Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3846/2020

ATAS/581/2021 du 07.06.2021 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3846/2020 ATAS/581/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 juin 2021

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, ______, à GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'Étude de Maître Andres MARTINEZ

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, 12 rue des Gares, Case postale 2595, GENEVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        La société C______SA (ci-après : la société), créée en septembre 2010, avait pour but l'exploitation d'un café-restaurant nommé « C______», ainsi que l'import-export de produits alimentaires. Son personnel était affilié auprès de la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l'intimée). À teneur de l'extrait du registre du commerce y relatif, Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé ou le recourant) en était l'administrateur à partir du 20 janvier 2016, date à laquelle Monsieur D______, administrateur depuis le 18 janvier 2012, a exercé en plus les fonctions de président.

2.        Par courrier du 14 octobre 2011 adressé à la société et valant avenant au contrat de bail, la propriétaire des locaux du café-restaurant a accordé à la société la possibilité de solliciter le renouvellement des relations contractuelles pour une nouvelle période de cinq ans, du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020, à condition que l'option soit exercée avant le 30 juin 2015, faute de quoi elle deviendrait caduque et le bail prendrait fin sans résiliation le 31 décembre 2015.

3.        À partir de 2014, la société ne s'est plus acquittée régulièrement des cotisations sociales dues à la caisse, obligeant cette dernière à engager des poursuites à l'encontre de la société, visant à recouvrer les cotisations sociales dues pour les années 2014, 2015, 2016 et le premier semestre de l'année 2017.

4.        Par courrier du 28 juillet 2015, la société, soit pour elle M. D______, a fait usage de l'option réservée par l'avenant au contrat du bail du 14 octobre 2011.

5.        Le 25 août 2015, la société a informé la bailleresse de son souhait de vendre le fonds de commerce à Monsieur E______pour un montant de CHF 220'000.-.

6.        Par courrier du 20 novembre 2015, la bailleresse a indiqué qu'elle « n'était guère encline à effectuer un transfert de bail compte tenu de la proche échéance du contrat de bail, soit le 31 décembre 2015 » et des informations qu'elle détenait au sujet du repreneur proposé, M. E______. Aussi a-t-elle fixé un état des lieux de sortie au 4 janvier 2016.

7.        Le 18 janvier 2016, la société a déposé une requête en prolongation de bail devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers (Cause C/1______/2016).

8.        Par requête déposée le 28 janvier 2016 devant le Tribunal des baux et loyers, la bailleresse a conclu à l'évacuation immédiate des locataires, avec exécution directe (Cause C/2______/2016).

9.        Par jugement du 9 mars 2016 dans la cause C/2______/2016, le Tribunal des baux et loyers a condamné la société à évacuer immédiatement l'arcade louée.

10.    En date du 6 avril 2016, la société et les co-titulaires du bail ont saisi le Tribunal des baux et loyers d'une demande en constatation de droit et en prolongation de bail.

11.    Par arrêt du 19 décembre 2016 dans la cause C/2______/2016, la Cour de justice a confirmé le jugement d'évacuation prononcé le 9 mars 2016. La Cour a notamment considéré que le Tribunal avait retenu à juste titre que le bail liant les parties était de durée déterminée et prenait fin au 31 décembre 2015. La Cour a également retenu que les conditions posées pour l'exercice du droit de renouveler le bail n'était pas réunies, ce qui avait entraîné la fin automatique de celui-ci au 31 décembre 2015. Enfin, la Cour a constaté que la requête en prolongation de bail déposée en conciliation le 18 janvier 2016 était tardive, et donc irrecevable et dénuée de toute chance de succès (cf. ACJC/3______/2016 du 19 décembre 2016, consid. 3.3).

12.    Par jugement du 23 mars 2017 dans la cause C/1______/2016, le Tribunal des baux et loyers a jugé que la demande en constatation de droit et en prolongation de bail, formée le 6 avril 2016, dans la mesure où elle était recevable, était manifestement devenue sans objet au vu de l'issue de la procédure C/2______/2016, de sorte qu'il a rayé la cause du rôle.

13.    Par jugement du Tribunal de première instance du 8 juin 2017, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société.

14.    Par courrier du 2 octobre 2017 M. D______ a indiqué à l'office cantonal des assurances sociales, que le gérant, soit l'intéressé, s'occupait de régler les salaires et de gérer le restaurant et que suite à la faillite de la société, le restaurant était fermé et le courrier transféré à l'office des faillites.

15.    Par décision du 5 mars 2019, notifiée à l'intéressé, la caisse a expliqué en préambule que la société dont il était l'administrateur du 20 janvier 2016 au 8 juin 2017 avait été déclarée en faillite et que la consultation de l'état de collocation, publié le 21 novembre 2018, avait révélé que le dividende prévisible serait de 0%, de sorte que la créance que la caisse avait produite dans la faillite ne serait pas couverte. De ce fait, la caisse avait subi un dommage que l'intéressé était invité à réparer en lui versant, sous trente jours, un montant de CHF 32'575.70 représentant les cotisations paritaires 2014, 2015, 2016 et 2017, y compris les frais et les intérêts moratoires, après déduction des versements déjà effectués. Il était indiqué qu'il s'agissait des sommes dues et exigibles lorsqu'il avait pris ses fonctions ou qui étaient arrivées à échéance au cours de son mandat, et dont il était solidairement responsable avec M. D______.

