclu, au vu des agissements dolosifs de la société lors de sa conclusion, et de la dissimulation de faits qui auraient exclu ou restreint son obligation de prester. Si le gérant n’avait pas « délibérément faussé » ses déclarations, elle n’aurait pas conclu le contrat ou l’aurait fait à des conditions différentes. Le gérant avait également commis une tromperie illicite, qui avait induit SWICA en erreur. Celle-ci n’était ainsi pas liée par le contrat, qui était partant résilié avec effet rétroactif, et les prestations déjà allouées devaient lui être remboursées. Elle a requis la restitution des prestations versées à hauteur de CHF 3'094.- pour l’employé de la société. Le gérant n’avait pas non plus droit à des prestations pour son arrêt de travail, et les indemnités journalières déjà versées, soit CHF 3'077.10, devaient également être restituées à SWICA.

B. a. Par demande intitulée « requête en constatation », déposée le 26 février 2024 devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), la demanderesse a conclu, sous suite de dépens, principalement à ce qu’il soit constaté que la décision (sic) de résiliation rétroactive du 10 novembre 2023 était nulle, à ce qu’il soit dit que les prestations de CHF 3'094.- versées en faveur de son employé, Monsieur D______, et celles de CHF 3077.10 versées en faveur du gérant ne devaient pas être remboursées à la défenderesse, et à ce que la défenderesse soit enjointe à prendre en charge les prestations de perte de gain en cas de maladie en faveur du gérant ; subsidiairement au renvoi de la cause à la défenderesse pour nouvelle décision sur le droit du gérant à des prestations pour perte de gain ; plus subsidiairement encore à ce qu’il soit constaté que la résiliation de la police d'assurance n° 2______ prenait fin avec effet au 11 novembre 2023 ; à ce qu’il soit constaté que la défenderesse devait accorder ses prestations pour l'incapacité de travail du gérant à compter du 9 juin 2023 ; et à ce qu’il soit constaté que les montants de CHF 3'094.- et de CHF 3'077.10 correspondant aux prestations accordées par la défenderesse pour les incapacités de travail de D______ et du gérant ne devaient pas être restitués à celle-ci.

La demanderesse a soutenu que les lombalgies du gérant n’avaient aucun lien avec la hernie discale dont il avait souffert. La défenderesse avait été informée le 31 août 2023 de la réticence et elle n’avait résilié le contrat que le 10 novembre suivant, soit après la péremption du délai de quatre semaines prévu par la loi à cet effet. Partant, le contrat n’avait pas été valablement résilié. Le gérant n’avait pas dissimulé des faits lors de l’annonce de son incapacité de travail, contrairement à ce qu’invoquait en outre la défenderesse. Partant, la défenderesse n’était pas non plus fondée à résilier le contrat pour ce motif. Elle ne pouvait non plus se prévaloir des dispositions générales du droit des obligations, et en particulier de celle liée au dol. Par conséquent, la résiliation était nulle. L’incapacité de travail de D______ n’avait aucun lien avec la réticence, pas plus que la pathologie actuelle du gérant, si bien que la défenderesse n’avait pas droit au remboursement des indemnités journalières versées pour ces sinistres.

b. Dans sa réponse du 6 juin 2024, la défenderesse a conclu, sous suite de dépens, au rejet de la « plainte déposée contre elle » par la demanderesse. La défenderesse a admis que le terme pour faire valoir la réticence était échu au 28 septembre 2023. Elle a soutenu qu’elle avait été induite à contracter la police par le dol de la demanderesse, qu’elle l’avait informée, dans le délai légal d’une année, dès la découverte de ce motif, qu’elle ne maintenait pas le contrat. Tant les éléments constitutifs du dol que de la réticence étaient réalisés par les déclarations inexactes du gérant. Les conditions pour se départir d’une police en cas de prétention frauduleuse étaient également réalisées. La défenderesse a cité le titre d’un article juridique « parlant précisément de ce point ». 

c. Par réplique du 3 juillet 2024, la demanderesse a persisté dans ses conclusions. Elle a renoncé à répliquer, tout en se déterminant sur les allégations de la défenderesse.

d. Par duplique du 26 juillet 2024, la défenderesse a persisté dans ses conclusions tendant au rejet de la demande.

e. La chambre de céans a fait part aux parties de son intention de statuer sans audience, sauf requête contraire de leur part au 6 septembre 2024.

f. Celles-ci ne s’étant pas manifestées, la cause a été gardée à juger à l’expiration de ce délai.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.

