Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/375/2025 du 02.04.2025 sur JTAPI/259/2025 ( MC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/727/2025-MC ATA/375/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 2 avril 2025 en section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Clara POGLIA, avocate
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mars 2025 (JTAPI/259/2025)
A. a. A______, né le ______ 1990, originaire du Maroc, a fait l’objet de condamnations pénales en Suisse, notamment :
- par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève (ci-après : MP) du 23 février 2015 pour rixe (art. 133 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0) ;
- par jugement du Tribunal correctionnel de Genève du 2 mai 2016, notamment pour dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), violation de domicile (art. 186 CP), vol par métier (art. 139 ch. 2 CP), entrée illégale au sens de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ;
- par arrêt de la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice de Genève (ci-après : CPAR) du 15 août 2022, sous l'alias de B______, pour vol et tentative de vol, injure, dommages à la propriété, violation de domicile et faux dans les certificats.
b. Il a fait l’objet d’une expulsion pénale de Suisse d’une durée de cinq ans prononcée par l’arrêt précité de la CPAR.
c. Une interdiction d'entrée en Suisse a été prononcée à son encontre par le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) le 25 septembre 2018, notifiée le 25 novembre 2021, valable jusqu’au 24 septembre 2025.
B. a. Le 17 décembre 2024, démuni de document d'identité valable, prétendant s’appeler B______ et être né en Algérie, A______ a été arrêté à la suite d’un contrôle d’identité effectué par l'office fédéral de la douane et de la sécurité aux frontières (ci-après : OFDF).
b. Entendu par la police, A______ a reconnu qu’il se savait faire l’objet d'une expulsion du territoire Suisse, ainsi que d’une interdiction d'entrée, toutes deux dûment notifiées. Il revenait de chez une amie aux Eaux-Vives et se rendait chez lui, au n° C______, à D______, en France. Il travaillait dans le domaine du bâtiment, en France. Il avait « commencé à mettre de l'argent de côté pour préparer son retour en Algérie ». Il y pensait « de plus en plus », mais ne souhaitait pas prendre l'engagement de contacter dans les dix jours l’ambassade ou le consulat de son pays d'origine afin de rendre possible son retour. Toute sa famille habitait en Algérie.
c. Sur requête de la Brigade genevoise migration et retour, l’OFDF a indiqué que l’intéressé était totalement inconnu en France.
d. Le 18 décembre 2024, le MP a condamné A______ par ordonnance pénale pour infractions à la LEI et pour rupture de ban (art. 291 CP), puis l’a remis en mains des services de police.
C. a. Le 18 décembre 2024, à 16h25, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre d’A______ pour une durée de trois mois : il avait franchi la frontière malgré une interdiction d'entrée et une expulsion et avait été condamné pour vol, infraction constitutive de crime. Un vol pour le Maroc était en cours d’organisation, l’intéressé ayant été identifié par les autorités de ce pays le 26 juin 2023 comme étant citoyen marocain.
Au commissaire de police, A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi, expliquant qu'il suivait un traitement médical pour des douleurs à l'estomac.
b. Lors de l'audience du 20 décembre 2024 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), A______ a précisé qu’il s’appelait B______, originaire d’Algérie. L’identité d’A______ découlait d’un faux permis de conduire qu’il avait présenté à la police à la fin de l’année 2021. Les autorités policières n’avaient d’ailleurs pas trouvé trace d’une personne s’appelant A______ en France où il vivait. Il avait signalé, lors de son audition par le commissaire de police, qu’un renvoi forcé « pourrait mal finir », étant donné qu’il avait une fragilité du radius droit. Il était en traitement médical en raison d’une infection bactérienne de l’estomac. Ce traitement avait été interrompu lors de son interpellation et devait être recommencé, sous peine d’une opération chirurgicale. Il avait également suivi des traitements psychiatriques et avait fait des malaises lors de son incarcération à Champ-Dollon. Il avait suivi ces traitements médicaux en Suisse.
c. Par jugement du 20 décembre 2024, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 17 mars 2025 inclus.