16.    Le 1er avril 2019, l'intéressé, assisté d'un avocat, a formé opposition à cette décision et demandé une copie du dossier à la caisse.

17.    Le 20 juin 2019, l'intéressé a complété son opposition en affirmant qu'en sus de son rôle d'administrateur, M. D______ exerçait la fonction de comptable de la société, qu'il se chargeait de trier le courrier et indiquait à l'intéressé quelles factures devaient être payées. Ce dernier payait alors les factures transmises au moyen du compte postal de la société. Hormis la tâche consistant à payer les factures que lui indiquait M. D______, l'intéressé assumait aussi la fonction de patron du bar-restaurant « C______» et était responsable de la tenue de cet établissement au quotidien, du lundi au samedi. Vu cette charge de travail importante, l'intéressé n'avait pas été en mesure de suivre la tenue des comptes de la société. Il en avait été ainsi jusqu'à la faillite de cette dernière. En 2016, l'intéressé s'était vu « contraint » de devenir administrateur de la société afin de pouvoir la représenter devant le Tribunal des baux et loyers. En effet, à sa grande surprise, le bail de l'établissement avait été conclu pour une durée limitée de cinq ans, soit du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015. Son renouvellement était normalement prévu mais cette opération aurait dû faire l'objet d'une demande écrite six mois avant la fin du contrat. À l'image de toutes les tâches purement administratives, cette demande de renouvellement incombait à M. D______. Celui-ci ne l'avait pas présentée à temps, de sorte que la régie n'avait pas souhaité renouveler le bail. Comme M. D______ n'entendait pas contester la position du bailleur, l'intéressé avait demandé à devenir administrateur pour faire valoir les droits de la société devant le Tribunal des baux et loyers. Cette procédure judiciaire ne s'était pas conclue avec le succès escompté car la fin du bail au 31 décembre 2015 avait été confirmée de manière définitive par un arrêt de la Cour de justice, rendu le 19 décembre 2016 dans la cause C/2______/2016.

Comme il était beaucoup trop occupé à travailler au bar-restaurant, l'intéressé n'avait jamais eu de contrôle sur les comptes de la société ni sur les décisions administratives. Ces tâches étaient de l'unique ressort de M. D______, dont la gestion était lacunaire, voire pénalement répréhensible ; ce dernier avait en effet confié récemment à l'intéressé qu'une procédure pénale avait été ouverte à son encontre. Dans ces circonstances, l'intéressé trouvait qu'il était injuste que la caisse lui fasse supporter la responsabilité du paiement du montant de CHF 32'575.70 au titre des cotisations paritaires dues pour les années 2014 à 2017, ce d'autant qu'il n'avait été l'administrateur de la société qu'entre le 20 janvier 2016 et le 8 juin 2017.

18.    Par décision du 22 octobre 2020, la caisse a rejeté l'opposition, considérant que
l'intéressé ne remettait pas en cause sa qualité d'organe de la société, laquelle était de toute manière incontestable vu sa fonction d'administrateur du 20 janvier 2016 au 8 juin 2017, période qui couvrait donc le dommage causé à la caisse par le non-paiement des cotisations sociales pour les années 2014 à 2017. En ne veillant pas personnellement à leur paiement ponctuel et en ne prenant pas toutes mesures utiles afin que ce fût effectivement le cas, l'intéressé avait commis une faute, constitutive d'une négligence grave, qui engageait sa responsabilité envers la caisse pour l'intégralité du dommage causé.

19.    Le 23 novembre 2020, l'intéressé a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d'un recours contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation et à ce qu'il soit dit que le dommage de CHF 32'575.70 ne devait pas lui être imputé et, subsidiairement, au renvoi du dossier à la caisse pour nouveau calcul du dommage, le tout avec suite de dépens.

À l'appui de ses conclusions, le recourant a fait valoir qu'il s'était retrouvé, en 2015, dans une situation particulièrement difficile. Son collègue de travail au café-restaurant C______, Monsieur F______, serveur et manager comme lui entre 2012 et 2014, avait quitté la société en 2014, si bien qu'il avait dû travailler de manière beaucoup plus importante qu'auparavant au restaurant. Entre 2012 et 2014, le recourant s'occupait également et partiellement du paiement des diverses factures du restaurant. Il s'assurait que la gestion de la comptabilité, assumée par M. D______, se fasse correctement. Pour ce faire, il se rendait une fois par semaine chez ce dernier pour s'assurer que tout était en ordre. Début 2015, il s'était rendu compte que toutes les factures n'étaient pas payées par
M. D______ car il avait reçu des rappels de factures puis des poursuites directement au restaurant. Il avait alors payé ces premières poursuites en pensant que c'étaient les seules dettes de la société. Lorsqu'il demandait au comptable de la société, soit à M. D______, si toutes les factures étaient honorées, celui-ci l'en assurait. Malheureusement, M. D______, qui était censé gérer tous les aspects administratifs de la société n'était absolument pas fiable, ce que le recourant avait appris à ses dépens. C'était dans ce contexte défavorable, marqué par la découverte de nouvelles poursuites, que le recourant avait décidé, en 2015, d'arrêter l'activité du « C______ ». Suite à cela, la société avait tenté, au cours de l'été de la même année, de vendre le fonds de commerce à un autre exploitant, tout en proposant ce dernier comme repreneur du bail à la régie immobilière. Hélas, cette dernière avait fait savoir au recourant par pli du 20 novembre 2015 que la propriétaire des locaux du café-restaurant n'était pas encline à effectuer un transfert de bail, compte tenu de la proche échéance du contrat au 31 décembre 2015 et des informations recueillies au sujet du repreneur proposé. Comme M. D______ s'était totalement désintéressé de la gestion de la société, le recourant avait décidé de s'occuper seul de toutes les démarches judiciaires pour tenter d'obtenir une prolongation de bail et d'essayer, par ce biais, de revendre le fonds de commerce, opération qui devait rapporter un montant de CHF 220'000.- qui aurait permis de payer les diverses dettes de la société. C'était donc pour pouvoir défendre les intérêts de la société et vendre le fonds de commerce que le recourant était devenu administrateur de la société le 20 janvier 2016. Aussi ne pouvait-il être tenu pour responsable d'une négligence grave puisqu'il avait tout tenté pour permettre à la société d'honorer ses dettes. Le dommage de CHF 32'575.70 ne devait donc pas lui être imputé.

