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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2139/2020

ATAS/567/2023 du 07.07.2023 ( ARBIT ) , ADMIS

Recours TF déposé le 21.09.2023, 9C_569/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2139/2020 ATAS/567/2023

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 7 juillet 2023

 

En la cause

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG

SUPRA-1846 SA

CONCORDIA SCHWEIZ, KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG

ATUPRI GESUNDHEITSVERSICHERUNG

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA

KPT KRANKENKASSE AG

VIVAO SYMPANY AG

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA

EGK GRUNDVERSICHERUNGEN AG

SWICA KRANKENVERSICHERUNG AG

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG

ÖKK KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG

PHILOS ASSURANCE MALADIE SA

ASSURA-BASIS SA

VISANA AG

HELSANA VERSICHERUNGEN AG

SANA24 AG

SANTÉSUISSE

Toutes représentées par SANTÉSUISSE, elle-même représentée par Me Valentin SCHUMACHER, avocat

 

demanderesses

 

contre

A______
représenté par Me Franco VILLA, avocat

 

 

défendeur


EN FAIT

 

A.           a. Le docteur A______, né le ______ 1961, exploite à Genève un cabinet en tant que spécialiste FMH en chirurgie, médecin praticien et titulaire d’un certificat en pratique du laboratoire au cabinet médical - CMPR depuis le 1er février 2012.

Il est enregistré sous le code créancier 1______ (ci-après : RCC), lequel l’autorise à facturer à charge de l’assurance obligatoire des soins.

b.   Il exerçait auparavant son activité dans le canton du Tessin et SANTÉSUISSE lui avait alors reproché une violation de l’obligation d’économicité pour les années statistiques 2000 à 2003. Une transaction avait été signée, aux termes de laquelle le médecin s’engageait à rétrocéder la somme de CHF 381'800.- aux assureurs. Finalement un acte de défaut de bien avait été délivré à SANTÉSUISSE en 2007 (pce 16 chargé dem. 7 juillet 2020).

c.    Le non-respect de l’art. 56 LAMal a à nouveau été constaté par SANTÉSUISSE dès l'installation du médecin à Genève. Des courriers ont été échangés. SANTÉSUISSE a tenté à plusieurs reprises d'organiser une réunion avec le Dr A______, en vain (pces 17 à 34 chargé dem. 7 juillet 2020).

d.   Par courrier du 25 novembre 2019, SANTÉSUISSE a informé le médecin qu’elle envisageait de déposer une demande de rétrocession pour l’année statistique 2018. Le Dr A______ ne s’est cependant pas présenté à l’entretien prévu le 12 mars 2020 (pces 35 à 38 chargé dem. 7 juillet 2020).

e.    Par courrier du 19 mars 2020 (pce 39 chargé dem. 7 juillet 2020), SANTÉSUISSE a établi un historique des échanges intervenus depuis 2012 et confirmé qu'elle allait saisir le Tribunal arbitral (ci-après : le tribunal de céans) d'une requête concluant à la rétrocession de la somme de CHF 243'703.- et à son exclusion de toute facturation à charge de l'assurance obligatoire des soins.

B.            a. Dix-neuf assureurs-maladie, représentés par SANTÉSUISSE, ont déposé auprès du tribunal de céans une demande le 3 juillet 2020, visant à ce que le défendeur soit condamné, pour l’année statistique 2018, à leur restituer, principalement, un montant de CHF 234'702.70 calculé selon l’indice de régression et, subsidiairement, un montant de CHF 247'204.10 calculé selon l’indice ANOVA.

Les assureurs-maladie ont également conclu à ce que le défendeur soit définitivement exclu de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins.

La cause a été enregistrée sous le numéro de cause A/ 2139/2020.

b.   Le 8 décembre 2020, la présidente suppléante du tribunal de céans a constaté l’échec de la tentative obligatoire de conciliation.

Les parties ont désigné leur arbitre, Monsieur B______ pour SANTÉSUISSE et le docteur C______ pour le défendeur.

c.    Dans sa réponse du 22 février 2020 (rect. 2021), le défendeur a conclu, préalablement, à ce qu’il soit ordonné aux demanderesses de produire un certain nombre de documents sous un format électronique, principalement, à ce que la demande soit rejetée et, subsidiairement, à ce qu'une expertise analytique destinée à examiner l’économicité des prestations fournies durant l’année statistique 2018 soit mise en œuvre.

Il fait valoir que la méthode de régression en deux étapes n’a à ce jour pas été validée par le Tribunal fédéral et ne saurait en conséquence lui être appliquée. Il conteste quoi qu'il en soit également le calcul auquel a procédé les demanderesses selon l’indice ANOVA.

Il rappelle qu’il prend en charge une patientèle particulière nécessitant davantage de soins que la norme, de sorte que sa pratique ne peut être comparée aux médecins du groupe pris en considération par les demanderesses.

Il s'oppose enfin à son exclusion de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins, qu'elle soit temporaire ou définitive, d'abord parce que les indices statistiques mis en évidence ne fondent pas une présomption de polypragmasie, ensuite parce qu’une telle sanction serait disproportionnée.

d.   Dans leur réplique du 26 mai 2021, les demanderesses ont modifié leurs conclusions. Elles demandent ainsi, principalement, à ce que le défendeur soit condamné, pour l’année 2018, à leur restituer un montant de CHF 131'136.- calculé sur la base des prestations qu'il avait facturées à l’assurance obligatoire des soins avec les positions TARMED 00.0415, 00.0410, 00.0416, 00.0420, 00.0425, 00.0510, 00.0515 et 00.0520, alors qu’il ne disposait pas des valeurs intrinsèques requises, et un montant de CHF 171'848.- calculé selon l’indice de régression (montant réduit selon les prestations facturées avec les positions énumérées ci-dessus), ou un montant de CHF 157'546.- calculé selon l'indice ANOVA, et, subsidiairement, à la restitution du montant de CHF 234'702.70 calculé selon l’indice de régression ou du montant de CHF 247'204.- calculé selon l'indice ANOVA.

Les demanderesses se sont par ailleurs également déterminées sur les écritures du défendeur. Elles s’opposent en premier lieu aux conclusions préalables de celui-ci. Elles estiment que les documents complémentaires requis par le défendeur sont sans pertinence. Elles déclarent qu’elles ne produiront aucune pièce supplémentaire sous une autre forme que sur papier ou en tant que fichier PDF. Elles considèrent en effet que le défendeur dispose, compte tenu de toutes les pièces déjà produites, de la totalité des informations dont il a besoin afin de faire valoir ses droits.

Les demanderesses relèvent que le défendeur se contente de prétendre, s’agissant des particularités de sa pratique, qu’il a une patientèle particulièrement âgée, alors que celle-ci, avec une moyenne d’âge de 53,4, est, comparée aux chirurgiens, même un peu plus jeunes, et, comparée aux praticiens, légèrement plus âgée seulement. Elles prennent note de ce que 97% des patients du défendeur souffriraient de troubles anxieux (plus de 50%), de dépression psychique (plus de 40%) et de toxicomanie (environ 7%), mais rappellent que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la prise en charge de ce type de patientèle, pour un médecin praticien, constitue un élément central de sa pratique et ne saurait être retenue comme constituant une particularité de sa pratique. Enfin, s’agissant de son activité de chirurgien, elles considèrent qu'elle est trop limitée (10 à 15% seulement) pour pouvoir être retenue comme particularité pour un médecin praticien.

Les demanderesses persistent enfin dans leur conclusion relative à l'exclusion définitive du défendeur de toute activité à la charge de l'assurance-maladie. Elles rappellent à cet égard que le défendeur continue depuis de nombreuses années, et ce, malgré les interventions de SANTÉSUISSE, à violer de manière crasse et délibérée les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité des prestations. Non seulement il n’a pas honoré l’engagement qu’il avait pris de rembourser aux assureurs-maladie la somme de CHF 381'800.- ensuite d'une violation de l’obligation d’économicité pour les années statistiques 2000 à 2003, mais il a de plus été condamné par jugement du 15 octobre 2018 de la Cour des assises correctionnelles de Lugano pour fraude dans la saisie, banqueroute frauduleuse, escroquerie aggravée commise par métier et faux dans les titres. Les demanderesses soulignent que lorsque le défendeur s'est installé à Genève, sa pratique n’a pas changé, qu'il refuse de collaborer avec SANTÉSUISSE, qu'à partir de 2016, ses coûts et ses indices ont explosé et qu'il facture sans droit des positions TARMED dès lors qu'il ne dispose pas pour celles-ci des valeurs intrinsèques qualitatives requises.

e.    Dans sa duplique du 21 septembre 2021, le défendeur s’est déterminé comme suit :

-       Les conclusions nouvelles des demanderesses doivent être déclarées irrecevables.

-       La méthode ANOVA ne peut lui être appliquée, du fait que la méthode de régression à deux niveaux a été précisément mise en œuvre pour pallier à ses défaillances, ce que reconnait le Tribunal fédéral.

-       Les statistiques 2020 démontrent qu’il a radicalement changé sa pratique depuis 2018, alors que SANTÉSUISSE prétend qu’il continue depuis de nombreuses années à violer de manière crasse et délibérée les exigences relatives au caractère économique des prestations. Il ne peut en réalité être contesté qu’il manifeste sa volonté de se conformer aux règles.

-       Il rappelle que les mesures disciplinaires ne visent pas à punir le destinataire mais à faire en sorte que celui-ci adopte à l’avenir un comportement conforme. C’est ce qu’il a précisément fait, de sorte que son exclusion ne saurait être prononcée. Il relève que SANTÉSUISSE ne conclut finalement plus à son exclusion définitive, se contentant désormais de solliciter « le prononcé d’une sanction d’une sévérité particulière ». Preuve en est qu'elle s’est rendue compte que l’exclusion définitive était totalement disproportionnée.

-       Le jugement pénal produit par les demanderesses n’est pas pertinent, puisqu’il est sans relation avec la pratique de la médecine.

f.     Invitées par la présidente suppléante du tribunal de céans à désigner de nouveaux arbitres au vu des nouvelles nominations du Conseil d’État du 22 septembre 2021, les parties ont retenu Monsieur Luciano DE TORO pour les demanderesses et Michael FEUSIER pour le défendeur.

C.           a. Le 11 juin 2021, les mêmes demanderesses, à l'exception de VIVAO SYMPANY AG et SANA24 AG, mais auxquelles se sont jointes ÖKK KRANKEN und UNFALLVERSICHERUNGEN AG et ARCOSANA AG, ont déposé une nouvelle demande auprès du tribunal de céans à l'encontre du défendeur, visant à ce qu’il soit condamné, pour l'année statistique 2019, à leur restituer un montant de CHF 97'111.- calculé sur la base des prestations qu'il avait facturées à l’assurance obligatoire des soins avec les positions TARMED 00.0415, 00.0416, 00.0425, 00.0510, 00.0515 et 00.0520, alors qu’il ne disposait pas des valeurs intrinsèques requises, et le montant de CHF 169'507.55 calculé selon l’indice de régression (comparaison avec le groupe praticiens).

Les demanderesses ont d'ores et déjà indiqué qu'elles s'opposeraient à une éventuelle requête tendant à la jonction avec la cause A/2139/2020 concernant l'année statistique 2018.

La cause a été enregistrée sous le numéro A/2038/2021.

b.   Une audience s'est tenue le 21 septembre 2021. Le défendeur ne s'est ni présenté, ni excusé. Le tribunal de céans a dès lors constaté l'échec de la tentative de conciliation. Le défendeur en a été informé par courrier du même jour.

c.    Les parties ont désigné les mêmes arbitres que ceux qu'elles avaient retenus dans le cadre de la première procédure, soit Luciano DE TORO pour les demanderesses et Michael FEUSIER pour le défendeur.

d.   Dans sa réponse du 20 décembre 2021, le défendeur a conclu, principalement, au rejet de la demande et, subsidiairement, à la mise en œuvre d'une expertise analytique.

e.    Dans leur réplique du 28 mars 2022, les demanderesses ont persisté dans leurs conclusions.

f.     Le 21 juin 2022, le défendeur a informé le tribunal de céans que des pourparlers « avancés » étaient en cours dans le cadre de la cause A/2038/2021 et qu'il renonçait à son droit de dupliquer.

Par courrier du 13 octobre 2022, SANTÉSUISSE a toutefois indiqué que ces pourparlers n'avaient pas abouti et a requis la reprise de la procédure.

Le 16 novembre 2022, le défendeur a quant à lui fait valoir que « contrairement à ce que la partie adverse indique dans son dernier courrier, des pourparlers avancés sont toujours en cours sous l'égide de l'autorité compétente tessinoise afin de donner une issue transactionnelle globale au litige ».

Invitée par le tribunal de céans à éclaircir la situation, SANTÉSUISSE a confirmé que des pourparlers avaient effectivement eu lieu, tout en précisant qu'aucun accord n'était intervenu.

g. Me Jacques ROULET a informé le greffe le 25 octobre 2022 qu’il cessait d’occuper dans la défense des intérêts du défendeur dans la cause A/2139/2020.

Par courrier du 13 février 2021, le défendeur a annoncé qu'il serait désormais représenté par Me Franco VILLA dans les deux causes (cf. également courrier de Me VILLA du 23 février 2023).

h.    Prenant note que les pourparlers avaient échoué, le tribunal de céans a considéré qu'il se justifiait d'impartir au défendeur un nouveau délai pour une éventuelle duplique.

Celui-ci s'est déterminé le 28 février 2023.

Il rappelle en tout premier lieu que l'autorité établit les faits d'office et qu'elle n'est pas limitée par les allégués et le offres de preuves des parties. Il ajoute que les demanderesses sont tenues de collaborer.

S'agissant de l'exclusion de toute activité à charge de l'assurance obligatoire des soins, il fait valoir qu'il a radicalement changé sa pratique depuis 2018.

Le 19 janvier 2023, le défendeur a versé aux dossiers A/2139/2020 et A/2038/21 le rapport coût-efficacité 2020 et 2021 que lui avait transmis SANTÉSUISSE, afin de démontrer que son taux coût-efficacité était largement inférieur à la valeur de score de 130.

D.           a. Le tribunal de céans, prenant plus particulièrement note que la procédure dans les causes A/2139/2020 et A/2038/2021 en était au même stade, soit à celui du dépôt de la duplique, a ordonné le 8 mars 2023 leur jonction sous le numéro A/2139/2020.

b.   Sur ce, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

 

1.         Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal ; RS 832.10), les litiges entre assureurs et fournisseurs sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal) du défendeur n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal. La compétence du Tribunal arbitral du canton de Genève est ainsi établie ratione materiae. Elle est également acquise ratione loci, dans la mesure où le cabinet du défendeur est installé à Genève à titre permanent depuis le 1er février 2012.

2.             La présidente suppléante du tribunal de céans a constaté l’échec de la tentative obligatoire de conciliation dans les deux causes dont il a été saisi, respectivement les 8 décembre 2020 et 21 septembre 2021, et des arbitres ont été désignés (art. 39, 41 et 45 LAMal). Le Tribunal a ainsi été constitué.

3.             Les demandes, déposées les 3 juillet 2020 et 11 juin 2021, respectent les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10). Elles sont dès lors recevables.

Le tribunal de céans a ordonné le 8 mars 2023 leur jonction sous le numéro A/2139/2020.

4.             Le litige porte sur la question de savoir si la pratique du défendeur en sa qualité de médecin indépendant, pendant les années statistiques 2018 et 2019, est ou non contraire au principe de l’économicité, et dans l’affirmative, dans quelle mesure les demanderesses sont habilitées à lui réclamer l’éventuel trop perçu.

5.             Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi.

5.1 Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) - question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_40/2009 du 27 janvier 2010, consid. 3.2.1) - se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46; ATF 125 III 82 consid. 1a). La qualité pour agir et pour défendre ne sont pas des conditions de procédure, dont dépendrait la recevabilité de la demande, mais constituent des conditions de fond du droit exercé. Leur défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131; ATF 126 III 59 consid. 1 ; ATF 125 III 82 consid. 1a).

5.2 Selon l'art. 56 al. 2 let. b LAMal, ont qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant. Selon la jurisprudence, il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés. Ainsi, il ne saurait être question, dans le cadre de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal, d'exiger de chaque assureur maladie séparément qu'il entame une action en restitution du trop-perçu contre le fournisseur de prestations en cause; les assureurs - représentés cas échéant par SANTÉSUISSE - peuvent introduire une demande globale de restitution à l'encontre d'un fournisseur de prestations et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu au titre de restitution de rétributions perçues sans droit (ATF 127 V 281 consid. 5d). Le fait d'agir collectivement, par l'intermédiaire d'un représentant commun et de réclamer une somme globale qui sera répartie à la fin de la procédure ne contrevient donc pas au droit fédéral (ATF 136 V 415 consid. 3.2). Il est dès lors sans importance que certains assureurs n'aient remboursé aucun montant pendant une période déterminée. Ils ne participeront pas au partage interne (arrêt du Tribunal fédéral K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 3.3 ; non publié in ATF 133 V 37, mais in SVR 2007 KV n°5 p. 19; ATF 127 V 281 consid. 5d p. 286 ss.).

Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.7 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_167/2010 du 14 janvier 2011 consid. 2.2). Enfin, la production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (arrêt du Tribunal fédéral K 61/99 du 8 mars 2000 consid. 4.c).

5.3 En l’occurrence, les deux actions en justice sont conduites par SANTÉSUISSE, représentant chacune 19 caisses-maladie agréées pour la Suisse, étant précisé que VIVAO SYMPANY AG et SANA24 AG ne figurent que dans le rubrum de la première demande et ÖKK KRANKEN UND UNFALLVERSICHERUNG AG et ARCOSANA AG que dans celui de la seconde. On ne saurait exiger de chaque assureur, au vu de ce qui précède, qu’il entame une action en restitution du trop-perçu, de sorte que SANTÉSUISSE est autorisée à introduire une demande globale (ATAS/1118/2012 consid. 7b ; ATAS/1090/2012 consid. 7b. a ; ATAS/150/2016 consid. 9b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/16 consid. 6).

Il importe de rappeler que SANTÉSUISSE ne fait que représenter les assureurs faisant partie de son organisation faîtière. Aussi n'agit-elle pas pour elle-même, mais pour les caisses-maladie qu'elle représente. Il n'est donc pas question de sa qualité pour agir, mais de son droit de représenter ses membres. Or, de jurisprudence constante, ce droit est admis (notamment arrêt du Tribunal fédéral 9C_968/2009 du 15 décembre 2010 consid. 3.2).

Les demanderesses ont versé au dossier les documents nommés « Datenpool » pour les années 2018 et 2019, lesquels décomposent les montants pris en charge par chaque assureur, tant pour les années en cause, que pour les coûts directs. Ces documents permettent de savoir quels assureurs ont pris en charge des soins pour les années concernées et quels assureurs n'en ont pas pris.

Il résulte de ces documents, lesquels ont valeur probante (notamment ATAS/27/2020), que les demanderesses mentionnées dans l’intitulé des demandes des 3 juillet 2020 et 11 juin 2021 ont toutes remboursé des coûts directs, de sorte qu'elles pourront participer à l'éventuel partage interne.