D. a. Par requête du 3 mars 2025, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de deux mois.
b. Lors de l'audience du 11 mars 2025 devant le TAPI, A______ a confirmé qu’il n’était pas d'accord de repartir au Maroc pour des questions médicales. Il a déposé une radiographie de son coude réalisée en 2020. Il était tombé le 28 février [recte : janvier] 2025 dans les escaliers dans l’établissement de détention de FAVRA (ci‑après : FAVRA) et s’était blessé au coude. Il devait suivre 45 séances de physiothérapie à Genève, prescrites par un spécialiste orthopédique des HUG, mais n’avait pas pu les commencer, ayant été transféré au centre de détention de Sion le 28 février 2025.
Il ne souhaitait pas repartir au Maroc mais dans un autre pays, par exemple la France même s’il n'y avait pas d'autorisation de séjour. Il n’avait pas de domicile à Genève mais avait une adresse en France, à la E______ à F______ chez un de ses amis, G______.
Il était opposé à son renvoi et ne monterait pas à bord du vol avec escorte policière (DEPA) à destination du Maroc prévu le 18 mars 2025.
Étant donné qu'un laissez-passer avait été délivré par les autorités marocaines, il allait contacter son ambassade afin d'expliquer sa situation. Il avait demandé à son avocat de déposer une demande de mise en liberté mais ce dernier ne l'avait pas fait. Il avait demandé à son avocat de déposer plainte pénale contre FAVRA, mais il ignorait si des démarches avaient été entreprises.
La représentante de l'OCPM a déposé copie de l’attestation médicale de l'OSEARA du 28 janvier 2025 concernant l'aptitude d’A______ à voyager ainsi qu'une copie du laissez-passer délivré par les autorités marocaines. Vu la blessure de l'intéressé au coude, il était possible que les autorités suisses demandent une mise à jour de l'attestation médicale d'aptitude au voyage. A______ poursuivrait sa détention administrative à Frambois et pourrait avoir accès au service médical à sa demande.
Le conseil de l'intéressé a confirmé qu’il n’avait pas déposé de plainte pénale contre l’établissement de FAVRA.
c. Par jugement du 13 mars 2025, le TAPI a prolongé la détention administrative d’A______ jusqu’au 17 mai 2025 inclus.
Il n'y avait pas lieu d'examiner la légalité de la détention administrative, cette question ayant été tranchée par le TAPI dans son précédent jugement, lequel n’avait pas fait l’objet d’un recours et les circonstances n'ayant pas changé.
Lors de l’audience du 11 mars 2025, l’intéressé avait répété qu’il refusait d’être renvoyé au Maroc et qu’il s’opposerait à son renvoi prévu par vol avec escorte policière le 18 mars 2025, ce qui confirmait le pronostic particulièrement défavorable de l'existence de garanties suffisantes qu'il prêterait son concours à l'exécution de son renvoi. La détention administrative demeurait la seule mesure apte à garantir ce dernier. L'intérêt public à son départ n'avait pas disparu.
Les autorités avaient par ailleurs continué à agir avec diligence et célérité en vue d’exécuter le renvoi du recourant. À la suite du rapport établi le 28 janvier 2025 par le médecin délégué par l'OSEARA, les autorités suisses avaient organisé un vol avec escorte policière le 18 mars 2025 et obtenu un laissez-passer des autorités marocaines.
Enfin, la durée de la détention administrative respectait les dispositions légales.
Une inexigibilité du renvoi pour raisons de santé ne pouvait pas être retenue à ce stade. Le rapport de l'OSEARA établi le 28 janvier 2025, produit lors de l'audience du 11 mars 2025, n'excluait pas l'exécution du renvoi par avion et ne prévoyait aucune assistance médicale particulière durant le transport. En ce qui concernait la blessure dont il indiquait souffrir à la suite d’une chute à FAVRA le 28 février [recte : janvier] 2025, aucune pièce n’avait été produite attestant des éventuelles lésions subies et des traitements prescrits – notamment les 45 séances de physiothérapies – pas plus que des éventuelles restrictions à voyager qui auraient été portées à sa connaissance par un médecin. Au demeurant, si un doute sur l'aptitude à être transporté du recourant devait survenir avant la date de son départ, un examen médical serait ordonné. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permettait de retenir que les médicaments qui lui auraient été prescrits ou les séances de physiothérapie ne seraient pas disponibles au Maroc, pays au demeurant doté d'un système d'assurance-maladie qui prenait en principe en charge les frais des soins indispensables des personnes démunies et non assurées.