L’art. 38 al. 2 des conditions générales d’assurance dans leur édition 2022 complétant la police prévoit que le preneur d’assurance ou la personne assurée a le choix entre le for ordinaire et celui de son domicile en Suisse ou dans la Principauté du Liechtenstein.

La demanderesse ayant son siège à Genève, la chambre de céans est compétente tant à raison de la matière que du lieu pour connaître de la présente demande.

2.             En préambule, la chambre de céans observe ce qui suit.

2.1 Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

2.2 La loi fédérale sur la surveillance des entreprises d’assurance du 17 décembre 2004 (LSA - RS 961.01) ne contient pas de règles spécifiques concernant les délais relatifs aux contestations de droit privé qui s’élèvent entre les entreprises d’assurance et les assurés.

2.3 Dans l’examen de la recevabilité des conclusions de la demande, il convient de distinguer en fonction de leur nature. La demanderesse a en effet pris des conclusions tant constatatoires – tendant à faire constater la validité de la police conclue – que condamnatoires, dès lors qu’elle requiert la prise en charge de l’incapacité de travail du gérant.

2.3.1 Conformément à l’art. 84 al. 2 CPC, l’action tendant au paiement d'une somme d'argent doit être chiffrée. Le chiffrement de telles actions compte parmi les conditions de recevabilité, que le juge doit examiner d’office (arrêt du Tribunal fédéral 4A_235/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.1). Aux termes de l’art. 85 CPC, si le demandeur est dans l'impossibilité d'articuler d'entrée de cause le montant de sa prétention ou si cette indication ne peut être exigée d'emblée, il peut intenter une action non chiffrée. Il doit cependant indiquer une valeur minimale comme valeur litigieuse provisoire (al. 1). Une fois les preuves administrées ou les informations requises fournies par le défendeur, le demandeur doit chiffrer sa demande dès qu'il est en état de le faire. La compétence du tribunal saisi est maintenue, même si la valeur litigieuse dépasse sa compétence (al. 2). Il incombe au demandeur qui formule une conclusion en paiement non chiffrée de démontrer dans quelle mesure il n'est pas possible, ou du moins pas exigible, d'indiquer d'entrée de cause le montant de sa prétention (ATF 140 III 409 consid. 4.3.2). Exceptionnellement, des conclusions non chiffrées suffisent lorsque la somme à allouer est d’emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_11/2014 du 3 juillet 2014 consid. 1.2). Toutefois, dans deux causes en matière d’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie, le Tribunal fédéral a jugé irrecevables les conclusions d’assurés tendant simplement aux « prestations découlant du contrat d’assurance » (ATF 134 III 235 consid. 2) ou ordonnant « à [l’assurance] de calculer et de verser l’indemnité journalière en cas de maladie au demandeur dès le 30 août 2004 » (arrêt du Tribunal fédéral 4A_107/2008 du 5 juin 2008 consid. 2.2).

En l’espèce, la demanderesse n’a pas chiffré ses conclusions condamnatoires en paiement des indemnités journalières, sans avancer de motif justificatif, alors même que la quotité des prestations dues peut être aisément établie. En effet, la défenderesse a déjà versé des indemnités journalières, dont le montant est ainsi connu et ne paraît pas litigieux. Par conséquent, ces conclusions sont irrecevables.