5.4 SANTÉSUISSE a produit les procurations des demanderesses non-membres de SANTÉSUISSE (pce 3 chargé dem. du 7 juillet 2020 et pce 4 chargé dem. du 11 juin 2021).

5.5 Le tribunal de céans admet la qualité pour agir des demanderesses figurant dans le rubrum du présent arrêt, celles-ci étant membres de SANTÉSUISSE ou ayant produit une procuration valable et ayant remboursé des coûts directs selon les Datenpools des années 2018 et 2019. Il sera précisé que PROGRES ASSURANCE SA, INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA ET ARCOSANA AG ont été radiées du Registre du commerce le 3 janvier 2023 et ont fusionné, la première, avec HELSANA VERSICHERUNGEN AG, et les deux suivantes, avec CSS Assurance-maladie SA.

 

6.         

6.1    L'art. 25 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (ci-après LPGA), teneur au 31 décembre 2020, prévoit que le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 p. 582 consid. 4.1).

Il s'agit d'une question qui doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (arrêt du Tribunal fédéral K 9/00 du 24 avril 2003 consid. 2). Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après : LAVS) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 153 consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable.

Selon celle-ci, les délais de la disposition précitée constituent des délais de péremption (ATF 119 V 433 consid. 3a). L'expiration de ce délai est empêchée lorsque les assureurs-maladie introduisent une demande, dans le délai d'une année à partir de la connaissance des statistiques, par devant l'organe conventionnel, l'instance de conciliation légale ou le Tribunal arbitral (RAMA 2003 p. 218 consid. 2.2.1). Le délai commence à courir au moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (arrêt du Tribunal fédéral K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 5.2).

6.2 Il y a en l'espèce lieu de constater que les statistiques de SANTÉSUISSE concernant l'année statistique 2018 ont été portées à la connaissance des demanderesses au plus tôt le 17 juillet 2019, date correspondant à celle de la préparation des données figurant sur ces statistiques et confirmée par la SASIS AG (pces 5, 6 et 7 chargé dem. du 3 juillet 2020).

Celles concernant l'année statistique 2019, pour laquelle les calculs concernant l'analyse de régression en deux étapes ont été validés et certifiés par POLYNOMICS AG, l'ont été le 20 juillet 2020 (pces 6, 7 et 8 chargé dem. du 11 juin 2021).

Dans la mesure où les demandes ont été déposées les 3 juillet 2020 et 11 juin 2021, il sied ainsi de conclure que celles-ci respectent le délai d'une année prévu à l'art. 25 al. 2 LPGA, selon sa teneur jusqu'au 31 décembre 2020.

7.             Le défendeur conteste l’application des statistiques de SANTÉSUISSE à son cas.

7.1 Pour établir l’existence d’une polypragmasie, le Tribunal fédéral des assurances admet le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (ATF 130 V 377 consid. 6.1 ; ATF 119 V 453 consid. 4). Les tribunaux arbitraux sont en principe libres de choisir la méthode d’examen. Toutefois, la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique, qui en règle générale est appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (arrêts du Tribunal fédéral op. cit.).

7.2 La méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens consiste à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un médecin particulier avec ceux causés par la pratique d'autres médecins travaillant dans des conditions semblables (arrêt du Tribunal fédéral K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2). Cette méthode est concluante et peut servir comme moyen de preuve, si les caractéristiques essentielles des pratiques comparées sont similaires, si le groupe de comparaison compte au moins dix médecins, si la comparaison s'étend sur une période suffisamment longue et s'il est pris en compte un nombre assez important de cas traités par le médecin contrôlé. Il y a donc polypragmasie lorsque les notes d'honoraires communiquées par un médecin à une caisse-maladie sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles des autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable alors qu'aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coûts (ATF 119 V 448 consid. 4b et les références).

Pour présumer l'existence d'une polypragmasie, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique (indice de 100, exprimé généralement en pour cent) soit dépassée. Il faut systématiquement tenir compte d'une marge de tolérance (ATF 119 V 448 consid. 4c) et, cas échéant, d'une marge supplémentaire à l'indice-limite de tolérance (RAMA 1988 n° K 761 p. 92). La marge de tolérance ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (arrêt du Tribunal fédéral K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.1 et les références ; SVR 1995 KV p. 125). La marge de tolérance sert à tenir compte des particularités et des différences entre cabinets médicaux ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.3).

7.3 Le Tribunal fédéral a réaffirmé dernièrement le caractère admissible du recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (ATF 136 V 415 consid. 6.2). Outre le fait que la méthode n'a jamais été valablement remise en cause (par exemple arrêt du Tribunal fédéral 9C_205/2008 du 19 décembre 2008 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_649/2007 du 23 mai 2008 ; arrêt du Tribunal fédéral K 130/06 du 16 juillet 2007 ; arrêt du Tribunal fédéral K 46/04 du 25 janvier 2006 ; arrêt du Tribunal fédéral K 108/01 du 15 juillet 2003 ; arrêt du Tribunal fédéral K 93/02 du 26 juin 2003) et qu'il ne s'agit pas d'une preuve irréfragable, dans la mesure où le médecin recherché en remboursement a effectivement la possibilité de justifier une pratique plus onéreuse que celle de confrères appartenant à son groupe de comparaison (pour une énumération des particularités justifiant une telle pratique, notamment arrêt du Tribunal fédéral K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral K 9/99 du 29 juin 2001 consid. 6c), on rappellera que cette méthode permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité (Valérie JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n° 40-2008, p. 140 ss) par rapport à une méthode analytique coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à charge du médecin (ATF 99 V 193 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_821/2012 ; V. JUNOD op. cit., p. 140 ss). Enfin, la méthode statistique comprend une marge de tolérance qui permet de prendre en considération les spécificités d'une pratique médicale et de neutraliser certaines imperfections inhérentes à son application (ATF 136 V 415 consid. 6.2).

Selon la jurisprudence, les particularités suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé : une clientèle composée d’un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), un nombre plus élevé de la moyenne de visites à domicile et une très grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b), un pourcentage très élevé de patients étrangers (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), une clientèle composée d’un nombre plus élevé de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 152/98 du 18 octobre 1999) ou le fait que le médecin s’est installé depuis peu de temps à titre indépendant (réf. citée dans l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 150/03 du 18 mai 2004). Constitue une particularité de la pratique médicale toute caractéristique des prestations qui est plus souvent présente que dans la majorité des cabinets du groupe de comparaison et qui engendre un besoin de prestations plus élevé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 142/05 du 1er mars 2006).

En présence de telles particularités, deux méthodes de calcul ont été admises (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 50/00 résumé dans PJA 2005 p. 1099). D’une part, une marge supplémentaire peut être ajoutée à la marge de tolérance déterminée au préalable (SVR 2001 KV n° 19 p. 52 [K 144/97] consid. 4b, 1995 KV n° 40 p. 125 consid. 4). D’autre part, il est permis de quantifier les particularités en question au moyen de données concrètes recueillies à cette fin, puis de soustraire le montant correspondant des coûts totaux découlant des statistiques (SVR 1995 KV n° 140 p. 125 consid. 4b).

7.4 Lors de l'examen de la question de l'économicité, l'indice de l'ensemble des coûts est en principe déterminant (ATF 133 V 37 consid. 5.3). Lorsque ces coûts se situent dans la marge de tolérance de 30, le principe de l'économicité est respecté. Dans la négative, il sied d'examiner si l'indice des coûts directs dépasse la marge de tolérance. Si tel est le cas, une violation de ce principe est présumée. L'obligation de restituer en application de l'art. 56 al. 2 LAMal n'englobe toutefois que les coûts directement liés à la pratique du médecin (y compris les médicaments délivrés par lui; ATF 137 V 43 consid. 2.5.6).

L'exclusion des coûts indirects de l'obligation de restitution ne modifie en rien la pratique selon laquelle l'examen du caractère économique de la pratique médicale doit se faire sur la base d'une vision d'ensemble, au sens de la jurisprudence publiée aux ATF 133 V 37, et qu'une part plus importante que la moyenne de prestations directement délivrées par le médecin par rapport aux prestations déléguées peut s'expliquer par une pratique médicale spécifique pouvant justifier des surcoûts (consid. 2.5.6).

7.5 Contrairement à la méthode statistique qui s'appuie essentiellement sur la comparaison chiffrée des médecins, la méthode analytique entre dans le détail de la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie (JUNOD op. cit., p. 137). Lorsque le tribunal arbitral décide d'appliquer cette méthode, il ordonne la sélection d'un nombre représentatif de dossiers du médecin concerné (RAMA 1987 p. 349s).

Le tribunal décide s'il examine lui-même ces dossiers ou s'il les confie à un ou plusieurs médecins mandatés à titre d'expert. L'expert examine en détail le contenu des dossiers afin de déterminer si chaque décision du médecin était correcte dans le cas particulier. Le médecin mis en cause doit généralement soutenir activement le travail de l'expert. Il a ainsi l'opportunité de discuter les cas considérés a priori douteux par l'expert et d'apporter ses justifications (arrêt du Tribunal fédéral K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 6 et 7 ; arrêt du Tribunal fédéral K 130/06 du 16 juillet 2007 consid. 5 ; [ATF C_282/13] ; V. JUNOD op. cit. p. 138).

8.             Dans la mesure où la méthode statistique consiste en une comparaison des coûts moyens, dont le second terme repose sur des données accessibles seulement aux assureurs maladie et à leur organisation faîtière, le médecin recherché en restitution doit avoir la possibilité de prendre connaissance des données mentionnées pour être à même de justifier les spécificités de sa pratique par rapport à celle des médecins auxquels il est comparé, faute de quoi son droit d'être entendu est violé. L'accès aux données des deux termes de la comparaison permet également aux autorités arbitrales et judiciaires amenées à se prononcer d'exercer leur contrôle (ATF 136 V 415 consid. 6.3.1). À cet égard, les droits du médecin recherché pour traitements non économiques ont été renforcés. C'est ainsi qu'en plus des informations dont il a la maîtrise dans la mesure où elles résultent de sa propre pratique, le médecin considéré doit avoir accès à ses propres données traitées par SANTÉSUISSE ainsi qu'à certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, soit le nom des médecins composant le groupe de référence et, sous forme anonymisée, la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données anonymisées que celles produites par SANTÉSUISSE le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné (« données du pool de données SANTÉSUISSE »).

9.             Il convient de prendre en considération pour l’examen de l’économicité l’indice de l’ensemble des coûts, à savoir aussi bien les coûts de traitement directs que de traitements indirects (coût des médicaments et autres coûts médicaux occasionnés par le médecin auprès d’autres fournisseurs de prestations), lorsque l’ensemble des coûts est inférieur aux coûts directs. Toutefois, lorsqu’il existe des indices concrets que les coûts inférieurs dans un domaine sont dus à des circonstances extérieures sans lien de causalité avec la façon de pratiquer du médecin, il n'y a pas lieu de procéder à une prise en compte de l’ensemble des coûts (ATF 133 V 39 ss consid. 5.3.2 à 5.3.5).

10.         On ajoutera qu'en vertu de l'art. 59 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité des prestations qui sont prévues dans la loi (art. 56 et 58 LAMal) ou dans un contrat font l'objet de sanctions, dont notamment la restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée (let. b). Bien qu'elle soit désignée sous le terme de « sanction », l'obligation de restitution des honoraires ne présuppose aucune faute de la part du fournisseur de prestation (ATF 141 V 25 consid. 8.4 p. 29). Le Tribunal arbitral au sens de l'art. 89 LAMal prononce la sanction appropriée sur proposition d'un assureur ou d'une fédération d'assureurs (art. 59 al. 2 LAMal). 

11.         Enfin, le Tribunal établit les faits d'office et apprécie librement les preuves (art. 45 al. 3 LaLAMal).

La preuve d'un traitement non économique doit être apportée selon le degré de la vraisemblance prépondérante (TFA K 23/03 consid. 5). La comparaison arithmétique des valeurs moyennes n'est pas seulement un indice d'une prestation non économique au sens de l'art. 56 LAMal, mais en est la preuve intégrale, selon la jurisprudence constante (ATF 136 V 415 consid. 6.2 ; RSKV 1970 65 82 consid. 4). Lorsque la valeur du traitement du médecin en cause est supérieure à la moyenne du groupe de comparaison, marge de tolérance en sus, la preuve que sa pratique n'est pas économique est établie. Il appartient au médecin statistiquement hors norme de réfuter, en établissant les particularités de sa pratique, cette présomption de polypragmasie.

12.         Le Tribunal fédéral admet depuis longtemps le recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (cf. chronologiquement les arrêts du Tribunal fédéral des assurances K 24/69 du 31 décembre 1969 consid. 4, in RJAM 1970 p. 82; K 56/78 du 25 avril 1980 consid. 3a, non publié in ATF 106 V 40; ATF 119 V 448 consid. 4c p. 454 ; arrêt du Tribunal fédéral K 148/04 du 2 décembre 2005 consid. 3.3.1) et n'entend pas modifier sa pratique (ATF 136 V 415).

Il a jugé que seules les statistiques RSS fournissaient les données qui permettaient une comparaison valable entre les différents fournisseurs de prestations et ainsi de se prononcer sur le respect ou la violation du principe de l'économicité (arrêt du Tribunal fédéral K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.4.2). De surcroît, la jurisprudence a développé des moyens pour compenser les défauts des statistiques RSS (arrêt du Tribunal fédéral K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.4.1).

On ne saurait ainsi retenir qu'il n'y a pas de méthode scientifique fiable et validée pour établir l'existence d'une polypragmasie.

13.         En l'espèce, le défendeur a préalablement conclu à ce qu’il soit ordonné aux demanderesses de produire un certain nombre de documents, soit plus particulièrement le rapport de régression de tous les médecins du collectif de comparaison pour les années statistiques 2018 et 2019, sous un format électronique permettant le traitement des données.

13.1     Dans un arrêt de principe du 15 décembre 2010 (ATF 136 V 415 consid. 6.3.2 et 6.3.3), le Tribunal fédéral a indiqué que lorsque la méthode statistique RSS est appliquée pour établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné, celui-ci doit, en raison de la garantie du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), avoir la possibilité de prendre connaissance non seulement de ses propres données traitées par SANTÉSUISSE, mais également de certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, soit le nom des médecins composant le groupe de référence et, sous forme anonymisée, la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données que celles produites par SANTÉSUISSE le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné (arrêts du Tribunal fédéral 9C_622/2021 et 9C_732/2010 ; ATAS/1065/2021).

Le médecin recherché en restitution doit avoir la possibilité de prendre connaissance des données mentionnées pour être à même de justifier les spécificités de sa pratique par rapport à celle des médecins auxquels il est comparé, faute de quoi son droit d'être entendu – plus particulièrement son droit de s'exprimer sur les éléments pertinents du dossier avant qu'une décision le touchant ne soit prise, est violé.

13.2 Il y a à cet égard lieu de constater que SANTÉSUISSE a finalement produit pour 2018 et 2019 les données statistiques du groupe de comparaison des praticiens (pce 43 chargé dem. 7 juillet 2020 et pce 10 chargé dem. 28 mars 2022).

C'est à juste titre en revanche qu'elle n'a pas fourni les données - non anonymisées - de la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, le Tribunal fédéral ne l'exigeant pas (ATF 136 V 415).


 

13.3     Le défendeur a également demandé à ce que soient versés au dossier :

-       la liste des médecins du groupe de comparaison au bénéfice d'une formation en médecine interne générale ;

-       la liste de ceux qui ont plus de 28% de patients âgés (+ de 70 ans) ou plus de 50% de patients matures (+ de 50 ans) ;

-       la liste de ceux qui ont plus de 50% de patients souffrant de troubles anxieux ou plus de 40% souffrant de dépressions psychiques ou plus de 7% de patients souffrant de toxicomanies.

Certes le Tribunal fédéral a-t-il posé les principes s'agissant de la production de pièces par les assureurs dans son arrêt ATF 136 V 415, consid 6.3, il importe toutefois de souligner que la méthode statistique RSS était alors applicable. Pour cette méthode, contrairement aux méthodes ANOVA et de régression, le groupe de comparaison comprenait les médecins exerçant dans le même canton que le médecin concerné, et non ceux de toute la Suisse.

Le groupe des praticiens en Suisse retenu par SANTÉSUISSE est en l'occurrence composé de 1239 médecins. On ne saurait, vu ce nombre important, avoir les mêmes exigences s'agissant de production de documents, que lorsque le groupe de comparaison était nécessairement beaucoup plus restreint, puisque limité au canton. On dispose quoi qu'il en soit des données comparatives dans les rapports de régression.

Il n'y a ainsi pas lieu d'admettre une violation du droit d'être entendu du défendeur, ordonner la production des documents relatifs à ces informations supplémentaires, étant, au vu de ce qui précède, disproportionné et inutile.

Il convient d'ajouter que la valeur de l’indice est déterminée par rapport au coût par patient et non par rapport au chiffre d’affaires, de sorte que le droit d’être entendu du défendeur n’impose pas qu’il connaisse les statistiques détaillées de chacun des médecins de son groupe.

13.4 Le défendeur a également demandé que soit indiqué le canton dans lequel les médecins du groupe de comparaison exercent.

L'information est déjà connue. Ainsi que le relève SANTÉSUISSE, le canton figure en effet dans les deux derniers chiffres du numéro RCC.

13.5 Force est ainsi de constater que le défendeur a disposé de toutes les informations nécessaires.

13.6 Reste à rappeler, s'agissant du format électronique souhaité par le défendeur, que selon l'art 18A al. 6 LPA, qui peut être appliqué par analogie au tribunal arbitral, la communication électronique ne s’applique pas à la procédure de recours (art. 57 à 89), ni à la procédure devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (art. 89A à 89I). Il ne sera dès lors pas exigé de SANTÉSUISSE qu'elle produise ses pièces sous une autre forme que sur papier ou comme fichier PDF.

14.         Le défendeur a conclu à la mise en œuvre d'une expertise analytique afin que soit examinée l'économicité de sa pratique durant les années statistiques 2018 et 2019. Il fait à cet égard valoir que les médecins auxquels il a été comparé ne sauraient être considérés comme représentatifs de sa pratique et que l'expertise analytique permettrait précisément d'entrer dans le détail de celle-ci.

14.1     Les méthodes statistique et analytique ou une combinaison de ces deux méthodes sont admises par le Tribunal fédéral pour établir l'existence d'une polypragmasie (ATF 133 V 37 ; ATF 130 V 377 consid 6.1 ; ATF 119 V 448 consid. 4 [afférent à l'art. 23 LAMA mais demeurant valable sous l'empire de l'art. 56 LAMal; arrêt K 43/99 du 22 décembre 2000 consid. 6a in RAMA 2001 n° KV 158 p. 155]; voir également Gebhard Eugster, Wirtschaftlichkeitskontrolle ambulanter ärztlicher Leistungen mit statistischen Methoden, thèse, Zurich 2003, p. 74 ss et 89 ss; Christian Schürer, Honorarrückforderung wegen Überarztung bei ambulanter ärztlicher Behandlung - Materiellrechtliche Aspekte, in Schaffhauser/Kieser [édit.], Wirtschaftlichkeitskontrolle in der Krankenversicherung, St-Gall 2001, p. 78 ss). Les tribunaux arbitraux restent en principe libres de choisir la méthode d'examen même si la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique qui est en règle générale appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut.

La méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens consiste à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un médecin particulier avec ceux causés par la pratique d'autres médecins travaillant dans des conditions semblables (notamment ATF 133 V 37 consid. 4.2). Cette méthode est concluante seulement si les caractéristiques essentielles des pratiques comparées sont similaires, si le groupe de comparaison compte au moins dix médecins, si la comparaison s'étend sur une période suffisamment longue et s'il est pris en compte un nombre assez important de cas traités par le médecin contrôlé (Gebhard Eugster, Krankenversicherung in Soziale Sicherheit, SBVR, 2e éd., n° 793 p. 662). Il y a donc polypragmasie (Überarztung) lorsque les notes d'honoraires communiquées par un médecin à une caisse maladie sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles des autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable alors qu'aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coût (ATF 119 V 448 consid. 4b). Pour présumer l'existence d'une polypragmasie, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique (indice de 100, exprimé généralement en pour cent) soit dépassée. Il faut systématiquement tenir compte d'une marge de tolérance (ATF 119 V 448 consid. 4c) et, cas échéant, d'une marge supplémentaire à l'indice-limite de tolérance (arrêt du Tribunal fédéral K 97/85 du 19 octobre 1987 consid. 4c in RAMA 1988 n° K 761 p. 92). La marge de tolérance ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (arrêt du Tribunal fédéral K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2 ; ATF 133 V 37; arrêt du Tribunal fédéral K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.1 ; ATF 130 V 377 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral K 44/94 du 12 septembre 1994 consid. 4b in SVR 1995 KV n° 40 p. 125). La marge de tolérance sert à tenir compte des particularités et des différences entre cabinets médicaux ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (notamment arrêt du Tribunal fédéral K 113/03 du 10 août 2004 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral K 134/99 du 28 novembre 2001 consid. 6d). 

Le point de savoir s'il convient d'appliquer la méthode analytique présuppose que la méthode statistique employée par les demanderesses ne permet pas d'aboutir à des résultats fiables, singulièrement que la pratique du défendeur présente des particularités telles qu'il se justifie de s'écarter des données statistiques.

Dans le cadre d'une expertise analytique, il ne s'agit en effet pas de faire référence aux médecins du groupe de comparaison, mais d'examiner les dossiers in concreto, afin de vérifier que le fournisseur de prestations incriminé n'a pas multiplié les prestations inutilement ou abusé dans la facturation de celles-ci.

14.2     Il y a lieu de déterminer, sur la base de ce qui précède, si la pratique du défendeur peut valablement être comparée à celle des médecins du groupe pris en considération par SANTÉSUISSE ou s'il se justifie de s'écarter des données statistiques.

14.2.1 Dans un premier temps, SANTÉSUISSE a retenu le groupe composé de chirurgiens, soit ceux dont le post-grade est pour le défendeur le plus spécialisé.

Le défendeur a toutefois expliqué que durant les années statistiques en cause, son activité en tant que chirurgien n'avait représenté que 10 à 15 % de son temps tout au plus, et qu'il s'était principalement consacré à la médecine de famille, à la psychothérapie et aux traitements de toxicomanie. Sa patientèle est ainsi composée de personnes souffrant de troubles anxieux (plus de 50%), de dépression psychique (plus de 40%), de toxicomanie (7%) et de maladies chroniques, par ailleurs « matures » (entre 50 et 69 ans) et « âgées » (entre 70 et 100 ans). Il considère dès lors que sa patientèle et son activité ne sont pas celles, typiques, d'un médecin au bénéfice d'une spécialisation en chirurgie ou d'un titre de « médecin praticien ». Il se dit quasiment certain que l'immense majorité des médecins du groupe de comparaison n'a aucune activité de prise en charge de patients présentant ces spécificités.

Au vu de ces précisions, SANTÉSUISSE a réaffecté le défendeur dans le groupe des praticiens pour l'année 2019, précisant toutefois que les coûts de celui-ci étaient de toute façon « absolument hors normes », quel que soit le groupe avec lequel il est comparé.

14.2.2 L'attribution à un groupe de comparaison est effectué par le registre des codes-créanciers. Si un médecin possède plusieurs titres, il est automatiquement rattaché au groupe de spécialistes le plus spécifique (pce 12 chargé dem. du 3 juillet 2020). Le groupe de comparaison doit toutefois, d'une manière générale, correspondre au statut effectif du fournisseur de prestations (arrêt du Tribunal fédéral 9C_282/2013 du 31 août 2013 consid. 5.1). La pratique de celui-ci doit être examinée en fonction de celle des médecins constituant le groupe de comparaison auquel il appartient.

14.2.3 En l'espèce, le défendeur est titulaire de deux titres post-grades. Il a toutefois expliqué qu'il ne consacrait que 10 à 15% de son temps à l'activité de chirurgien. C'est dès lors à juste titre que SANTÉSUISSE s'est finalement fondée sur le groupe de comparaison composé des praticiens pour 2019. Pour 2018, elle s'est contentée de constater que si l'on compare la pratique du défendeur avec celle des médecins praticiens, les indices démontrent l'existence d'une polypragmasie plus importante encore (régression à 472 contre 342 avec les chirurgiens).

Il est intéressant de noter que le groupe des chirurgiens comprend 450 médecins pour 2018 et 443 pour 2019, alors que celui des praticiens en compte 1251 pour 2019.

Le nombre de médecins compris dans le groupe des praticiens - qui ne comprend au surplus que les cabinets dont les coûts directs sont supérieurs à CHF 100'000.- ou ayant au moins 50 patients pour l'année concernée - est significatif, et, partant, largement suffisant pour constituer un échantillonnage valable (pce 13 chargé dem. 3 juillet 2020 et pce 17 chargé dem. 11 juin 2021).

SANTÉSUISSE a en l'occurrence comparé la pratique du défendeur avec les médecins du groupe des chirurgiens pour 2018 et avec ceux du groupe des praticiens pour 2019. Elle a toutefois procédé, pour chacune des deux années, au même exercice avec l'autre groupe et constaté que, quel que soit le groupe retenu, les coûts du défendeur sont trop élevés.

On peut également relever que les coûts totaux par patient des chirurgiens sont de CHF 587.- en 2018, et de CHF 608.- en 2019, alors que ceux des praticiens sont de CHF 956.- en 2018 et en 2019 (pces 23 et 24 chargé dem. du 11 juin 2021). Il apparaît ainsi que la comparaison de la pratique du défendeur avec celle des praticiens lui est plus favorable.

Le tribunal de céans retiendra, partant, une comparaison avec le groupe des praticiens uniquement.

Les conditions posées par la jurisprudence relative à ce groupe de comparaison sont réalisées puisque le groupe en question comporte suffisamment de médecins, que les éléments statistiques ont été rassemblés d'une manière analogue (données fournies par le biais du registre des codes créanciers [RCC] et le pool de données de SANTÉSUISSE et que la comparaison s'est étendue sur plusieurs années. (cf. ATF 119 V 448 consid. 4b p. 448; arrêt K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2 non publié in ATF 133 V 37 et les arrêts cités; , 9C_282/2013).

14.3 Afin de justifier la mise en œuvre d'une expertise analytique, le défendeur allègue que sa pratique ne peut être comparée à celle des médecins du groupe pris en considération par les demanderesses, dès lors qu'il est impossible d'établir un collectif ayant les mêmes caractéristiques de patientèle et d'activité que les siennes.

14.3.1 Il met ainsi en avant une patientèle particulièrement âgée.

La moyenne d'âge de ses patients pour 2018, qui est de 53,4, et pour 2019, de 53,7, est effectivement un peu plus élevée que celle de la patientèle des praticiens, qui est de 49,7, pour la première année et de 50,1 pour la deuxième. Cet argument du défendeur ne suffit cependant pas à lui seul à justifier une expertise, au vu de l'écart relativement peu marqué entre ces chiffres, ce d'autant moins que le critère de l'âge est précisément pris en considération lors de l'utilisation de la méthode statistique. Il sera en revanche revu lorsque sera examinée la question de savoir si l'âge de ses patients peut, le cas échéant, constituer une particularité de sa pratique qui permettrait de tenir compte d'une marge de tolérance dépassant l'indice initialement retenu.

14.3.2 Le défendeur fait également valoir qu'il traite de très nombreux cas de troubles anxieux, de dépression psychique et de toxicomanie. Or, la prise en charge de troubles psychiques constitue un élément central de la pratique du médecin praticien (ATF 9C_570/2015). Aussi une prise en charge de ce type ne s'oppose-t-elle nullement à ce que sa pratique soit comparée à celle de ses confrères praticiens.

14.3.3 Le défendeur souligne que le médecin de famille implique une relation thérapeutique éprouvée, qui s'inscrit dans la durée, qui nécessite d'avoir une écoute attentive et qui garantit l'ensemble des traitements. Il en conclut qu'il ne peut y avoir d'homogénéité à l'intérieur du groupe des médecins praticiens.

Il y a pourtant lieu de rappeler que pour présumer l'existence d'une polypragmasie, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique soit dépassée, il faut également tenir compte d'une marge de tolérance qui vient précisément prendre en considération les particularités et les différences entre les cabinets médicaux (arrêt du Tribunal fédéral K 134/99 consid 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral K 134/99 consid. 6d).

Cette marge de tolérance permet ainsi de procéder à une comparaison nuancée.

14.3.4 Reste à déterminer si l'activité de chirurgien du défendeur pourrait venir fausser la comparaison avec les médecins praticiens, de sorte que seule une expertise analytique permettrait de dire s'il y a polypragmasie ou non.

Tel n'est pas le cas. Il y a en effet lieu de constater que l'activité de chirurgien exercée par le défendeur, de l'ordre de 10 à 15%, ne peut être qualifiée que d'accessoire. Il n'est au surplus pas rare d'observer qu'un médecin soit titulaire de deux titres post-grades et pratique, partant, deux types d'activités. Il peut également être constaté que les coûts totaux par patient du défendeur sont largement supérieurs à ceux des médecins des deux groupes de comparaison (chirurgiens et praticiens).

On pourrait en revanche ici aussi y voir une particularité de sa pratique, ce qui sera analysé ci-dessous.

14.4

14.4.1 Le défendeur a produit un rapport CTESIAS, daté du 20 septembre 2021 (pce 58 chargé déf du 20 septembre 2021). Y figurent des commentaires sur la demande en restitution et une analyse de la pratique du défendeur de 2018 à 2020. Il en résulte que les indices de régression ont fortement diminué entre 2018 et 2020. L'indice de régression des coûts totaux est passé de 342 en 2018 à 305 en 2019 et à 101 en 2020. Il en est de même pour l'indice de régression des coûts de médecins. Cet indice était de 243 en 2018, de 240 en 2019 et de 72 en 2020. CTESIAS a conclu de ces chiffres qu'ils laissaient voir une évolution majeure dans le pratique du défendeur.

Le défendeur a également versé au dossier un rapport EAE (chiffre d'affaires par patient) de CTESIAS concernant la période s'étendant de décembre 2019 à septembre 2022 (pce 39 chargé du 28 février 2023) et daté du 20 janvier 2023. Y est présenté un diagramme fondé sur les coûts directs, selon lequel la pratique du défendeur se situe largement au-dessus des chiffres du collectif de référence en 2019 avec un pic dépassant 225 à la fin de l'année, mais dans la moyenne de ce collectif dès 2020.

Le défendeur entend démontrer, sur la base de ces rapports, que son activité respecte les exigences d'économicité, ses statistiques étant largement inférieures à la valeur de 130.

14.4.2 Selon le site internet qui lui est consacré (https://www.ctesias.ch), CTESIAS SA est une société créée en 2003 sur mandat des sociétés cantonales de médecine des cantons de Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel et Valais. Celles-ci sont actionnaires de CTESIAS, tout comme des centaines de médecins en pratique privée. Elle met à disposition des médecins un ensemble d’outils statistiques basés sur leurs factures. CTESIAS Consulting en particulier est un service d’analyse d’économicité qui accompagne et conseille les médecins, ainsi que tous les groupements médicaux qui le souhaitent dans l’interprétation des statistiques liées à leur pratique.

Il sied enfin de rappeler que la valeur probante des statistiques établies a été expressément reconnue par le Tribunal fédéral comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin, alors que les statistiques émanant de CTESIAS, ne reposent pas sur les mêmes bases de données que celles de SANTÉSUISSE et ne prennent en compte que les factures transmises par les médecins qui lui sont affiliés.

Le but de CTÉSIAS SA est en effet de mettre à disposition des médecins un ensemble d’outils statistiques basés sur les factures établies par leur cabinet. Selon le site internet qui lui est consacré (https://www.ctesias.ch), CTESIAS SA est une société créée en 2003 sur mandat des sociétés cantonales de médecine des cantons de Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel et Valais. Celles-ci sont actionnaires de CTESIAS, tout comme des centaines de médecins en pratique privée. Elle met à disposition des médecins un ensemble d’outils statistiques basés sur leurs factures. CTESIAS Consulting en particulier est un service d’analyse d’économicité qui accompagne et conseille les médecins, ainsi que tous les groupements médicaux qui le souhaitent dans l’interprétation des statistiques liées à leur pratique. Il s'agit donc d'une société au service exclusif des médecins (ATAS/641/2022 ; ATAS/1065/2021 ; ATAS/27/2020).

14.4.3 Il est vrai que les chiffres figurant dans les rapports CTESIAS viennent confirmer les conclusions du défendeur, selon lesquelles il a changé sa pratique et ainsi manifesté sa volonté de se conformer aux règles.

Il résulte de ces rapports que le nombre des patients est en forte augmentation (188 en 2018, 158 en 2019 et 846 en 2020), et les coûts directs par patient en forte diminution (CHF 1'923.- en 2018, CHF 2'024.- en 2019 et CHF 490.- en 2020). Force est toutefois de constater que ce n'est qu'à partir de l'année 2020 que les chiffres du défendeur viennent rejoindre la moyenne du collectif de référence. Ils se situent largement au-dessus des chiffres du collectif de référence jusque-là. Or seules les années 2018 et 2019 font l'objet du présent litige. Les chiffres relatifs aux années 2020 et suivantes ne présentent dès lors aucun intérêt dans le cadre du présent arrêt.

Il est également relevé que le coût direct par patient du collectif de comparaison est de CHF 478.- en 2018, alors que celui du défendeur est de CHF 490.- en 2020. On peine à comprendre l'utilité de cette comparaison, dans la mesure où elle est faite entre un montant valable en 2018 pour le collectif de référence et un montant valable en 2020 pour le défendeur. Elle ne permet de tirer aucune conclusion.

Il sied enfin d'ajouter qu'on ignore, à la lecture du rapport CTESIAS, quel est le groupe de référence sur lequel celui-ci s'est fondé.

14.5 Il y a lieu de constater, au vu de ce qui précède, que les statistiques, ainsi que les autres données relatives aux caractéristiques du cabinet du défendeur, sont suffisantes pour examiner l'économicité de sa pratique. Rien ne s'oppose en effet à leur utilisation dans le cas présent.

Par conséquent, le tribunal de céans considère qu'il n'est en l'occurrence pas nécessaire d'ordonner une expertise analytique. Il convient au contraire de donner la préférence à la méthode statistique qui permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité par rapport à une méthode analytique coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à charge du médecin.

15.         Il s'agit à présent de déterminer si la pratique médicale du défendeur et sa patientèle comportent des particularités dont SANTÉSUISSE n'a pas tenu compte et qui justifieraient un coût moyen par patient plus élevé et, partant, l'admission d'une marge supplémentaire qui viendrait s'ajouter à la marge de tolérance (arrêt du Tribunal fédéral K 5/07 consid. 3.2).

15.1 A cet égard, le défendeur fait en tout premier lieu valoir que les demanderesses sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes (art. 22 LPA et 89 al. 5 LAMal), et leur reproche d'avoir failli à cette tâche. Aussi considère-t-il que, faute de disposer des éléments nécessaires, il n'est pas en mesure de comprendre si la méthode appliquée prend ou non en compte les spécificités de sa pratique. La question de la production des pièces complémentaires réclamées par le défendeur a été analysée ci-dessus (consid 13). Il suffit à ce stade de rappeler qu'il appartient au médecin statistiquement hors norme de réfuter, en établissant les particularités de sa pratique, la présomption de polypragmasie.

15.2 Il convient, à titre préalable également, de constater que SANTÉSUISSE a en l'espèce pris en compte une marge de tolérance de 20% seulement, tant pour 2018 que pour 2019, ce que le défendeur conteste.

Selon la jurisprudence, la marge de tolérance permet de tenir compte des particularités et différences entre les cabinets médicaux, ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.3). Elle ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (arrêt du Tribunal fédéral K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.1).

Il y a lieu d'observer que les assureurs prennent généralement en compte un indice de tolérance de 130 pour calculer le montant dont ils réclament la restitution au fournisseur de prestations auprès du tribunal arbitral. SANTÉSUISSE a toutefois retenu un indice de 120 en l'espèce pour les années 2018 et 2019, au motif qu'elle avait appliqué l'analyse de régression, et envisage même de fixer la limite supérieure en dessous des 120 points d'indice dorénavant, au vu des optimisations que présente la nouvelle méthode.

On peut en effet admettre dans le cas d'espèce qu'un indice de 120 devrait suffire à tenir compte des particularités de la pratique médicale du défendeur, dès lors que l'analyse de régression constitue précisément le développement de la méthode ANOVA, est plus précise et tend à améliorer la qualité de la procédure d'examen de l'économicité des médecins de façon significative, mais aussi dès lors qu'en l'occurrence, il s'avère que l'indice de régression est plus bas que l'indice ANOVA.

Il se justifie ainsi de confirmer la marge de tolérance fixée par SANTÉSUISSE à 20%, ce pour autant que l'analyse de régression soit appliquée au défendeur. Dans le cas contraire, elle sera remplacée par une marge de 30%.

15.3 Constitue une particularité de la pratique médicale toute caractéristique des prestations qui est plus souvent présente que dans la majorité des cabinets du groupe de comparaison et qui engendre un besoin de prestations plus élevé (K 142/05).

Selon la jurisprudence, les particularités suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé : une clientèle composée d'un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), un nombre plus élevé de la moyenne de visites à domicile et une très grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b), un pourcentage très élevé de patients étrangers (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), une clientèle composée d'un nombre plus élevé de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés (K 152/98) ou le fait que le médecin s'est installé depuis peu de temps à titre indépendant (K 150/03).

En présence de telles particularités, deux méthodes de calcul ont été admises (K 50/00). D'une part, une marge supplémentaire peut être ajoutée à la marge de tolérance déterminée au préalable (SVR 2001 KV n° 19 p. 52 [K 144/97] consid. 4b, 1995 KV n° 40 p. 125 consid. 4). Le tribunal arbitral dispose d'une marge de manœuvre importante à condition qu'il motive son jugement. Cette motivation doit en principe inclure une estimation des coûts supplémentaires admissibles ainsi que leur répercussion sur la marge additionnelle. D'autre part, il est permis de quantifier les particularités en question au moyen de données concrètes recueillies à cette fin, puis de soustraire le montant correspondant des coûts totaux découlant des statistiques de la CAMS (SVR 1995 KV n° 140 p. 125 consid. 4b). Le tribunal arbitral peut ainsi exclure complètement du coût moyen ceux afférents aux patients qui affichent cette particularité (exemple : ne pas tenir compte des coûts de traitements des patients drogués suivant un sevrage à la méthadone).