Si, par impossible, sa responsabilité devait être tout de même retenue, il ne pouvait pas être tenu pour responsable des cotisations qui n'avaient pas été payées avant qu'il ne devienne administrateur ; seules les cotisations non payées entre le 20 janvier 2016 et le 8 juin 2017 pouvaient lui être réclamées, ce qui justifiait l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause à l'intimée pour l'établissement d'un nouveau calcul. Enfin, un nouveau calcul du dommage se justifiait de toute manière dès lors que la chambre de céans avait jugé dans un arrêt récent qu'il n'existait pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la loi genevoise instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption. La part (même minime) correspondant à cette assurance devait donc être déduite de la créance en réparation du dommage envers le recourant.

20.    Par réponse du 8 décembre 2020, l'intimée a conclu au rejet du recours en relevant en substance qu'en tant que le recourant alléguait n'avoir pas pu avoir accès aux comptes de la société pendant l'année 2015 et qu'il n'avait donc pas été en mesure d'avoir connaissance d'éventuels arriérés de cotisations pour l'année en question, il n'en demeurait pas moins qu'il ne prétendait pas avoir été induit en erreur sur la situation financière de la société à l'égard de l'intimée. Il en découlait que personne ne lui avait présenté une fausse comptabilité ou de fausses pièces qui auraient pu l'induire en erreur et lui faire croire qu'aucune autre mesure de contrôle s'imposait. Comme ces hypothèses - qui étaient synonymes d'interruption du lien de causalité entre le comportement de l'organe induit en erreur et le dommage -, n'étaient pas réalisées, le recourant n'était pas fondé à croire que la société était à jour dans le paiement des cotisations paritaires. Au contraire, s'il estimait n'avoir pas accès aux comptes de la société, il avait fait preuve d'une « passivité coupable » en ne s'adressant pas directement à l'intimée en vue de lui demander un extrait de compte détaillé reflétant la situation de la société vis-à-vis de la caisse. Au demeurant, le recourant indiquait s'être occupé du paiement des diverses factures du restaurant entre 2012 et 2014 et donc du paiement des cotisations pour l'année 2014. Le non-paiement des cotisations s'était par ailleurs poursuivi pour les années 2015, 2016 et 2017. Le recourant avait donc choisi délibérément de ne pas s'acquitter des cotisations paritaires et ne pouvait qu'être tenu pour responsable du dommage causé à l'intimée.

21.    Le 11 janvier 2011, le recourant a répliqué brièvement en relevant que l'intimée ne se prononçait pas sur les arguments qu'il avait développés, soit principalement qu'il avait tout fait pour vendre le fonds de commerce afin de pouvoir payer les dettes de la société dont les cotisations sociales faisaient partie. Par ailleurs, l'intimée ne se prononçait pas non plus sur les arguments subsidiaires, notamment le fait que seule une partie de la dette pouvait lui être imputée - solidairement avec M. D______ - vu la date de son entrée au conseil d'administration.

Enfin, le recourant a produit un courriel daté du 1er décembre 2020, qu'il avait reçu de Madame G______, chargée de faillites auprès de l'office cantonal des faillites, dans lequel celle-ci indiquait « à qui de droit » qu'elle avait été chargée de la liquidation de la faillite de la société, prononcée le 8 juin 2017, et clôturée par jugement du 20 février 2020. Selon Mme G______, le recourant avait déclaré lors de son interrogatoire du 1er septembre 2017 qu'il était en charge de l'exploitation du restaurant et qu'il considérait que M. D______, qui assurait la gestion administrative et la comptabilité de la société, était responsable de la déconfiture de cette dernière. Aux dires de Mme G______, le recourant avait précisé qu'il remettait régulièrement le courrier à M. D______, sauf durant les dernières semaines qui avaient précédé la faillite car à cette période, M. D______ ne passait plus chercher le courrier et ne répondait plus au téléphone. Concernant la comptabilité, M. D______ indiquait au recourant que tout était à jour. Pour conclure, Mme G______ a précisé que le recourant avait toujours répondu efficacement et de manière très réactive aux sollicitations de l'office, alors que
M. D______ n'avait pas répondu aux convocations de l'office, « notamment pour les questions de comptabilité ».