E. a. Par courrier du 20 mars 2025, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la cour de justice (ci-après : la chambre administrative). À la suite de l’audience du 11 mars 2025 devant le TAPI, il souhaitait changer d’avocat.
b. Dans le délai accordé au nouveau mandataire pour compléter le recours, A______ a conclu à l’annulation du jugement et à sa libération immédiate, subsidiairement conditionnée à une obligation de s’annoncer quotidiennement auprès de l’autorité. Plus subsidiairement, il devait être constaté que la détention au sein de l’établissement de l’aéroport de Zurich était inadéquate et son transfert dans celui de Frambois devait être ordonné.
Il présentait une fragilité du radius droit datant de 2020, comme en attestait le docteur H______. Il produisait une radiographie réalisée à l’hôpital de Sion le 23 février 2025 à la suite de sa chute à FAVRA. Cet accident avait causé une fracture du radius proximal du coude droit et des séances de physiothérapie avaient été prescrites par un spécialiste orthopédique des HUG. Son dossier médical se trouvait toutefois dans ce dernier établissement. Son coude était complètement bloqué.
Il souffrait par ailleurs d’une infection bactérienne de l’estomac, selon le document d’OSEARA du 28 janvier 2025.
À ce tableau s’ajoutaient des syncopes vasovagales.
Des troubles anxieux lui avaient été diagnostiqués. Il suivait un traitement à base d’antidépresseurs, d’anxiolytiques et de médicaments contre la schizophrénie, ce que l’attestation d’OSEARA du 28 janvier 2025 évoquait.
Il critiquait les conditions de détention dans le centre sédunois où il avait été placé le 31 janvier 2025. Le 20 mars 2025, il avait été transféré à l’établissement de détention administrative de l’aéroport de Zurich, lequel n’avait pas mis en œuvre les mesures nécessaires pour lui fournir les soins adaptés à sa blessure au coude. Il n’avait bénéficié d’aucune séance de physiothérapie alors que cela lui avait été prescrit. Son transfert à Frambois devait être ordonné.
Il y avait pénurie de personnel médical et en particulier de psychiatres et de psychologues au Maroc. En matière de santé mentale, les moyens des établissements publics étaient insuffisants et les consultations dans les cabinets privés onéreuses.
Son renvoi n’était pas exécutable vu ses nombreux problèmes médicaux, tant psychiques que physiques.
Seule une remise en liberté, couplée à des mesures thérapeutiques et à l’obligation de s’annoncer tous les jours auprès de l’autorité pourrait remplir le but recherché par la mise en détention administrative tout en respectant le principe de la proportionnalité.
Il a joint une « feuille de synthèse » du Dr H______ du 30 janvier 2025, une radiographie du 23 février 2025, le rapport d’OSEARA, une photographie d’un bras droit en attelle, deux rapports de prise en charge aux urgences pour une suspicion de gastrite avec notion anamnestique d’hématémèse pour la consultation du 19 février 2025 et pour un malaise orthostatique sur grève de la faim pour celle du 23 février 2025, une « recherche rapide de l’analyse-pays de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (ci-après : OSAR) du 8 janvier 2016 concernant le Maroc ainsi qu’un article du « Courrier international » du 29 novembre 2022 sous le titre « La santé mentale, un enjeu oublié au Maroc ».
c. L’OCPM a conclu au rejet du recours. Aucun des problèmes de santé du recourant n’était de nature à mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique en cas de renvoi. Les traitements médicaux étaient disponibles au Maroc. L’exécution du renvoi ne pourrait en tous les cas intervenir qu’après une analyse médicale.
Un courriel de la brigade de gendarmerie migration et retour (ci-après : BMR) du 27 mars 2025 confirmait qu’un vol DEPA était en cours d’organisation.
d. Par pli du 31 mars 2025, le recourant a indiqué persister dans ses conclusions.
e. Sur ce, les parties ont été informés que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10).