Dans le cadre de l'application de la méthode statistique - outre la compensation éventuelle des particularités de la pratique - chaque médecin doit se voir accorder une zone de tolérance dans les limites de laquelle sa méthode de traitement doit encore être considérée comme économique (ATF 1 19 V 454 alinéa 4c). Elle sert à récompenser les augmentations du coût des traitements qui sont basées sur le comportement médical individuel (ATF 103 V 155 alinéa 6) et à compenser les inexactitudes statistiques. Jusqu'à présent, la jurisprudence n'a pas établi de critères uniformes, ni pour les différents cantons, ni pour les différentes spécialités (cf. l'aperçu dans Gebhard Eugster, loc. cit., n o 823 ss. p. 278 ss.). Dans un arrêt K 9/99 du 29 juin 2001, le Tribunal fédéral des assurances a estimé que la marge de tolérance se situait entre 120 et 130 points d'indice. Ces critères de référence ont été adoptés dans des arrêts plus récents (arrêts du Tribunal fédéral K 07/01, K 16/011, K 108/01, K 8/01 et K 150/03). Dans un arrêt publié aux ATF 130 V 377, le Tribunal fédéral des assurances a rejeté, pour défaut de fondement, l'objection selon laquelle une valeur de tolérance sensiblement plus élevée d'au moins 140 points d'indice devrait être choisie pour les médecins généralistes. Les valeurs d'indice de 120 à 130 points citées ne doivent pas être considérées comme des valeurs inviolables, mais plutôt comme des valeurs indicatives qui permettent des écarts dans des cas individuels, à condition qu'ils soient objectivement suffisamment justifiés (arrêt du Tribunal fédéral K 113/03 consid. 6.2).

15.3.1 Le défendeur considère, tant pour 2018 que pour 2019, que sa patientèle est particulière et nécessite davantage de soins que la norme ; il se dit dès lors certain que l'immense majorité des médecins des groupes de comparaison (chirurgien et praticien) n'exerce aucune activité de prise en charge de patients présentant les spécificités dont il s'occupe. Il met ainsi en avant son activité de médecin de famille, et non pas de généraliste exerçant comme médecin de premier recours. Il insiste sur le fait que les interventions de ces médecins du groupe de comparaison sont usuellement uniques et sommaires, alors que les siennes s'inscrivent nécessairement dans la durée et nécessitent une écoute attentive. Le patient lui est lié par un lien thérapeutique étroit et il garantit l'ensemble des traitements. Il fait valoir que son activité porte principalement sur des traitements de psychothérapie et sur des traitements pour les toxicomanes, précisant que sa patientèle est composée de plus de 50% atteints de troubles anxieux, de plus de 40% souffrant de dépression psychique et de 7 % de toxicomanes. Il ajoute qu'il traite environ 50% de patients entre 50 et 69 ans, présentant souvent des maladies chroniques, et environ 28% entre 70 et 100 ans. Il entend ainsi démontrer qu'il n'exerce pas l'activité typique des médecins au bénéfice d'une spécialisation en chirurgie ou d'un titre de médecin praticien.

15.3.2 Le défendeur affirme qu'il ne travaille pas en tant que médecin de premier recours. Cette allégation ne saurait être admise dans la mesure où le défendeur facture très souvent des positions relatives aux prestations de base, qui sont des prestations typiques dispensées par les médecins de premiers recours. Selon le rapport de régression (pce 6 chargé dem. 7 juillet 2020 et pces 6 et 7 dem du 11 juin 2021), les prestations de base par malade du défendeur sont de 9,5 pour 2018 et de 9,4 pour 2019 et celles de ses collègues praticiens de 3,9 pour 2018 et de 4,0 pour 2019. A noter que celles du défendeur pour 2020 sont descendues à 3,5.

Il sied quoi qu'il en soit de rappeler que les groupes de comparaison sont composés de médecins porteurs du même titre post-grade qui doit correspondre au statut effectif (arrêt du Tribunal fédéral 9C_282/2013), de sorte que le fait qu'un médecin pratique comme médecin de famille ou comme médecin de premier recours importe peu à cet égard.

15.3.3 Le défendeur fait valoir que 97% de ses patients souffrent de troubles anxieux (plus de 50%), de dépression psychique (plus de 40%) ou de toxicomanie (environ 7%).

Il sied de relever en tout premier lieu que la prise en charge de ce type de patients ne paraît pas étonnante, en ce sens qu'elle fait typiquement partie de l'activité habituelle d'un médecin praticien précisément et ne saurait, partant, être d'emblée retenue comme une particularité de sa pratique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_570/2015).

Il appert du rapport de régression concernant le défendeur pour les années 2018 et 2019 que sa patientèle souffrant d'addictions est un peu plus nombreuse que celle du groupe de comparaison, soit 0,4 contre 0,2 tant pour 2018 que pour 2019 (pce 6 chargé dem. 7 juillet 2020 et pce 6 chargé dem. 11 juin 2021). La différence n'est toutefois pas telle qu'il se justifierait d'en tenir compte à titre de particularité, ce d'autant moins que le défendeur n'explique pas ce taux de 7%, ni pour quelles raisons le fait d'avoir 7% de sa patientèle toxicomane représenterait une particularité de son cabinet qui justifierait d'augmenter la marge de tolérance, étant rappelé que cette marge de tolérance a précisément été prévue pour neutraliser certaines variations statistiques lorsqu'il y a des particularités et des différences entre les cabinets médicaux, ainsi que des imperfections de la méthode statistique. Aussi, si une particularité est mise en évidence, doit-elle être particulièrement importante pour être prise en compte en sus. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce au vu des chiffres figurant dans les rapports de régression.

On peut par ailleurs s'étonner, à l'instar de SANTÉSUISSE du reste, que le défendeur n'ait pas suivi le programme de formation complémentaire en médecine de l'addiction de la FMH.

Il apparaît en revanche que la patientèle du défendeur comprend nettement plus de cas de dépression que celle de ses collègues médecins praticiens. L'indicateur DDD/malade souffrant de dépression le concernant pour 2018 est en effet de 26,2 et celui de ses collègues de 12,2, et pour 2019, respectivement de 60.8 et de 12,5.

Ces chiffres pourraient venir expliquer, du moins en partie, le temps de consultation plus long facturé par le défendeur (196 points TARMED utilisés par le défendeur en moyenne pour une consultation en 2018, et 212 en 2019, alors que les praticiens facturent respectivement 95 et 94) (pces 6, 41 et 43 chargé dem du 7 juillet 2020 et pces 6, 7 et 24 chargé dem. 11 juin 2021) et le nombre de consultations par malade très élevé (9,5 en moyenne pour le défendeur en 2018 – 9,4 en 2019 contre 4 pour les praticiens en 2018 et en 2019).

Il y a toutefois lieu de constater, d'une part, que le défendeur ne donne aucune explication à cet égard, et, d'autre part, qu'il a facturé sans droit – à défaut de disposer des valeurs intrinsèques qualitatives nécessaires -, ce, à hauteur de 20,31%, les consultations pour ses patients souffrant de dépression avec la position TARMED 00.0520 (traitements psychothérapeutiques).

15.3.4 Le défendeur allègue avoir une patientèle particulièrement âgée (50% de ses patients auraient entre 50 et 69 ans, et environ 28% entre 70 et 100 ans. Il n'est pas contestable qu'en principe, la courbe des coûts des médecins de famille tend à augmenter avec l'âge des patients, de sorte que ce critère pourrait constituer une spécificité susceptible d'être retenue au titre de particularité de la pratique du médecin, ce quand bien même les indices selon l'âge des patients sont en grande partie corrigés dans le cadre de l'application de la méthode de régression.

Il résulte toutefois du diagramme présentant la répartition du nombre de malades et figurant dans le rapport de régression pour 2018 et 2019 qu'en réalité, le pourcentage avancé de 78 (50 + 28) est bien trop élevé (pce 6 chargé dem. du 3 juillet 2020). La différence entre la moyenne d'âge des patients du défendeur (53,4) et celle du groupe de praticiens (49,7), pour les deux années concernées, n'est pas suffisamment importante. Il est vrai qu'elle a passé à 60,3 ans pour 2020. Le chiffre de cette année n'est toutefois pas pertinent dans le cadre du présent litige (pce 11 chargé dem. 7 juillet 2020 et 6 chargé dem. 11 juin 2021).

15.3.5 Le défendeur souligne que l'économicité de sa pratique est confirmée par les statistiques produites par SANTÉSUISSE elle-même et par le rapport EAE de CTESIAS (cf pce 38 et 39 chargé déf. 28 février 2023). Il produit à cet égard, le 20 janvier 2023, le rapport de régression le concernant que lui avait transmis SANTÉSUISSE et portant sur la statistique 2021. A noter que les chiffres 2018 et 2019, plus particulièrement, de ce rapport figurent déjà dans les chargés de pièces des demanderesses des 7 juillet 2020 et 11 juin 2021.

Le défendeur fait ainsi valoir qu'entre 2018 et 2020, le nombre et la moyenne d'âge de ses patients ont fortement augmenté (pce 38), alors que les coûts directs totaux ont diminué de 76% entre 2019 et 2020. L'indice de régression des coûts totaux est passé de 342 en 2018 à 305 en 2019, à 101 en 2020 et à 93 en 2021 (soit en dessous de la moyenne du groupe de comparaison). L'indice de régression des coûts du médecin quant à lui était de 243 en 2018, 72 en 2020 et de 56 en 2021. Il attire l'attention sur le fait que, en tout cas à partir de 2020, les statistiques de son cabinet se situent à l'intérieur de celles du collectif de référence, et sont inférieures à « la valeur de tolérance de 130 ».

15.3.6 Le nombre des patients du défendeur a augmenté de 2018 à 2020 pour se stabiliser en 2021. Ce nombre a en réalité explosé de 2019 à 2020, passant de 158 en 2019 à 846 en 2020 (cf rapport de régression). Peu importe quelle en est la raison, dans la mesure où seuls les chiffres en relation avec les années 2018 et 2019, soit respectivement 188 et 158, sont pertinents dans le cadre du présent litige.

15.3.7 Reste à se demander si la part consacrée aux soins dispensés en tant que chirurgien pourrait constituer une particularité pour le défendeur en tant que médecin praticien. Selon ses propres déclarations, cette part ne dépasse toutefois pas 10 à 15% de son activité. Force est ainsi de constater qu'elle est trop limitée pour être retenue comme particularité pour un médecin praticien, ce d'autant plus que le défendeur n'explique pas pourquoi elle devrait l'être (arrêt du Tribunal fédéral 9C_821/2012).

15.3.8 Le défendeur n'est en conséquence pas parvenu à démontrer que sa pratique comporterait des particularités qu'il se justifierait de prendre en compte, ce qui aurait permis d'augmenter l'indice de tolérance.

16.         Les coûts élevés par patient du défendeur (indice de régression coûts totaux 2018 : 472 / indice de régression coûts totaux 2019 : 502) ne pouvant être justifiés par les particularités de sa pratique médicale, il y a lieu de déterminer quelle méthode statistique doit être utilisée pour calculer le montant de la somme à restituer.

16.1 En l’espèce, les demanderesses réclament au défendeur, pour les années statistiques 2018 et 2019, la restitution, principalement, de montants calculés selon l’indice de régression et, subsidiairement, selon l’indice ANOVA, étant précisé qu'il conviendra le cas échéant de tenir également compte des prestations facturées par celui-ci à l’assurance obligatoire des soins sur la base de positions TARMED pour lesquelles il ne disposait pas des valeurs intrinsèques requises, soit CHF 131'136.- pour 2018 et CHF 97'111.- pour 2019.

16.2

16.2.1 Selon l'art. 56 al. 6 LAMal, entré en vigueur le 1er janvier 2013, les fournisseurs de prestations et les assureurs conviennent d'une méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations. La disposition transitoire relative à cette modification prescrit que le Conseil fédéral fixe pour les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35 al. 2 let. a LAMal la méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations, si les assureurs et les fournisseurs de prestations ne sont pas convenus d'une méthode dans un délai de 12 mois suivant l'entrée en vigueur de la présente modification.

Le 27 décembre 2013 / 16 janvier 2014, les fournisseurs de prestations, par l'intermédiaire de la Fédération des médecins suisses (FMH), et les assureurs-maladie, représentés par SANTÉSUISSE et Curafutura, ont conclu un accord, aux termes duquel le contrôle de l'économicité de la pratique médicale est effectué sur la base de la méthode ANOVA. Le Tribunal fédéral a jugé que cet accord n'était pas contraire à la loi.

Le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur l'application du modèle d'analyse de variance (méthode ANOVA) pour le contrôle du caractère économique des prestations en relation avec la restitution des honoraires en raison d'une pratique non économique. Il a admis que l'accord des fournisseurs de prestations et des assureurs (FMH ainsi que SANTÉSUISSE et CURAFUTURA) sur la méthode ANOVA pour ledit contrôle ne pouvait pas être qualifié d'illégal (ATF 144 V 79), malgré la critique exprimée par une partie de la doctrine à ce sujet (cf. les références dans l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_267/2017 du 1er mars 2018 consid. 6.2 in fine; cf. aussi Gebhard Eugster, KVG Baustelle statistische Wirtschaftlichkeitsprüfung, Jusletter du 27août 2012 n° 13 s., 61 et 80 s.) et les possibilités d'améliorer le système prévu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_517/2017 du 8 novembre 2018 consid. 5.2 et les références). 

La méthode ANOVA n'a ainsi pas été remise en cause, ni en relation avec la base de données statistiques RSS (Rechnungssteller-Statistik), ni en tant que modèle mathématique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_150/2020 ; ATF 144 V 79 consid. 5 ; ATAS/27/2020).

16.2.2 La Fédération des médecins suisses - FMH, SANTÉSUISSE et CURAFUTURA ont, en collaboration avec Polynomics SA, perfectionné la méthode ANOVA en une analyse de régression en deux étapes (méthode de screening). Par convention des 10 juillet / 15 août / 23 août 2018, les parties contractantes se sont engagées à adopter et appliquer cette nouvelle méthode. De ce fait, la méthode ANOVA a été remplacée par l’analyse de régression en deux étapes qui s’applique désormais comme nouvelle méthode au sens de l’art. 56 al. 6 LAMal, la première fois pour l’année statistique 2017.

La nouvelle analyse de régression en deux étapes est partant le développement de la méthode ANOVA.

 

La première étape a pour but de quantifier la part des coûts totaux par malade qui ne peut s'expliquer par des critères de morbidité par rapport aux coûts moyens d'un médecin du même groupe spécialisé de médecins en Suisse. À la différence de la méthode ANOVA, l'analyse de régression inclut non seulement, comme par le passé, les critères de morbidité de l'âge et du sexe, mais également, en plus - afin d'optimiser la méthode de screening statistique - les critères « franchise à option », « séjour dans un hôpital ou dans un établissement médico-social l'année précédente », ainsi que les « pharmaceutical cost groups - PCG ». Ces critères choisis ne peuvent pas être influencés par le médecin, mais représentent le profil clinique de ses patients. Dans ce cadre, ce n'est pas l'effet d'un critère individuel sur les coûts de traitement d'un médecin qui est déterminant, mais l'addition de leurs influences indépendantes les unes des autres.

 

Lors de la deuxième étape de l'analyse de régression, le solde des coûts inexplicables du médecin en question est corrigé par deux critères supplémentaires. Il s'agit, d'une part, du critère du canton d'établissement du cabinet médical (en raison des différences de valeur du point tarifaire TARMED, des coûts de loyer et de personnel, etc.), au demeurant déjà pris en considération dans la méthode ANOVA, et, d'autre part, de critères spécifiques liés à la spécialisation du groupe de médecins. Avec ces derniers critères, il est tenu compte du fait que certains groupes spécialisés de médecins fournissent typiquement des prestations plus chères que d'autres. Il s'agit de facteurs qui sont constants par médecin et qui ne varient ainsi pas au sein d'une communauté de patients. Après ces corrections, on obtient la part des coûts par malade qui est potentiellement non économique.

 

À partir de l'effet du cabinet médical ainsi épuré en deux étapes, on calcule ensuite, au moyen de l'analyse de régression, un indice, appelé indice de régression. Cet indice démontre par combien de points de pourcentage les coûts par malade d'un médecin diffèrent des coûts moyens du groupe de comparaison. Les médecins qui dépassent la valeur moyenne de l'indice de 100 points de manière significative sont considérés comme statistiquement hors norme. Pour tous les types de coûts (coûts totaux, coûts directs du médecin, coûts directs et indirects de pharmacies, de laboratoires et de LiMA ainsi que des physiothérapies prescrites), une analyse de régression propre avec des indices séparés est effectuée. Pour l'examen de l'économicité (polypragmasie), c'est l'indice des coûts totaux qui est déterminant.

 

16.3

16.3.1 Le défendeur rappelle que la méthode de régression en deux étapes n’a à ce jour pas été validée par le Tribunal fédéral et ne saurait en conséquence lui être appliquée. Il fait valoir au surplus qu'elle repose sur la méthode ANOVA, laquelle a été abondamment critiquée et est elle-même désormais considérée comme caduque par le Tribunal fédéral. Il cite à l'appui de son allégation l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_517/2017.

Il persiste dans ces conditions à solliciter la mise en œuvre d'une expertise analytique. Il produit à cet égard trois articles rédigés respectivement par Urs STOFFEL, la FMH et Olivier FRANCIOLI, selon lesquels l'examen analytique d'une pratique individuelle demeure la seule façon de déterminer si une pratique est ou non économique.

16.3.2 Le Tribunal fédéral a clairement confirmé le caractère admissible du recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné, considérant que cette méthode permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité par rapport à une méthode analytique coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à charge du médecin, en deuxième lieu, que la méthode statistique comprend une marge de tolérance qui permet de prendre en considération les spécificités d'une pratique médicale et de neutraliser certaines imperfections inhérentes à son application, le médecin gardant en effet la possibilité de justifier une pratique plus onéreuse que celle des confrères appartenant à son groupe de comparaison.

Le défendeur cite un arrêt du Tribunal fédéral (9C_517/2017) pour démontrer que la méthode ANOVA viole bel et bien l'art. 56 al. 6 LAMal. Or, le Tribunal fédéral, dans cet arrêt, s'est en réalité référé à un précédent arrêt rendu le 18 décembre 2017 (9C_264/2017), selon lequel cette méthode ne pouvait pas être qualifiée de contraire à la loi et a confirmé qu'il fallait s'en tenir à ce point de vue, ce, malgré les critiques formulées en partie dans la doctrine à l'encontre de cette méthode statistique.

Force est ainsi de constater que, dans cet arrêt 9C_517/2017, la méthode ANOVA n'a nullement été considérée comme étant caduque par le Tribunal fédéral, bien au contraire.

