Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/769/2024 du 07.10.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1517/2024 ATAS/769/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 7 octobre 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1974, originaire d’Irak, de nationalité suisse depuis le 10 juillet 2018, marié, père de deux enfants nés en 2012 et 2015, a exercé en dernier lieu une activité de plongeur et employé polyvalent dans la restauration pour B______ du 13 septembre 2021 au 12 avril 2022.
b. Le 27 juillet 2022, l’assuré a déposé une demande de prestations d’invalidité en mentionnant des douleurs lombaires depuis mars 2021.
B. a. Le 26 avril 2022, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté d’une lombalgie chronique sur hernie discale L4-L5 gauche contre-indiquant des mouvements nécessitant le port de charge lourde, l’effort brusque, la station debout prolongée et la flexion et extension du dos. Il a certifié une incapacité totale de travail depuis le 24 mars 2022.
b. L’assuré, inscrit auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) avec un délai-cadre du 3 juin 2021 au 2 juin 2023, a bénéficié du 7 juillet au 7 octobre 2022, d’une mesure auprès de la Fondation IPT - intégration pour tous (cours collectif coaching emploi) afin de découvrir des cibles professionnelles en adéquation avec ses compétences et sa santé. Le rapport de la Fondation IPT du 17 octobre 2022 relève qu’il a effectué un stage à D______ et que ses problèmes de santé ont ensuite empêché de valider une cible professionnelle.
c. Le 15 juillet 2022, le docteur, spécialiste FMH en rhumatologie, a mentionné une capacité de travail nulle comme plongeur et de 100% dans une activité adaptée (sans port de charge de plus de 5 à 10kg, de surcharge du rachis, de montée et descente d’échafaudage, de marche en terrain accidenté, avec la possibilité d’alterner les différentes positions assise 30 minutes, debout 30 minutes et marche 30 minutes).
d. Le 26 septembre 2022, le Dr E______ a indiqué qu’il n’avait vu qu’une fois l’assuré le 15 juillet 2022, de sorte qu’il ne pouvait remplir un rapport médical AI.
e. Le 27 septembre 2022, le Dr C______ a attesté d’un suivi depuis 2021, de diagnostic de sciatalgie gauche sur hernie discale L4-L5 et spondylarthrose, de limitations fonctionnelles, de position debout prolongée, extension et flexion du dos et port de charge lourde. La capacité de travail était de 8 heures par jour dans une activité adaptée.
f. Le 3 novembre 2022, le docteur F______, médecin conseil de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE), a mentionné une rechute de l’état de santé qui avait très bien évolué au début de l’été 2022, de sorte que l’on pouvait espérer à nouveau une telle évolution. Une réévaluation était utile dans trois à six mois. L’assuré présentait des douleurs invalidantes.
g. Le 10 février 2023, le Dr E______ a posé le diagnostic de lombosciatalgies L5 gauches probables. L’assuré n’était pas revenu à sa consultation après juillet 2022.
h. Le 13 mars 2023, le Dr C______ a mentionné des douleurs au bas du dos avec irradiation au membre inférieur gauche ainsi que des blocages à gauche, surtout en position debout. L’activité d’aide de cuisine n’était pas possible et un examen complémentaire était nécessaire. Les limitations fonctionnelles étaient : port de charge lourde, flexion/extension du dos et position debout prolongée.
i. Le 9 juin 2023, le Dr C______ a attesté de la persistance de douleurs lombaires avec blocage à gauche, surtout en position debout. Un examen médical complémentaire n’était pas nécessaire et l’assuré était capable d’exercer une activité adaptée à son état de santé.
j. Le 9 août 2023, le service médical régional AI (ci-après : le SMR) a estimé que la capacité de travail de l’assuré était nulle comme plongeur / aide de cuisine depuis le 24 mars 2022 et de 100% dès cette même date dans une activité adaptée (port de charge de moins de 10 kg, position debout prolongée de moins de 30 minutes, flexion / extension du dos répétées/prolongées, position à genoux / accroupie prolongée, montée et descente d’échafaudage et possibilité d’alterner les position debout / assise).