22.    Le 10 février 2020, l'intimée a répliqué en soutenant qu'il était incontestable que le recourant était aussi responsable pour les cotisations relatives aux périodes antérieures à son entrée au conseil d'administration le 20 janvier 2016 et qu'ainsi, il répondait aussi des cotisations qui étaient déjà échues au moment où il avait commencé à assurer son mandat. Quant à la procédure de faillite de la société, elle devait être distinguée de la procédure en réparation du dommage ouverte contre les organes, procédure qui ne pouvait intervenir qu'une fois connu le dommage causé à la caisse. En toute hypothèse, le comportement des organes lors de la procédure de faillite de la société n'avait aucune influence sur la qualification du comportement des organes à la lumière des obligations qui leur incombaient en vertu de la législation en matière d'AVS. En l'occurrence, l'intimée avait constaté que le recourant n'avait pas rempli ses obligations d'organe de la société dans le cadre des décisions de cotisations pour les périodes en cause et qu'il ne l'avait pas non plus contactée - dans le cadre de la procédure de faillite - pour trouver une solution pour le paiement des créances de cotisations paritaires qu'elle détenait à l'encontre de la société.

23.    Le 11 février 2021, la chambre de céans a remis, pour information, une copie de ce courrier au recourant.

24.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie, le recours étant dirigé contre une décision rendue sur opposition fondée sur la LAVS.

b. Selon l'art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l'art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l'employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. L'art. 52 al. 5 LAVS doit être compris en ce sens que les actions en réparation du dommage contre les personnes morales et leurs organes doivent être ouvertes au for du siège de la société, respectivement au for du siège qui était le sien avant la faillite, ceci indépendamment du domicile des organes recherchés (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

Dès lors que la société avait son siège dans le canton de Genève avant sa faillite, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

c. Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10).

Touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA).

Son recours est donc recevable.

2.        L'objet du litige porte sur la responsabilité du recourant pour le dommage subi par l'intimée du fait du défaut de paiement des cotisations sociales par la société.

3.        L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 et suivants du règlement du 31 octobre 1947 sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS - RS 831.101), prescrit que l'employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux caisses les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi (ATF 118 V 193 consid. 2a et les références).

4.        L'art. 52 LAVS régissant la responsabilité de l'employeur a été modifié le
1er janvier 2020. Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c'est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d'espèce, et la loi sera citée dans son ancienne version (art. 52 aLAVS).

En vertu de l'art. 52 aLAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

5.        À titre liminaire, il convient d'examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

a.    Les délais prévus par l'art. 52 al. 3 aLAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2 ; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2). Cela signifie qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 aLAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 195 consid. 2.2 ; 126 V 444 consid. 3a ; 121 III 384 consid. 3bb). Tel sera le cas lorsque des cotisations sont frappées de péremption, ou en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu au moment de l'avènement de la péremption ou le jour de la faillite; ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans de l'ancien art. 82 al. 1 in fine RAVS (ATF 129 V 195 consid. 2.2 ; 123 V 16 consid. 5c).

Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 aLAVS (arrêt du Tribunal fédéral H.18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

En cas de faillite, ce moment correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3), la date de la publication de cette mesure dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) étant déterminante (arrêt du Tribunal fédéral H.142/03 du 19 août 2003 consid. 4.3 ; ATF 129 V 193 consid. 2.3).

S'agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit. Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement (ATF 106 II 35 consid. 4) tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (cf. ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l'opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

b.    En l'espèce, le dommage s'est produit le 8 juin 2017, soit au moment du prononcé de la faillite. En revanche, le moment auquel l'intimée a eu connaissance du dommage ne ressort pas du dossier. Cette question peut toutefois rester ouverte dans la mesure où l'intimée a rendu sa décision de restitution le 5 mars 2019, soit moins de deux ans après la survenance du dommage.

Ainsi, le délai absolu de prescription de cinq ans courant dès le 8 juin 2017 et le délai relatif de prescription de deux ans courant dès la connaissance du dommage ont été interrompus tant par la décision en réparation du dommage du 5 mars 2019, que par la décision sur opposition du 22 octobre 2020 puis le recours du 23 novembre 2020.

6.        L'action en réparation du dommage n'étant pas prescrite, il convient à présent d'examiner si les autres conditions de la responsabilité de l'art. 52 aLAVS sont réalisées, à savoir si le recourant peut être considéré comme étant « l'employeur » tenu de verser les cotisations à l'intimée, s'il a commis une faute ou une négligence grave et enfin s'il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l'intimée.

7.        a. Dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2012, l'art. 52 al. 2 aLAVS codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

b. Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L'art. 52 aLAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

c.    La notion d'organe selon l'art. 52 aLAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 234/02 du 16 avril 2003 consid. 7.3 publié in REAS 2003 p. 251).

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 aLAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a; ATF 117 II 432 consid. 2b ; ATF 117 II 570 consid. 3 ; ATF 107 II 349 consid. 5a ; Thomas NUSSAUMER, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 aLAVS, in RCC 1991,
p. 403).