La conclusion subsidiaire tendant au « renvoi de la cause pour nouvelle décision sur le droit aux prestations du gérant » ne suffit pas à pallier l’absence de prétentions chiffrées, dès lors que les litiges relevant de la LCA ne sont pas soumis à la procédure administrative mais à la procédure civile, et que les assurances qui la pratiquent n’interviennent pas en qualité d’autorités et ne rendent pas de décision. Un renvoi par le juge à l’assurance est ainsi exclu.

2.3.2 S’agissant de la conclusion en constatation de la nullité de la résiliation de la police, elle ne relève pas d’une action formatrice tendant à la modification d’un rapport de droit selon l’art. 87 CPC, mais d’une action en constatation au sens de l’art. 88 CPC. Une telle action suppose un intérêt de fait ou de droit, digne de protection, à la constatation immédiate de la situation de droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_145/2013 du 4 septembre 2013 consid. 2.2) et est subsidiaire par rapport à une action condamnatoire ou formatrice (arrêt du Tribunal fédéral 4A_688/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.1). Seules des circonstances exceptionnelles conduisent à admettre l'existence d'un intérêt digne de protection à la constatation de droit lorsqu'une action en exécution est ouverte. Un litige doit en principe être soumis au juge dans son ensemble par la voie de droit prévue à cet effet. Le créancier qui dispose d'une action condamnatoire ne peut en tout cas pas choisir d'isoler des questions juridiques pour les soumettre séparément au juge par la voie d'une action en constatation de droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2). Le principe de subsidiarité d’une action en constatation de droit par rapport à une action formatrice ou condamnatoire ne vaut cependant que pour autant que l’action de nature constatatoire ne procure pas une protection plus étendue à la partie qui a précisément besoin d’une telle protection (Marc WEBER, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2ème éd. 2013, n. 15 ad art. 88 CPC). En matière d’assurances complémentaires, le Tribunal fédéral a ainsi confirmé l’existence d’un intérêt digne de protection à voir des conclusions constatatoires tranchées portant sur l’obligation de prester de l’assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.151/2002 du 30 septembre 2002 consid. 1.2).

En l’espèce, on peut admettre l’existence d’un intérêt digne de protection de la demanderesse à constater la validité de l’assurance collective qu’elle a conclue pour son personnel, notamment au vu des prétentions élevées par la défenderesse dans son courrier du 10 novembre 2023, exigeant le remboursement des indemnités journalières allouées pour D______, et de l’intérêt pour la demanderesse à écarter tout doute quant à la couverture de la perte de gain en cas de maladie de son personnel. Il faut, en effet, souligner ici que l’art. 23 de la Convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés impose aux employeurs de souscrire une assurance d’indemnités journalières au bénéfice de ses collaborateurs en cas de maladie.

S’agissant enfin des conclusions de la demanderesse tendant à faire constater par la chambre de céans que les indemnités journalières déjà versées ne doivent pas être remboursées, elles n’ont pas de portée autonome mais sont les conséquences juridiques liées à la reconnaissance de la validité de la police – en l’absence de tout autre motif de restitution. Elles suivent ainsi le sort de l’action en constatation sur ce point, indépendamment de leur recevabilité.

On rappellera du reste ici que la restitution desdites prestations n’a pas fait l’objet d’une demande reconventionnelle de la défenderesse.

2.4 Compte tenu de ce qui précède, la demande est recevable en tant qu’elle porte sur la constatation de la validité de la police conclue avec la défenderesse, et irrecevable en tant qu’elle porte sur le versement des indemnités journalières.

3.             Le litige porte sur le point de savoir si la défenderesse a valablement résilié la police d’indemnités journalières en cas de maladie, conclue le 26 septembre 2022 avec la demanderesse.

On relèvera que celle-ci porte le numéro 1______, alors que les parties se sont référées au numéro de police 2______. Il ne fait toutefois aucun doute qu’il s’agit là de la même police, compte tenu de sa teneur et de la date de sa conclusion.

4.             Selon l'art. 4 LCA, le proposant doit déclarer par écrit à l'assureur suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l'appréciation du risque, tels qu'ils lui sont ou doivent être connus lors de la conclusion du contrat (al. 1). Sont importants tous les faits de nature à influer sur la détermination de l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues (al. 2). Sont réputés importants les faits au sujet desquels l'assureur a posé par écrit des questions précises, non équivoques (al. 3).

