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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/656/2024

ATA/47/2025 du 14.01.2025 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;RÉSILIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;JUSTE MOTIF;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;FIDÉLITÉ;RELATION DE CONFIANCE;PROPORTIONNALITÉ;POUVOIR D'APPRÉCIATION;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL(DROIT PÉNAL)
Normes : Cst; Cst; Cst; LPAC.9A; LPAC.21.al3; LPAC.22; RPAC.20; RPAC.23A; RPAC.46A
Résumé : Confirmation de la résiliation des rapports de service d'une fonctionnaire pour motif fondé, en raison de violations répétées de son secret de fonction sur plusieurs années. Une ordonnance pénale la reconnaissant coupable de violation de secret de fonction et d'instigation à violation de secret de fonction a été rendue. Même en tenant compte de sa situation personnelle, de son ancienneté et de ses bons états de service, son comportement consistant, de manière répétée et pendant plusieurs années, à consulter des données confidentielles destinées uniquement à usage professionnel, et de les avoir transmis par la suite à des tiers, est de nature à rompre le lien de confiance avec son employeur. La mesure est dès lors adéquate et nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de l'administration et préserver la confiance du public à l'égard de celle-ci, à la suite de l’échec de la procédure de reclassement. Pas de violation du droit d'être entendu de la recourante sous l'angle d'obtenir une décision motivée et respect des principes de la proportionnalité ainsi que de l'égalité de traitement. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/656/2024-FPUBL ATA/47/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 janvier 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Vincent SPIRA, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1970, a été engagée le 15 mai 1996 en qualité de conseillère en placement au sein du service de placement professionnel de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE). Cet engagement a pris fin le 31 mai 2005.

b. Le 21 mai 1996, elle a, de par sa signature, certifié avoir pris connaissance de son obligation de garder le secret sur les affaires du service soit notamment de ne « donner des renseignements que dans le cadre des instructions reçues ».

c. Le 1er mai 2009, elle a été engagée en qualité de conseillère en personnel au sein du service de placement professionnel de l’OCE, lequel est rattaché au département de l’économie et de l'emploi (ci-après : le département). Le contrat mentionnait notamment que « le secret le plus absolu doit être gardé sur les affaires de service ».

d. Le 5 mai 2009, elle a signé un contrat pour l'usage de l'application B______ précisant notamment que les données personnelles enregistrées étaient classées « confidentielles et particulièrement sensibles ».

e. Le 1er mai 2011, elle a été nommée fonctionnaire.

f. Ses entretiens d’évaluation et de développement – le plus récent date du 16 novembre 2022 –, avant et après nomination, étaient positifs.

g. Depuis le 18 janvier 2023, A______ est en incapacité de travail.

B. a. Par ordonnance pénale du 2 juin 2023, le Ministère public a reconnu
A______ coupable de violation du secret de fonction et d’instigation à violation du secret de fonction.

b. Le 13 juin 2023, le Ministère public a accordé un « n’empêche » à l’inspection générale des services lui permettant de communiquer son rapport aux autorités administratives concernées afin qu’elles puissent prendre des mesures relevant de leur compétence.

c. Le 3 juillet 2023 s’est tenu un entretien de service, sous forme écrite, au cours duquel le département a informé A______ qu’il envisageait de résilier les rapports de service pour motif fondé basé sur les art. 21 al. 3 et 22 let. a et b de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Au vu des faits de la cause, le département n’envisageait pas de rechercher préalablement si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspondrait aux capacités de A______, dans la mesure où cela revenait à reporter dans un autre service le problème existant.

Les faits reprochés étaient les suivants :

-          le 26 mai 2017, elle avait utilisé les bases de données professionnelles C______ afin de rechercher l’identité d’un dénommé D______, sur demande de E______, une ancienne collègue, et lui avait indiqué qu’il ne s’y trouvait pas ;

-          le 8 août 2018, elle avait utilisé les bases de données professionnelles C______ et B______ et avait transmis les informations personnelles relatives à la famille F______, telles que la situation professionnelle et le numéro de téléphone du père GF______à « H______» et « I______» ;

-          le 29 août 2019, elle avait sollicité l’aide de son amie J______, assistante de sécurité publique (ASP) 2, afin qu’elle lui transmette des informations personnelles sur K______, étant précisé qu’une photographie de ce dernier, provenant d’une base de données L______ de la police, avait été envoyée à A______ le 17 février 2020 avec la mention « Si elle [s]ort de chez toi je suis morte et toi aussi », qu’elle l’avait transmise à son tour le 10 mars 2020 à M______et qu’elle avait effectué des recherches sur K______, soit 40 au total, à travers l’application C______ ;

-          le 14 octobre 2019, elle avait sollicité l’aide de J______ afin de faire des recherches sur N______, étant précisé qu’après lui avoir transmis des informations personnelles, J______ lui avait écrit « Écoute, je vais te donner le nom mais jure-moi de supprimer car quelqu’un s’est fait foutre dehors à cause de ça ». Ce à quoi avait répondu A______ « Oui bien entendu je supprime tout » ;

-          le 28 octobre 2019, elle avait utilisé les bases de données professionnelles B______ et avait transmis des informations personnelles sur O______, ses parents ainsi que sa sœur à P______, telles que leur lieu de séjour et leur situation professionnelle, étant précisé qu’elle lui avait également envoyé le lendemain cinq clichés des résultats de recherche en lui précisant
« Par contre la photo que je t’ai envoyée ce n’est pas moi car je peux me faire virer !!!! » ;

-          le 7 juillet 2020, elle avait utilisé les bases de données professionnelles B______ et avait transmis des informations personnelles sur
Q______, soit sa situation professionnelle, à J______ ;

-          le 2 février 2021, elle avait utilisé les bases de données professionnelles C______ et avait transmis les informations personnelles de R______, ainsi que de ses parents, telles que la situation professionnelle de la mère, à
E______, étant précisé qu’elle lui avait également envoyé un cliché des résultats de recherche.

d. Par observations du 7 août 2023, A______ a contesté le projet de résiliation pour motif fondé, considérant celui-ci comme disproportionné et a conclu subsidiairement à une procédure de reclassement.