Au contraire des organes de fait, les organes formels répondent indépendamment de leur fonction ou de leur influence sur la marche des affaires de la société. Le fait qu'ils disposent d'un pouvoir de signature et les motifs de leur mandat sont également sans importance (cf. ATF 114 V 211 consid. 4). En présence d'un organe formel, il n'est pas nécessaire d'examiner s'il répond à la notion d'organe matériel (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 34/04 du 15 septembre 2004
consid. 5.3.2).

Les organes de fait sont les personnes qui participent de façon durable, concrète et décisive à la formation de la volonté sociale dans un vaste domaine dépassant les affaires courantes (ATF 128 III 29 consid. 3a p. 30 s.; 122 III 225 consid. 4b p. 227 s.). Dans cette éventualité, il faut cependant que la personne en question ait eu la possibilité de causer un dommage ou de l'empêcher, c'est-à-dire qu'elle ait effectivement exercé une influence sur la marche des affaires de la société (ATF 132 III 523 consid. 4.5; cf. aussi ATF 146 III 37 consid. 5 et 6). C'est en principe le cas d'un directeur qui a généralement la qualité d'organe de fait en raison de l'étendue des compétences que cette fonction suppose. Il ne doit toutefois répondre que des actes ou des omissions qui relèvent de son domaine d'activité, ce qui dépend de l'étendue des droits et des obligations qui découlent des rapports internes, sinon il serait amené à réparer un dommage dont il ne pouvait empêcher la survenance faute de disposer des pouvoirs nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_68/2020 du 29 décembre 2020 consid. 5.2.1 et l'arrêt cité). Pour un organe de fait, l'obligation de réparer le dommage au sens de l'art. 52 aLAVS intervient en principe seulement si la personne intéressée avait un pouvoir de disposer des cotisations non payées et pouvait effectuer les paiements à la caisse de compensation (ATF 134 V 401 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_428/2013 du 16 octobre 2013 consid. 4.2).

d.   Dans le cadre de l'application de l'art. 52 aLAVS, la responsabilité d'un fondé de procuration (art. 458ss CO) ne se détermine pas en fonction de l'étendue de la procuration à l'égard des tiers mais selon ses droits et obligations dans les rapports internes (ATF 111 V 178 consid. 5a ; Ueli KIESER, in Hans-Ulrich STAUFFER, Basile CARDINAUX [éd.], Rechtsprechung des Bundesgerichts zum AHVG,
4ème éd. 2020, n. 83 ad art. 52 LAVS).

e. En l'occurrence, l'inscription portée au registre du commerce indique qu'avant d'entrer au conseil d'administration de la société le 20 janvier 2016, le recourant était titulaire d'une procuration individuelle dès le 17 janvier 2011. Dans son complément d'opposition du 20 juin 2019, le recourant décrit la période antérieure au 20 janvier 2016 sur le plan interne en indiquant que M. D______ était non seulement le seul administrateur de la société, mais aussi le comptable de cette dernière, soit l'unique personne en charge des comptes. Le recourant y précise également que M. D______ se chargeait de trier le courrier et lui indiquait quelles factures devait être payées et qu'outre la tâche de payer les factures que lui indiquait M. D______, il était responsable de la tenue de l'établissement
« C______». Dans son écriture du 23 novembre 2020, le recourant a confirmé qu'hormis son rôle de manager de ce café-restaurant, il s'occupait également et partiellement du paiement des factures du restaurant.

La chambre de céans constate que la décision litigieuse assimile le recourant à un organe sans toutefois expliquer en quoi cette qualification serait pertinente pour la période antérieure 20 janvier 2016. Au point 16 de sa réponse, l'intimée se réfère néanmoins au mémoire de recours (point 3) pour en déduire que le recourant « s'est personnellement et directement occupé du paiement des cotisations pour la période 2014 ». Force est toutefois de relever qu'au point 3 de ladite écriture, le recourant mentionne simplement qu'il s'occupait « partiellement du paiement des diverses factures du restaurant ». Or, on ne saurait considérer sur de telles bases que les factures que M. D______ indiquait au recourant avaient nécessairement pour objet des décomptes et factures de cotisations. Par ailleurs, même si cela avait été le cas, encore aurait-il fallu que les documents transmis fussent complets. À cet égard, le courrier du 2 octobre 2017 de M. D______, en tant qu'il mentionne que le recourant était chargé du paiement des salaires, ne permet pas d'aboutir à une autre conclusion. En premier lieu, ce courrier ne précise pas si la situation qu'il décrit concerne également la période antérieure au 20 janvier 2016. En second lieu, on ne saurait assimiler la décision de paiement quant à son principe - qui relève de la gestion administrative de la société dont était en charge M. D______ (cf. pièce 7 demandeur) - au choix d'en confier l'exécution au recourant. En effet, pour que ce dernier puisse être considéré comme un organe de fait pour la période antérieure à son entrée au conseil d'administration, il aurait fallu qu'il eût un pouvoir de disposer des paiements et d'en initier l'exécution en faveur de la caisse de compensation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_920/2014 du 19 mai 2015 consid. 3.2.1 ; Ueli KIESER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum AHVG, 4ème éd. 2020, n. 80 ad art. 52 LAVS), compétence qui était manifestement du seul ressort de M. D______ à cette époque. On précisera que ceci n'exclut pas qu'une fois membre du conseil d'administration, le recourant réponde également, en tant qu'organe formel, des cotisations qui auraient dû être payées avant son entrée en fonction (cf. ci-après : consid. 11 et 12c).