16.3.3 Si la méthode ANOVA a été reconnue par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 9C_774/2020 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C 264/2017), tel n'est pas le cas en l'état de la nouvelle analyse de régression.

La seule affaire traitée par la Haute Cour dans laquelle il a été question de la méthode de régression a donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_774/2020. Il s'agissait d'un médecin se plaignant de ce que le tribunal arbitral cantonal ne lui avait pas appliqué pour l'année statistique 2016 la « méthode dite de régression », alors que SANTÉSUISSE avait affiné la méthode ANOVA en une méthode de screening (analyse de régression en deux temps), ce qui démontrait que la méthode statistique n'était ni fiable, ni sûre, ni adéquate. Le médecin faisait ainsi valoir que si sa cause avait été jugée selon les critères nouvellement développés dans la méthode de régression, il en serait ressorti que sa pratique respectait le principe de l'économicité. Le Tribunal fédéral a rejeté son recours, au motif que la nouvelle méthode statistique de sélection (screening) s'appliquait pour la première fois à partir de l'année 2017 et qu'elle n'avait pas d'effet rétroactif. Il a ainsi considéré que, pour des questions d'égalité de traitement, il n'y avait pas lieu de recourir à cette méthode exceptionnellement de façon rétroactive.

On ne peut que constater que le Tribunal fédéral n'a pas d'emblée rejeté la nouvelle méthode. On ne peut tirer aucune autre conclusion. En revanche, dans son arrêt du Tribunal fédéral 9C_517/2017 susmentionné, la Haute Cour a expressément relevé que les partenaires contractuels avaient pu se mettre d'accord sur un affinement de la méthode à partir de l'année statistique 2017 (Bulletin des médecins suisses 2018/14 p. 1390 ss).

16.3.4 Au niveau cantonal, il s'avère que deux arrêts ont été rendus par le tribunal arbitral du canton de Zürich, portant sur la méthode de régression.

Dans ces deux arrêts, cités par SANTÉSUISSE, des 28 août 2020 et 26 mars 2021 (SR 2019.00011 consid. 3.2.5 et SR 2020.00011 consid. 3.2.5), le tribunal arbitral zurichois a constaté que les parties contractantes avaient convenu qu'à l'avenir, le modèle d'analyse de variance serait développé conjointement par les fournisseurs de prestations et les assureurs et qu'il serait notamment complété par des variables de morbidité (ATF 144 V 79 consid. 5.1). Ce développement a été réalisé par l'accord et la mise en œuvre de la méthode de régression (arrêt du Tribunal fédéral 9C_558/2018 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2018 consid. 7.1). La nouvelle analyse statistique de régression qui s'applique à compter de l'année statistique 2017 doit permettre d'identifier de manière encore plus spécifique les fournisseurs de prestations dont les coûts sont statistiquement élevés, car la méthode de screening tient compte de variables de morbidité supplémentaires par rapport à la méthode ANOVA utilisée jusqu'à présent.

A noter que ces deux arrêts sont entrés en force de chose jugée, faute de recours au Tribunal fédéral.

Il est enfin intéressant de relever que SANTESUISSE, CURAFUTURA et la FMH ont confirmé en février 2023 que la méthode de régression continuerait à s'appliquer (www.fmh.ch/fr/prestations/tarifs-ambulatoires/infolettre-tarifs-ambulatoires/10022023).

16.4

16.4.1 Le défendeur souligne que l'institut Polynomics lui-même, - qui explique, dans son rapport intitulé « développement de la méthode statistique pour l'évaluation de l'économicité » et daté de septembre 2017 (pce 11 chargé dem. du 7 juillet 2020), le développement et le fonctionnement de la méthode de régression, - reconnait que cette méthode présente des imperfections et qu'elle « ne devrait être conçue que comme une première étape de sélection, devant forcément être suivie d'un examen individualisé de la pratique mise en évidence par les statistiques ». Le défendeur tente à cet égard de dresser une liste des remarques figurant dans le rapport de Polynomics et mettant en évidence les limites de la nouvelle méthode.

16.4.2 Il convient toutefois de relever que le travail effectué par l'institut Polynomics est détaillé. Tous les paramètres sont décrits précisément. Certes résulte-t-il de la liste établie par le défendeur des interrogations, voire des doutes, quant aux limites de la méthode, émis par les auteurs du rapport. Il est toutefois difficile d'en juger, en tant qu'ils sont sortis de leur contexte. En réalité le fait que les auteurs du rapport s'interrogent serait plutôt garant d'un bon résultat Cette façon de procéder viendrait plutôt démontrer que, conscients de l'imperfectibilité de toute méthode, ils se sont efforcés de trouver celle qui soit la plus satisfaisante pour tous les partenaires tarifaires, étant à cet égard rappelé que l'application de la méthode de régression a été convenue contractuellement par la FMH, SANTÉSUISSE et CURAFUTURA, lesquels lui ont précisément confié le mandat de la développer (pce 11 chargé dem du 20 juillet 2020). Il serait quoi qu'il en soit incohérent de considérer que l'institut Polynomics ne soutiendrait pas cette méthode, alors qu'il en est l'auteur.

16.5

16.5.1 Le défendeur reproche aux demanderesses de se contenter de se référer au rapport de régression produit sous pièce 6, sans justifier la pertinence des données statistiques retenues dans son cas en particulier et de n'avoir pas non plus pris en compte les particularités de sa pratique pour établir les données de comparaison. Il en conclut que les chiffres avancés par les demanderesses ne sont manifestement pas fiables. Il fait valoir que SANTÉSUISSE se contente de répéter que la méthode de régression n'est pas critiquable, refusant tout débat sur sa validité. Il relève que si le principe de la mise en œuvre d'une nouvelle méthode est en effet mentionné dans la LAMal (art. 56 al, 6 LAMal), les contours du mandat lui-même n'y sont en revanche pas fixés. Or, le rapport de Polynomics n'en précise pas le contenu, indiquant simplement avoir agi sur mandat des partenaires tarifaires.

16.5.2 Il est vrai que le but de l'art. 56 al. 6 LAMal est que les assureurs et les fournisseurs de prestations développent ensemble une méthode de contrôle de l'économicité, sans définir les critères à prendre en considération lors du contrôle lui-même. Il a en effet été prévu que l'élaboration des critères relève « de la seule compétence des fournisseurs de prestations et des assureurs » (FF 2011 2524 et 2529 ss). En l'occurrence, FMH, SANTÉSUISSE et CURAFUTURA se sont mises d'accord sur le modèle ANOVA, puis sur le modèle de régression (arrêt du Tribunal fédéral 9C_264/2017), ce que Polynomics rappelle à juste titre.

Selon le Tribunal fédéral, l'art. 56 al. 6 LAMal n'exclut pas en principe l'application de la méthode ANOVA. Le Parlement n'a pas voulu attribuer à cette disposition légale, au-delà de son libellé, l'interdiction d'une méthode déterminée, mais a voulu renvoyer sa détermination à l'avenir à la voie partenariale, sans se prononcer lui-même sur ce point. Or, les fournisseurs de prestations ont eu l'occasion de se faire présenter la méthode de manière transparente et d'entamer une discussion avec les assureurs. Cela a été fait et un contrat a été conclu sur l'applicabilité de la méthode ANOVA, les parties étant en même temps convenues de l'améliorer en permanence. On peut donc considérer que la transparence a été établie et qu'il n'existe plus de réserves insurmontables. Au surplus, chaque partie est libre de résilier le contrat (ATF 144 V 79).

Le Tribunal fédéral a répété, à réitérées reprises, que le fournisseur de prestations a le droit, conformément à l'art. 29 al. 2 Cst, de consulter les documents déterminants pour l'examen du caractère économique, soit tout ce qui est nécessaire pour être en mesure de comprendre comment les indices déterminants ont été obtenus (ATF 136 V 415 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_732/2010 consid. 4.4). Il a toutefois ajouté qu'il n'était pas nécessaire d'exposer la « méthodologie » et que les différences de coûts cantonales étaient prises en compte dans l'indice ANOVA  (arrêt 9C_517/2017).

Il convient d'admettre que les motifs avancés par le Tribunal fédéral s'agissant de la méthode ANOVA sont applicables mutatis mutandis à la méthode de régression, étant rappelé que celle-ci en constitue le développement (ATF 144 V 79 consid 5). ll y a en effet lieu de souligner que la méthode ANOVA a été affinée par l'analyse de régression en deux temps, des critères supplémentaires lui ayant été ajoutés (cf notamment pce 11 chargé dem. du 7 juillet 2020). Elle en représente dès lors une version améliorée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_ 264/2017).

On ne saurait, au vu de ce qui précède, suivre le défendeur lorsqu'il fait grief à SANTÉSUISSE de ne pas justifier la pertinence des données statistiques retenues dans le cas du défendeur et de refuser tout débat sur la validité de la nouvelle méthode, ce d'autant moins que celle-ci a précisément produit le rapport Polynomics.

Il sied enfin de rappeler qu'il appartient au médecin d'expliquer les particularités de sa pratique qui seraient susceptibles d'expliquer le dépassement de la valeur de tolérance.

16.6

16.6.1 En conclusion, s'il est vrai que la nouvelle méthode reste perfectible, elle représente toutefois un moyen efficace d'identifier de manière encore plus précise les fournisseurs de prestations dont les coûts sont statistiquement élevés, ce que le Tribunal arbitral zürichois a pris en considération pour admettre son utilisation.

Les critiques développées par le défendeur sur la fiabilité de la méthode, n'apparaissent, au vu des considérants qui précèdent, pas déterminantes. Rien ne fait obstacle dans ces conditions à l'application de la méthode de régression.

Le trop-perçu des prestations doit en conséquence être établi sur la base de cette méthode.

16.6.2 On peut au surplus constater que pour l'année 2018 plus particulièrement (pour l'année 2019, SANTÉSUISSE n'a pas fourni le calcul fondé sur la méthode ANOVA), le montant à restituer arrêté selon l'indice de régression à CHF 234'702.70, alors qu'il est de CHF 247'204.10 selon l'indice ANOVA. Le calcul fondé sur la méthode de régression est ainsi plus favorable au défendeur.

Or, dans un arrêt rendu le 11 mai 2012 (ATAS/733/2012), soit à une date à laquelle la validité de la méthode ANOVA n'avait pas encore été tranchée par le Tribunal fédéral, le Tribunal arbitral genevois a considéré qu'il était de ce fait prématuré de déterminer si cette méthode pouvait être retenue ou non Il a toutefois comparé les indices RSS avec les indices ANOVA et, constatant que ces derniers se révélaient plus favorables au médecin, a conclu à l'application de la méthode ANOVA.

Appliquer par analogie cette jurisprudence au cas d'espèce - dans le cadre de laquelle la méthode de régression n'a pas encore été traitée par le Tribunal fédéral -, revient à retenir les chiffres calculés sur la base de l'indice de régression, dès lors qu'ils sont plus favorables au défendeur, et, partant, à confirmer, par surabondance de moyens, l'application de la méthode de régression.

16.7

16.7.1 L'obligation de restitution fondée sur l'art. 59 al. 1 let. b LAMal ne peut englober que les coûts directement liés à la pratique du médecin (y compris les médicaments délivrés par lui; ATF 137 V 43 consid. 2.5). L'exclusion des coûts indirects de l'obligation de restitution n'enlève rien au fait que l'examen du caractère économique de la pratique médicale doit se faire - dans un premier temps - sur la base d'une appréciation globale de la situation. Ne constitue pas par exemple une pratique médicale contraire au principe de l'économicité la pratique qui, tout en étant à l'origine d'importants coûts directs, engendre des coûts indirects limités et des coûts globaux (directs et indirects) dans la moyenne, voire inférieurs à celle-ci - parce que le médecin concerné conduit personnellement de nombreux traitements qu'un autre médecin aurait délégué en principe à des tiers (ATF 137 V 43 consid. 2.5.6). Autrement dit, si l'indice des coûts globaux (directs et indirects) se situe dans la marge de tolérance, le principe d'économicité n'est pas violé. Dans le cas contraire, il convient d'examiner - dans un second temps - si les coûts directs dépassent la marge de tolérance. Si tel n'est pas le cas, il n'existe aucune obligation de restitution malgré l'existence d'une pratique médicale non économique (ATF 137 V 43 consid. 3.1). Des sanctions au sens de l'art. 59 al. 1 let. a, c ou d LAMal peuvent néanmoins s'imposer (ATF 137 V 43 consid. 2.5.4 ; arrêt 9C_570/2015 consid. 3.5 ; arrêt 9C_110/2012 consid. 4.1).

16.7.2 Le défendeur reproche à SANTÉSUISSE de n'avoir pas, d'abord, examiné si l'indice des coûts globaux se situait en dehors de la marge de tolérance, pour en conclure, le cas échéant, à une pratique médicale non économique, puis vérifié si les coûts directs la dépassaient, auquel cas – et dans ce cas seulement - il y a obligation de restituer. Il considère, dans ces conditions, que les calculs effectués par SANTÉSUISSE sont incorrects. Il en veut pour preuve l'analyse effectuée par CTESIAS (pce 58 chargé déf. du 20 septembre 2021).

16.7.3 En l'espèce, l'indice de régression des coûts globaux (directs et indirects) est, lorsque le défendeur est comparé au groupe des praticiens, de 472 points pour l'année 2018, et de 502 points pour l'année 2019 (cf pces 5 et 6 chargé dem du 3 juillet 2020 et pces 6 et 7 chargé dem du 11 juin 2021). Il dépasse ainsi largement l'indice de tolérance, que celui-ci soit fixé à 120 ou à 130, ce qui implique en soi une violation du principe d'économicité (ATF 9C_570/2015 consid. 3.5). On peut noter qu'il en est de même si la comparaison est faite avec le groupe des chirurgiens.

SANTÉSUISSE a ainsi, dans un premier temps et conformément à la jurisprudence susmentionnée, qualifié de non économique la pratique du défendeur pour les années 2018 et 2019 en constatant que l'indice des coûts globaux (directs et indirects) dépassait la marge de tolérance. Elle a, dans un second temps, calculé le montant à restituer sur la base des coûts directs seuls. C'est partant à tort que le défendeur reproche aux demanderesses de n'opérer aucune différenciation entre les coûts directs et indirects.

Les auteurs du rapport CTESIAS ont repris le calcul du montant à restituer effectué par SANTÉSUISSE pour 2018 en remplaçant l'indice de régression des coûts totaux (342), soit l'indice obtenu lorsque le défendeur est comparé au groupe des chirurgiens, par l'indice de régression des coûts directs (269). Ils n'appliquent cependant pas la formule mathématique de la méthode de régression, de sorte que l'on ne peut les suivre dans leur raisonnement.

16.8 Aussi les montants à restituer par le défendeur sont, selon la méthode de la régression, de CHF 269'644.70 pour 2018 (pièces 42 et 43 chargé dem. 20 juillet 2020) et de CHF 243'404.80 pour 2019 (pce 25 chargé dem. 11 juin 2021) :

17.          

17.1     Dans leur réplique du 26 mai 2021 déposée dans le cadre de la cause A/2139/2020, les demanderesses ont modifié leurs conclusions. Elles demandent à ce que le défendeur soit également condamné, pour l’année 2018, à leur restituer les prestations qu'il aurait facturées à charge de l'assurance obligatoire des soins sans disposer des valeurs intrinsèques requises.

Le défendeur considère que ces nouvelles conclusions sont irrecevables, dès lors qu'il n'existe aucun lien entre elles et celles qui avaient été déposées le 3 juillet 2020 dans le cadre de la demande en restitution de montants calculés, principalement, selon l'indice de régression et, subsidiairement, selon l'indice ANOVA, ce au titre de la violation du principe du caractère économique des prestations.

A noter que la seconde demande, déposée le 11 juin 2021 auprès du tribunal de céans à l'encontre du défendeur et concernant l'année 2019, vise d'emblée des prestations facturées en l'absence des valeurs intrinsèques requises, ainsi qu'un montant à rembourser calculé selon l’indice de régression.

17.2     La question de la modification d'une demande initiale n'est pas réglée par la procédure cantonale ni par les dispositions de la procédure fédérale. Partant, il sied d'appliquer par analogie l'art. 227 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), selon lequel la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a) ou que la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b) (ATAS/1155/2022 ; ATAS/638/2019).

L’art. 230 al. 1 CPC prescrit que la demande ne peut être modifiée aux débats principaux que si les conditions fixées à l’art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et que la modification repose sur des faits ou moyens de preuve nouveaux (let. b). Il existe ainsi deux paliers : la modification libre de l’art. 227 CPC, tolérée sous réserve de connexité ou d’admission par l’adversaire, avant les premières plaidoiries, et celle qui est conditionnée par l’apparition des faits ou de moyens de preuve objectivement ou subjectivement nouveaux (Daniel WILLISEGGER, Commentaire bâlois, 3e éd. n. 3 ad art. 227 CPC). Dans le second cas, la modification des conclusions doit donc, d’une part, satisfaire aux exigences alternatives de l'art. 227 al. 1 CPC et, d’autre part, être la conséquence de faits ou de moyens de preuves nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_16/2016 du 26 mai 2016 consid. 5.1). Il y a modification de la demande au sens des art. 227 et 230 CPC, soit lorsqu’une prétention jusqu’alors invoquée est modifiée, soit lorsqu’une nouvelle prétention est invoquée ; le contenu d’une prétention ressort des conclusions et de l’ensemble des allégués de fait sur lesquels elles sont fondées (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3). Pour examiner le lien de connexité entre la conclusion nouvelle et la demande initiale, le contenu de la prétention juridique se détermine au regard de l'action ouverte, des conclusions de la demande et des faits invoqués à l'appui de celle-ci, autrement dit par le complexe de faits sur lequel les conclusions se fondent (ATF 139 III 126 consid.3.2.2). Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis aux débats principaux que s’ils sont invoqués sans retard et s’ils sont postérieurs à l’échange d’écritures ou à la dernière audience d’instruction (nova proprement dits ; art. 229 al. 1 let. a CPC) ou s’ils existaient avant la clôture de l’échange d’écritures ou la dernière audience d’instruction mais ne pouvaient être invoqués antérieurement bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (novas improprement dits ; art. 229 al. 1 let. b CPC).

17.3 En l'occurrence, un lien de connexité entre les prétentions initiales et les nouvelles doit être admis, puisque celles-ci sont fondées sur le même complexe de faits, à savoir la demande de remboursement des montants facturés par le défendeur à charge de l'assurance obligatoire des soins et considérées par les demanderesses comme étant non économiques, étant précisé que pour contester qu'il y ait polypragmasie, le fournisseur de soins peut faire valoir des particularités dans l'exercice de sa pratique, mais aussi l'existence d'autorisations spécifiques accordées par certains assureurs admettant la facturation avec les valeurs intrinsèques concernées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_570/2015 ; arrêt du Tribunal fédéral K 172/97 consid 5 e ; ATAS/1155/2022).

Aussi les demanderesses étaient-elles en droit d'amplifier leurs conclusions pour l'année 2018, étant rappelé que la question ne se pose pas pour l'année 2019.