Les faits décrits dans l’entretien de service du 3 juillet 2023 ressortaient de la procédure pénale, plus précisément de ses déclarations ainsi que de l’ordonnance pénale du 2 juin 2023.

Elle ne contestait pas les faits qui lui étaient reprochés. Elle soulignait que son contrat d’engagement indiquait que le secret le plus absolu portait sur « les affaires de service ». Or, les informations obtenues ou transmises ne concernaient pas de telles affaires, de sorte que la situation juridique n’était peut-être pas aussi claire. Elle savait avoir fauté et avait parfaitement compris qu’elle ne pouvait pas agir ainsi. Elle ne pensait pas, notamment en consultant C______, adopter un comportement illicite et commettre une violation de son secret de fonction. Sans minimiser sa faute, il convenait cependant de la relativiser. Les informations en cause avaient été utilisées à des fins privées, elle n’avait jamais failli dans la gestion de ses dossiers et n’avait jamais porté préjudice à son service et aux administrés, ni à l’État de Genève. La continuation des rapports de service n’était donc pas incompatible avec le fonctionnement de l’administration. Des sanctions moins dommageables que le licenciement pouvaient être envisagées, respectant ainsi le principe de proportionnalité.

En outre, elle œuvrait depuis plus de 25 ans au sein de l’OCE et son travail n’avait jamais été critiqué. Elle avait deux enfants dont elle assumait seule la charge financière. Elle avait également dû subir plusieurs interventions chirurgicales et souffrait d’un grave problème de santé.

Il lui était finalement concevable d’être affectée à une fonction dans laquelle elle n’avait pas accès à B______ et C______.

e. Par ordonnance pénale du 29 août 2023, rendue sur opposition, le Ministère public a reconnu A______, sur la base des faits tels que décrits par l’ordonnance pénale du 2 juin 2023, coupable de violation du secret de fonction et d’instigation à violation du secret de fonction. Il a maintenu la peine et réduit, au vu de la prise de conscience de l’intéressée, l’amende à titre de sanction immédiate.

Faute de recours contre ladite ordonnance, celle-ci est devenue définitive et exécutoire.

f. Par décision du 8 septembre 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, le département a ouvert une procédure de reclassement à l’endroit de
A______.

Elle avait pris en compte ses observations, qui n’étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de la hiérarchie, et avait relevé que les faits en cause mentionnés dans le compte rendu de l’entretien du 3 juillet 2023 n’étaient pas contestés. En outre, le fait que les informations aient été utilisées à des fins privées et sans nuire à quiconque n’était pas déterminant et ne diminuait en rien sa responsabilité. Les déclarations selon lesquelles elle ignorait agir faussement et qu’elle pensait que son comportement n’était pas illicite vu le caractère peu clair de la situation juridique contredisaient les éléments du dossier. En effet, elle avait été dûment informée de son obligation de maintenir le secret de fonction et avait déclaré lors de son audition par la police qu’elle savait y être soumise. Elle connaissait, à teneur de ses échanges avec J______, parfaitement les conséquences possibles de ses agissements, soit une résiliation des rapports de service. Même en tenant compte de sa situation personnelle, de son ancienneté et de ses bons états de service, ses manquements étaient graves. Son comportement consistant, de manière répétée et pendant plusieurs années, à consulter des données confidentielles destinées uniquement à un usage professionnel était inacceptable, nuisant gravement à la confiance que le public devait pouvoir accorder dans l’intégrité de l’administration ainsi que de ses employés, et était de nature à ébranler le rapport de confiance avec son employeur.

Les motifs évoqués lors de l’entretien de service du 3 juillet 2023 étaient dûment établis et constitutifs d’un motif fondé de résiliation.

Cependant, compte tenu des remarques de A______, soit notamment sa prise de conscience, et de la possibilité d’être affectée à une fonction dans laquelle les bases de données de B______ et C______ ne seraient pas accessibles, le département avait décidé d’ouvrir une procédure de reclassement.

g. Le 19 septembre 2023, la responsable des ressources humaines (ci-après : RH) de l’OCE a expliqué par écrit le déroulement de la procédure de reclassement et a rappelé que A______ était tenue de collaborer, qu’elle était encouragée à faire acte de candidature et qu’elle devait aussi faire des recherches de son côté.

h. Par observations du 28 septembre 2023, A______ a sollicité une prolongation supplémentaire de la procédure de reclassement de deux mois.