8.        Il sied d'examiner à présent si le recourant, une fois devenu administrateur, a violé intentionnellement ou par négligence grave les devoirs lui incombant et s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre le manquement qui lui est imputable et le préjudice subi.

9.        La négligence grave mentionnée à l'art. 52 al. 1 aLAVS est admise très largement par la jurisprudence. Se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui ne respecte pas la diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie. Dans le cas d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention que la société doit accorder, en tant qu'employeur, au respect des prescriptions de droit public sur le paiement des cotisations d'assurances sociales. Les mêmes exigences s'imposent également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral 4C_31/2006 du
4 mai 2006 consid. 4.6). La haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion est une attribution intransmissible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO (arrêt du Tribunal fédéral 9C_839/2016 du 4 juillet 2017 consid. 5.2). Dans le cadre de l'exercice de cette haute surveillance, l'administrateur répond de la cura in custodiendo. C'est ainsi qu'il a non seulement le devoir d'assister aux séances du conseil d'administration, mais également l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires. Il est tenu de prendre les mesures appropriées lorsqu'il a connaissance ou aurait dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société. Ce devoir de surveillance incombe à tous les membres du conseil d'administration, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein du conseil d'administration (ATF 114 V 219 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.3 et les références).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1 in SJ 2005 I 272). Il en va de même lorsque, en raison de la répartition interne des fonctions administratives, il incombe en premier lieu à certains administrateurs de veiller au paiement des cotisations (arrêts du Tribunal fédéral 9C_961/2012 du 18 mars 2013 consid. 4.2 et 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.3 et les références, arrêt du Tribunal fédéral des assurances
H 40/05 du 29 novembre 2005 consid. 4). Les autres administrateurs n'en sont pas moins tenus de s'enquérir de la situation et de prendre les mesures nécessaires en cas de retard dans le paiement des cotisations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 262/03 du 14 octobre 2004 consid. 4.2).

La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 aLAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l'homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 87/04 du 22 juin 2005 consid. 5.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 234/00 du 27 avril 2001 consid. 5d). L'administrateur qui, de facto, est exclu de la gestion doit s'efforcer de manière d'autant plus durable d'avoir accès aux livres de compte (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2011 du
8 juillet 2011 consid. 4.2).

Commet également une faute grave l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1) ou celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (cf. par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3, arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2, arrêt du Tribunal fédéral 9C_351/2008 consid. 5.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 224/06 du 10 décembre 2007 consid. 6).

10.    a. La survenance d'un dommage ne suffit pas à conclure à une faute qualifiée au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS. Toutefois, la caisse de compensation qui subit un dommage du fait d'une violation des prescriptions peut partir du principe que l'employeur ou ses organes ont transgressé ces prescriptions de manière intentionnelle ou par négligence grave, lorsqu'il n'existe pas d'indication plaidant en faveur de la licéité de leur comportement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_228/2008 du 5 février 2009 consid. 4.2.1). Ainsi, il existe une présomption d'une faute qualifiée de l'employeur ou de ses organes, ce qui implique un devoir de collaborer accru de la personne recherchée sur ce point. L'employeur et ses organes doivent ainsi procéder aux offres de preuve nécessaires pour exclure une intention ou une négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral 9C_325/2010 du 10 décembre 2010 consid. 4.1).

b. Dans certaines circonstances, un employeur peut causer intentionnellement un préjudice sans être dans l'obligation de le réparer, lorsqu'il retarde le paiement des cotisations pour maintenir son entreprise en vie, lors d'une passe de trésorerie difficile. Mais il faut alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l'art. 52 LAVS, que l'on puisse admettre que l'employeur avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il pourrait s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). À cet égard, la seule expectative que la société retrouve un équilibre financier ne suffit pas ; il faut des éléments concrets et objectifs selon lesquels on peut admettre que la situation économique de la société se stabilisera dans un laps de temps déterminé et que celle-ci recouvrera sa capacité financière (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 163/06 du 11 juin 2007 consid. 4.4). Ce qui est déterminant, ce n'est pas de savoir si l'employeur croyait réellement que l'entreprise pouvait être sauvée et que les cotisations seraient payées dans un proche avenir ; il s'agit bien plutôt d'examiner si une telle attitude était alors défendable, objectivement, aux yeux d'un tiers responsable (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 19/07 du 10 décembre 2007 consid. 4.1).

Le fait de s'alarmer de la situation, de négocier avec les créanciers ou encore de tabler sur la promesse d'un actionnaire majoritaire ne sont pas des circonstances qui feraient apparaître comme légitime ou non fautive l'inobservation par un administrateur des prescriptions en matière d'AVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 163/00 du 19 octobre 2000 consid. 3b).

11.    En ce qui concerne la causalité adéquate, la jurisprudence admet en règle générale un tel lien entre l'inaction de l'organe et le non-paiement des cotisations.