4.1 Les faits qu'il faut déclarer sont, non seulement ceux qui peuvent constituer une cause de risque, mais aussi ceux qui permettent de supposer l'existence d'une cause de risque ; le preneur n'a, en revanche, pas à annoncer des faits au sujet desquels il n'est pas interrogé (ATF 134 III 511 consid. 3.3.2). La question posée par l'assureur doit être formulée par écrit et elle doit être rédigée de manière précise et non équivoque. Il n'y a pas de réticence si la question était ambiguë, de telle sorte que la réponse donnée apparaît véridique, selon la manière dont la question pouvait être comprise de bonne foi par le proposant (ATF 136 III 334 consid. 2.3).

4.2 Pour qu'il y ait réticence, il faut, d'un point de vue objectif, que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à la vérité, par omission ou inexactitude ; la réticence peut consister à affirmer un fait faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité. D'un point de vue subjectif, la réticence suppose que le proposant connaissait ou aurait dû connaître la vérité. Le proposant doit déclarer non seulement les faits qui lui sont connus sans autre réflexion, mais aussi ceux qui ne peuvent lui échapper s'il réfléchit sérieusement à la question posée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_289/2013 du 10 septembre 2013 consid. 4.1). L’exactitude des réponses qu’un assureur est en droit d’attendre dépend toutefois de la précision des questions. Lorsque les questions sont rédigées de manière large et laissent une grande marge d’appréciation, une violation de l’obligation d’annoncer doit être admise avec une certaine retenue (arrêt du Tribunal fédéral 5C.240/2001 du 13 décembre 2001 consid. 4b). Une réticence doit également être admise de manière restrictive en cas de questions ouvertes (en l’espèce « Avez-vous eu des maladies durant les cinq dernières années ») (ATF 134 III 511 consid. 5.2.1).

5.             L’art. 6 LCA dispose que si celui qui avait l'obligation de déclarer a, lors de la conclusion du contrat, omis de déclarer ou inexactement déclaré un fait important qu'il connaissait ou devait connaître (réticence), et sur lequel il a été questionné par écrit, l'assureur est en droit de résilier le contrat ; il doit le faire par écrit. La résiliation prend effet lorsqu'elle parvient au preneur d'assurance (al. 1). Le droit de résiliation s'éteint quatre semaines après que l'assureur a eu connaissance de la réticence (al. 2). Si le contrat prend fin par résiliation en vertu de l'al. 1, l'obligation de l'assureur d'accorder sa prestation s'éteint également pour les sinistres déjà survenus lorsque le fait qui a été l'objet de la réticence a influé sur la survenance ou l'étendue du sinistre. Dans la mesure où il a déjà accordé une prestation pour un tel sinistre, l'assureur a droit à son remboursement (al. 3). Si un contrat d'assurance sur la vie, rachetable selon la présente loi (art. 90 al. 2), est résilié, l'assureur doit accorder la prestation prévue en cas de rachat (al. 4).

Le délai de quatre semaines prévu par l’art. 6 al. 2 LCA est un délai de péremption (ATF 118 II 333 consid. 3). Le délai ne commence à courir que lorsque l'assureur dispose d'informations dignes de foi sur des faits dont on peut déduire avec certitude qu'une réticence a été commise. De simples présomptions, qui apportent une plus ou moins grande vraisemblance, ne sont pas suffisantes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2018 du 13 décembre 2018 consid. 3.2.1).

6.              

6.1 En l’espèce, il ne fait guère de doute qu’il y a eu réticence du gérant, lequel a non seulement omis d’indiquer la hernie discale dont il a souffert, mais a également nié toute affection de la colonne vertébrale. Par ailleurs, les lombalgies à l’origine de son incapacité de travail, dès juin 2023, relèvent d’une atteinte de la colonne vertébrale. Or, il est plus que vraisemblable que la défenderesse n’aurait pas conclu la police ou aurait stipulé d’autres conditions, voire exclu ce risque, si ledit questionnaire avait été rempli de manière conforme à la vérité.