Son arrêt maladie ralentissait l’entier des démarches à effectuer en vue du reclassement, en particulier celles qu’elle devait réaliser elle-même. Elle avait pris note qu’elle était tenue de collaborer à la procédure en cours, qu’elle ferait acte de candidature et procéderait à des recherches de son côté, tout en rappelant que son incapacité de travail à 100% ralentissait de telles interventions, raison pour laquelle elle sollicitait une prolongation. En outre, les offres d’emploi qui lui avaient été transmises ne correspondaient pas à ses besoins et ses attentes. Elle avait deux enfants à charge qui lui imposaient un taux d’activité de 100% et un traitement en classe niveau 16. En tant que conseillère en personnel depuis 25 ans, elle excluait également tout poste d’auxiliaire et de secrétariat, indépendamment de la classe de fonction.

i. Les 22 et 29 septembre 2023 ainsi que les 6 et 13 octobre 2023, la responsable RH a adressé à A______ des offres d’emploi. Les taux d’activité variaient de 50% à 80%. La responsable RH a précisé ne pas avoir identifié de poste correspondant à son profil, à son expérience ainsi qu’à ses critères de choix. Elle a également demandé à être informée de ses diverses candidatures.

j. Un certificat de travail intermédiaire daté du 26 septembre 2023 a été remis à A______.

k. Le 3 octobre 2023, la responsable RH a sollicité le concours des autres départements de l’État de Genève afin d’étudier toute possibilité d’affectation pouvant être proposée à A______. Aucun poste correspondant à son profil n’était cependant à pourvoir.

l. Par pli du 3 octobre 2023, le département a refusé la demande de prolongation, l’incapacité de travail de A______ ne l’empêchant pas d’effectuer des démarches visant à son reclassement.

m. Le 17 octobre 2023 a eu lieu, sous forme écrite, le bilan intermédiaire de la procédure de reclassement.

n. Par observations du 24 octobre 2023, A______ a rappelé contester les conditions d’un licenciement en cas d’insuccès de la procédure de reclassement ainsi que la teneur du certificat de travail intermédiaire et a persisté à solliciter la prolongation de la procédure de reclassement.

À ces fins, deux certificats médicaux du 19 octobre 2023 établis par le docteur S______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, étaient joints. Selon ces derniers, A______ souffrait de diverses pathologies qui l’empêchaient de « fonctionner normalement ». Elle n’était, selon le médecin précité, « en aucun cas capable d’effectuer des recherches d’emploi ». Il était ainsi établi qu’elle ne pouvait collaborer, comme elle souhaitait le faire, à la recherche d’un nouvel emploi.

Son sentiment était que la procédure de reclassement n’avait pas pour finalité de lui permettre de retrouver un travail ou à tout le moins, de favoriser une telle recherche. En outre, en raison de ses charges familiales, elle ne pouvait pas se permettre d’occuper un taux d’activité inférieur à 100%.

o. Le 8 novembre 2023, la responsable RH a indiqué qu’elle avait tenu compte des critères de sélection des offres d’emploi répondant aux attentes et besoins de l’intéressée. Il n’y avait pas lieu de prolonger la procédure de reclassement au vu des certificats médicaux produits attestant de son incapacité d’effectuer des recherches d’emploi. Enfin, s’agissant du certificat de travail intermédiaire,
celui-ci ne pouvait être contesté au vu des faits de la cause.

p. Par réponse du 10 novembre 2023, A______ a précisé que les certificats médicaux du 19 octobre 2023 attestaient qu’elle n’était pas en état d’effectuer des recherches d’emploi, ce qui ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas prendre connaissance des postes qui lui étaient proposés. Elle prenait cependant note que la procédure de reclassement n’était pas prolongée, bien qu’elle le regrettait.

q. Le 16 novembre 2023, un entretien de clôture de la procédure de reclassement a eu lieu, lors duquel A______ a été informée que les démarches de reclassement n’avaient pas abouti et que l’employeur envisageait de résilier les rapports de service sur la base de l’art. 46A al. 6 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (RPAC - B 5 05.01) ainsi que les art. 21 al. 3 et 22 let. a et b LPAC.

r. Par observations du 27 novembre 2023, A______ a contesté le projet de résiliation des rapports de service, considérant celui-ci comme disproportionné. La procédure pénale avait établi sa prise de conscience et elle subissait déjà les conséquences pénales. En outre, elle œuvrait depuis plus de 25 ans au sein de l’OCE et, au vu de ses excellentes évaluations, à l’entière satisfaction de son employeur. Enfin, elle avait deux enfants dont elle assumait seule la charge financière. Elle renvoyait pour le surplus à ses courriers des 28 septembre, 24 octobre et
10 novembre 2023. S’agissant du certificat de travail intermédiaire, un courrier séparé serait adressé au département.

s. Le 6 décembre 2023, le département a requis de A______ qu’elle produise l’ensemble des éventuels autres certificats ou attestations d’incapacité de travail concernant les autres pathologies l’ayant affectée pour la période du
1er janvier au 6 décembre 2023.

t. Par pli du 22 décembre 2023, A______ a expliqué que des certificats médicaux avaient déjà été transmis par différents spécialistes, démontrant ainsi l’existence de plusieurs pathologies.

u. Par décision du 26 janvier 2024, notifiée le lendemain et déclarée exécutoire nonobstant recours, le département a résilié les rapports de service de A______ pour motif fondé avec effet au 30 avril 2024 sur la base des art. 20 al. 3, 21 al. 3 et 22 let. a LPAC.

Les motifs conduisant à la résiliation étaient connus de l’intéressée depuis l’entretien de service du 3 juillet 2023.