k. L’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) a calculé le degré d’invalidité de l’assuré sur la base d’un revenu sans invalidité en 2023 de CHF 53'000.- et d’un revenu d’invalide de CHF 65'969.- (fondé sur l’ESS 2020, TA1, homme, total, niveau 1, pour 41,7 heures de travail par semaine, indexé à l’année 2023).
l. Par projet de décision du 7 décembre 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, le degré d’invalidité étant nul.
m. Le 17 janvier 2024, l’assuré a sollicité un délai pour communiquer un rapport médical.
n. Le 22 janvier 2024, l’assuré a produit un certificat du 19 janvier 2024 du Dr C______, selon lequel l’assuré présentait un syndrome lombaire chronique depuis plusieurs années avec blocage, surtout en position debout prolongée, sur une hernie discale et spondylarthrose débutante, associée à un état anxio-dépressif réactionnel.
L’assuré demandait à l’OAI quelles activités étaient adaptées à son état de santé et relevait qu’il était surprenant de retenir un revenu d’invalide de CHF 65'969.-.
o. Par décision du 14 mars 2024, l’OAI a rejeté la demande de prestations.
C. a. Le 6 mars 2024, l’assuré a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en contestant les limitations fonctionnelles retenues par l’OAI. Il avait subi une thrombose le 19 avril 2024 et il ignorait les séquelles et limitations supplémentaires éventuelles qui en résulteraient. Il requérait des mesures de réadaptation, subsidiairement l’octroi d’une rente entière d’invalidité.
b. Le 16 juillet 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours, en précisant qu’il avait suivi les conclusions des médecins-traitants du recourant.
c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile le recours est recevable (art. 60 LPGA).
2. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité et à des mesures d’ordre professionnel, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail.
3.
3.1 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en janvier 2023, soit six mois après le dépôt de la demande du 27 juillet 2022 (art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3.2 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).
Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).
3.3 Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA).
La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
3.4 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
3.4.1 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
3.4.2 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
3.5 En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47,5% (al. 4)
Pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).
3.5.1 Selon l’art. 26 RAI, le revenu sans invalidité (art. 16 LPGA) est déterminé en fonction du dernier revenu de l’activité lucrative effectivement réalisé avant la survenance de l’invalidité. Si le revenu réalisé au cours des dernières années précédant la survenance de l’invalidité a subi de fortes variations, il convient de se baser sur un revenu moyen équitable (al. 1).
Si le revenu effectivement réalisé est inférieur d’au moins 5% aux valeurs médianes usuelles dans la branche selon l’ESS au sens de l’art. 25 al. 3, le revenu sans invalidité correspond à 95% de ces valeurs médianes, excepté lorsque le revenu avec invalidité au sens de l’art. 26bis al. 1 RAI est également inférieur d’au moins 5% aux valeurs médianes usuelles dans la branche selon l’ESS ou lorsque l’assuré exerçait une activité lucrative indépendante (art. 26 al. 2 et 3 RAI).
3.5.2 Si l’assuré ne réalise pas de revenu déterminant, le revenu avec invalidité est déterminé en fonction des valeurs statistiques visées à l’art. 25 al. 3 RAI (art. 26bis al. 2 RAI).
Il y a lieu de tenir compte de la formation professionnelle ou de la situation et de l’expérience professionnelles antérieures, pour autant que l’on puisse encore raisonnablement exiger de l’assuré qu’il exerce les activités en question. Si l’activité précédente n’est plus raisonnablement exigible, il convient de déterminer le salaire statistique d’une activité qui l’est encore (OFAS, CIRAI, ch. 3412).
