Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/428/2025 du 15.04.2025 sur JTAPI/1125/2024 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2325/2024-PE ATA/428/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 15 avril 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et leurs enfants mineurs C______ et D______ : recourants
représentés par Me Mevlon ALIU, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 novembre 2024 (JTAPI/1125/2024)
A. a. A______, né le ______ 1984, son épouse, B______, née le ______ 1987, et leurs enfants C______ et D______, nés respectivement les ______ 2015 et ______ 2018, sont ressortissants du Kosovo.
b. Entre 2011 et 2013, A______ a fait l’objet de quatre condamnations pour entrées et séjours illégaux.
c. Il a par ailleurs fait l’objet de deux décisions d’interdiction d'entrée en Suisse, notifiées le 25 septembre 2012, valables respectivement du 21 septembre 2010 au 22 septembre 2013 et du 22 septembre 2013 au 21 septembre 2016.
d. Fin décembre 2018, il a adressé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour, indiquant séjourner à Genève depuis 2008 tandis que son épouse et C______ l’y avaient rejoint courant 2016. D______ était né à Genève.
Il a notamment joint un formulaire M, un formulaire de demande Papyrus, une copie de son bail, un extrait de casier judiciaire, une attestation de l'Hospice général, un extrait du registre des poursuites, un contrat de travail 2018 auprès de E______, des attestations de travail, des quittances d'achats d'abonnements Unireso/CFF (dès novembre 2016), des fiches de salaire de F______ de 2017, novembre 2018 ainsi que deux attestations non datées d’G______, l’une indiquant l’avoir employé en 2013, 2014 et 2015 et l’autre de 2014 à 2016.
e. Faisant suite à une demande de l’OCPM, il lui a transmis des formulaires M, des attestations de non-poursuites et de l’Hospice général actualisées, des justificatifs de langue, une attestation de scolarité pour C______, des fiches de salaires 2015 d’H______, une attestation RIA illisible et des documents des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) faisant état de consultations de B______ en septembre 2017, février et avril 2018.
f. Le 12 mai 2020, l'OCPM a dénoncé A______ au Ministère public pour des soupçons portant sur les documents établis par H______ et G______, lesquelles apparaissaient dans de nombreux dossiers Papyrus. Les taux de cotisations figurant sur les décomptes salaires établis par H______ étaient par ailleurs erronés.
g. Le 17 juin 2021, A______ a demandé un visa afin de pouvoir rendre visite à ses parents et sa famille au Kosovo.
h. Entendu par la police judiciaire le 18 janvier 2022, il a notamment déclaré être arrivé en Suisse en 2009. Son épouse, avec laquelle il était marié depuis 2013, était venue lui rendre visite en 2014 à Fribourg, puis elle s’était installée avec lui à Genève en 2016. Il avait vécu à Fribourg de 2009 à 2014. Lors de sa première venue en Suisse, il était resté six mois. Il était ensuite reparti au Kosovo durant trois semaines en 2010 puis était resté en Suisse trois ans sans voyager. Il était arrivé avec un visa de travail pour l’Italie mais n’y était resté que deux semaines. Il n’y avait jamais déposé de demande de permis. En 2013, il était retourné au Kosovo deux ou trois mois. En 2014, il était rentré dans son pays pour trois semaines. Ensuite, il n’avait plus voyagé jusqu’en 2021.
Il s’est expliqué de manière confuse s’agissant des documents établis par les entreprise G______ et H______.
i. Par ordonnance pénale du 19 janvier 2022, le Ministère public l’a reconnu coupable de faux dans les titres, entrée et séjour illégal, exercice d'une activité lucrative sans autorisation, comportement frauduleux à l'égard des autorités et d’infraction à l’art. 92 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).
