Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1129/2024 du 25.09.2024 ( FPUBL ) , REFUSE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2775/2024-FPUBL ATA/1129/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 25 septembre 2024 sur effet suspensif |
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dans la cause
A______, recourante
représentée par le Syndicat interprofessionnel de travailleuses
et travailleurs (SIT), soit pour lui Sarah GAJARDO, mandataire
contre
ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L'INTÉGRATION (EPI) intimés
représentés par Me Romain JORDAN, avocat
A. a. A______ a été engagée par les Établissements publics pour l'intégration (ci-après : EPI) en qualité d’aide-soignante veilleuse, occupée à 75%, à compter du 1er août 2016 pour une période maximale de trois mois.
b. Le 12 janvier 2017, l’intéressée a été engagé au taux de 25% dès le 1er février 2017 pour une durée indéterminée. Son taux d’activité a été augmenté à 50% dès le 1er juillet 2017.
c. A______ a été nommée le 1er juillet 2020. À compter de cette date, elle a exercé la fonction de veilleuse de nuit dans le cadre d’un poste d’assistante en soins et accompagnement (ci-après : ASA).
d. Depuis le 8 février 2021, elle a été en incapacité de travail sur plusieurs périodes pour cause de maladie.
e. À compter du 1er septembre 2022, des démarches de détection précoce ont été initiées par l’employeur auprès de l’assurance-invalidité.
B. a. Le 30 mai 2024, les EPI ont informé l’intéressée qu’ils envisageaient de résilier les rapports de service. Depuis le 8 février 2021, elle totalisait 391 jours d’absence. Tant la médecin du travail que la médecin-conseil des EPI avaient confirmé une inaptitude définitive à reprendre son activité professionnelle pour raison médicale concernant le travail de nuit.
b. Le 19 juin 2024, A______ a produit un certificat médical de sa psychiatre daté du 27 février 2024, attestant d’une reprise à 100% dès le 1er mars 2024. Ainsi l’inaptitude au travail n’était que temporaire. Elle était donc apte à travailler et se tenait à disposition de son employeur. L’art. 26 al. 3 de loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) n’avait au demeurant pas été respecté s’agissant de l’examen requis du médecin-conseil. Elle demandait ainsi que son aptitude au travail soit évaluée par un autre médecin du service de santé du personnel de l’État et sollicitait un reclassement sur un poste de jour.
c. Par décision du 26 juin 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, les EPI ont mis fin aux rapports de service avec effet au 30 septembre 2024. Les conditions de l’art. 26 LPAC étaient réalisées dans la mesure où ils ne disposaient pas de poste de jour pour la fonction d’ASA. La caisse de prévoyance de l’État de Genève
(ci-après : CPEG) lui avait répondu par courrier du 25 mars 2024 qu’elle ne souhaitait pas participer au processus d’établissement de l’examen médical approfondi, au motif qu’il n’existait pas de demande de prestations d’invalidité concernant l’intéressée.
C. a. Par acte déposé le 28 août 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours ainsi qu'à ce que soient entrepris divers actes d'instruction, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, à ce que sa réintégration soit ordonnée.
S'agissant de sa demande de restitution de l'effet suspensif, la décision entreprise la privait de tout revenu et de toute protection sociale et d’assurances à compter du 1er octobre 2024. Elle se voyait contrainte de quitter son poste après huit ans de bons et loyaux services, alors même que le litige était pendant. Les chances de succès du recours étant manifestes, son intérêt privé l’emportait sur l’intérêt public des intimés.
b. Le 9 septembre 2024, les EPI ont conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif au recours.
Les mesures provisionnelles ne sauraient anticiper, même partiellement, le jugement au fond. Au demeurant, au vu de la modification récente de l’art. 31 al. 3 LPAC, même en cas d’admission du recours, la chambre administrative ne pourrait ordonner sa réintégration, mais uniquement la proposer. La restitution de l’effet suspensif irait dès lors au-delà des compétences de la chambre de céans sur le fond, de sorte qu’elle ne pouvait l’ordonner. La recourante n’étayait au demeurant pas le préjudice financier subi et ne fournissait aucune précision quant à sa situation financière. Enfin, les chances de succès du recours n’étaient pas à ce point manifestes qu’elles justifiaient la restitution de l’effet suspensif.
c. Le 16 septembre 2024, la recourante a persisté dans ses déterminations sur effet suspensif.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.
1. Le recours apparaît prima facie recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).
2.1 Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).
Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024 ; ATA/25/2024 du 9 janvier 2024 consid. 4).
Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, p. 265).
L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).
2.2 Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).