3.5.2.1. Il y a lieu de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3)
3.5.2.2. Selon l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023) pertinent en l’espèce, si, du fait de l’invalidité, les capacités fonctionnelles de l’assuré au sens de l’art. 49 al. 1bis RAI, ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins, une déduction de 10% pour le travail à temps partiel est opérée sur la valeur statistique.
Dans un arrêt de principe (8C_823/2023 du 8 juillet 2024, destiné à la publication), le Tribunal fédéral a considéré que le régime de déduction sur les salaires statistiques des ESS, tel que prévu de manière exhaustive à l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023), n’est pas compatible avec le droit fédéral. Le Tribunal fédéral a relevé notamment qu’il ressortait des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LAI (Développement continu de l’AI), que la jurisprudence actuelle en matière d’abattement devait être, pour l’essentiel, reprise et que la méthode d’évaluation du taux d’invalidité devait, en principe, rester inchangée (consid. 9.4.2). Or, en limitant la déduction à 10% dans le cas où les capacités fonctionnelles de la personne assurée ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins (art. 26bis al. 3 RAI), le Conseil fédéral avait choisi une autre voie (consid. 9.4.3). Par conséquent, si en raison des circonstances du cas d’espèce, le salaire statistique des ESS doit être adapté au-delà de ce que prévoit l’art. 26bis al. 3 RAI, il y a lieu recourir, en complément, à la jurisprudence appliquée jusqu’à présent par le Tribunal fédéral (consid. 10.6).
Selon cette jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).
3.5.3 En cas d’absence de désignation des activités compatibles avec les limitations du recourant, le Tribunal fédéral a jugé que même s’il était certainement judicieux que l'office AI donne à l’assuré, à titre d'information, des exemples d'activités adaptées qu'il peut encore exercer, il convenait néanmoins d'admettre que le marché du travail offre un éventail suffisamment large d'activités légères, dont on doit convenir qu'un nombre significatif sont adaptées aux limitations du recourant et accessibles sans aucune formation particulière (arrêt du Tribunal fédéral 9C_279/2008 du 16 décembre 2008 consid. 4).
3.6 Selon l’art. 8 al. 1er LAI, les assurés invalides ou menacés d’une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d’accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d’octroi des différentes mesures soient remplies (let. b). Le droit aux mesures de réadaptation n’est pas lié à l’exercice d’une activité lucrative préalable. Lors de la fixation de ces mesures, il est tenu compte de la durée probable de la vie active (art. 8 al. 1bis LAI en vigueur dès le 1er janvier 2008). L’art. 8 al. 3 let. b LAI dispose que les mesures de réadaptation comprennent les mesures d’ordre professionnel (orientation professionnelle, formation professionnelle initiale, reclassement, placement, aide en capital).
3.6.1 Pour déterminer si une mesure est de nature à maintenir ou à améliorer la capacité de gain d'un assuré, il convient d'effectuer un pronostic sur les chances de succès des mesures demandées (ATF 132 V 215 consid. 3.2.2 et les références). Celles-ci ne seront pas allouées si elles sont vouées à l'échec, selon toute vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral I 388/06 du 25 avril 2007 consid. 7.2). Le droit à une mesure de réadaptation présuppose qu'elle soit appropriée au but de la réadaptation poursuivie par l'assurance-invalidité, et cela tant objectivement en ce qui concerne la mesure que sur le plan subjectif en rapport avec la personne de l'assuré. En effet, une mesure de réadaptation ne peut être efficace que si la personne à laquelle elle est destinée est susceptible, partiellement au moins, d'être réadaptée. Partant, si l'aptitude subjective de réadaptation de l'assuré fait défaut, l'administration peut refuser de mettre en œuvre une mesure (arrêt du Tribunal fédéral 9C_846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 5.1 et les références), sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure préalable de mise en demeure prévue par l'art. 21 al. 4 LPGA (arrêts du Tribunal fédéral 8C_480/2018 du 26 novembre 2018 consid. 7.3 et les références; 9C_59/2017 du 21 juin 2017 consid. 3.3 et les références), une telle procédure préalable n'étant requise que si une mesure de réadaptation a été commencée et qu'il est question de l'interrompre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_783/2015 du 7 avril 2016 consid. 4.8.2 et les références). L'absence de capacité subjective de l'assuré doit toutefois être établie au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_667/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.3 et les références).