Il lui était notamment reproché d'avoir, à Genève, dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour, donné de fausses informations notamment sur son employeur et ses années passées en Suisse, produit des documents falsifiés, notamment des certificats de travail établis par l'entreprise G______ et des certificats de salaire émis par l’entreprise H______, afin d'induire en erreur l’OCPM, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation pour lui-même.
j. Par courrier du 7 février 2024, l'OCPM a informé les époux A______ et B______ de son intention de refuser la demande de régularisation de leur séjour et de prononcer leur renvoi de Suisse. Un délai de 30 jours leur était imparti pour se déterminer.
Il était notamment fait référence à la condamnation de A______ du 19 janvier 2022 et retenu que l’intéressé ne pouvait justifier d’un séjour antérieur au 28 août 2013 et que, par la suite, la continuité de son séjour n’était pas établie. La réalité du séjour de son épouse et de ses enfants, avant le dépôt de la demande de régularisation, n’était pas non plus établie. B______ n’avait par ailleurs pas justifié du niveau A2 en français. Finalement, il n’était pas démontré qu’une réintégration au Kosovo serait problématique.
k. Dans le délai prolongé au 25 avril 2024, les époux A______ et B______ ont invité l’OCPM à réévaluer leur situation sous l’angle des art. 30 LEI et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).
La présence continue de A______ sur le territoire suisse, notamment entre 2011 et 2013, était établie par les pièces du dossier. Les relevés de transferts d'argent via RIA, qui couvraient une période du 1er janvier 2014 au 31 mai 2019 et les quittances d'abonnement aux CFF pour les années 2016 et 2017 confirmaient la stabilité et la continuité de sa résidence en Suisse les années en question. L'hospitalisation de B______ en 2017 constituait un témoignage supplémentaire de leur vie familiale ancrée en Suisse. Leurs fils étaient couverts par une assurance-maladie suisse dès 2017. Ils rappelaient les efforts d’intégration de l’épouse en matière d’apprentissage de la langue française et la très longue durée de séjour en Suisse du mari. Ce dernier exprimait ses regrets pour les fausses fiches de salaires produites. Cet élément isolé ne devrait toutefois pas constituer une base suffisante pour refuser le séjour de la famille, par ailleurs protégée par l’art. 8 CEDH. Vivant en Suisse depuis respectivement treize et huit ans, y étant parfaitement intégrés, professionnellement et socialement établis et y ayant scolarisé leurs enfants, leur réintégration au Kosovo serait extrêmement difficile et aurait de graves conséquences sur leur situation personnelle.
Ils ont notamment joint une attestation de niveau Al en français pour l’épouse, des fiches de salaires et déclarations AVS 2024 du mari, des attestations de scolarisation pour D______ et C______ et une attestation de non-poursuite actualisée.
l. Par décision du 3 juin 2024, l'OCPM a refusé la demande de régularisation des conditions de séjour de la famille A______, B______, C______ et D______ et a prononcé son renvoi de Suisse, un délai au 3 septembre 2024 lui étant imparti pour ce faire.
Les conditions de l’« opération Papyrus » respectivement des art. 30 al. l let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’étaient pas remplies, pour les motifs déjà évoqués dans son courrier d’intention.
Quand bien même la présence en Suisse de A______ serait retenue avant l'année 2013, il n'en demeurait pas moins que la période comprise tout du moins entre le 1er janvier 2015 et le 3 novembre 2016 restait à prouver, d'autant plus que C______ était né le 15 mai 2015 au Kosovo. La présence de ce dernier et de B______ pourrait être admise tout au plus en 2017, s’ils lui transmettaient la couverture d’assurance à partir de cette année-là. A______ comptabilisait moins de trois années au moment du dépôt de la demande. Il n'avait pas démontré qu'une réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, étant rappelé qu’il y avait vécu son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte, qu’il y avait suivi une école de commerce, y avait travaillé un certain nombre d'années et que ses parents ainsi que ses frères et sœurs s’y trouvaient toujours.
C______ et D______, dont il convenait de tenir compte de l’intérêt supérieur conformément à l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107), étaient âgés de 8 et 5 ans et bien que scolarisés, n'étaient pas encore adolescents. Leur intégration en Suisse n'était pas encore déterminante et leur réintégration dans leur pays d'origine ne devrait pas leur poser de problèmes insurmontables.