2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 24 mars 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.
À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2e phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1re phr.).
3. Le recourant ne conteste pas, à juste titre, qu'il existe, dans son cas, un motif de détention administrative en vue du renvoi au sens de l'art. 76 LEI.
En l'occurrence, la détention administrative du recourant - qui a fait l'objet d'une décision d’interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 24 novembre 2025, puis d'une décision d'expulsion pénale pour une durée de 5 ans rendue le 15 août 2022 - est fondée sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 let. a, c et h LEI, lesquels visent notamment la personne qui franchit la frontière malgré une interdiction d’entrée en Suisse et ne peut être renvoyée immédiatement (let. c) ou a été condamnée pour un crime (let. h). Les conditions pour une détention administrative sont remplies sans qu’il ne soit nécessaire d’analyser si celles de la let. a le sont également.
4. Le recourant invoque l’inexécutabilité de son renvoi.
4.1 L’art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée lorsque le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).
Selon l’art. 80 al. 4 LEI, lorsqu’elle examine la décision de détention, de maintien ou de levée de celle-ci, l’autorité judiciaire tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention.
Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui‑ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral (ci-après : ATAF) 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (ATAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).
Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).
Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).
4.2 Le médecin mandaté par le SEM pour assurer, lors du départ, la surveillance médicale en vue de l’exécution d’un renvoi ou d’une expulsion a compétence pour décider si une personne est médicalement apte à être transportée dans le cadre de l’exécution d’un renvoi ou d’une expulsion (art. 15p de l’ordonnance sur l’exécution du renvoi et de l’expulsion d’étrangers, du 11 août 1999 [OERE - RS 142.281])
Le médecin visé à l’art. 15p OERE communique sans délai aux services visés à l’art. 71b al. 1 let. a et b LEI sa décision concernant l’aptitude au transport et les informations nécessaires à l’organisation du départ (art. 15r OERE).
4.3 En l’espèce, si certes le recourant n’est pas en excellente santé, les affections médicales qu’il présente ne sont pas d’une gravité telle qu’elles seraient de nature à mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique. Ni les suites de son accident au coude droit, ni les problèmes d’estomac, ni même les problèmes psychiques n’impliquent un risque réel d'être exposé à un déclin grave en cas de retour dans son pays, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie au sens de la jurisprudence précitée.
Par ailleurs, les traitements médicaux sont disponibles au Maroc, quand bien même certains peuvent être plus difficiles ou longs à obtenir, notamment en matière de consultations psychiatriques et que le personnel médical serait en nombre insuffisant.
Enfin, l’exécution du renvoi ne pourrait en tous les cas intervenir qu’après une analyse médicale conformément aux art. 15 let. p et r OERE.
Le grief sera donc rejeté.
5. Le recourant se plaint de ses conditions de détention.
5.1 L'autorité judiciaire chargée du contrôle de la décision de détention administrative doit examiner notamment les conditions d'exécution de la détention (art. 80 al. 4 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_37/2011 du 1er février 2011 consid. .2 ; 2C_128/2009 du 20 mars 2009 consid. 3.2 ; 2C_169/2008 du 18 mars 2008 consid. 4.3).
5.2 Selon l’art. 81 LEI, intitulé « conditions de détention », l’étranger en détention peut s’entretenir et correspondre avec son mandataire, les membres de sa famille et les autorités consulaires (al. 1). La détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission (al. 2).
5.3 La rétention et la détention sont exécutées dans un établissement fermé, à l'intérieur duquel la liberté de circulation est garantie dans les limites imposées par la gestion d'une structure communautaire. Selon l'art. 12a LaLEtr, les conditions d’exécution de la détention sont régies par le chapitre troisième du concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA - F 2 12, conclu entre les cantons de Vaud, Neuchâtel et Genève.).
5.4 Le détenu a droit au respect et à la protection de sa dignité, de son intégrité physique et psychique et de ses convictions religieuses (art. 14 al. 1 CEDA) et l’exercice de ses droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté, par les exigences de la vie collective dans l’établissement ou par le fonctionnement normal de l’établissement (al. 2).