Cela étant, et la défenderesse ne le conteste pas, elle était forclose à invoquer la réticence pour résilier le contrat, dès lors que ladite résiliation a été signifiée à la demanderesse après l’expiration du délai de péremption de quatre semaines prévu par la loi. Or, si la résiliation n’a pas lieu, le contrat est maintenu sans modification, c’est à dire en incluant les risques non annoncés et sans que l’assureur ne soit fondé à réclamer une augmentation des primes, même si la personne soumise à l’obligation d’annoncer l’a intentionnellement trompé ou si on peut, de bonne foi, admettre selon la volonté hypothétique des parties qu’une prime plus élevée aurait été stipulée en cas de déclaration conforme à la vérité (Peter GAUCH, Das Kündigungsrecht des Versicherers bei verletzter Anzeigepflicht des Antragstellers, Ein Kurzkommentar zu den am 1. Januar 2006 in Kraft getretenen Änderungen der Art. 6 und 8 VVG in ZBJV 2006, p. 367)

6.2 La défenderesse invoque toutefois également l’art. 40 LCA, en vertu duquel elle ne s’estime pas liée par la police.

6.2.1 Selon cette disposition, si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’entreprise d’assurance en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’entreprise d’assurance, ou si, dans le but d’induire l’entreprise d’assurance en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que lui impose l’art. 39 de la présente loi, l’entreprise d’assurance n’est pas liée par le contrat envers l’ayant droit.

L’état de fait visé par l’art. 40 LCA se différencie de la problématique de la réticence par le moment de la dissimulation ou de la fausse déclaration. La prétention frauduleuse implique que le contrat soit entré en vigueur, ou à tout le moins que la proposition d’assurance ait été valablement acceptée par l’assureur (Alexandre GUYAZ in Commentaire romand LCA, 2022, n. 3 ad art. 40 LCA). L’art. 40 LCA est applicable si un fait inexact est déclaré au moment où la prétention d’assurance est soulevée par le preneur ou l’ayant droit (Vincent BRULHART, Droit des assurances privées, 2ème éd. 2017, n. 805). Seuls sont pertinents pour l’application de cette disposition les faits dissimulés ou déclarés inexactement qui sont objectivement de nature à influer sur l’existence ou l’étendue de l’obligation de prester de l’assureur. Tel n’est pas le cas, par exemple, lorsque celui qui fait valoir son droit à des prestations ment sur la survenance de dommages précédents (Laura MANZ / Pascal GROLIMUND in Basler Kommentar, Versicherungsvertragsgesetz, 2ème éd. 2023, n. 23 ad art. 40 LCA).

En d’autres termes, l’annonce inexacte ou la dissimulation au sens de l’art. 40 LCA vise les déclarations ou les omissions, dans le cadre d’une prétention en lien avec un sinistre, et non les informations fournies préalablement à la conclusion du contrat.

6.2.2 La défenderesse ne peut ainsi pas se prévaloir de cette disposition pour se départir de la police dans le cas d’espèce, dès lors qu’aucune déclaration inexacte ou tromperie, en lien avec les incapacités de travail indemnisées, ne peut être reprochée à la société ou à son gérant.

6.3 Enfin, la défenderesse se prévaut de l’art. 28 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) pour résilier le contrat. Cet article dispose que la partie induite à contracter par le dol de l’autre n’est pas obligée, même si son erreur n’est pas essentielle (al. 1). La partie qui est victime du dol d’un tiers demeure obligée, à moins que l’autre partie n’ait connu ou dû connaître le dol lors de la conclusion du contrat (al. 2).