Il n'y a pas de lien de causalité lorsque même un comportement conforme au droit n'aurait pas empêché la survenance du dommage (Felix FREY / Hans-Jakob MOSIMANN / Susanne BOLLINGER [éd.], AHVG-IVG, 2018, n. 20 ad art. 52 LAVS ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 77/03 du 18 janvier 2005 consid. 6.5).

Au plan temporel, un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement des cotisations qui sont venues à échéance et qui auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté ses fonctions (ATF 134 V 401 consid. 5.1). Ce n'est ainsi pas la date de la radiation de ses pouvoirs au registre du commerce qui est déterminante, pour autant que la personne concernée n'ait plus été en mesure d'exercer une influence sur la marche des affaires après sa démission et qu'elle n'ait plus perçu de jetons de présence pour sa position d'administrateur (ATF 126 V 61 consid. 4a). Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui n'ont déployé leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_716/2013 du 30 mai 2014 consid. 4.3.2 et les références).

S'agissant des cotisations qui auraient dû être payées avant l'entrée en fonction de l'organe recherché, sa responsabilité est admise s'il existe un lien de causalité entre ses agissements et le dommage (cf. Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenen-versicherung, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., 2016, p. 1329 n. 451).

12.    a. En l'espèce, le recourant fait valoir en premier lieu que c'était pour défendre les intérêts de la société et vendre son fonds de commerce - opération qui aurait permis de payer les dettes sociales - qu'il en était devenu administrateur le 20 janvier 2016. Dès lors qu'il avait tout tenté pour permettre à la société d'honorer ses dettes, aucune négligence grave ne pouvait lui être reprochée, de sorte qu'il ne saurait être tenu pour responsable du dommage de CHF 32'575.70 à la réparation duquel la décision litigieuse le condamne.

La chambre de céans constate tout d'abord que bien que la société ait décidé en 2015, à l'initiative du recourant, de stopper l'exploitation du bar-restaurant sur fond de difficultés économiques, en particulier de non-paiement des cotisations sociales, le personnel ainsi que la masse salariale n'ont pas diminué de manière significative entre 2015 et 2016 comme le montrent les attestations des salaires pour les années en question (cf. pce 3 intimée, p. 17-18). Or, lorsqu'un employeur ne dispose pas de liquidités suffisantes pour s'acquitter des salaires bruts et des cotisations sociales dues, il doit réduire la masse salariale dans une mesure lui permettant de verser les cotisations paritaires sur ces montants (arrêts du Tribunal fédéral des assurances
H 69/05 du 15 mars 2006 consid. 5.3.3 et H 21/04 du 29 septembre 2004 consid. 5.2). Force est de constater, au regard du personnel occupé en 2015 et 2016, et même jusqu'à la faillite en 2017, que plutôt que de se conformer aux principes découlant des deux arrêts précités, le recourant, une fois devenu administrateur le 20 janvier 2016, a omis non seulement de payer intégralement les cotisations qui étaient exigibles pour 2014 et 2015, mais aussi de régler celles qui étaient dues pour 2016 et 2017, jugeant préférable de surseoir à leur paiement en misant tout sur le succès d'une hypothétique prolongation du bail du café-restaurant par la voie judiciaire, ce alors même qu'il savait, à réception du courrier du 20 novembre 2015, que la propriétaire des locaux n'était pas encline à effectuer un transfert de bail pour le 1er octobre 2015, compte tenu de la proche échéance du bail au 31 décembre 2015 et du repreneur proposé. Par ailleurs, dans la mesure où la Cour de justice a constaté que la requête en prolongation de bail déposée le 18 janvier 2016 était tardive (cf. art. 273 al. 2 let. b CO), et donc irrecevable et dénuée de toute chance de succès (ACJC/3______/2016 du 19 décembre 2016 consid. 3.3), l'expectative que la société retrouve un équilibre financier via une telle requête ne donnait déjà pas, à l'époque où celle-ci avait été déposée, des raisons sérieuses et objectives de penser que la société pourrait s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (cf. ci-dessus : consid. 10b et les arrêts cités). En effet, au vu des erreurs commises non seulement avant l'échéance du contrat de bail de durée limitée (non exercice de l'option de renouvellement du bail en temps utile) mais aussi plus tard dans la procédure de prolongation du bail (tardiveté de la demande), le plan consistant à prolonger le bail pour proposer, dans un second, temps, un nouveau repreneur du fonds de commerce comme candidat à la reprise du bail paraissait d'emblée voué à l'échec, de sorte qu'il n'est pas de nature à exonérer le recourant d'une négligence grave dans le non-paiement des cotisations sociales.