5.5 Aux termes de l’art. 30 al. 1 CEDA, les cantons concordataires disposent des établissements suivants pour l’exécution de la détention administrative des étrangers : le ou les établissements gérés par la fondation concordataire (let. a) ; le ou les établissements gérés par l’un des cantons concordataires, reconnus par la Conférence (let. b). Selon l’al. 2, la reconnaissance (au sens de la lettre b ci-dessus) est décidée par la Conférence en considération du respect par l’établissement cantonal des conditions matérielles et des exigences qualitatives applicables à la détention administrative. Elle peut être assortie de conditions ou être limitée dans le temps.
5.6 En l’espèce, le recourant ne conteste pas les soins médicaux reçus dans le canton de Genève. Il critique leur absence dans les établissements sédunois et zurichois. Il ressort toutefois des pièces produites un rapport médical de l’hôpital de Sion le 19 février 2025 ainsi qu’une radiographie de son coude prise le 23 février 2025. Les griefs d’une non prise en charge médicale par le centre de détention sédunois sont en conséquence dénués de fondement. De même, le recourant a été transféré à Zurich, selon ses dires, le 20 mars 2025. Ses critiques à l’encontre de l’établissement suisse alémanique ont été formulées le 26 mars 2025, soit moins d’une semaine après son arrivée, sans qu’il ne soit allégué que son état de santé aurait nécessité des soins urgents pendant les six jours en question, et que l’établissement n’y aurait pas donné suite. Dans sa réplique du 31 mars 2025, le recourant s’est limité à maintenir ses conclusions, n’émettant alors aucune critique spécifique sur une non-prise en charge de son état de santé.
Enfin, comme relevé à juste titre par le TAPI, la nécessité d’avoir 45 séances de physiothérapie tel qu’allégué par le recourant ne ressort d’aucune pièce au dossier, leur nombre apparaissant pour le surplus relativement élevé. Le fait que cette prescription se trouverait dans son dossier médical aux HUG ne suffit pas pour pouvoir considérer que ce fait est établi, en l’absence de toute copie de ce document et même de toute mention d’une telle prescription sur les pièces médicales produites, y compris le certificat du Dr H______ du 30 janvier 2025.
Le grief sera écarté.
6. Dans un dernier grief, le recourant se plaint d’une violation du principe de la proportionnalité, souhaitant pouvoir suivre les séances de physiothérapie ce qui impliquerait, selon lui, d’être mis en liberté, éventuellement avec une obligation de se présenter quotidiennement à l’autorité.
6.1 Traditionnellement, le principe de proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/1102/2021 du 19 octobre 2021 consid. 4e).
6.2 La détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (art. 79 al. 1 LEI) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente et que l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 LEI).
6.3 En l’espèce, la prolongation de la détention est une mesure apte à atteindre le but d’intérêt public consistant en l’exécution des décisions de justice, singulièrement l’exécution du renvoi du recourant. Elle est nécessaire pour ce faire, le recourant ayant à plusieurs reprises manifesté son irrespect de l’ordre juridique suisse, qu’il s’agisse de condamnations pénales ou de violation de l’interdiction d’entrée en Suisse. Il a de même manifesté à plusieurs reprises son refus d’être renvoyé au Maroc. Dans ces conditions, aucune mesure moins incisive que la mise en détention n’est suffisante pour garantir sa présence lors du prochain vol DEPA sur lequel une place lui sera réservée. Ainsi, si l’intérêt du recourant à recouvrer sa liberté personnelle est grand, l’intérêt public précité doit primer. Enfin, il n’a pas établi ni même rendu vraisemblable que les soins nécessaires au recourant ne pourraient lui être administrés que s’il était libéré.
La durée de la prolongation de la détention de trois mois n’est pas contestée. Elle est conforme à l’art. 79 LEI.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
7. La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 21 mars 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mars 2025 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Clara POGLIA, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à l'établissement de détention administrative de l'aéroport de Zurich (Flughafengefängnis), pour information.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
B. SPECKER
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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