Lors de la décision d’ouverture de la procédure de reclassement, sa prise de conscience, son ancienneté, ses bons états de service et sa situation personnelle avaient été pris en compte, mais ils n’étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de la hiérarchie. En effet, ils ne permettaient pas de contrebalancer ses manquements, qui étaient graves et incompatibles avec le comportement attendu d’une fonctionnaire. Le fait d’avoir, de manière répétée et pendant plusieurs années, consulté à des fins privées durant son activité professionnelle les bases de données contenant des informations personnelles et sollicité ainsi que transmis à des tiers ces données couvertes par le secret de fonction était inacceptable. Ces données personnelles avaient été consultées et transmises à des tiers sans égard pour la sphère privée des intéressés et alors qu’elle connaissait parfaitement l’illégalité de ses agissements. Ses manquements avaient gravement nui à la confiance que le public devait pouvoir accorder à l’intégrité de l’administration et de ses collaboratrices et collaborateurs, en particulier en ce qui concernait la sphère privée des administrés. La rupture du lien de confiance avec son employeur était donc largement consommée.

La résiliation de ses rapports de service constituait dès lors une mesure adéquate et nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de l’administration cantonale et préserver la confiance du public à l’égard de celle-ci. Même en tenant compte de sa prise de conscience quant aux faits reprochés, son ancienneté, ses bons états de service en dehors de ces manquements et sa situation personnelle, son intérêt privé à conserver son emploi devait céder le pas à l’intérêt public. S’agissant de la procédure de reclassement, les démarches avaient été correctement menées mais n’avaient pas abouti.

C. a. Par acte déposé le 26 février 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Elle a sollicité préalablement la restitution de l’effet suspensif, la comparution personnelle des parties, la production par le département du « dossier personnel et RH » ainsi que toutes les décisions rendues par le département en lien avec des violations du secret de fonction de ces cinq dernières années. Elle a conclu principalement à l’annulation de la décision querellée et à sa réintégration.

Ses évaluations étaient élogieuses. Les extractions faites sur son téléphone portable dans le cadre de la procédure pénale n’avaient démontré aucun autre comportement critiquable de sa part. Elle avait géré de nombreux dossiers sans qu’aucune réclamation ait été formulée à son encontre. Sur le plan personnel, elle était divorcée avec deux enfants à charge. Depuis le 18 janvier 2023, elle était en incapacité de travail car elle avait subi plusieurs interventions chirurgicales et souffrait d’un grave problème de santé.

Elle invoquait tout d’abord une violation de son droit d’être entendue, car la décision litigieuse était peu motivée dès lors qu’elle ne mentionnait ni l’ordonnance rendue sur opposition du 29 août 2023, ni dans quelle mesure la procédure pénale influencerait la procédure administrative ni encore en quoi, en sus de l’ordonnance pénale rendue, la résiliation des rapports de service se justifierait au regard de sa prise de conscience et de l’intérêt public. C’était en outre à tort que le département avait indiqué qu’aucun autre certificat d’incapacité de travail n’avait été produit.

Elle contestait également l’existence d’un motif fondé justifiant la résiliation de ses rapports de service. Elle ne contestait pas les manquements qui lui étaient imputés, mais il convenait d’en relativiser la gravité au regard de la nature des informations recueillies. Elle avait honte de son comportement, mais les informations obtenues et/ou communiquées n’avaient porté préjudice à personne, contrairement à la situation jugée dans l’ATA/56/2019 du 22 janvier 2019.

De plus, compte tenu de la nature de ses manquements, des motifs à l’origine de ses comportements et de la futilité d’une grande partie des informations recueillies et/ou transmises, une appréciation globale et non motivée ne pouvait être admise.

Quant au principe de la proportionnalité, son travail n’avait jamais été critiqué et ses évaluations étaient excellentes. Il était donc difficile de faire abstraction de ses qualifications en indiquant qu’elles ne suffisaient pas à remettre en question la résiliation des rapports de service. Les informations concernées n’avaient nui à personne et n’avaient été utilisées qu’à des fins privées. Finalement, les conséquences de la résiliation des rapports de service équivalaient à une révocation et étaient gravissimes au regard de sa situation personnelle, une mesure moins incisive pouvant être prononcée. Elle considérait enfin que la sanction dont elle faisait l’objet n’était pas proportionnée à la faute commise.

En outre, elle a invoqué la violation du principe de l’égalité de traitement et a requis à ce propos la production de toutes les décisions en lien avec des violations de secret de fonction rendues par le département ces cinq dernières années. Elle trouvait douteux que des violations identiques à celle du 26 janvier 2024 aient été sanctionnées aussi sévèrement, compte tenu également de la quasi-absence d’arrêts rendus par la chambre administrative en lien avec une résiliation de rapport de service et une violation de secret de fonction.

b. Par décision du 26 mars 2024, la présidence de la chambre administrative a rejeté la requête de restitution de l’effet suspensif (ATA/437/2024).

c. Le 19 avril 2024, le département a conclu au rejet du recours.

La demande de production de l’ensemble des décisions en lien avec des violations du secret de fonction des cinq dernières années devait être rejetée, s’apparentant à une mesure exploratoire. La recourante ne soutenait pas qu’au sein du département, un cas similaire au sien serait intervenu, soit des faits reprochés multiples, étendus sur plusieurs années et qui concernaient tant la consultation à des fins privées de données confidentielles, que la violation du secret de fonction et l’instigation à la violation de secret de fonction. À sa connaissance, aucun cas similaire ne s’était présenté depuis sa création.