L'exécution de leur renvoi était possible, licite ou pouvait être raisonnablement exigée.
B. a. Par acte du 4 juillet 2024, les époux A______ et B______, agissant aussi pour leurs enfants, ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.
Ils ont repris les arguments de leurs observations du 25 avril 2024. En indiquant dans sa décision que le séjour de l’épouse avant 2017 n’était considéré comme démontré que dans le cas où une couverture d'assurance-maladie à partir de cette année-là était fournie, l’OCPM avait violé leur droit d’être entendus dès lors qu’aucun délai ne leur avait été accordé pour fournir cet élément de preuve avant le prononcé de la décision.
L’OCPM avait abusé de son pouvoir d’appréciation en niant l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, étant rappelé que la famille était parfaitement intégrée en Suisse, que ce soit sur le plan professionnel, économique ou social.
Le séjour du mari au Kosovo en mai 2016 avait pour objectif de rapatrier sa famille à Genève afin de lui offrir une vie stable en Suisse. Ses seize années passées en dehors de son pays d'origine avaient significativement rompu son intégration sociale et culturelle au Kosovo. Sa présence continue en Suisse entre 2013 et 2017 était démontrée par pièces et ses condamnations pénales, liées à son statut de séjour, ne devaient pas effacer ses efforts d'intégration et ses contributions à la société suisse.
Le retour de la famille au Kosovo entraînerait de graves conséquences personnelles, vu la durée de séjour des époux de respectivement seize et huit ans, leur parfaite intégration et les difficultés de réintégration au Kosovo.
Ils ont joint un chargé de pièces, dont une attestation de subside d’assurance‑maladie 2018 pour C______ du 25 octobre 2018, mentionnant un début de droit le 1er mars 2018, des décomptes de primes 2018 et des cartes d’assurances pour B______ et ses fils, sans indication quant au début de leur affiliation.
b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Dans leur réplique, les intéressés ont insisté sur le fait que la condamnation du mari, liée à son statut de séjour, ne devait pas occulter son intégration réussie. Sa présumée interruption de séjour entre janvier 2015 et novembre 2016, retenue par l’OCPM, reposait sur une mauvaise interprétation des faits. Il s’était brièvement rendu au Kosovo afin de rapatrier sa famille. Les pièces produites démontraient la présence de l’épouse avant 2017 déjà. Celle de C______ était admise dès 2017. Vu l’intégration de la famille et la scolarisation des enfants, un renvoi serait disproportionné et contraire à la CEDH.
d. Par jugement du 12 novembre 2024, le TAPI a rejeté le recours.
Le droit d’être entendu des administrés avait pleinement été respecté. Le requérant avait été condamné pour autre chose que son séjour et travail illégaux. Par ailleurs, il n’avait pas séjourné de manière continue pendant dix ans en Suisse. Il ne remplissait ainsi pas les conditions de l’« opération Papyrus ».
Aucun membre de la famille ne remplissait non plus les critères permettant d’admettre l’existence d’un cas d’extrême gravité. Enfin, en l’absence d’une intégration exceptionnelle, la relative longue durée de séjour des époux A______ et B______en Suisse ne permettait pas de bénéficier de la protection de l’art. 8 CEDH.
C. a. Par acte expédié le 16 décembre 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______, agissant pour eux-mêmes et leurs fils, ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation. Ils ont conclu à l’octroi d’une autorisation de séjour, principalement au titre de l’« opération Papyrus », subsidiairement au titre du cas d’extrême gravité.
Le mari vivait en Suisse depuis 2008. L’épouse y séjournait depuis novembre 2017, ce que l’OCPM avait admis devant le TAPI. Le revenu brut du recourant de CHF 5'527.80 par mois, réalisé en tant que ferrailleur, lui permettait de subvenir aux besoins de la famille. Les recourants ont repris les arguments déjà exposés, soulignant leur intégration. Les condamnations pour séjour et travail illégal, les transferts d’argent et les autres documents produits attestaient de la présence continue du recourant en Suisse depuis 2008.