17.4     La question du délai de péremption pour ces nouvelles conclusions doit à ce stade être examinée.

Selon l'art. 25 al. 2 LPGA, teneur en vigueur au 31 décembre 2020, cité plus haut, le délai de prescription est d'un an après la connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

Dans sa réponse du 20 décembre 2021, le défendeur a produit une attestation de formation continue en médecine interne générale (pce 29 chargé déf. 20 décembre 2021). Cette attestation, datée du 6 décembre 2020, est valable de 2021 à 2023. Le défendeur ne saurait en conséquence être considéré comme ayant rempli l'obligation de formation continue en médecine interne générale pour les années 2018 et 2019.

Ce n'est ainsi que lorsqu'elles ont pris connaissance de ce document, que les demanderesses ont été en mesure de comprendre que le défendeur avait apparemment facturé certaines prestations à charge de l'assurance obligatoire des soins à hauteur de CHF 131'136.-, sans disposer des valeurs intrinsèques requises (ATAS/1155/2022). Aussi, en complétant le 26 mai 2021 leur demande du 3 juillet 2020, ont-elles agi en temps utile.

Il convient de retenir, au vu de ce qui précède, la recevabilité des nouvelles conclusions.

18.         SANTÉSUISSE a conclu, principalement, pour l'année 2018, à la restitution, outre d'un montant de CHF 171'848 selon l'indice de régression, d'un montant de CHF 131'136.- calculé sur la base des prestations facturées par le défendeur à l'assurance obligatoire des soins avec les positions TARMED 00.0415, 00.0410, 00.0416, 00.0420, 00.0425, 00.0510, 00.0515 et 00.0520, alors qu'il ne dispose pas des valeurs intrinsèques requises. Pour ce même motif (les positions TARMED 00.0410 et 00.0420 n'étant en revanche pas concernées), SANTÉSUISSE lui a réclamé, pour l'année 2019, outre celui de CHF 169'507.- selon l'indice de régression, le montant de CHF 97'111.-.

18.1 Il convient de déterminer si le défendeur a ou non utilisé les positions TARMED susmentionnées sans droit.

18.1.1 Les prestations facturées à charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS) doivent être efficaces, appropriées et économiques (art. 32 LAMal).

Elles doivent être prodiguées par des fournisseurs qui remplissent les conditions des art. 36 à 40 LAMal.

Dans sa teneur du 21 juin 2012 au 31 décembre 2021, l’art. 36 LAMal prévoit que sont admis (à pratiquer à la charge de l'AOS) les médecins titulaires du diplôme fédéral et d’une formation post-graduée reconnue par le Conseil fédéral (al. 1) et que le Conseil fédéral règle l’admission des médecins titulaires d’un certificat scientifique équivalent (al. 2).

Les fournisseurs de prestations établissent leurs factures sur la base de tarifs ou de prix (art. 43 al. 1 LAMal).

Selon l’art. 43 al. 2 LAMal, dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2021, le tarif est une base de calcul de la rémunération; il peut notamment :

a. se fonder sur le temps consacré à la prestation (tarif au temps consacré) ;

b. attribuer des points à chacune des prestations et fixer la valeur du point (tarif à la prestation) ;

c. prévoir un mode de rémunération forfaitaire (tarif forfaitaire) ;

d. soumettre, à titre exceptionnel, en vue de garantir leur qualité, la rémunération de certaines prestations à des conditions supérieures à celles prévues par les art. 36 à 40, notamment à celles qui prévoient que les fournisseurs disposent de l’infrastructure, de la formation de base, de la formation post-graduée ou de la formation continue nécessaires (exclusion tarifaire).

18.1.2 La facturation des médecins est fondée sur un tarif à la prestation et repose sur une structure tarifaire uniforme, le TARMED.

Le TARMED prévoit à son interprétation générale (IG) 10 que les prestations ne peuvent être facturées que par les spécialistes répondant aux exigences de valeur intrinsèque qualitative liées à ces prestations (exigences de formation post-graduée et continue, notamment titre de spécialiste et formations approfondies, attestations de formation complémentaire et certificats d'aptitude technique).

L’art. 7 al. 1 de la Convention-cadre TARMED (CCT) du 5 juin 2002 stipule que les parties conviennent que le concept pour la reconnaissance des unités fonctionnelles et le concept « valeur intrinsèque » TARMED 9.0 (ci-après Concept, version 9) servent de base pour la reconnaissance des infrastructures et des valeurs intrinsèques.

Tout médecin adhérant à ladite convention, qu'il soit membre ou non de la FMH, doit satisfaire aux critères de reconnaissance. Le respect de ces critères est une condition pour obtenir l'autorisation de facturation (art. 7 al. 2 CCT).

18.1.3 La valeur intrinsèque qualitative indique quels titres de formation post-graduée (titre de spécialiste, formation approfondie, attestation de formation complémentaire ou certificat d’aptitude technique selon la RFP) donnent le droit de facturer une prestation à la charge de l’assurance-maladie sociale (Concept « valeur intrinsèque » TARMED, version 9.0) (ATAS/643/2022).

Les médecins sont en droit de facturer des prestations selon la structure tarifaire TARMED pour autant qu’elles correspondent notamment à leur valeur intrinsèque (titre de formation post-graduée) ou à la garantie des droits acquis. La FMH crée et gère une banque de données où figurent, pour chaque médecin exerçant en Suisse, les prestations qu'il est autorisé à facturer. Cette banque de données est accessible aux membres et aux non-membres de la FMH. L'enregistrement et les mutations sont effectuées sur mandat du médecin ayant droit et contre paiement (ch. 2.1 Concept).

Pour la facturation, il s’agit d’attester que les prestations portées en compte ont été fournies par un médecin habilité à le faire en vertu de sa valeur intrinsèque qualitative (ch. 4 Concept).

La valeur intrinsèque qualitative se fonde sur la réglementation pour la formation post-graduée (ci-après : la RFP) de la FMH, dans sa teneur au 31 décembre 2000, et, le cas échéant, sur les dispositions légales prévues pour la formation post-graduée; elle sera adaptée lors de la révision tarifaire annuelle. L’état de la RFP au 31 décembre de l’année précédant la révision est déterminant (ch. 2.2.1 Concept).

Selon le ch. 2.4 al. 1 Concept, la saisie des données se fait selon le principe de l’auto-déclaration par le médecin. Les données fournies sont saisies et vérifiées de manière centralisée par la FMH. La tâche de l’organisation de base (société cantonale de médecine ou ASMAC) est de nature consultative. Pour ce qui est des dispositions particulières concernant les non-porteurs de titre, se référer au chiffre 2.2.2.

Chaque médecin reçoit des instances compétentes une validation de ses données en bonne et due forme (attestation de valeur intrinsèque). Il atteste leur exactitude en prenant acte du fait qu’une fausse déclaration peut être poursuivie pour faux dans les titres, selon l'article 251 du Code pénal suisse (ch. 2.4 al. 2 Concept).

L'organisation succédant à la Commission TARMED (nouvelle organisation TARMED) crée une commission paritaire comprenant un représentant de chacune des parties contractantes. Celle-ci effectue, au moins une fois par an, une validation définitive des données, à contresigner par le médecin (cf. 2e alinéa). La vérification a lieu par sondage auprès d'un échantillon de médecins. Une édition complète de la banque de données à l'intention des membres de la commission est exclue. Lors du remaniement de la structure tarifaire, de nouvelles valeurs intrinsèques qualitatives seront introduites et une série de prestations leur sera attribuée. La nouvelle organisation TARMED peut prévoir des exceptions (ch. 2.4 al. 3 Concept).

18.1.4 Selon l’art. 1 de l’annexe 3 CCT, la FMH gère la banque de données sur les valeurs intrinsèques conformément au Concept (al. 1).

Les données de valeur intrinsèque nécessaires à la vérification du droit de facturation des médecins (valeurs intrinsèques qualitatives, certificats de facturation, reconnaissance de prestations à fortes exigences, garantie des droits acquis) sont rendues accessibles aux assureurs par voie électronique (al. 2).

En principe, l’accès se fait en ligne via une interface web. La FMH garantit que les spécifications techniques de l’interface correspondante seront définies jusqu’au 31 décembre 2002 et communiquées à SANTESUISSE. Elle assure en outre l’accès en ligne dès le 1er avril 2003 au plus tard (al. 3).

La vérification de la valeur intrinsèque est complétée par une ligne d’assistance ouverte durant les heures de bureau (al. 4).

Des réglementations bilatérales plus étendues concernant l’accès aux données de valeur intrinsèque peuvent être convenues entre la FMH et les assureurs (al. 5).

18.1.5 La loi sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd ; RS 811.11) entrée en vigueur le 1er septembre 2007, constitue la base légale de la formation pré-graduée, post-graduée et continue et règle l’exercice des cinq professions médicales universitaires.

L’ISFM, qui est un institut autonome au sein de la FMH, est responsable de la réglementation et de l’exécution de la formation post-graduée des médecins et se charge de décerner les titres de spécialiste dans le cadre des programmes de formation post-graduée accrédités par la Confédération (art. 4 de la réglementation pour la formation post-graduée du 21 juin 2000 - RFP).

Après l’obtention du diplôme fédéral de médecin, commence la formation post-graduée, qui a pour but l’obtention d’un titre de formation post-grade fédéral figurant dans l’ordonnance relative à la LPMéd.

Selon l'art. 2 al. 1 de l'ordonnance concernant les diplômes, la formation universitaire, la formation post-grade et l’exercice des professions médicales universitaire du 27 juin 2007 (OPMéd - RS 1811.112.0), les titres post-grades fédéraux suivants sont octroyés :

a. médecin praticien au sens de l’annexe 1;

b. médecin spécialiste d’un domaine au sens de l’annexe 1;

Selon l'annexe 1, la formation post-grade en médecine interne générale dure 5 ans et celle de médecin praticien 3 ans.

Pour chaque titre de formation post-grade, il existe un programme détaillé qui en définit la durée et les exigences.

La formation post-graduée est accomplie dans des établissements de formation post-graduée reconnus et doit être documentée en continu dans le logbook électronique de l’ISFM. L’accès au log-book électronique peut être accordé aux médecins en possession d’un diplôme fédéral de médecin.

Les titres en médecine générale et en médecine interne ont fusionné au 1er janvier 2011 pour devenir le titre de spécialiste en médecine interne générale. Depuis cette date, seuls des diplômes avec la nouvelle dénomination « médecine interne générale » sont délivrés (ATAS/150/2016 du 26 février 2016).

18.1.6 La RFP fixe les principes de la formation médicale post-graduée et les conditions à l’obtention de titres de formation post-graduée (art. 1 RFP).

La formation post-graduée correspond à l’activité exercée par le médecin après avoir terminé avec succès ses études de médecine et obtenu le diplôme de médecin (art. 2 RFP).

Le titre de spécialiste est la confirmation d’une formation post-graduée menée à terme, structurée et contrôlée dans un domaine de la médecine clinique ou non clinique. Il constitue la preuve que sa ou son titulaire a accompli une formation post-graduée conforme au programme de formation et a acquis des connaissances et aptitudes particulières dans la discipline choisie (art. 12 al. 1 RFP).

Selon l’art. 15 let. b RFP, peuvent prétendre à l’octroi d’un titre de spécialiste les personnes à même de prouver qu’elles remplissent les exigences du programme de formation s’y rapportant, notamment, l’examen de spécialiste (art. 22 ss).

L’accomplissement de la formation post-graduée doit être attesté au moyen des certificats ISFM prévus à cet effet (art. 18 al. 1 RFP).

Selon l'art. 55 RFP, la mention des titres de spécialiste est régie par l’art. 12 de l’ordonnance relative à la LPMéd (al. 1). Les titres de spécialiste et les formations approfondies peuvent être mentionnés selon la formulation fixée dans l’annexe ou selon la désignation usuelle de la région où le médecin est établi. N’a le droit de se désigner spécialiste que celui qui est porteur d’un titre de spécialiste. Une formation approfondie ne peut figurer que conjointement à un titre de spécialiste et doit être précédée de l’abréviation « spéc. » (al. 2). La mention des trois lettres « FMH » est exclusivement réservée aux membres de la FMH en possession d'un titre post-grade fédéral ou d’un titre de formation post-graduée reconnu (al. 3). L’ordre dans lequel les titres sont mentionnés est laissé au choix de leur détenteur; ils doivent toutefois être séparés par des virgules, un « et » ou un espace; toute autre modalité est exclue (al. 4).

18.1.7 La formation continue est un devoir professionnel ancré dans la LPMéd (art. 40 let. b LPMéd).

Elle fait l’objet de la réglementation pour la formation continue (RFC) ISFM / FMH du 25 avril 2002.

En application de l’art. 6 RFC, les sociétés de discipline médicale sont compétentes dans leur discipline pour l’élaboration des programmes de formation continue ainsi que pour la mise œuvre de ceux-ci, leur utilisation et leur évaluation.

Le médecin doit effectuer 80 heures de formation continue par année. Elle comprend 30 crédits d’étude personnelle (non contrôlés), 25 crédits de formation continue élargie (attestés notamment par une autre société de discipline médicale, donc hors de la discipline principale) et 25 crédits de formation continue essentielle spécifique (en relation avec l’activité principale exercée).

Tous les détenteurs d’un titre post-grade fédéral sont tenus indépendamment de leur taux d’occupation d’accomplir leur formation continue et d’obtenir un diplôme de formation continue (art. 9 RCF).

Le devoir de formation continue s’applique également aux activités effectuées en dehors du titre de spécialiste obtenu.

Chaque médecin tient lui-même un procès-verbal des heures de formation continue effectuées qu’il peut saisir sur la plate-forme centrale de l’ISFM.

Le médecin peut obtenir directement, selon le principe de l’auto-déclaration, via cette plate-forme, un diplôme de formation continue pour les porteurs du TPF, ou une attestation de formation continue pour les membres FMH non-porteurs du TPF.

Le programme de formation continue (PFC) de la société suisse de psychiatrie et psychothérapie (SSPP) repose sur la réglementation pour la formation continue (RFC) ISFM / FMH du 25 avril 2002, la LPMéd ainsi que les Directives sur la reconnaissance des sessions de formation continue de l’académie suisse des sciences médicales (ASSM).

Les médecins qui remplissent les exigences du PFC obtiennent un diplôme de formation continue respectivement une attestation de formation continue (cf. ch. 8).

La formation continue essentielle fait l’objet de validation de la part de la SSPP.

Le diplôme/l’attestation de formation continue peut être obtenu, selon le principe de l’auto-déclaration, via la plate-forme centrale de formation continue de l’ISFM.

L’art. 8 du PFC opère une distinction entre le diplôme de formation continue, l’attestation de formation continue et l’attestation de formation complémentaire.

Le diplôme est délivré aux médecins porteurs du titre de spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, membres de la FMH et remplissant les exigences du présent programme.

Une attestation de formation continue est octroyée aux membres FMH qui remplissent les exigences du présent programme sans détenir le titre de psychiatrie.

L’art. 10 de l’ordonnance concernant les diplômes, la formation universitaire, la formation postgrade et l’exercice des professions universitaires (ordonnance sur les professions médicales, OPMéd), complété par l’annexe 1 pour les médecins, définit la durée de la formation pour chaque titre post-grade, soit 6 ans pour le titre de psychiatrie et psychothérapie.

La RFP fixe dans le cadre de la LPMéd et en complément les principes de la formation médicale post-graduée et les conditions à l’obtention de titres de la formation post-graduée (art. 1 RFP).

La formation post-graduée est l’activité qu’un médecin exerce après avoir terminé avec succès des études de médecine, en vue de l’obtention d’un titre de spécialiste qui attestera son aptitude à pratiquer une médecine de qualité dans la discipline médicale choisie (art. 2 RFP).

Les filières de formation post-grade menant à l’obtention d’un titre fédéral doivent être accréditées (art. 23 LPMéd).

Une activité en qualité d’assistant auprès d’un médecin en pratique privée est admise pour 12 mois au maximum (art. 34 RFP).

Au terme de leur formation, les médecins détenteurs du titre fédéral de formation post-graduée « Médecin praticien » disposent des compétences pour exercer la médecine de famille sous leur propre responsabilité. La formation post-graduée de trois ans est une exigence minimale ne donnant pas encore droit à un titre de spécialiste. En règle générale, le titre de « Médecin praticien » correspond à une formation de base en vue de l’acquisition ultérieure du titre de spécialiste en médecine interne générale (www.siwf.ch/files/pdf18/ praktischer_arzt_version _internet_f.pdf).

Le programme de formation post-graduée de spécialiste en médecine interne générale comprend une formation post-graduée de base d'une durée de 3 ans, qui doit comprendre au moins 2 ans de formation en médecine interne générale hospitalière et au moins 6 mois de médecine interne générale ambulatoire (catégorie I, II, III, IV ou V), de préférence sous forme d’assistanat au cabinet médical. Une année au moins doit être accomplie dans une clinique de médecine interne générale de catégorie A ou une policlinique médicale de catégorie I. Cette année se réduit à 9 mois quand 3 mois sont accomplis en médecine d’urgence dans des établissements de formation post-graduée de catégorie IV.

La formation post-graduée de base pour devenir interniste en milieu hospitalier ou médecin de famille est complétée par une formation secondaire de 2 ans dont la composition peut être choisie librement (www.siwf.ch/files/pdf7 /aim_version_internet_f.pdf).

Selon le programme de formation post-graduée de médecin praticien, conformément à l’art. 30 ss de la Directive 93/16 de l’Union européenne (version étayée du 1er mai 2004 - www.siwf.ch/files/pdf18/ praktischer_ arzt_ version_ internet_f.pdf), chaque État membre se doit d’offrir une « formation spécifique en médecine générale » comprenant au moins trois ans de formation à plein temps. La LPMéd et l'OPMéd prévoient un TPF de « médecin praticien » à l’issue d’une formation post-graduée de trois ans, au sens de la directive de l’UE. Au terme de la formation, le détenteur d’un titre post-grade de « médecin praticien / médecin praticienne » dispose des compétences pour exercer la médecine de famille sous sa propre responsabilité. En règle générale, la formation pour le titre de « médecin praticien » sert de formation de base avant d’accéder au titre de spécialiste en « médecine interne générale ».

Sur le plan du contenu, le programme de formation post-graduée « Médecin praticien » s’oriente sur le programme prévu pour le titre de spécialiste en médecine interne générale (chiffre 3.1 des objectifs de la formation post-graduée de base).

18.2

18.2.1 En l'espèce, le défendeur a facturé pour 2018 un total de CHF 131'136.- sur la base des positions TARMED suivantes (cf pce 44 chargé dem. 3 juillet 2020) :

-       00.0520 : consultation psychothérapeutique par le spécialiste de premier recours ;

-       00.0415 : petit examen par le spécialiste de premier recours pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans ;

-       00.0410 : petit examen par le spécialiste de premier recours (TARMED 1.08) ;

-       00.0420 : examen complet par le spécialiste de premier recours (TARMED 1.08) ;

-       00.0510 : consultation spécifique par le spécialiste de premier recours ;

-       00.0416 : petit examen par le spécialiste de premier recours pour les enfants de moins de 6 ans ;

-       00.0515 : consultation spécifique par le spécialiste de premier recours pour les enfants de moins de 6 ans ;

-       00.0425 : examen complet par le spécialiste de premier recours.