Concernant la violation du droit d’être entendu, les motifs l’ayant amené à prendre la décision querellée étaient parfaitement connus de la recourante, laquelle avait largement pu se déterminer à ce sujet. Il avait également pris en compte la procédure pénale, dont les faits constituaient l’objet même de la procédure administrative. La décision s’y référait expressément et renvoyait à l’entretien de service du 3 juillet 2023. La prise de conscience de la recourante avait également été prise en considération.

Enfin, les griefs de violation du principe de proportionnalité et de l’égalité de traitement devaient être écartés. Les données couvertes par le secret de fonction qu’elle avait consultées, sollicitées, transmises, à plusieurs reprises, étaient loin d’être futiles et concernaient des données délicates qui relevaient de la sphère privée d’administrés. La recourante ne pouvait d’ailleurs pas ignorer que le devoir de respecter son secret de fonction constituait un principe cardinal de la fonction publique. Elle connaissait parfaitement les conséquences possibles de ses agissements. De plus, la décision litigieuse ne constituait pas une sanction disciplinaire mais une mesure administrative visant à assurer le bon fonctionnement de l’administration cantonale. Le comportement de la recourante avait donc gravement et de manière répétée nui à la confiance que le public devait pouvoir accorder dans l’intégrité de l’administration et des membres de son personnel, en particulier en ce qui concernait la sphère privée des administrés. La rupture du lien de confiance avec l’employeur était alors consommée et la résiliation était dès lors une mesure adéquate et nécessaire pour préserver la confiance du public vis-à-vis de l’administration cantonale et assurer son bon fonctionnement. La décision tenait finalement compte de la prise de conscience de la recourante, ainsi que de son ancienneté, de ses bons états de service et de sa situation personnelle. L’intérêt privé de la recourante à conserver son emploi devait céder le pas à l’intérêt public visant à préserver la confiance du public vis-à-vis de l’administration cantonale et ses membres du personnel et à assurer le bon fonctionnement de celle-ci.

d. Par réplique du 30 avril 2024, la recourante a indiqué que la décision querellée ne démontrait pas en quoi la procédure pénale ainsi que sa prise de conscience avaient été examinées. L’intimé s’était contenté d’affirmer avoir tenu compte de la prise de conscience, de l’ancienneté, de ses bons états de service, de sa situation personnelle et des difficultés y relatives en cas de perte d’emploi, sans aucune explication ni argumentation. Cela ne lui permettait pas de comprendre comment ces divers éléments avaient été mesurés et examinés pour permettre au département de conclure à un intérêt public prépondérant.

En outre, la production des décisions rendues par le département les cinq dernières années relatives à une violation du secret de fonction avait pour but d’apprécier comment le département avait appliqué les différents cas de violation du secret de fonction.

e. Le 12 juin 2024, la chambre administrative a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

La recourante a reconnu les faits et s’en est excusée. Elle n’avait « pas trop de vision d’ensemble » et ne savait toujours pas vraiment ce qu’elle avait fait pour en arriver là. Il lui semblait avoir été déjà amplement punie sur le plan pénal. Le Ministère public avait d’ailleurs pris en compte sa prise de conscience. Elle avait travaillé toute sa vie à l’OCE et se retrouvait désormais sans emploi et avec un casier judiciaire. Le certificat de travail intermédiaire ne l’aidait pas non plus, car il y était mentionné qu’elle avait violé son secret de fonction. Elle était en arrêt maladie depuis début 2023 pour des causes somatiques. Elle souhaitait, à l’issue de la procédure, pouvoir réintégrer son poste de travail.

D’accord entre les parties, la cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience.

f. Les arguments des parties et la teneur des pièces de la procédure seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure utile au traitement du litige.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante a conclu préalablement à une comparution personnelle des parties ainsi qu’à la production de l’entier de son « dossier personnel et RH » et des décisions rendues par le département ces cinq dernières années en lien avec une violation du secret de fonction.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, il a été donné suite à la demande de la recourante s’agissant de la production de son dossier « personnel et RH », lequel comprend notamment les certificats d’incapacité de travail mentionnés lors de son recours. Une audience de comparution personnelle des parties a également eu lieu. S’agissant de la production des décisions rendues en lien avec une violation de secret de fonction, faute d’allégation relative à une inégalité concrète devant la loi, cette demande n’apparaît pas utile à la solution du litige. Elle concerne au surplus des décisions relatives à des tiers comprenant des données confidentielles, si bien que la recourante ne saurait se prévaloir d’un droit d’accès à ces données. Quoi qu’il en soit, chaque situation présente des circonstances particulières qui diffèrent de cas en cas et doit ainsi être appréciée à la lumière de ces circonstances. Il est donc difficile de soutenir que la production de ces décisions permettrait de déterminer si l’intimé a correctement appliqué et respecté le principe d'égalité de traitement dans des cas de violation de secret de fonction dont il a dû se saisir.

Partant, la demande de production de décisions rendues par le département en lien avec une violation du secret de fonction les cinq dernières années sera refusée, les autres demandes étant quant à elles devenues sans objet.

3.             La recourante se plaint également d’une violation de son droit d’être entendue sous l’angle du droit d’obtenir une décision motivée.

