Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/127/2025 du 28.01.2025 ( FPUBL ) , REFUSE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/4012/2024-FPUBL ATA/127/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 28 janvier 2025 sur effet suspensif
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Mathieu JACQUERIOZ, avocat
contre
HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Véronique MEICHTRY, avocate
Attendu, en fait, que A______, né le ______ 1966 travaille aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) depuis le 1er avril 2014, d’abord exclusivement au bénéfice de contrats de droit privé, puis, dès le 1er mars 2015, en qualité d’employé des HUG et parallèlement par des contrats de droit privé, et enfin, dès le 13 septembre 2016, pour les HUG en qualité d’employé, au poste d’adjoint scientifique au sein du service des spécialités psychiatriques (ci-après : SSP), puis, dès le 4 avril 2017 et avec effet au 1er avril 2015, en qualité de fonctionnaire à ce même poste ; dès le 1er décembre 2021, A______ a augmenté son taux d’activité à 60% ; le 7 septembre 2022, les HUG l’ont autorisé à exercer une activité accessoire en qualité d’adjoint scientifique auprès de l’Université de Genève à un taux de 10% et pour une durée limitée d’un an ; en dernier lieu il était employé à 60% par les HUG et 40% par l’Université de Genève ;
qu’au cours d’un entretien de service du 15 août 2024 conduit par écrit, les HUG ont reproché à A______ d’avoir tenu, lors d’une altercation le 22 mars 2024, des propos inacceptables à l’égard de sa collègue B______ ; les entretiens conduits à la suite de cette altercation avaient révélé qu’il avait eu à d’autres occasions des attitudes et des propos à caractère sexuel, homophobe ou raciste et un comportement globalement inadéquat sur le lieu de travail, fait d’insultes, de remarques désobligeantes, avec une augmentation du type et de la fréquence des propos déplacés depuis 2020 environ ;
que le 30 septembre 2024, A______ a partiellement contesté le déroulement de l’altercation du 22 mars 2024 et les autres comportements qui lui étaient reprochés ; il a demandé l’accès aux procès-verbaux des auditions conduites par les HUG et l’audition de témoins ; il était bisexuel et avait été dénigré sur le lieu de travail ; il militait au sein d’associations juives pour l’inclusion de la cause LGBT ;
que par décision du 29 octobre 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, les HUG ont résilié les rapports de service de A______ avec effet au 28 février 2025 – reporté au 31 mars 2025 en raison d’une incapacité de travail pour maladie – pour motif fondé, en raison de son comportement contraire aux devoirs de service sur le lieu de travail, et en particulier une altercation avec une collègue ainsi que des allégations de propos déplacés, à caractère raciste et sexiste ;
que, par acte expédié le 29 novembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à sa réintégration ; subsidiairement, une mesure de reclassement devait lui être proposée par les HUG ; à titre préalable, l’effet suspensif devait être restitué, les HUG devaient produire l’intégralité de son dossier et tous les procès‑verbaux d’audition des collègues, et l’audition de témoins devait être ordonnée ; son droit d’être entendu avait été violé ; la décision ne décrivait pas les comportements qui lui étaient reprochés ; ses déterminations n’étaient pas même évoquées ; aucune suite n’avait été donnée à ses offres de preuve ; les procès-verbaux des auditions des collaborateurs ne lui avaient pas été communiqués ; les HUG n’avaient pas établi des manquements répétés ; aucune mesure de reclassement ne lui avait été offerte ; rien ne lui avait été proposé pour apaiser les vives tensions régnant dans son service ;
que le 20 décembre 2024, les HUG ont conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif ;
que le 20 janvier 2025, le recourant a renoncé à répliquer et persisté dans ses conclusions sur effet suspensif ;
que le 21 janvier 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;
Considérant en droit que le recours apparaît prima facie recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ;
que les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;
qu’aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).
que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024 ; ATA/25/2024 du 9 janvier 2024 consid. 4) ;
qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, p. 265) ;
que l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;
que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; qu’elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire ; que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;
que selon l’art 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), applicable aux HUG selon l'art. 1 al. 1 let. e LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé ; les modalités sont fixées à l’art. 46A du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) ;
que selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c) ;
qu’aux termes de l'art. 31 al. 3 LPAC, entré en vigueur le 11 mai 2024, si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé ou est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration ;
que la chambre de céans a jugé récemment que les règles posées par l’art. 31 LPAC étaient des règles de procédure et non de droit matériel, dès lors qu’elles lui donnaient des indications sur ses compétences procédurales pour ordonner ou uniquement proposer la réintégration dans les cas où elle aboutirait à la conclusion que la résiliation des rapports de service était injustifiée (ATA/12844/2024 du 6 janvier 2025 consid. 4.3) ; dans ce même arrêt, qui contrairement au cas faisant l’objet du présent recours concernait une décision prononcée avant l’entrée en vigueur de la novelle, la chambre de céans a retenu que l’abrogation de la compétence qui lui était jusqu’alors conférée d’ordonner la réintégration constituait une rupture par rapport au système procédural antérieur, ce qui justifiait d’appliquer l’art. 31 al. 3 LPAC dans son ancienne teneur ;
qu’en l'espèce, le recourant conclut sur effet suspensif à sa réintégration ;
que la réponse à la question de savoir si l’ancien droit de procédure s’applique ou si au contraire le nouvel art. 31 al. 3 LPAC doit s’appliquer in casu n’est pas manifeste et nécessite un examen au fond ;
que dans l’hypothèse où le nouvel art. 31. al. 3 LPAC trouverait application, la chambre de céans ne pourrait, en cas d'admission du recours, ordonner la réintégration du recourant, mais uniquement la proposer ; la restitution de l'effet suspensif, qui aurait pour effet de réintégrer le recourant pendant la durée de la procédure, irait alors au-delà des compétences de la chambre administrative, de sorte qu’elle ne pourrait pas l’ordonner ;
que cependant, en toute hypothèse, de jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées) ;
que le recourant ne démontre ni n’allègue que la décision querellée le mettrait dans une situation financière très difficile ;
qu’enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;
qu’au vu de ce qui précède, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;
qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond ;
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique la présente décision à Me Mathieu JACQUERIOZ, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Véronique MEICHTRY, avocate des Hôpitaux universitaires de Genève.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
M. MAZZA
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| le président siégeant :
i.a. C. MASCOTTO |
Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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