Pour 2019, c'est un total de CHF 97'111.- qui a été établi sur la base des mêmes positions TARMED, sauf les nos 00.0410 et 00.0420 (pces 5, 14 et 15 chargé dem. du 11 juin 2021).

18.2.2 Or, ces positions TARMED ne peuvent être fournies que par un médecin disposant d'un titre post-grade en médecine interne, pédiatrie et médecine générale.

La position 00.0520 en particulier correspond à une consultation psychothérapique ou psychosociale par le spécialiste de premier recours, par période de 5 min, et aux valeurs intrinsèques qualitatives de médecine interne, pédiatrie et médecine générale. Il est encore mentionné Pt PM: 10.42 et Pt PM (Médecin praticien) : 9.69 pts et « Intervention de crise; traitement des comportements addictifs et des addictions (substances psychotropes, alcool, nicotine); prise en charge lors d'affections fonctionnelles ou psychosomatiques, de troubles du développement psychique de l'enfant ou de l'adolescent, d'affections psychiques chroniques, etc. » (www.tarmed-browser.ch/fr/prestations/00.0520).

Les prestations ne peuvent être facturées que par les spécialistes répondant aux exigences de valeur intrinsèque qualitative et, le cas échéant, quantitatives liées à ces prestations (exigences de formation post graduées et continue, notamment titre de spécialiste et formation approfondies, attestation de formation complémentaire et certificats d'aptitude technique) (pce 13 chargé dem. du 11 juin 2021).

18.3

18.3.1 Le défendeur allègue à cet égard qu'en plus d'être médecin praticien et chirurgien, il est médecin spécialiste en médecine interne générale. Il a pour preuve versé au dossier une attestation de formation continue en médecine interne générale (pce 46 chargé déf. du 22 février 2021 et pce 29 chargé déf. du 20 décembre 2021).

18.3.1.1 L'attestation de formation continue octroyée au défendeur ne saurait toutefois suppléer à l'absence de titre post-grade fédéral ni permettre de facturer ses prestations en tant que spécialiste, dès lors que celle-ci prouve seulement que celui-ci a suivi la formation continue (art. 8 PFC), mais pas qu'il remplit les exigences permettant d'obtenir le titre post-grade fédéral. Selon l'art. 15 let. b RFP, seules les personnes qui ont obtenu l'examen de spécialiste peuvent prétendre à ce titre.

Dès lors que le TARMED indique que la position 00.0520 correspond à une consultation psychothérapique ou psychosociale par « le spécialiste de premier recours », et aux valeurs intrinsèques qualitatives de médecine interne, pédiatrie et médecine générale, sans préciser la valeur intrinsèque de médecin praticien, ces derniers – qui ne peuvent être qualifiés de « spécialistes » au sens de l’art. 2 al. 1 let. b OPMéd – ne peuvent pas facturer cette position. Le fait que le TARMED mentionne sous la position 00.0520 « Pt PM: 10.42 et Pt PM (Médecin praticien) : 9.69 pts » ne peut pas être interprété comme la possibilité pour tout médecin praticien de facturer cette position, mais doit être compris dans le sens que seuls les médecins praticiens qui ont le droit de facturer comme les spécialistes précités en vertu des droits acquis ont ce droit (ATAS 643/2022).

Il y a lieu d'observer que le titre post-grade décerné par la Confédération constitue un titre de spécialiste qui confère à son détenteur le droit d'exercer sous sa propre responsabilité dans la spécialité admise, alors que l'attestation de formation continue ne fait que démontrer que le médecin a bien exécuté 50 heures par année sur 3 ans de formation continue. Elle est établie sur simple présentation des justifications de participation à des congrès et séminaires.

18.3.1.2 L'attestation produite par le défendeur a quoi qu'il en soit été délivrée le 6 décembre 2020 et est valable de 2021 à 2023. Le défendeur ne saurait en conséquence être considéré comme ayant rempli l'obligation de formation continue en médecine interne générale pour les années 2018 et 2019. Le fait d'avoir vouloir se tenir à jour de 2021 à 2023, qui ne peut être que salué, ne suffit à cet égard pas.

18.3.1.3 Il en résulte que la position 00.0520 ne pouvait pas être utilisée pour facturer les prestations de l’intéressé, dès lors qu’il n’est titulaire que d’un titre post-grade fédéral de médecin praticien. Il en est de même pour les autres positions TARMED susmentionnées, ce pour le même motif.

18.3.2 Se pose encore la question de savoir si le défendeur pouvait facturer ces positions tarifaires en application de la garantie des droits acquis.

18.3.2.1 Depuis l’entrée en vigueur du TARMED, le 1er janvier 2004, la plupart des positions tarifaires peuvent être facturées uniquement par les médecins qui disposent de la qualification professionnelle appropriée, conformément au concept de «valeur intrinsèque qualitative » (ou « Dignität » en allemand), lequel comporte toutes les réglementations qui ont été conclues entre les fournisseurs de prestations et les assureurs en matière de droit à la facturation. En fonction de sa qualification professionnelle (titre de spécialiste, formations approfondies, attestations de formation complémentaire inscrits dans la Réglementation pour la formation post-graduée), chaque médecin se voit attribuer une « valeur intrinsèque » qui lui donne le droit d’employer un set spécifique de prestations TARMED, en sus des prestations générales à l’usage de tous/toutes les médecins (https://www.fmh.ch/fr/themes/tarifs-ambulatoires/tarmed-valeurs-intrinseques.cfm). Tout médecin qui fournit régulièrement des prestations depuis 2001 sans être au bénéfice du titre de formation postgraduée requis peut faire valoir lesdites prestations dans le cadre des droits acquis, mais il doit pouvoir attester une formation continue adéquate (cf. la fiche d’information de TARMEDSUISSE du 23 juin 2009) (ATAS/235/2021).

La garantie des droits acquis permet à tout médecin d’exercer sa profession dans le même cadre qu’avant l’entrée en vigueur du TARMED et de continuer à facturer les mêmes prestations qu’il a jusqu’ici fournies sous sa propre responsabilité, régulièrement et sans contestation sur le plan de la qualité, pendant 3 ans avant l’entrée en vigueur de la structure tarifaire TARMED. Les médecins qui n'exercent pas sous leur propre responsabilité et ceux en formation post-graduée doivent fournir la preuve que les prestations qu'ils souhaitent facturer ont été accomplies sous supervision pendant 2 ans, régulièrement et sans contestation sur le plan de la qualité (ch. 1.3 Concept) (ATAS 643/2022).

18.3.2.2 On ignore en l'espèce à quelle date le défendeur a obtenu son diplôme de praticien. On sait en revanche qu'il exerçait déjà en 2000, soit avant l'entrée en vigueur du TARMED en 2004, de sorte qu'il aurait en principe pu se prévaloir de droits acquis. Il ne dispose cependant d'aucun certificat de facturation en relation avec de tels droits.

18.3.2.3 Il apparaît en conséquence qu'il ne peut pas non plus se prévaloir de droits acquis, de sorte qu'il n'est pas habilité à utiliser, à défaut d'un titre post-grade en médecine interne, pédiatrie ou médecine générale, les positions TARMED 00.415, 00.0410, 00.0416 (premier recours pour enfants), 00.0429, 00.0425 (examen complet par le spécialiste de premier recours), 00.0510, 00.0515 (consultation pour le spécialiste de premier recours) et 00.0520.

18.4

18.4.1 Le défendeur ajoute que le traitement des addictions implique des interventions de premier recours (position TARMED 00.0415), ainsi que des approches psychothérapeutiques et psychosociales (position TARMED 00.0520).

18.4.2 Il a en effet utilisé beaucoup plus souvent que ses confrères la position TARMED 00.0520 (consultations psychothérapiques ou psychosociale par le spécialiste de premier recours) tant pour 2018 que pour 2019. Il apparaît également qu'il a traité beaucoup plus de cas de dépression. Force est toutefois de constater qu'il ne disposait pas ces années-là des valeurs intrinsèques qualitatives y relatives. Il n'était dès lors pas en droit de facturer ces prestations à charge de l'assurance obligatoire des soins.

18.5 Le défendeur a annoncé, dans le cadre de la cause portant sur l'année 2018, que si par impossible, le tribunal de céans devait accepter les nouvelles conclusions des demanderesses, il se réservait le droit de se déterminer sur de véritables allégués qui devraient être déposés à ce sujet et de produire notamment la liste de assurances admettant la facturation des prestations avec les valeurs intrinsèques concernées.

18.5.1 Il s'avère que SANTÉSUISSE a eu l'occasion de motiver davantage ses conclusions en lien avec la question des valeurs intrinsèques dans ses écritures concernant l'année 2019. Partant le défendeur a été en mesure d'y répondre.

18.5.2 En proposant de produire « la liste des assurances admettant la facturation des prestations », le défendeur semble faire valoir que certains des traitements dispensés auraient fait l'objet d'un accord donné par les assureurs.

Une autre justification possible - indépendante des particularités de la pratique médicale du médecin - pour contester qu'il y ait polypragmasie, réside en effet dans l'accord spécifique donné par la caisse-maladie. Si un traitement a été spécifiquement agréé par la caisse-maladie, généralement par l'intermédiaire de son médecin-conseil, celle-ci ne peut plus qualifier d'excédent la mesure dictée « par l'intérêt de l'assuré et par le but du traitement ». Dans un arrêt du 23 avril 1999 (K 172/97 du 23 avril 1999 consid. 5e), le Tribunal fédéral des assurances, relevant que la grande majorité des traitements menés par un psychiatre avait été approuvée par avance par les médecins-conseils des caisses, avait, dans ces circonstances, exclu que les caisses s'en plaignent à titre de polypragmasie. Il avait ajouté que le médecin devait alors fournir des éléments chiffrés établissant la part des mesures spécifiquement approuvées par les médecins-conseils et son surcoût par rapport aux autres prestations, étant rappelé que les situations où les médecins peuvent faire approuver par avance le traitement par les caisses sont rares.

Le Tribunal fédéral a confirmé en 2015 (9C_570/2015), en se référant expressément à cet arrêt K 172/97 du 23 avril 1999, qu'une pratique non économique constitutive de polypragmasie doit être niée dans le cas où les traitements ont été pour la plupart approuvés de manière spécifique par les assureurs (respectivement par les médecins-conseil de ceux-ci). Les approbations ne représentent pas seulement des garanties de remboursement des coûts, mais comprennent également la confirmation du caractère économique du traitement correspondant.

18.5.3 Il s'agit à ce stade de déterminer si une instruction complémentaire, consistant à ordonner la production de l’ensemble des autorisations émises par les demanderesses en faveur du défendeur pour des traitements s'étant déroulés durant les années statistique 2018 et 2019, s'imposerait, afin que le droit d'être entendu soit respecté.

18.5.3.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3; 135 I 279 consid. 2.3). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le principe inquisitoire, qui régit la procédure dans le domaine de l'assurance sociale (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), exclut que la charge de l'apport de la preuve (« Beweisführungslast ») incombe aux parties, puisqu'il revient à l'administration, respectivement au juge, de réunir les preuves pour établir les faits pertinents. Dans le procès en matière d'assurances sociales, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où la partie qui voulait déduire des droits de faits qui n'ont pas pu être prouvés en supporte l'échec. Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que s'il n'est pas possible, dans les limites du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 128 V 218 consid. 6 ; ATF 117 V 261 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 6.2.1).

Dans un arrêt 9C_180/2021, le Tribunal fédéral a examiné le grief soulevé par le fournisseur de prestations, selon lequel son droit d'être entendu avait été violé par l'instance cantonale, parce qu'elle avait arbitrairement omis de requérir des caisses-maladie intimées la production du solde des garanties de prise en charge délivrées à ses patients pour l'année en cause. Le Tribunal fédéral a rappelé qu'il n'était pas possible de retenir que les éléments constitutifs d'une polypragmasie sont réunis si les caisses-maladie ont effectivement accepté de prendre en charge les coûts supplémentaires de traitements et considéré que, compte tenu des affirmations de la recourante, selon lesquelles plusieurs de ses patients s'étaient vu délivrer par les caisses-maladie des garanties de prise en charge, le tribunal arbitral était tenu d'instruire plus avant ce point. Il a ainsi reproché à l'instance cantonale de s'être bornée à invoquer les règles sur le fardeau de la preuve, celles-ci ne s'appliquant que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire, d'établir un état de fait qui correspond à la réalité, au degré de la vraisemblance prépondérante. Or les caisses-maladie n'avaient jamais prétendu ne pas avoir délivré de garanties de prise en charge ou ne pas être en mesure de les produire.  Aussi le Tribunal fédéral a-t-il conclu qu'il y avait eu violation du droit d'être entendu (droit à la preuve), admis le recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause au tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau, après avoir mis en oeuvre les mesures d'instruction nécessaires.

18.5.3.2 Il est vrai que l'existence et l'étendue de garanties de prise en charge (au sens de l'art. 3b OPAS) sont des éléments pertinents dans le cadre d'un litige portant sur le caractère économique de la pratique médicale. Une pratique non économique constitutive de polypragmasie doit être niée si les assureurs ont effectivement accepté de prendre en charge les coûts supplémentaires de traitements, conformément à la jurisprudence susmentionnée. Les garanties de prise en charge par l'assureur ne représentent pas seulement des garanties de remboursement des coûts, mais comprennent également la confirmation du caractère économique du traitement correspondant (arrêts du Tribunal fédéral 9C_180/2021 du 22 juin 2022 consid. 3.2 et 9C_570/2015 du 6 juin 2016 consid. 7.2).

En l'espèce toutefois, le défendeur n'apporte aucune précision quant à d'éventuels accords donnés par un assureur qui permettraient d'admettre l'adéquation et l'efficacité de traitements. Il se contente en effet de déclarer qu'il se réserve le droit de produire « des assurances admettant la facturation des prestations ». On n'en sait pas davantage. Il n'allègue en l'occurrence pas expressément que certains de ses patients se seraient vu délivrer par les caisses-maladie des garanties de prise en charge. C'est en réalité dans le cadre des demandes en restitution de montants calculés sur la base de prestations facturées à l'assurance obligatoire des soins, alors qu'il ne dispose pas des valeurs intrinsèques requises, qu'il propose la production de ces « assurances ».

18.5.3.3 Le tribunal de céans considère dans ces conditions que la maxime inquisitoire trouve ici sa limite dans l’obligation de collaborer des parties. Les circonstances de l'affaire traitée par le Tribunal fédéral, et décrite ci-dessus (9C_180/2021), dans laquelle le fournisseur de prestations avait expressément expliqué que plusieurs de ses patients s'étaient vu délivrer par les caisses-maladie des garanties de prise en charge, relatif au droit d'être entendu, sont clairement différentes du cas d'espèce (ATAS 1155/2022). Il ne se justifie en conséquence pas d’ordonner la production de ces pièces – dont l’examen ne permettrait quoi qu'il en soit pas de découvrir qu'il dispose finalement des valeurs intrinsèques nécessaires.

18.6 Il y a ainsi lieu d'admettre les conclusions des demanderesses tendant à la restitution des sommes de CHF 131'136.- pour 2018 et de CHF 97'111.- pour 2019 (pce 55 chargé dem. du 26 mai 2021 et pces 14 et 15 chargé dem. du 11 juin 2021) pour avoir facturé des prestations à l'assurance obligatoire des soins avec les positions TARMED susmentionnées, sans disposer des valeurs intrinsèques requises.

19.         Les demandes des 20 juillet 2020 et 11 juin 2021 sont en conséquence admises. Le calcul du montant à restituer, calculé selon la méthode de la régression, et, déduction faite de ce qui est dû pour l'utilisation sans droit de certaines positions TARMED, s'établit comme suit :


 

Pour l'année statistique 2018 :

Coûts totaux 695'276.-

Déduction faite de 131'136.- 564’140.-

Coûts totaux directs 361'569.-

Déduction faite de 131'136.- 230'433.- (cf. consid. 17)

Indice de régression (praticiens) points 472

Marge de tolérance points 120

Montant à restituer 171'848.-

Pour l'années statistique 2019 :

Coûts totaux 663'837.-

Déduction faite de 97'111.- 566'726.-

Coûts totaux directs 319'867.-

Déduction faite de 97'111.- 222'756.- (cf. consid. 17)

Indice de régression points 502

Marge de tolérance points 120

Montant à restituer : 169'507.55

Le défendeur doit en conséquence aux demanderesses, prises conjointement et solidairement, les montants de CHF 302'984.-, soit CHF 171'848.- + CHF 131'136.- pour 2018 et de CHF 266'618.55, soit CHF 169'507.55 + CHF 97'111.- pour 2019, soit au total pour les deux années, CHF 569'602.55.

20.         SANTÉSUISSE a également conclu à ce que le tribunal de céans prononce l’exclusion définitive du défendeur de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins en application de l’art. 59 al. 1 let. d LAMal.

20.1 Aux termes de l’art. 59 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de qualité des prestations prévues dans la loi (art. 56 et 58) ou dans un contrat font l’objet de sanctions. Celles-ci sont :

a. l’avertissement ;

b. la restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée ;

c. l’amende ;

d. en cas de récidive, l’exclusion temporaire ou définitive de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins.

Le tribunal arbitral prononce la sanction appropriée sur proposition d’un assureur ou d’une fédération d’assureurs (cf. art. 59 al. 2 LAMal ; voir aussi EUGSTER, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 258). Il sied en effet de rappeler que les assureurs-maladie sont tenus, de par la loi, à veiller eux-mêmes à ce que les prestations allouées soient efficaces, appropriées et économiques (cf. François-X. DESCHENAUX, Le précepte de l'économie du traitement dans l'assurance-maladie sociale, en particulier en ce qui concerne le médecin, in : Mélanges pour le 75ème anniversaire du Tribunal fédéral des assurances, Berne 1992, p. 537). S'agissant de la mesure de la sanction, il convient d'appliquer le principe de proportionnalité (ATF 120 V 481 consid. 4 ; ATF 106 V 43 consid. 5c).

L’art. 59 al. 3 LAMal précise que constituent notamment des manquements aux exigences légales ou contractuelles visées à l’al. 1 :

a. le non-respect du caractère économique des prestations au sens de l’art. 56 al. 1 ;

b. l’inexécution ou la mauvaise exécution du devoir d’information au sens de l’art. 57 al. 6 ;

c. l’obstruction aux mesures de garantie de la qualité prévue à l’art. 58 ;

d. le non-respect de la protection tarifaire visé à l’art. 44 ;

e. la non-répercussion d’avantages au sens de l’art. 56 al. 3 ;

f. la manipulation frauduleuse de décomptes ou la production d’attestations contraires à la vérité.