3.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. implique notamment, pour l’autorité, l’obligation de motiver sa décision, afin que, d’une part, le destinataire puisse la comprendre, l’attaquer utilement s’il y a lieu et, d’autre part, que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle. L’autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que la partie intéressée puisse se rendre compte de la portée de celle‑ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties mais peut se limiter aux questions décisives pour l’issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_278/2023 du 10 janvier 2024 consid. 5.1).

3.2 En l’espèce, la décision litigieuse renvoie aux faits tels que décrits lors de l’entretien de service du 3 juillet 2023. Ces faits sont, comme l’a rappelé la recourante lors de ses observations du 7 août 2023, identiques à ceux retenus par ordonnance pénale du 2 juin 2023. Compte tenu du renvoi audit entretien, la décision entreprise satisfait aux exigences de motivation au regard de la jurisprudence (ATA/1142/2024 du 1er octobre 2024 consid. 3 et les références citées). Ainsi, contrairement à ce qu’allègue la recourante, elle a pu se déterminer sur les différents reproches formulés à son encontre, tant dans ses notes du 7 août 2023 que dans ses courriers circonstanciés et sa comparution personnelle devant la chambre de céans. De plus, l’intimé a expliqué dans quelle mesure sa prise de conscience avait été prise en compte, dès lors qu’une procédure de reclassement avait été reconsidérée et finalement acceptée. En outre, dans sa décision du 26 janvier 2024, l’autorité intimée a exposé que bien qu’elle ait tenu compte de cette prise de conscience ainsi que des autres remarques de la recourante, celles-ci n’étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de la hiérarchie.

En ce qui concerne l’absence de mention de l’ordonnance pénale du 29 août 2023 par l’autorité intimée, celle-ci ne saurait être pertinente en l’espèce, dès lors qu’elle reprend à l’identique les faits décrits par l’ordonnance pénale du 2 juin 2023 eux-mêmes repris, comme l’a rappelé la recourante, lors de l’entretien de service du 3 juillet 2023, la seule différence entre les deux décisions étant la réduction de l’amende à titre de sanction immédiate au vu de la prise de conscience de la recourante.

Le grief de la violation du droit d’être entendue de la recourante sous l’angle du droit d’obtenir une décision motivée sera par conséquent écarté.

4.             La recourante conteste l’existence d’un motif fondé et invoque la violation du principe de la proportionnalité. Les conséquences de la résiliation des rapports de service s’apparenteraient à une révocation, soit une sanction disciplinaire.

4.1 En tant que membre du personnel administratif de l’administration cantonale, la recourante est soumise à la LPAC et à ses règlements d’application (art. 1 al. 1
let. a LPAC).

4.2 Les devoirs du personnel sont énumérés aux art. 20 et 21 RPAC. Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).

4.3 En application de l’art. 23A RPAC, le personnel de la fonction publique qui dispose de l'accès à un téléphone, à un poste de travail informatique, à Internet, à un compte de messagerie ou à tout autre outil de communication électronique mis à disposition par l'État doit utiliser ces ressources à des fins professionnelles (al. 1). Leur utilisation à titre privé n'est tolérée que si elle est minime en temps et en fréquence, qu'elle n'entraîne qu'une utilisation négligeable des ressources informatiques, qu'elle ne compromet ni n'entrave l'activité professionnelle ou celle du service, qu'elle ne relève pas d'une activité lucrative privée, et qu'elle n'est ni illicite, ni contraire à la bienséance ou à la décence (al. 2).

4.4 Les membres du personnel de la fonction publique sont soumis au secret de fonction pour toutes les informations dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions dans la mesure où la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) ne leur permet pas de les communiquer à autrui (art. 9A al. 1 LPAC). L’obligation de garder le secret subsiste après la cessation des rapports de service (art. 9A al. 2 LPAC).

Le secret au sens de l'art. 320 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui réprime la violation du secret de fonction, est un fait qui n'est connu que d'un nombre restreint de personnes, que le détenteur du secret veut maintenir secret et pour lequel il existe un intérêt au maintien du secret. L'infraction implique une notion matérielle du secret. Il n'est dès lors pas nécessaire que l'autorité concernée ait déclaré secret le fait en question. Est en revanche déterminant que ce fait n'ait ni été rendu public ni ne soit accessible sans difficulté et que le maître du secret ait non seulement un intérêt légitime, mais également la volonté manifestée expressément ou par actes concluants que ce secret soit maintenu (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_532/2017 du 28 février 2018 consid. 2.1).

4.5 À teneur de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé.

Il y a motif fondé au sens de l'art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : a) l'insuffisance des prestations ; b) l'inaptitude à remplir les exigences du poste ; c) la disparition durable d'un motif d'engagement.

L'élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC entrée en vigueur le 31 mai 2007, n'implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration. L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1219/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4c et les références citées). Il faut que le comportement de l'employé – dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers – perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1 et 4.2). La notion de motifs fondés doit être concrétisée, dans chaque situation, à la lumière des circonstances du cas d’espèce (ATA/1042/2024 du 3 septembre 2024 consid. 3.3).

Les justes motifs de résiliation ordinaire des rapports de service des fonctionnaires ou employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_667/2019 du 28 janvier 2021 consid. 6.2 et les arrêts cités ; 8C_638/2016 du 18 août 2017 consid. 4.2 et les références citées). Les conditions justifiant une résiliation ne se déterminent pas de façon abstraite ou générale, mais dépendent concrètement de la position et des responsabilités de l'intéressé, de la nature et de la durée des rapports de travail ainsi que du genre et de l'importance du manquement (ATF 142 III 579 consid. 4.2).