2.3 Les relations entre les EPI et son personnel sont régies par la LPAC et
l’art. 43 al. 1 de la loi sur l’intégration des personnes handicapées du 16 mai 2003 (LIPH - K 1 36). Selon l’art. 26 al. 1 LPAC, le conseil d'administration peut mettre fin aux rapports de service lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure, pour des raisons de santé ou d'invalidité, de remplir les devoirs de sa fonction. Il ne peut être mis fin aux rapports de service que s'il s'est avéré impossible de reclasser l'intéressé dans l'administration, au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire ou dans l'établissement (al. 2). L'incapacité de remplir les devoirs de service, à moins qu'elle ne soit reconnue d'un commun accord par le Conseil d'Etat, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration, la caisse de prévoyance et l'intéressé, doit être constatée à la suite d'un examen médical approfondi pratiqué par le médecin-conseil de l'État, du pouvoir judiciaire ou de l'établissement en collaboration avec le médecin de la caisse de prévoyance et le ou les médecins traitants (al. 3).
À teneur de l’art. 5 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), le membre du personnel doit jouir d’un état de santé lui permettant de remplir les devoirs de sa fonction (al. 1). Il peut en tout temps être soumis à un examen médical pratiqué sous la responsabilité du service de santé du personnel de l’État (al. 2). Suite à un examen médical, le médecin-conseil remet à l’intéressé, à l’office du personnel, au chef de service intéressé ainsi qu’à la caisse de prévoyance, une attestation d’aptitude, d’aptitude sous conditions ou d’inaptitude à occuper la fonction. Il précise les contre-indications qui justifient son attestation. Selon l'art. 54 al. 3 RPAC, lorsqu'une absence a dépassé 45 jours ininterrompus pour des raisons médicales, la hiérarchie signale le cas au médecin-conseil de l'État. Ce dernier peut prendre contact avec le médecin traitant du membre du personnel et décide de toutes mesures pour respecter tant la mission du médecin traitant que l'intérêt de l'État. Le médecin-conseil de l'État établit une attestation d'aptitude, d'aptitude sous conditions ou d'inaptitude à occuper la fonction. Il précise les contre-indications qui justifient son attestation.
Selon l’art. 31 al. 3 LPAC, entré en vigueur le 11 mai 2024, si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé ou est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration.
2.4 En l'espèce, vu la modification récente – mais néanmoins entrée en vigueur avant le prononcé de la décision attaquée – de l'art. 31 al. 3 LPAC, même en cas d'admission du recours, la chambre de céans ne pourrait de prime abord ordonner la réintégration de la recourante, mais uniquement la proposer ; partant, la restitution de l'effet suspensif, qui aurait pour effet de réintégrer la recourante pendant la durée de la procédure, irait au-delà des compétences de la chambre administrative sur le fond, de sorte qu'elle ne peut l'ordonner (ATA/1135/2022 du 8 novembre 2022 consid. 9 ; ATA/981/2021 du 21 septembre 2021).
De plus, de jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées). Ce qui précède vaut d'autant plus en l'espèce que la recourante ne fournit aucune précision quant à sa situation financière.
Enfin, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif. L’inaptitude de la recourante à exercer un travail de nuit résulte a priori des rapports médicaux de la médecin du travail et de la médecin-conseil des intimés. Par ailleurs, et sans préjudice de l’examen au fond, il ressort de la décision entreprise que la CPEG ne souhaitait pas participer au processus d’établissement de l’examen final approfondi au motif qu’il n’existait pas de demande de prestations d’invalidité. Or, dans une situation semblable, la chambre administrative a eu l’occasion de relever que l’art. 26 al. 3 LPAC était respecté quand bien même le médecin-conseil de la CPEG n’avait pas émis de préavis (ATA/950/203 du 5 septembre 2023 consid. 7). Quant à la procédure de reclassement, il ressort de la décision entreprise que les intimés ne disposaient pas de poste de jour pour la fonction d’ASA, si bien qu’ils n’étaient pas tenus de reclasser la recourante. Or, à ce stade de l’examen et sous l’angle de la vraisemblance applicable aux mesures provisionnelles, les éléments au dossier ne permettent pas de retenir que ce raisonnement serait manifestement infondé.
Au vu de ce qui précède, la requête de restitution dudit effet sera rejetée.
Il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;
- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique le présent arrêt au Syndicat interprofessionnel de travailleuses
et travailleurs (SIT), soit pour lui Sarah GAJARDO, mandataire de la recourante ainsi qu'à Me Romain Jordan, avocat des Établissements publics pour l'intégration.
La vice-présidente :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN
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Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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