L’OCPM avait violé leur droit d’être entendus en ne leur laissant pas un délai suffisant pour produire toute pièce établissant le séjour continue en Suisse de la recourante et son fils aîné depuis novembre 2017.
Les démarches, maladroites, entreprises par le recourant pour régulariser sa situation, même si elles lui avaient valu une condamnation, procédaient d’une bonne intention. Elles témoignaient de sa volonté de sortir de la précarité et la clandestinité. Les art. 8 CEDH et 3 CDE étaient violés.
b. Les recourants ont encore produit un extrait de compte individuel concernant le recourant, établissant des cotisations auprès de la caisse de compensation durant toutes les années 2020, 2022 et 2023 ainsi que de mai à novembre en 2021.
c. L’OCPM a conclu au rejet du recours.
d. Dans leur réplique, les époux ont insisté sur la démonstration faite par pièce de la durée de séjour du recourant, la parfaite intégration de la famille, les difficultés de réintégration que les enfants rencontreraient et le caractère disproportionné du renvoi.
e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Les recourants concluent à l’octroi de l’effet suspensif. L’OCPM n’ayant pas déclaré sa décision immédiatement exécutoire, l’effet suspensif découle de la loi (art. 66 al. 1 LPA), de sorte que ce chef de conclusions est sans portée.
3. Les recourants reprochent à l’OCPM d’avoir violé leur droit d’être entendu.
3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas l’autorité de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).
3.2 En l’espèce, il n’apparaît pas que l’OCPM n’aurait pas laissé suffisamment de temps aux recourants pour produire toutes pièces utiles relatives à la date d’arrivée en Suisse de la recourante. Au contraire, cet office a prolongé le délai qu’il leur avait imparti, afin précisément de respecter leur droit d’être entendus. Le reproche n’est ainsi pas fondé. Par ailleurs, les recourants ont pu également devant le TAPI apporter toute pièce qui leur paraissait utile et faire valoir leurs arguments. En ce qui concerne plus particulièrement la date d’arrivée en Suisse de la recourante et de son fils aîné, celle retenue par le TAPI, à savoir au plus tôt 2016, va dans le sens des recourants, de sorte qu’en toute hypothèse une éventuelle violation du droit d’être entendu commise par l’OCPM serait réparée.
Le grief sera donc rejeté.
4. Les recourants soutiennent qu’ils remplissent les conditions de l’« opération Papyrus », subsidiairement celles d’un cas d’extrême gravité.
4.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit
4.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI. Elle permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.
4.3 L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).
4.4 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).
4.5 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).
La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).
4.6 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » (disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).
L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).
Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).
4.7 L'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, lorsque l'étranger établit l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266).
4.8 L’art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, (CDE - RS 0.107) ne fonde pas une prétention directe à l’octroi ou au maintien d’une autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2021 du 2 février 2022 consid. 3.7).
4.9 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.
4.10 En l’espèce, le recourant, qui a été condamné pour comportement frauduleux à l'égard des autorités pour avoir, dans le cadre de sa demande d'autorisation de séjour, donné de fausses informations en produisant des documents falsifiés, à savoir des certificats de travail établis par l'entreprise G______ et des certificats de salaire émis par l’entreprise H______, afin d'induire en erreur l’OCPM, ne remplissait pas une des conditions spécifiques à l’« opération Papyrus ». Contrairement à ce qu’il soutient, cette condamnation n’est pas liée à son statut de clandestin. En outre, le recourant n’a pas respecté les deux interdictions d’entrée prononcées à son encontre. Il ne peut ainsi se targuer d’une intégration sociale réussie, n’ayant, à plusieurs titres, pas respecté l’ordre public suisse, élément au demeurant expressément requis par l’« opération Papyrus ».