Le Tribunal fédéral retient qu’un fonctionnaire a l'obligation, pendant et en dehors de son travail, d'adopter un comportement qui inspire le respect et qui soit digne de confiance, et il doit s'abstenir de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l'État. En particulier, il doit s'abstenir de tout comportement de nature à entamer la confiance du public en l'intégrité de la fonction publique et des fonctionnaires ou à le rendre moins digne de confiance aux yeux de son employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l'attention (arrêts du Tribunal fédéral 8C_448/2019 du 20 novembre 2019 consid. 4.1 ; 8C_252/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.2).

4.6 D'après le Tribunal fédéral, l'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. En tant que les rapports de service relèvent du droit public, il doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.). Celui-ci exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

À titre d’exemple, la chambre administrative a confirmé, dans un arrêt ATA/71/2024 du 23 janvier 2024, une décision de licenciement pour juste motif basé sur la violation du secret de fonction par une aide-soignante, laquelle avait répondu aux questions d’un journaliste et tenu des propos graves à l’encontre de l’établissement pour lequel elle travaillait. Il a été retenu que la rupture de confiance entre l’employeur et la recourante empêchait la poursuite des rapports de service. L’employeur n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en ne procédant pas à une procédure de reclassement au vu des faits particulièrement graves, étant précisé cependant que la personne concernée travaillait depuis douze années au sein de l’établissement et n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire.

Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 143 I 403 consid. 5.6.3 ; 142 I 76 consid. 3.5.1)

4.7 Les dispositions s’appliquant aux fonctionnaires peuvent être de deux ordres lorsqu’un comportement leur est reproché, comme en l’espèce : soit l’intéressé fait l’objet d’une sanction disciplinaire en raison d’une violation fautive de ses devoirs de fonction et l’art. 16 LPAC est applicable, soit il est licencié pour motif fondé (art. 22 LPAC). Le licenciement pour motif fondé est indépendant de la faute du membre du personnel. En effet, la résiliation des rapports de service fondée sur cette disposition est une mesure administrative qui ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé, aux exigences relatives au bon fonctionnement de ce dernier (ATA/506/2022 du
17 mai 2022 ; ATA/294/2022 du 22 mars 2022).

Ces deux procédures doivent être distinguées. Lorsque l’autorité choisit la voie du licenciement ordinaire et non de la révocation disciplinaire, l’employé ne peut se plaindre d’une violation de son droit d’être entendu sur ce choix dans la mesure où le congé ordinaire a un impact moindre que la révocation disciplinaire, laquelle revêt l’aspect d’une peine et a un caractère infamant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015). Contrairement à la révocation, le licenciement ne vise pas à sanctionner un employé pour un comportement déterminé, mais à assurer le bon fonctionnement de l’administration (ATA/842/2021 du 24 août 2021).

4.8 Quant à la procédure de reclassement, celle-ci est réglée à l’art. 46A RPAC, qui prévoit que lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d’entretiens de service, un reclassement selon l’art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). En cas de refus, d’échec ou d’absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).

Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise. La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/1782/2019 du 10 décembre 2019 consid. 13e).

4.9 La jurisprudence pose le principe selon lequel l’autorité administrative est en principe liée par les constatations de fait d’un jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés. Si les faits retenus au pénal lient donc en principe l’autorité et le juge administratifs, il en va différemment des questions de droit et de l’appréciation juridique à laquelle s’est livrée le juge pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 7f et les références citées).

Lorsque les faits reprochés à un membre du personnel peuvent faire l’objet d’une sanction civile ou pénale, l’autorité disciplinaire administrative applique, dans les meilleurs délais, les dispositions des art. 16 (sanctions disciplinaires), 21 (résiliation des rapports de service) et 27 (enquête administrative) LPAC.

4.10 En l’espèce, la recourante ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés, soit les multiples violations de secret de fonction pour lesquelles elle a été condamnée par ordonnance pénale du 29 août 2023 et dont l’état de fait lie la chambre administrative. Elle considère cependant le licenciement pour motif fondé comme disproportionné au vu de sa prise de conscience, de son ancienneté, de ses bons états de service et de sa situation personnelle. Selon la recourante, une mesure moins incisive aurait dû être privilégiée.

Les faits en cause, reconnus par la recourante, sont particulièrement graves et à même de rompre le lien de confiance entre l’intéressée et son employeur, que cela soit en raison du contenu des informations transmises, de la répétition des agissements de la recourante ou de la durée de ceux-ci. Cette appréciation se justifie d’autant plus que contrairement à ce qu’elle allègue, elle connaissait, lors de ses agissements illicites, la gravité de ces derniers et les conséquences qui pouvaient en découler. En effet, elle avait confirmé, par sa signature, en 1996 et 2009, avoir pris connaissance de la confidentialité des données qu’elle traitait ainsi que des conséquences d’une violation du secret de fonction, qu’elles soient administratives ou pénales. La recourante ne saurait prétendre ne pas s’être rendue compte que ses agissements pouvaient entraîner un licenciement dès lors que J______ lui avait fait part de ses inquiétudes, en lui indiquant notamment « Si elle [s]ort de chez toi je suis morte et toi aussi ». La recourante a en outre expliqué à P______ : « Par contre la photo que je t’ai envoyée ce n’est pas moi car je peux me faire virer !!!! ». Elle savait risquer un licenciement si sa hiérarchie venait à apprendre son comportement illicite. Elle n’a pourtant pas hésité, sans égard pour la sphère privée des personnes concernées, à transmettre à des tiers leurs données strictement confidentielles.