3.6.2 Selon l'art. 15 LAI, l'assuré auquel son invalidité rend difficile le choix d'une profession ou l'exercice de son activité antérieure a droit à l'orientation professionnelle et à une mesure préparatoire à l’entrée en formation. L’orientation professionnelle, qui inclut également les conseils en matière de carrière, a pour but de cerner la personnalité des assurés et de déterminer leurs capacités et leurs dispositions qui constitueront la base permettant de choisir une activité professionnelle appropriée ou une activité dans un autre domaine, voire un placement adéquat. Y ont droit les assurés qui, en raison de leur invalidité, sont limités dans le choix d’une profession ou dans l’exercice de leur activité antérieure et qui ont dès lors besoin d’une orientation professionnelle spécialisée (Circulaire sur les mesures de réadaptation professionnelle, CMRP, p. 16, nos 2001 et 2002). Le Tribunal fédéral a rappelé que l'orientation professionnelle se démarque des autres mesures d'ordre professionnel (art. 16 ss LAI) par le fait que, dans le cas particulier, l'assuré n'a pas encore fait le choix d'une profession. L'art. 15 LAI suppose que l'assuré soit capable en principe d'opérer un tel choix, mais que seule l'invalidité l'en empêche, parce que ses propres connaissances sur les aptitudes exigées et les possibilités disponibles ne sont pas suffisantes pour choisir une profession adaptée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_882/2008 du 29 octobre 2009 consid. 5.1 et les références).
3.7 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
4.
4.1 En l’occurrence, l’intimé a retenu une capacité de travail, depuis le 24 mars 2022, nulle du recourant dans son ancienne activité et totale dans une activité respectant ses limitations fonctionnelles (port de charge de moins de 10 kg, position debout prolongée de moins de 30 minutes, flexion / extension du dos répétées / prolongées, position à genoux / accroupie prolongée, montée et descente d’échafaudage et possibilité d’alterner les positions debout / assise).
Le recourant conteste sa capacité de travail totale, en relevant que ses limitations fonctionnelles sont plus importantes que celles retenues par l’intimé.
L’intimé s’est fondé sur les avis médicaux des Dr C______ (avis des 27 septembre 2022, 13 mars et 9 juin 2023 et 22 janvier 2024) et E______ (avis du 15 juillet 2022), médecins traitants du recourant, lesquels estiment que le recourant peut exercer à un taux de 100% une activité respectant ses limitations fonctionnelles, soit sans port de charges lourdes, de flexion/extension du dos, de position debout prolongée, de surcharge du rachis, de montée et descente d’échafaudage, de marche en terrain accidenté et de nécessité d’alterner les positons chaque trente minutes. Or, ces limitations fonctionnelles ont été prises en compte par le SMR dans son avis du 9 août 2023, suivi par l’intimé.
Le Dr F______ a attesté le 3 novembre 2022 une rechute de l’état de santé qui avait très bien évolué au début de l’été 2022 ; l’incapacité de travail était totale dans toute activité mais on pouvait espérer une bonne évolution ; il a indiqué qu’une réévaluation serait peut-être utile dans trois à six mois ; or, le Dr C______, postérieurement à l’avis du Dr F______, a attesté le 9 juin 2023 d’une capacité de travail totale du recourant dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Dans ces conditions, il est établi que l’incapacité de travail totale constatée par le Dr F______ en novembre 2022 n’a été que temporaire.
Aucun autre rapport médical au dossier n’atteste de limitations fonctionnelles supplémentaires ou d’une capacité de travail limitée, voire nulle dans une activité qui les respecteraient.