Selon l'art. 59 al. 1 let. d et al. 3 let. a LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique des prestations au sens de l'art. 56 al. 1 LAMal s'exposent ainsi, en cas de récidive, à l'exclusion temporaire ou définitive de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins. L'exclusion, temporaire ou définitive, de pratiquer à la charge de la LAMal consacre la rupture du lien de confiance qui doit exister entre les caisses-maladie et les médecins pratiquant à leur charge (ATF 120 V 481 consid. 2b). Elle doit être justifiée par des motifs importants; par le passé de tels motifs avaient été admis notamment en cas de prolongation injustifiée de certificats d'incapacité de travail, d'établissement non conforme à la vérité ou tardif de rapports ou de notes d'honoraires, de tromperie ou de condamnation pénales (ATF 106 V 40 consid. 5a/aa, jurisprudence applicable également sous l'empire de la LAMal, arrêt du Tribunal fédéral K 45/04 du 25 janvier 2006 consid. 3.2 et 3.3). L'exclusion en cause revêt le caractère d'une mesure disciplinaire, qui est indépendante de la procédure pénale et ne suppose pas nécessairement l'existence d'une faute qualifiée (ATF 120 V 481 consid. 2b). Le but en est notamment d'amener son destinataire à modifier son comportement pour qu'il se conforme à l'avenir aux exigences légales de sa profession; il ne vise pas, au premier plan, à punir le médecin concerné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_774/2020 du 31 janvier 2022 consid. 3.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2016 du 20 avril 2017 consid. 3.4).

Dans une affaire portant sur l'application de l'art. 43 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_500/2012 consid. 3.3 et les références), le Tribunal fédéral a jugé que les mesures disciplinaires infligées à un membre d'une profession libérale soumise à la surveillance de l'Etat ont principalement pour but de maintenir l'ordre dans la profession, d'en assurer le fonctionnement correct, d'en sauvegarder le bon renom et la confiance des citoyens envers cette profession, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l'amener à adopter à l'avenir un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci. En ce sens, les sanctions disciplinaires se distinguent des sanctions pénales. De plus, le principe de la proportionnalité doit être examiné à l'aune des intérêts publics précités. 

Dans un arrêt du 25 janvier 2006 (K 45/04), le Tribunal fédéral a confirmé une exclusion de deux ans à l’encontre d’un médecin ayant fréquemment pratiqué de manière polypragmasique entre 1976 et 2001 et ayant fait l’objet d’une demi-douzaine d’arrêts. Il a tenu compte de ce que le médecin, après avoir été condamné pour polypragmasie, n'avait pas encore eu la possibilité d'adapter son comportement en conséquence et de restructurer sa pratique jusqu'à l'introduction de l'action de la caisse d'assurance maladie portant sur l'année statistique suivante, ce qui était une condition préalable à l'imposition d'une sanction plus sévère.

Comparant les circonstances à l'origine de cet arrêt K 45/04 avec celles d’un cas qu’il a eu à traiter en 2016, le Tribunal fédéral a confirmé la suspension du droit de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins d'une durée de six mois. Il a considéré qu’une telle sanction n'apparaissait aucunement disproportionnée, en particulier si on tenait compte de la pratique dispendieuse de la recourante, aussi bien dans sa durée que dans son importance, ainsi que l'attitude de celle-ci qui n'entendait pas changer sa méthode de travail contraire au principe de l'économicité des prestations pour laquelle elle avait précédemment été condamnée et qui, de manière tout aussi désinvolte, s'est désintéressée du procès en renonçant à collaborer à l'instruction de la cause (refus de se présenter à l'audience de conciliation et de désigner son arbitre, absence de dépôt d'une réponse à la demande) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2016).

Le Tribunal fédéral, rappelant qu'une exclusion pour plusieurs années ou même pour une durée indéterminée constitue une mesure extrêmement incisive pour l'avenir économique du médecin concerné (ATF 106 V 43 consid. 5c), a annulé la sanction de 5 ans prononcée par le tribunal cantonal (ATAS/1065/2021), au motif qu'elle ne respectait pas le principe de la proportionnalité. Il s'est expressément référé aux arrêts précités K45/04 et ATF 106 V 43 et a tenu compte du fait que, même s'il s'agissait en l'espèce d'une situation dans laquelle le comportement du recourant avait eu des suites pénales - ce qui contribuait à la rupture du lien de confiance avec les caisses-maladie -, entrait aussi en ligne de compte le fait que la pratique dispendieuse avait porté sur une période relativement courte de 3 ans et que le recourant s'était engagé, voire avait été contraint, de ne plus exercer la médecine à titre indépendant dès la fin de cette période. Le Tribunal fédéral a ainsi réduit la durée de l'exclusion à 3 ans (arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2021).

Dans un arrêt du 3 novembre 2020, le Tribunal arbitral genevois a fixé à deux ans la durée de l'exclusion d'un médecin, qui avait certes pratiqué de manière non économique depuis 1996, mais qui avait démontré avoir pris conscience de ce que sa pratique avait été constitutive de polypragmasie. (ATAS/1043/2020).

20.2 Le défendeur s'oppose à son exclusion de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins, qu'elle soit temporaire ou définitive, d'abord parce que les indices statistiques mis en évidence ne fondent pas une présomption de polypragmasie, ensuite parce qu’une telle sanction serait disproportionnée.

20.3

20.3.1 Le tribunal de céans a condamné le défendeur par le présent arrêt à restituer aux demanderesses la somme totale de CHF 569'602.55.- pour polypragmasie au sens de l'art. 56 al. 1 LAMal, pour les années statistiques 2018 et 2019. Il a considéré que le défendeur n’avait pas respecté les exigences relatives au caractère économique prévues par la loi. Le maintien d'une collaboration entre le défendeur et les demanderesses ne saurait, partant, être imposée à celles-ci, en raison de la rupture du lien de confiance (ATF 9C_622/21), ce qui justifierait le prononcé d'une exclusion. Encore faut-il qu'il y ait de la part du défendeur récidive.

20.3.2 On ne peut que constater que le défendeur adopte une pratique non économique depuis plusieurs années. SANTÉSUISSE a, à réitérées reprises, dès 2013, attiré son attention sur la question de l'économicité et lui a proposé de nombreux entretiens (pces 16 à 22, 24, 26, 28 et 29, 31 à 35, 37 et 39 chargé dem. du 7 juillet 2020). La condition de récidive prévue à l'art. 59 LAMal devrait ainsi être considérée comme étant réalisée.

Le défendeur a toutefois souligné qu'il avait modifié sa pratique depuis 2018.

Il est vrai que le but de la sanction prévue à l'art. 59 LAMal, qui est d'amener le médecin à adopter un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci est atteint si celui-ci modifie sa pratique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2016). Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que la seule prise de conscience de la part du médecin concerné ne saurait conduire à renoncer systématiquement à l'exclusion. Il s'agit au contraire de tenir compte de toutes les circonstances du cas d'espèce. Ainsi, dans son arrêt du Tribunal fédéral 9C_774/2020, constatant que ce n'est qu'après plusieurs interpellations de SANTÉSUISSE, et qu'après avoir été menacé d'une demande de rétrocession pour l'année 2015 par lettre du 7 avril 2017, que le recourant avait finalement consenti à modifier sa manière de facturer dès janvier 2017, il a jugé que cette prise de conscience du caractère dispendieux de sa pratique était tardive et avait en réalité été dictée par les circonstances. Aussi a-t-il confirmé l'exclusion.

Le Tribunal fédéral a considéré que si le fournisseur de prestation modifie sa pratique, qu'il sait ne pas être économique, au plus tard à compter de la notification de l'arrêt du tribunal arbitral le condamnant pour polypragmasie, il n'encourt en principe pas le risque de se voir reprocher une récidive. Lorsqu'aucun arrêt pour polypragmasie n'a été rendu, les années pour lesquelles une demande de restitution n'a pas été déposée, mais au cours desquelles une pratique non économique est néanmoins avérée, sont toutefois prises en considération par la jurisprudence lors de l'examen de la sanction prévue par l'art. 59 LAMal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_774/2020).

En l'occurrence, il s'avère - la question est examinée ci-dessous – que le défendeur n'a modifié sa pratique que depuis 2020. Il y a ainsi lieu de confirmer que la condition de la récidive est, au vu du nombre d'années écoulées durant lesquelles il a adopté une pratique non économique, réalisée.

20.3.3 Une exclusion du droit de pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins s’impose en conséquence au sens de l’art. 59 LAMal.

La sanction doit cependant rester proportionnée.

20.4 Les demanderesses ont en l'espèce conclu à une expulsion définitive.

20.4.1 Le défendeur relève à cet égard que dans ses répliques, SANTÉSUISSE ne vise plus une exclusion définitive, se contentant de solliciter « le prononcé d’une sanction d’une sévérité particulière ». Il en déduit qu'elle a elle-même réalisé que l’exclusion définitive était totalement disproportionnée.

Il convient toutefois de constater que SANTÉSUISSE évoque certes une sanction « d'une sévérité particulière » en page 43 de sa réplique du 26 mai 2021 et en page 46 de sa réplique du 28 mars 2022, mais persiste à conclure à une exclusion définitive en page 4 et en page 3 respectivement des mêmes écritures.

20.4.2 Le Tribunal fédéral a jugé dans l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2016 que l'exclusion du droit de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins d'une durée de six mois, prononcée par le Tribunal arbitral cantonal dans le cas d'un médecin précédemment condamné pour polypragmasie et dont la pratique dispendieuse s'était étendue sans interruption sur 13 ans avec un indice moyen de coûts directs par malade de 162, n'était pas disproportionnée. Dans l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_774/2020, il a toutefois rappelé que dans la cause suscitée, il devait se prononcer uniquement sur le point de savoir si une durée inférieure à celle arrêtée par les premiers juges était justifiée, sans examiner si une exclusion pour une durée supérieure à six mois aurait dû être qualifiée de disproportionnée.

Dans une autre affaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_656/2020 du 22 septembre 2021 consid. 6.3), il a retenu qu'une exclusion de trois ans du droit de pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins était disproportionnée dans le cas d'un médecin qui avait fait preuve d'une pratique dispendieuse durant trois années (2008, 2009 et 2014). En effet, en raison de son âge avancé (77 ans), la sanction constituait dans les faits une exclusion définitive, si bien que la cause avait été renvoyée à l'instance cantonale pour nouvelle appréciation de la durée de l'exclusion. Quant à la cause jugée par l'arrêt K 45/04 du 25 janvier 2006, elle concernait un médecin dont la pratique contraire au principe de l'économicité s'était étendue sur des dizaines d'années. Une exclusion du droit de pratiquer à la charge de l'assurance avait alors été prononcée pour une durée de deux ans (consid. 4.3). Comme l'intéressé avait poursuivi une pratique dispendieuse, son exclusion définitive avait été prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_513/2015 du 9 décembre 2015).

Dans l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_774/2020, il a comparé les circonstances du cas avec celles qui prévalaient dans les litiges à l'origine de l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_656/2020 ; de l’arrêt du Tribunal fédéral K 45/04 ; de l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_513/2015 précités, et s'est préoccupé de savoir si la durée de la suspension du droit de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins prononcée, soit deux ans, n'était pas disproportionnée, avant tout en raison de l'âge avancé du recourant, soulignant qu' une exclusion pendant deux ans reviendrait en effet à l'exclure définitivement du droit de pratiquer à la charge de la LAMal, alors qu'il avait apparemment admis devoir changer sa pratique et se conformer aux exigences y relatives à partir de 2017. Une exclusion d'une année lui a dès lors semblé plus appropriée pour prendre en considération l'ensemble des circonstances, dont la pratique dispendieuse pendant de nombreuses années, mais aussi l'absence de condamnation en restitution pour polypragmasie depuis l'année statistique 2007 - avant celle pour l'année 2016 qui fait l'objet du litige concerné - et la modification de la pratique du recourant à la suite de la démarche des assureurs.

20.4.3 Il résulte des pièces produites par SANTÉSUISSE dans le cadre de la demande du 3 juillet 2020 que le défendeur s'était déjà vu reprocher une pratique non conforme au principe de non-économicité pour les années statistiques 2000 à 2003, lorsqu'il exerçait dans le canton du Tessin. Il s'était alors engagé à rembourser aux assureurs la somme de CHF 381'800.-. Il s'avère qu'il n'a que très partiellement honoré cet engagement.

Il sied également de souligner que le défendeur, depuis février 2012, date à laquelle il s'est installé à Genève, a ignoré les avertissements sur la procédure d'économicité que lui a adressés SANTÉSUISSE à de nombreuses reprises et qu'il a, d'une façon générale refusé de collaborer, ne réceptionnant pas ses courriers et ne venant pas aux entretiens proposés (pces 35 à 39 chargé dem. 7 juillet 2020).

Il importe de rappeler que dès 2016, ses coûts totaux par patient ont considérablement augmenté, passant de 1739 à 3327 en 2017, à 3'698 en 2018 et à 4'201 en 2019 (rapport de régression), étant rappelé que les indices de ces coûts sont pour 2017 : de 285 ; pour 2018 : de 342 ; pour 2019, de 305 et pour 2020, de 101. Il a en outre utilisé sans droit des positions TARMED.

Il y a par ailleurs lieu de relever que le défendeur exerçait également son activité médicale durant l'année 2019 au Tessin, de sorte qu'il lui arrivait de dispenser des soins à ses patients le même jour dans ses deux cabinets au Tessin et à Genève (pces 6 et 25 chargé dem. du 11 juin 2021).

20.4.4 SANTÉSUISSE fait également valoir, à l'appui de sa demande d'exclusion définitive, que le 15 octobre 2018, la Cour des assises correctionnelles de Lugano a condamné le défendeur pour fraude dans la saisie, banqueroute frauduleuse, escroquerie aggravée commise par métier et faux dans les titres.

En effet, une telle condamnation pénale ne peut que venir confirmer un comportement entrainant une rupture du lien de confiance qui doit nécessairement exister entre les médecins pratiquant à charge de l'assurance obligatoire des soins et les caisses-maladie.

Le défendeur considère toutefois que le jugement de la Cour de Lugano produit par SANTÉSUISSE devrait être écarté de la présente procédure, du fait qu'il est sans relation avec la pratique de la médecine.

Or, s'il a été condamné, c'est notamment parce qu'il a induit astucieusement en erreur des employés de 16 caisses-maladie pour les déterminer à accorder à une société dont il est l'actionnaire, des indemnités d'assurance qui n'étaient pas réellement dues, ce sur la base de fausses factures relatives à des prestations fictives indiquant par exemple des temps de prestation supérieurs aux temps réels. On ne saurait ainsi affirmer que ce jugement pénal n'ait aucun lien avec l'exercice de la médecine. Il y a en conséquence lieu d'en tenir compte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2021).

20.4.5 Force est de constater, au vu de ce qui précède, que le défendeur a clairement violé les exigences relatives au caractère économique des prestations depuis de nombreuses années. SANTÉSUISSE a attiré son attention, par de nombreux courriers (cinq lui ont été adressés entre septembre 2013 et janvier 2014 pour l'année 2012), sur sa pratique non-économique, depuis le début de son installation à Genève déjà. Précédemment, dans le cadre de l'activité qu'il avait exercée au Tessin, il s'était engagé auprès des assureurs à leur restituer le montant qu'il avait indûment facturé à charge de l'assurance obligatoire des soins de 2000 à 2003, sans toutefois s'en acquitter finalement, qu'un acte de défaut de biens avait alors été établi, de sorte qu'il apparaît qu'il serait à présent insolvable et enfin que, par jugement du 15 octobre 2018, il a été condamné pour diverses infractions en lien avec des caisses-maladie et portant sur une période s'étendant de juin 2005 à juin 2006. A aucun moment, il n'a, durant toutes ces années, remis en cause sa pratique dispendieuse. Ces faits justifieraient le prononcé d'une sanction sévère, étant au surplus précisé que le défendeur ne se situe pas dans la catégorie des personnes « d'un âge avancé » (arrêt du Tribunal fédéral 9C_774/2020 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_656/2020).

20.4.6 Le défendeur allègue toutefois avoir radicalement changé sa pratique depuis 2018. Il en veut pour preuve le rapport de régression « année statistique 2020 ». Il relève à cet égard que, bien que le nombre de ses patients, ainsi que la moyenne d'âge, ait augmenté entre 2018 et 2020, les coûts directs par patient ont diminué de 76%.

Il est vrai que, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les mesures disciplinaires, telle qu'une exclusion de la pratique (ATF 106 V 41 consid. 5a/cc) ne visent pas à punir le destinataire, mais à faire en sorte qu’il adopte à l’avenir un comportement conforme (arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2016 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 3C_500/2012 consid. 3.3).

Il y a lieu de constater, en l'espèce, que, selon le rapport de régression « année statistique 2020 », les coûts totaux ont sensiblement diminué. Ils étaient relativement constants en 2018 et 2019, respectivement de 342 et 305 pour baisser à 101 en 2020. Il y a donc diminution, mais dès 2020 seulement, et non dès 2018 comme l'affirme le défendeur. L'indice de régression quant à lui, de 250 en 2017, est passé à 243 en 2018, à 240 en 2019 et à 72 en 2020. On peut en conclure qu'à partir de 2020, le défendeur démontre en effet qu'il a pris conscience de ce que sa pratique avait été constitutive de polypragmasie et manifeste enfin sa volonté de se conformer aux règles (arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/21 ; ATAS/1043/2020).

On peut en revanche déplorer qu'il ait attendu aussi longtemps avant de chercher à corriger sa façon de procéder. De plus, le 2 mars 2020 par exemple, il ne semble pas encore avoir compris ce qui est reproché. A ce moment-là en effet, il déclare qu'il est en désaccord avec la demande de rétrocession « car je pense qu'elle est incohérente, invalide, inadéquate et inappropriée pour notre travail sur la santé des patients » (pce 36 chargé dem. du 7 juillet 2020). Il ne s'est pas non plus rendu à l'entretien proposé par SANTÉSUISSE le 12 mars 2020.

20.4.7 Ainsi, si le tribunal de céans renonce à prononcer, comme demandé par SANTÉSUISSE, une exclusion définitive de toute pratique à la charge de l'assurance obligatoire des soins, il n'en considère pas moins qu'une sanction s'impose et, vu la jurisprudence du Tribunal fédéral et ce qui précède, juge qu'une exclusion de deux ans constitue, dans le cas d'espèce, une mesure appropriée et respectant le principe de la proportionnalité.

21. La procédure devant le Tribunal arbitral n'est pas gratuite. Conformément à l'art. 46 al. 1 LaLAMAL, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, port, émolument d'écriture), ainsi qu'un émolument global n'excédant pas CHF 15'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMAL).

En l'occurrence, la totalité de l'émolument de justice de CHF 5’000.- et les frais du tribunal de céans de CHF 16'817.50 seront mis intégralement à la charge du défendeur.

Le défendeur qui succombe sera en outre condamné à verser aux demanderesses, prises conjointement et solidairement, la somme de CHF 5'000.- à titre de dépens.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES :

 

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les demandes des 20 juillet 2020 et 11 juin 2021 recevables.

Au fond :

2.        Les admet.

3.        Condamne le défendeur à verser à SANTESUISSE, à charge pour elle de les répartir entre les demanderesses, les montants de CHF 302'984.- (CHF 171'848.- + CHF 131'136.-) pour 2018, et de CHF 266'618.55, (CHF 169'507.55 + CHF 97'111.-) pour 2019, soit au total pour les deux années, CHF 569'602.55.

4.        Prononce l'exclusion du défendeur de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins pour une durée de deux ans.

5.        Met l'émolument de justice de CHF 5'000.- et les frais du Tribunal arbitral de CHF 16'817.50 à la charge du défendeur.

6.        Condamne le défendeur à payer à SANTESUISSE la somme de CHF 5'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

7.        Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le