6.3.1 La défenderesse ne peut cependant être suivie. En effet, selon la jurisprudence et la doctrine majoritaire, le silence ou même de fausses déclarations sur des faits non pertinents pour le contrat d’assurance ne remplissent pas les conditions du dol (Bruno SCHMIDLIN / Arnaud CAMPI in Commentaire romand CO I, 3ème éd. 2021, n. 58 ad art. 28 CO). En effet, les déclarations obligatoires lors de la conclusion du contrat selon l’art. 4 LCA n'ont pas pour effet un accord, mais sont aménagées et sanctionnées comme un devoir légal particulier (ATF 118 II 333 consid. 1d). Les art. 4 à 8 LCA règlent ainsi complètement la réticence et ses conséquences, à l'exclusion des dispositions générales du CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_352/2014 du 9 février 2015 consid. 4.1.2.). Il est ainsi exclu de se fonder sur les art. 23ss CO lorsque les conditions de la réticence sont réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_112/2013 du 20 août 2013 consid. 3.5.1), la réglementation légale sur la réticence constituant à cet égard une lex specialis qui prévaut sur les règles générales régissant les vices du consentement (arrêt de la cour des assurances sociales du tribunal cantonal de Bâle-Campagne 731 18 373/216 du 29 août 2019 ; Stephan FUHRER, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, Zürich / Basel / Genf 2011, n. 6.109, cf. également Corinne MONNARD SECHAUD in Commentaire romand LCA, n. 15 et 16 ad art. 6 LCA pour un tour d’horizon de la doctrine).

6.3.2 Il n’existe aucun motif de s’écarter de la jurisprudence et de la doctrine majoritaire dans le cas d’espèce, selon lesquelles les règles de la LCA concernant la réticence priment les dispositions générales du droit des obligations, et en particulier sur l’art. 28 CO, dont elles excluent l’application.

Partant, la défenderesse ne peut se fonder sur l’art. 28 CO pour se départir du contrat.

6.4 Compte tenu des éléments qui précèdent, la résiliation de la police est nulle.

7.              

7.1 La demande est partiellement admise.

7.2 Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant les dépens (art. 96 CPC en relation avec l’art. 95 al. 3 let. b). À Genève, le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10) détermine notamment le tarif des dépens, applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1 RTFMC). L’art. 85 RTFMC applicable aux affaires pécuniaires prévoit un défraiement du représentant professionnel en fonction de la valeur litigieuse de l’affaire. Aux termes de l’art. 86 RTFMC, en cas de contestation de nature non pécuniaire, les dépens sont fixés en fonction de l'importance et de la difficulté de la cause ainsi que selon le travail effectué (art. 86 RTFMC). 

Un différend est de nature pécuniaire si le fondement de la prétention litigieuse repose sur un droit de nature patrimoniale et si la demande poursuit en définitive un but économique. Il n'est pas nécessaire que la demande tende directement à un versement d'argent si le demandeur sollicite une mesure dont la finalité est de défendre ses intérêts patrimoniaux (arrêts du Tribunal fédéral 4A_529/2017 du 21 février 2018 consid. 1.1.2 et 4A_350/2011 du 13 octobre 2011 consid. 1.1.1).

En l’espèce, bien que la demande en constatation de la validité de la police poursuive, en définitive, également la protection des intérêts économiques de la demanderesse, les dépens doivent être fixés en vertu de l’art. 86 RTFMC, conformément à la jurisprudence en cas de demande de nature constatatoire (cf. arrêts de la chambre civile de la cour de justice du canton de Genève ACJC/1195/2020 du 1er septembre 2020 et ACJC/274/2014 du 28 février 2014).

En vertu de cette disposition, malgré les questions particulières que soulève la présente procédure, au vu des écritures relativement succinctes de la demanderesse et de l’absence d’audience, une indemnité de dépens de CHF 2'500.- sera allouée à celle-ci, à la charge de la défenderesse.

7.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Admet partiellement la demande dans la mesure de sa recevabilité.

2.        Dit que la résiliation de la police d’assurance n° 2______ d’indemnités journalières en cas de maladie conclue par les parties est nulle et que ladite police reste valable.

3.        Condamne la défenderesse à verser à la demanderesse une indemnité de dépens de CHF 2'500.-.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le