En agissant ainsi, la recourante a accepté le risque de subir de telles conséquences. Que les informations transmises eussent été utilisées à des fins privées ne rend pas les violations moins graves. De plus, la chambre administrative ne peut suivre son argument selon lequel une grande partie des informations recueillies et/ou transmises, telles que le lieu de domicile et la situation professionnelle, doivent être considérées comme « futiles » (cf. n. 38 p. 15 du recours). Cela suggère que la recourante n’a, à ce jour, toujours pas totalement pris conscience de son comportement illicite.

Son licenciement est ainsi apte à assurer le secret de données confidentielles de justiciables et à préserver la confiance de ces derniers dans la fonction publique. Il est également nécessaire, aucune mesure moins incisive n’étant de nature à garantir les intérêts publics concernés. Il respecte finalement le sous-principe de la proportionnalité au sens étroit. En effet, si l’intérêt privé de la recourante à conserver son emploi est important, il doit céder le pas à l’intérêt public primordial de la confidentialité des informations privées en possession de l’administration. Au vu de la jurisprudence précitée, de la répétition des actes, pendant plusieurs années et de la gravité des fautes de l’intéressée, du fait qu’il s’agit d’un licenciement ordinaire et du caractère aisément reconnaissable de l’inadéquation du comportement adopté, le principe de la proportionnalité est par conséquent respecté.

Quant à l’argument selon lequel les conséquences du licenciement s’apparenteraient à une révocation, on ne voit pas ce que la recourante pourrait en tirer quand bien même il serait avéré. En effet, il ressort clairement du dossier que la résiliation des rapports de service prononcée à l’encontre de la recourante ne relève pas d’une sanction disciplinaire mais d’une mesure administrative. L’autorité intimée a d’ailleurs dûment informé la recourante, que ce soit lors de l’entretien de service du 3 juillet 2023, la décision d’ouverture de la procédure de reclassement du 8 septembre 2023 ou la décision du 26 janvier 2024, que les éléments qui lui étaient reprochés étaient constitutifs d’un motif fondé de résiliation des rapports de service, à savoir une insuffisance de prestations (art. 22 let. a LPAC). Le département ne recherche ainsi pas à punir la recourante mais à permettre le bon fonctionnement de l’administration cantonale, étant rappelé que selon la jurisprudence, l’employeur public est en principe libre, en cas de manquements aux devoirs de la charge, de choisir la voie de la résiliation ordinaire plutôt que celle de la révocation, ce qui est du reste aussi favorable à l’agent public dès lors que la résiliation ordinaire est moins stigmatisante.

Quant à la procédure de reclassement, qui concrétise aussi le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.3.3), elle apparaît avoir été effectuée de manière conforme au droit, compte tenu des circonstances. La décision de refus de la prolongation de ladite procédure par l’intimé n’a de plus pas été contestée par la recourante qui déclare, lors de son courrier du 10 novembre 2023, en avoir pris note. En outre, les attestations médicales produites ne démontrent pas en quoi les causes somatiques auraient empêché la recourante d’effectuer activement des recherches d’emploi.

5.             La recourante soulève enfin le grief de violation du principe de l’égalité de traitement.

5.1 Aux termes de l’art. 8 al. 1 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Une décision ou un arrêté viole cette garantie lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l’État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.5.1).

La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst., si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. Il ne suffit toutefois pas qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable. Pour qu’une décision soit annulée, elle doit se révéler arbitraire non seulement dans ses motifs, mais également dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; 138 I 49 consid. 7.1). Selon le Tribunal fédéral, l’inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 129 I 1 consid. 3 ; 127 I 185 consid. 5 ; 125 I 1 consid. 2b.aa).

5.2 En l’espèce, la recourante ne porte pas à la connaissance de la chambre de céans des exemples de fonctionnaires occupant la même fonction qu’elle, qui auraient, par des actes s’approchant de ceux qui lui sont reprochés, violé, à plusieurs reprises, leur secret de fonction, justifiant le prononcé d’une condamnation pénale similaire mais à l’égard desquels l’intimé aurait fait part de plus d’indulgence.

Elle n’a par ailleurs pas démontré l’existence d’une pratique illégale du département en matière de résiliation ordinaire des rapports de service.

Elle échoue en conséquence à prouver que l’autorité intimée aurait violé le principe de l’égalité de traitement et son grief sera dès lors écarté.

La recourante ne soulève – à raison – pas de grief relatif au certificat de travail intermédiaire, bien que contesté au cours de la procédure de reclassement, de sorte que la chambre administrative considèrera, que celui-ci ne fait plus l’objet du litige.

Au vu des considérants qui précèdent, il n’y a pas lieu d’examiner les conclusions de la recourante tendant à sa réintégration.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- tenant compte de la décision sur effet suspensif ainsi que de l’audience, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera octroyée
(art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à
CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 février 2024 par A______ contre la décision du département de l'économie et de l'emploi du 26 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vincent SPIRA, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'économie et de l'emploi.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le  la greffière :