b. Dans un second moyen, le recourant allègue avoir demandé à de nombreuses reprises à M. D______, sans succès, de pouvoir avoir accès aux comptes de la société. Il ajoute que M. D______ le rassurait toujours en lui disant que tout allait bien. Cela étant, pour que le comportement d'un tiers interrompe le lien de causalité adéquate entre les manquements du recourant et le dommage, il est nécessaire que même un comportement diligent de l'intéressé n'aurait pas empêché le dommage de se produire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2011 du 11 avril 2011 consid. 4.3.1). En pratique, cela suppose que la faute de l'organe condamné à la réparation du dommage apparaisse à ce point légère et présente une disproportion tellement manifeste par rapport à la faute du tiers qu'il serait manifestement inéquitable que cet organe réponde de l'intégralité du dommage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_66/2016 du 10 août 2016 consid. 5.4). Les conditions d'une telle interruption du lien de causalité adéquate ne sont toutefois pas réalisées en l'espèce. En second lieu, s'il s'estimait tenu à l'écart, dans les faits, de la gestion opérationnelle, il devait s'efforcer d'autant plus durablement d'avoir accès aux livres de compte, la passivité manifestée à cet égard étant constitutive d'une négligence grave (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/22011 du 8 juillet 2011 consid. 4.2). Au demeurant, il lui aurait été loisible de s'enquérir auprès de la caisse de la régularité du paiement des cotisations AVS (RCC 1989, p. 114 ; ATAS/488/2005). Enfin, le recourant ne saurait tirer aucun argument de la réactivité dont il a fait preuve dans le cadre de la liquidation de faillite, l'attestation de Mme G______ ne rattrapant ni la passivité ni l'absence de mesure adéquate prise en vue du paiement des cotisations sociales avant la faillite de la société.

c. Dans un troisième moyen, le recourant fait valoir de manière subsidiaire que seule une partie de la dette de CHF 32'575.70 pourrait lui être imputée (solidairement avec M. D______) du fait de son entrée au conseil d'administration le 20 janvier 2016 seulement.

En argumentant de la sorte, le recourant oublie que celui qui entre au conseil d'administration d'une société a le devoir de veiller tant au versement des cotisations courantes qu'à l'acquittement des cotisations arriérées, pour une période pendant laquelle il ne faisait pas encore partie du conseil d'administration, car il y a dans les deux cas un lien de cause à effet entre l'inaction de l'organe et le non-paiement des cotisations (RCC 1992 p. 262 consid. 7b). Toutefois, la question du lien de causalité entre l'inaction d'un administrateur et le non-paiement de cotisations arriérées ne se pose pas lorsqu'un dommage au sens de l'art. 52 aLAVS préexiste, parce que la société était déjà insolvable avant l'entrée du nouveau membre au conseil d'administration (cf. ATF 119 V 401 consid. 4c et ci-dessus : consid. 11).

Partant, même si le recourant n'avait pas la qualité d'un organe de fait avant son entrée au conseil d'administration (ci-dessus : consid. 7e), il répond en principe non seulement des cotisations arrivées à échéance pendant qu'il siégeait au conseil d'administration, mais aussi du dommage représenté par les cotisations qui auraient dû être payées avant le 20 janvier 2016. En l'espèce, le dossier ne comporte toutefois pas assez d'informations pour déterminer si au moment de l'entrée de l'intéressé au conseil d'administration, l'actif social ne couvrait déjà plus les dettes et qu'il y aurait eu ainsi, le 20 janvier 2016, un dommage préexistant au sens de l'art. 52 aLAVS.

13.    Au vu de ce qui précède, on ne saurait considérer, en l'état de l'instruction du dossier, que le recourant voie sa responsabilité engagée pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations se rapportant à la période comprise entre l'année 2014 et le 19 janvier 2016. Aussi incombera-t-il à l'intimée de déterminer
si la société était déjà insolvable au moment où le recourant en est devenu l'administrateur.

14.    Il convient enfin d'examiner le grief du recourant quant au montant du dommage allégué en lien avec le défaut de paiement des cotisations à l'assurance-maternité cantonale.

Dans un arrêt de principe du 31 janvier 2020, la chambre de céans a rappelé que la responsabilité des organes de l'AVS, au sens de l'art. 49 LAVS, est réglée à
l'art. 78 LPGA, ainsi qu'aux art. 52, 70 et 71a LAVS, qui s'appliquent par analogie. Elle a ensuite constaté que la loi genevoise instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption (LAMat - RSG J 5 07) ne reprend pas la responsabilité prévue à l'art. 52 aLAVS et ne prévoit pas non plus l'application de cette loi par analogie. En renvoyant uniquement à la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG - RS 834.1), et plus précisément - mais certes non exclusivement - à des dispositions sans lien avec la responsabilité de l'employeur, la LAMat n'évoque ni la responsabilité de l'employeur, ni même les dispositions matérielles de la LAVS, de sorte qu'elle ne satisfait pas aux exigences découlant du principe de la légalité, notamment en matière de précision et de prévisibilité, et dont le respect doit être apprécié avec rigueur, dès lors que la condamnation à la réparation du dommage résultant
du défaut de paiement des cotisations sociales constitue une mesure incisive (ATAS/79/2020 du 31 janvier 2020).

Il s'ensuit que même si à l'issue de l'instruction complémentaire ordonnée, la responsabilité du recourant au sens de l'art. 52 aLAVS était établie pour tout ou partie du dommage, il n'existerait pas de base légale suffisante pour rechercher ce dernier pour le préjudice résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat.

15.    Eu égard à ce qui précède, le recours est partiellement admis, et la cause sera renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouveau calcul du dommage excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, puis nouvelle décision.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, l'intimée lui versera un montant de CHF 2'000.- à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

*****

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimée du 22 octobre 2020.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire, nouveau calcul du dommage puis nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l'intimée à verser CHF 2'000.- au recourant à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le