Il soutient séjourner en Suisse depuis 2008. Cette durée ne peut être retenue, dès lors que si, certes, il a été condamné pour séjour illégal en janvier et juillet 2011, en décembre 2012 et en août 2013, le dossier ne comporte pas d’éléments attestant de sa présence continue en Suisse entre 2008 et 2011, ni d’ailleurs entre janvier 2015 et novembre 2016. Même s’il convenait d’admettre que le recourant séjourne en Suisse depuis 2008, la durée de séjour devrait être relativisée au regard du fait qu’il a été effectué dans l’illégalité.
Cela étant, le recourant ne remplit pas les conditions permettant de retenir l’existence d’un cas de rigueur. Comme déjà évoqué, il ne peut se prévaloir d’une intégration sociale remarquable, quand bien même il est financièrement indépendant, ne fait pas l'objet de poursuites et n’a pas recouru à l’aide sociale. Il ne soutient pas non plus avoir noué à Genève des liens affectifs ou amicaux d’une intensité telle qu’il ne pourrait les poursuivre par le biais de moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Il ne fait pas non plus valoir qu’il s’investirait d’une quelconque manière dans la vie associative, sportive ou culturelle à Genève.
Il n’est pas contesté qu’il a œuvré à Genève en tant que ferrailleur. Cette activité ne présente toutefois pas un degré de réussite tel qu’il ne pourrait être exigé de sa part de la poursuivre dans son pays d’origine. Au contraire, il apparaît que le recourant pourra, en cas de retour dans son pays, mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances de la langue française acquises durant son séjour en Suisse. Le recourant indique avoir quitté le Kosovo en 2008 alors qu’il était âgé de 24 ans. Il y a donc passé son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte. Il connaît donc les us et coutumes de son pays et en parle la langue. Il y est régulièrement retourné, y ayant conservé des liens affectifs forts, y ayant rencontré son épouse, et son premier enfant y est né. Le recourant est en bonne santé. Ainsi, quand bien même après plusieurs années passées à l’étranger, il traversera à son retour dans son pays une nécessaire phase de réadaptation, sa réintégration socio‑professionnelle ne paraît pas gravement compromise.
Il ne peut non plus être retenu que la recourante aurait fait preuve d’une intégration remarquable. En effet, elle ne s’est pas intégrée professionnellement, n’exerçant aucune activité professionnelle. Elle démontre avoir, uniquement à l’oral, les connaissances linguistiques au niveau A1, soit le niveau débutant, alors qu’elle soutient séjourner en Suisse depuis plus de sept ans. Elle ne fait pas non plus valoir s’être investie dans la vie associative ou culturelle à Genève. Son intégration socio‑professionnelle est donc faible.
Arrivée selon ses allégations en Suisse en 2017, alors âgée de 30 ans, elle a passé toute son enfance, son adolescence et une partie importante de sa vie d’adulte au Kosovo. Elle ne devrait ainsi rencontrer aucun problème à se réintégrer dans son pays d’origine.
C______, qui fêtera prochainement ses 10 ans, n’est pas encore entré dans l’adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité. S’il s’est certainement constitué un cercle d’amis à Genève où il est scolarisé depuis l’âge de 4 ans et devra fournir un effort de réintégration lors de son renvoi, aucun élément ne permet de considérer que cet effort serait insurmontable. Il est rappelé qu’il retournera dans son pays d’origine en compagnie de ses parents et de son petit frère et y retrouvera une partie de la famille de ses parents. Dans ces circonstances, sa réintégration ne paraît pas gravement compromise.
Il en va de même de celle de D______, désormais âgé de près de 7 ans. Au vu de son jeune âge, il reste encore fortement attaché, par le biais de ses parents, à son pays d’origine. Son intégration en Suisse n’est, compte tenu de son âge, pas encore tellement profonde que son intégration au Kosovo puisse être considérée comme insurmontable.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’OCPM n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que les recourants ne remplissaient pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.
5. Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.
5.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).
5.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour aux recourants, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Les recourants n’invoquent aucun élément permettant de retenir que leur renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
6. Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants et aucune indemnité ne leur sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 16 décembre 2024 par A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et leurs fils C______ et D______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 novembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de B______ et A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Mevlon ALIU, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.