Dans ces conditions, l’évaluation du SMR, à laquelle l’intimé s’est rallié, ne peut qu’être confirmée.
4.2 S’agissant du calcul du degré d’invalidité, le recourant conteste le revenu d’invalide retenu, en constatant qu’il est supérieur au revenu sans invalidité, lui‑même non contesté.
L’intimé, a, dans un premier temps, effectué la mise en parallèle, au sens de l’art. 26 RAI précité, du revenu du recourant avec le revenu issu de l’ESS 2020 dans le domaine de l’hébergement et de la restauration (lignes 55-56) et constaté que le revenu concret du recourant de CHF 53'000.- était supérieur au revenu hypothétique. Ce constat ne peut qu’être confirmé.
S’agissant du revenu d’invalide, il correspond, conformément à la jurisprudence précitée, au revenu issu de l’ESS 2020, tableau TA1, total, pour un homme dans une activité de niveau 1. En revanche, la question de l’abattement se pose, au regard de la jurisprudence précitée, l’intimé n’en ayant pas retenu. À cet égard, toutefois, même si un abattement maximum de 25% était appliqué, le degré d’invalidité en résultant n’ouvrirait pas le droit à une rente d’invalidité, dès lors qu’il serait de 7% [soit CHF 53'000 - CHF 49'477 (soit 75% de CHF 65'969) / CHF 53'000].
En conséquence, la décision litigieuse, en tant qu’elle refuse au recourant tout droit à une rente, ne peut qu’être confirmée.
4.3 Enfin, le recourant requiert l’octroi d’une mesure d’ordre professionnelle.
À cet égard, si la jurisprudence a précisé qu’il était notamment nécessaire de présenter une perte de gain de 20% environ pour pouvoir bénéficier d’une mesure de reclassement dans une nouvelle profession, elle n’a jamais fait mention d’une telle condition s’agissant des autres mesures d’ordre professionnel prévues par la loi (ATF 124 V 108 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_385/2009 du 13 octobre 2009).
Il ressort du rapport de la Fondation IPT du 17 octobre 2022 que le recourant possède un très bon savoir être, qu’il est très apprécié dans son travail et entretient de très bonnes relations avec l’équipe, qu’il est souriant, attentif et participatif ; qu’il est content d’être dans un groupe comme lui à la recherche d’un emploi et de pouvoir sortir de chez lui et se rendre utile et qu’il a été ravi de débuter une activité d’ouvrier dans le conditionnement (à D______). Par ailleurs, il ne sait vraiment pas ce qu’il peut faire comme travail avec ses douleurs au dos et il a des difficultés avec l’informatique. Sa capacité de travail n’avait cependant pas pu être évaluée en raison de problèmes de santé non réglés, de sorte qu’aucune cible n’a pu être validée par la mesure mise en place par l’OCE.
Compte tenu de l’âge du recourant, lequel peut exploiter pendant à tout le moins quinze ans une capacité de travail, de l’impossibilité d’exercer son ancienne activité, de sa motivation et son engagement à retrouver un emploi, lesquels ressortent du rapport de la Fondation IPT précité, de son incapacité à savoir quelle activité il est encore en mesure d’effectuer compte tenu de ses limitations fonctionnelles et de l’échec de la mesure ordonnée par l’OCE, il se justifie de reconnaitre au recourant, qui possède sans aucun doute une bonne aptitude subjective à la réadaptation, nonobstant un faible degré d’invalidité (au mieux de 7%), le droit à une orientation professionnelle.
5. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse réformée dans le sens que le recourant a droit à une mesure d’ordre professionnelle, singulièrement une orientation professionnelle.
Le recourant, qui n’est pas représenté en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Pour le surplus, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Réforme la décision de l’intimé du 14 mars 2024 dans le sens que le recourant à droit à une orientation professionnelle.
4. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le